par Hashtable.
En France, pendant que les médias persistent à s’inquiéter de la virilité ou non des barbecues, la crise énergétique enfle doucement. Cet hiver, les Français pourraient passer brutalement des coupures de presse aux coupures de courant. Alors oui, certes, la situation est grave mais pas désespérée et comme en 1974 où, à la suite du choc pétrolier, les Français découvraient qu’à défaut de pétrole, ils avaient des idées notamment nucléaires, il en ira de même en 2022 où les Français n’ont toujours pas de pétrole et plus d’idées nucléaires mais au moins ont-ils un service fiscal à la pointe du progrès.
À l’évocation des efficaces services de notre Trésor Public, on peut déjà entendre un soupir de décontraction parcourir tout le bon peuple qui sait déjà que tout va bien se passer.
Et c’est bien normal. Jugez plutôt : par le truchement d’un autre service de l’État français triomphant, l’Institut Géographique National, et l’utilisation aussi habile que mesurée de contractants privés, les services fiscaux vont enfin pouvoir détecter toutes les piscines que les contribuables auraient oublié de déclarer, petits coquins facétieux qu’ils sont parfois.
Il apparaît en effet que la détection des piscines non déclarées par intelligence artificielle va être généralisée : la direction générale des Finances publiques a ainsi récemment annoncé que son dispositif, utilisant l’intelligence artificielle non pas des agents du ministère mais bien du cloud de Google, avait permis de repérer des milliers de piscines jusqu’à présent non déclarées par leurs propriétaires, et que l’application des nécessaires redressements et autres amendes fiscales avait permis de récolter environ 10 millions d’euros sur les dix départements où la détection avait été menée.
Que voilà une expérience concluante ! Un million d’euros récupéré par département, c’est une belle affaire et pour un prix modique puisque l’ensemble du projet qui a permis de réaliser cette prouesse n’a coûté que 24 millions d’euros sur la période 2021-2023 (et ne coûtera absolument rien après, c’est aussi évident que certain). Or, si l’on étend aux 100 départements français – ce qui est justement le projet du Trésor Public et qui a motivé son annonce à toute la presse – on peut extrapoler jusqu’à 100 millions d’euros ainsi récoltés dans cette moisson inespérée propulsée par les photos aériennes de l’Institut géographique d’un côté et les neurones artificiels de Google et de l’Administration de l’autre.
Voilà qui va fièrement permettre de rembourser la dette française qui n’est que 25 000 fois plus large ! À raison de la découverte de trois ou quatre piscines par Français, ça devrait le faire.
D’autant que, comme l’explique notre Trésor adoré, le procédé actuellement en fin de rodage sera joyeusement étendu à d’autres formes de « bâti non déclaré » comme des dépendances, des vérandas ou de grands abris de jardin par exemple. Le petit contribuable fraudeur qui tentait de dissimuler l’existence de sa luxueuse cabane à râteaux va prendre cher et c’est bien fait pour lui.
Ce succès, soyons-en sûr, réjouira tout bon Français qui paye fièrement son écot la main sur le cœur en pensant à toutes les routes, tous les hôpitaux et leurs personnels soignants, toutes les écoles et leurs nombreux professeurs que nous allons pouvoir ainsi payer copieusement. Mais si.
Malgré tout, on pourra cependant s’interroger sur certains articles de presse qui, en avril dernier, rapportaient les déboires de ce même système : jusqu’à 30% d’erreurs étaient enregistrées. Des piscines qui n’en sont pas, des routes, des bâches qui aboutissent à des surtaxes fiscales, voilà qui relativise un peu le succès.
Bien sûr, on doit supposer que, depuis avril, les réglages des carbus RBF et des culbuteurs MLP des petits réseaux neuronaux de la belle mécanique googlo-photographique ont permis d’optimiser tout ça pour obtenir un bien meilleur résultat et éliminer des surtaxations foncières les piscines gonflables et les grands draps bleus en cours de séchage. Gageons cependant qu’on n’est pas encore au bout de nos surprises ; après tout, ce n’est pas exactement le premier outil informatique que l’État met en place même si on doit reconnaître qu’il procède toujours avec beaucoup plus de soins (et obtient plus de succès) lorsqu’il s’agit d’encaisser des thunes que de les décaisser (les militaires auront une pensée émue pour Louvois et les usagés de la SNCF serreront les dents).
On ne saura cependant s’épargner de noter la diligence avec laquelle l’État socialiste met en place les outils les plus performants possibles, quitte du reste à contracter avec des cabinets de conseils américains puisque c’est Accenture qui a aidé le fisc dans ce projet, lorsqu’il s’agit de ponctionner et taxer les contribuables réticents et par ailleurs ponctionnés comme jamais dans l’Histoire du pays, alors que ce même État socialiste semble fort en peine dès qu’il s’agit de libérer les forces créatrices et entrepreneuriales du pays, ou, plus simplement encore, ne pas entraver la marche des compagnies qui y prospèraient jadis.
Le contraste est en effet particulièrement fort lorsqu’on juxtapose les gesticulations parfaitement pathétiques de notre gouvernement pour nous expliquer que les prochaines pénuries énergétiques sont aussi imprévisibles qu’insurmontables sans un sacrifice collectif poussé, et la méticulosité achevée qui entoure la collecte, la ponction et la taxation de tout ce qui bouge dans le pays.
En pratique, le seul domaine où nos administrations et tout l’appareil d’État peuvent se targuer d’une authentique réussite est celui de la succion : celle de l’argent des autres, des bonnes volontés et de l’énergie de tous, avec en surcroît le constat que ceci s’opère au détriment de tous. Des centaines de milliards d’euros sont ainsi succés partout, tous les ans, sans que le Français en voie la couleur : la misère et la pauvreté augmentent, le pays dégringole dans tous les classements et se tiermondise à vue d’œil, mais au moins le fisc peut se targuer d’être entré dans le XXIe siècle avec brio.
Voyons cependant le bon côté de l’opération : s’il est fort douteux que l’argent ainsi récolté permettra d’améliorer quelque peu la qualité des services publics français, au moins pourra-t-il abonder le budget nécessaire aux paiements du nouveau contrat avec McKinsey. C’est toujours ça.
source : Hashtable
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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