L’auteur est corédacteur du Plan de la DUC. GMob (GroupMobilisation)
Le 26 août prochain, Laval et Longueuil tiendront un sommet sur l’habitation. Le site WEB de l’événement [i] semble indiquer qu’on y parlera beaucoup d’économie, d’abordabilité, de fiscalité, de coûts. Pourtant, ce qui devrait guider ce sommet, c’est comment habiter la planète sans nuire, et encore plus à l’heure de l’urgence climatique.
Le bâti, qu’il soit habitable, pour le travail ou les services, doit désormais être envisagé à l’aune de la catastrophe climatique en cours, et non en fonction de lobbys de développeurs ou de futurs revenus municipaux. Cette planification vers l’avenir a des conséquences sur le code du bâtiment, la façon de construire nos bâtiments et d’y utiliser l’énergie, sur une nécessaire densification pour contrer l’étalement urbain, sur la mobilité et sur les transports, sur l’aménagement urbain et du territoire, la protection des milieux humides, etc., toutes des questions ayant aussi un impact économique, mais dont on semble moins se soucier parce qu’elles nécessitent de se projeter dans l’avenir.
Le pragmatisme climatique
D’ici une semaine, nous serons aussi en campagne électorale au Québec, et encore une fois, les enjeux climatiques risquent pour l’essentiel de passer sous le radar. Et pour cause : le « pragmatisme » climatique dont se réclame le gouvernement Legault depuis son élection, s’oppose totalement à la définition qu’en donne le dictionnaire: « Pragmatisme : Qui privilégie l’observation des faits par rapport à la théorie ».
C’est son faux pragmatisme climatique qui lui permet de présenter un plan de réduction de gaz à effet de serre (GES) qui n’atteint pas la moitié de ses propres cibles déjà insuffisantes, tout en affirmant qu’il est impossible de les augmenter, que le 3e lien est une absolue nécessité, qu’il est un « frein à l’étalement urbain », qu’on doit calculer le nombre de ponts par million d’habitants, etc.
Ce « pragmatisme climatique » n’a pas débuté avec la CAQ. Il existait déjà il y a cinquante ans, quand le rapport «Limites à la croissance (dans un monde fini)», mieux connu comme « Rapport Meadows », est paru : on s’est vite empressé de contourner les faits qui y étaient rapportés pour s’opposer à ce que l’on devait faire en conséquence.
De la même façon, quand James Hansen, climatologue de la NASA, exposa en 1988 devant le Sénat américain que le réchauffement de la planète est une réalité, et que les actions de l’homme en sont responsables, les Nations unies et l’Organisation météorologique mondiale mirent sur pied le GIEC, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, accompagné de rencontres internationales (COP). Or, dans la Convention-cadre [ii] régissant les COP, l’article 3, alinéa 5, énonce qu’« il convient d’éviter que les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques, y compris les mesures unilatérales, constituent un moyen d’imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce. » En d’autres mots : on a inscrit dans la règle de départ qu’on n’a pas le droit de s’attaquer aux causes du problème. Le pragmatisme caquiste à son meilleur !
Ce « pragmatisme climatique » est aussi symptomatique de la façon dont nos dirigeant.e.s analysent les risques reliés au réchauffement planétaire. Depuis déjà plusieurs années, chaque rapport du GIEC leur présente au moins cinq scénarios climatiques, du meilleur au pire. Chaque nouveau rapport vient confirmer que c’est la pire possibilité qui ne cesse de se corroborer, et les événements extrêmes autour du monde se collent à cette option, allant jusqu’à devancer le calendrier des prévisions, ce qui a fait dire au climatologue et ancien VP du GIEC, Martin Beniston, l’été dernier sur RTS [iii], que le dôme de chaleur en Colombie-Britannique à 49,5 °C faisait partie il y a une dizaine d’années des pires scénarios du GIEC, mais il était prévu… pour la deuxième moitié du XXIe siècle ! Nous n’en avons pas encore franchi le quart ! Et il y a quelques mois, au printemps, c’était au tour de l’Inde et du Pakistan de souffrir de températures de 50 °C, et jusqu’à 60 °C.
Quand se rendra-t-on à l’évidence que la gestion de risque en matière climatique n’a rien en commun avec la façon de faire en d’autres circonstances, parce que si nous nous trompons, nous n’aurons pas de 2e chance ?
Avons-nous la mémoire si courte pour ne pas nous rappeler le derecho du 21 mai dernier, cet événement météorologique hors du commun ? Cette tempête de vents violents, de tornades et de grêle nous a frappés sur plus de 1500 km du sud de l’Ontario jusqu’au Québec, avec des arbres arrachés, tombés sur les maisons ou les autos, les lignes électriques coupées, etc. Sophie Brochu, PDG d’Hydro-Québec, a dit que c’était le pire désastre depuis le verglas.
Malgré tous ces faits et confirmations plus hâtives des pires prévisions, le gouvernement Legault s’entête dans son « pragmatisme climatique ».
Et les oppositions officielles, quel que soit leur rang d’intervention, n’en font au mieux qu’un enjeu parmi d’autres.
Un espoir : les maires et mairesses du Québec
Michel C. Auger titrait sa collaboration à La Presse le 15 mai dernier [iv] : « Les maires du Québec : la prochaine opposition ? », où il remarquait avec justesse l’arrivée aux dernières élections municipales d’une nouvelle génération de maires et mairesses plus préoccupé.e.s d’environnement et de réchauffement climatique, et conséquemment plus enclin.e.s. à s’opposer au pragmatisme climatique de la CAQ pour des raisons réellement pragmatiques : ce sont elles et eux qui, sur le terrain, voient leurs populations écoper déjà des impacts des non-décisions des gouvernements supérieurs, et doivent en assumer les conséquences.
La campagne électorale qui va débuter sera sans doute la dernière qui pourra encore nier l’urgence climatique. À la prochaine, en 2026, la catastrophe climatique aura produit tellement de dégâts dans tous les domaines qu’on ne pourra les éviter.
Le problème, c’est que rendu là, les coûts que cela exigera seront si élevés qu’ils entraîneront d’autres impacts, un effet domino, multipliant les répercussions à tous les niveaux sur la population. Plus on retarde à s’occuper du toit qui coule, plus les réparations à faire risquent de s’étendre à toute la maison, jusqu’à devenir impossibles.
Les mairesses et maires de nos municipalités seront-ils et elles le seul espoir qui nous reste d’échapper au pire?
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal