Quelle rentrée scolaire nous vivons ! Et je pense qu’on n’a hélas pas fini d’avoir de mauvaises surprises. Voyez plutôt : on a eu, et on a peut-être encore, des problèmes de transport scolaire et de ventilation des classes.
L’inflation met plus que jamais en évidence le fait que les fournitures scolaires et le matériel exigés par l’école posent aux familles plus pauvres, avec celui du déjeuner, un défi que les autres ne connaissent pas.
La pandémie — et l’école à distance qu’elle a imposée — fait déjà, et continuera de faire, sentir ses effets. Les recherches menées un peu partout dans le monde à ce sujet ne laissent pas de doute : il y aura des retards scolaires, parfois importants, et les combler sera un grand défi des années à venir. En fait, on le constate déjà chez nous, comme on constate déjà la hausse du décrochage et des échecs scolaires et la baisse des inscriptions au cégep.
En plus de tout cela, il y a la pénurie d’enseignants, dont on parle et on s’inquiète de plus en plus, avec raison. Je la décrivais en ces pages comme un drame national. Je persiste et signe.
Un véritable drame
Je soupçonne, avec d’autres, qu’on n’a pas, au moment où j’écris, de données complètes et fidèles sur la pénurie d’enseignants. Mais elle est bien là. Elle est aussi, il faut le rappeler, présente dans de nombreux pays.
Ce drame — qui touche de nombreux métiers et professions, il faut aussi le dire — a de nombreuses causes, à n’en pas douter.
Pour ne nous en tenir qu’à chez nous, il faudrait, parmi ces causes, nommer les réelles difficultés d’exercer ce métier, qui le rendent moins attractif aux yeux des plus jeunes et qui contribuent à causer cette terrible désertion professionnelle qui l’afflige et qui fait qu’un très grand nombre d’enseignants, diplômés et en exercice, quittent la profession.
Parmi les raisons qui motivent ces départs, il y a sans doute les salaires, qu’on vient justement de bonifier ; le manque de ressources professionnelles (orthopédagogues, psychologues, etc.) pour assurer l’intégration des élèves en difficulté en classes normales ; la place faite au privé subventionné, avec ses effets sur le secteur public ; et certainement bien d’autres.
Mais devant ce drame, on ne peut s’empêcher de se demander si quelque chose ne va pas en ce qui concerne la formation donnée aux enseignants par nos facultés d’éducation.
Je suggère de prendre au sérieux cette hypothèse et de lancer deux chantiers.
En évaluation
Le premier porterait justement sur la formation donnée aux futurs enseignants.
Imaginez qu’un groupe de chercheurs indépendants interroge des gens qui ont entrepris, mais non fini leur formation ; d’autres qui l’ont finie et qui enseignent ; d’autres encore qui l’ont finie, mais qui ont choisi de ne pas enseigner ou qui ont quitté le métier après quelques années.
Imaginez qu’ils parviennent — ce ne sera pas difficile — à un vaste consensus sur des choses établies par la recherche et éprouvées qu’on devrait apprendre aux futurs enseignants et enseignantes ; sur des choses indéniablement fausses, qui circulent pourtant, et dont on devrait les informer et leur apprendre à se tenir à l’écart ; sur des éléments de culture scientifique permettant de lire et d’évaluer des recherches ; sur des éléments importants de l’histoire de l’éducation et de la pédagogie ; sur des idées, concepts et théories de philosophie de l’éducation.
À chacun de ces groupes, on demanderait leur perception de la formation reçue. Mais on leur poserait aussi des questions précises dont les réponses nous apprendraient des choses cruciales sur cette formation. Par exemple : vous a-t-on parlé des différents styles d’apprentissage, du cerveau gauche et du cerveau droit — avertissement : ce sont des légendes pédagogiques —, et si oui, que vous en a-t-on dit ?
D’autres exemples de questions à poser : savez-vous, parmi les choses que doit connaître toute personne qui enseigne, ce qu’est et ce qu’implique le fameux « sept plus ou moins deux » ? Vous a-t-on parlé de soutien au comportement positif ? Que vous en a-t-on dit ? Qui surnommait-on Ziggy ? Que savez-vous de l’instrumentalisme ? Vous a-t-on expliqué la pensée de Platon, de Rousseau, de Dewey ? Parlez-m’en ! Savez-vous comment on fait une méta-analyse ? Ce qu’est une recherche avec groupe de contrôle ? Un test d’hypothèse ?
Une telle recherche pourrait contribuer à donner raison ou à faire taire les personnes qui critiquent la formation des enseignants dans sa forme actuelle et qui demandent depuis longtemps qu’on la confie à un institut national, qui prendrait notamment appui sur les données probantes et sur une haute idée de la culture.
Mon deuxième chantier mettrait justement ces personnes au défi. On leur demanderait d’abord de former, en un an, 100 enseignants du secondaire. Cela se faisait autrefois, avant qu’on abolisse un certificat grâce auquel des diplômés dans une matière enseignée au secondaire accédaient à la profession en un an. Il aurait fallu le parfaire et non l’éliminer.
On les mettrait aussi au défi — et cela est plus difficile et serait plus révélateur — de former 100 enseignants pour le primaire. Vaste programme.
Ensuite ? Vous avez deviné : on ferait avec ces enseignants le même suivi qu’avec les autres. Finissent-ils leur formation ? Comment l’ont-ils trouvée ? Quelles réponses donnent-ils aux questions précédentes ? Vont-ils enseigner ? Restent-ils dans le métier ?
Si je pouvais lancer ces deux chantiers, je le ferais de toute urgence. Et je serais très heureux de découvrir ce qu’ils nous apprendraient. Cela nous aiderait à décider si les tenants d’un institut national de formation des enseignants ont raison.
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