Fille du théoricien politique russe Alexandre Douguine et experte en questions internationales, Daria Douguine a été tuée samedi 20 août 2022 dans un attentat à la voiture piégée à une quarantaine de kilomètres de Moscou. E&R lui rend hommage.
Hommage d’Égalité & Réconciliation à Daria Douguine,
au nom de tous les militants et adhérents d’E&R
À réécouter, Daria Douguine sur ERFM :
La Libre Antenne #27 – La guerre au Donbass (avec Daria Douguine et Laurent Brayard) (8 juillet 2022)
La Libre Antenne #26 – L’opération spéciale en Ukraine vue de Russie (avec Daria Douguine et Philippe, entrepreneur installé en Russie) (30 juin 2022)
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Que Dieu te garde, Dasha :
un texte de Ian Purdom (directeur et animateur d’ERFM)
Dasha,
Je me souviens de notre première rencontre au café Pushkin de Moscou, tu étais déjà cette jeune femme si volontaire et radicale, tu parlais un français parfait avec ce petit accent si charmant, tu connaissais tout de la politique française, de ses courants nationalistes et plus particulièrement d’Égalité & Réconciliation dont tu me disais que tu avais fréquenté la section locale à Bordeaux lors de tes études en France. Déjà tu avais les idées claires sur l’ennemi, le globalisme, et des idées plein la tête sur la façon de le combattre en Russie comme en France. Je fus impressionné. C’était l’un de mes premiers voyages à Moscou, capitale de cette grande Russie qui tient tête à l’Empire, la tête pleine d’idées révolutionnaires teintées de romantisme, je voyais Moscou comme l’endroit où il fallait être. Ce jour-là, tu confortas tous mes espoirs. En rentrant chez moi après avoir longé la rue Tverskaia, j’arrivais sur la place Rouge, si vide et si blanche… Je fredonnai machinalement la chanson de Bécaud.
Depuis ce jour notre collaboration ne fit que croître avec pour paroxysme la venue d’Alain Soral à Moscou en 2016 qui fût un incroyable succès. Nous te le devons en partie. Et ce voyage nous permit de mesurer à quel point tu étais au centre d’une intense activité politique et militante en Russie : le mouvement des Jeunesses eurasiatiques, Katehon, Tsagard TV et j’en passe. Une telle activité, une telle effervescence d’idées et de concepts nous galvanisèrent, nous rentrions en France occupée prêts à en découdre, avec ce rêve qu’un jour peut-être notre pays retrouverait sa grandeur en suivant l’exemple russe.
Le déclenchement de l’opération spéciale en Ukraine mis un nouveau coup d’accélérateur. Tu revenais tout juste du Donbass et tu nous fis l’honneur de ta présence à deux reprises sur ERFM pour nous parler du front et de la situation intérieure Russe. Je sentais qu’une nouvelle page allait s’écrire, elle s’annonçait comme la plus belle tant tu débordais d’énergie et d’idées : projets vidéo au Donbass, émission de radio et un nouveau voyage avec une conférence à Moscou. Conscient de la gravité des événements et de la situation internationale, notre excitation n’en était pas moins à son comble.
L’annonce de ta mort fut comme un coup de tonnerre. Nous allons vite prendre conscience du vide que tu laisses tant tu étais devenue un pont incontournable entre nos deux pays. Mais c’est surtout une amie que je pleure aujourd’hui. Ton enthousiasme, ta bonne humeur, ton humour, cette générosité dont tu faisais preuve chaque fois que nous venions à Moscou… Tu vas cruellement nous manquer.
Que Dieu te garde, Dasha. Tu peux compter sur nous pour continuer le combat ici-bas. Si l’ennemi croyait nous démoraliser, c’est tout le contraire, tu es pour nous une martyre, notre force est décuplée, notre combat n’a jamais eu autant de pertinence.
Yasha (Ian Purdom)
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En exclusivité pour E&R,
le dernier entretien donné par Daria Douguine, trois jours avant sa mort
Thierry Thodinor : Vous êtes journaliste spécialisée dans les relations internationales, historienne des idées et bien sûr la fille d’Alexandre Douguine, souvent présenté comme l’idéologue de Vladimir Poutine. Ce pedigree fait que vous êtes personnellement sous sanction américaine. Comment cela se traduit-il concrètement pour vous ?
Daria Douguine : Votre information est incomplète ! Je suis également privée de dessert au Canada, en Australie, au Royaume-Uni… L’étonnant est que ni mon père ni moi-même ne possédons d’actifs qui puissent être confisqués hors de Russie. Sans doute, les États-Unis et leurs vassaux craignent-ils plutôt nos idées et notre vision d’un monde multipolaire, qui contre à angle droit l’hégémonie mondiale américaine. À ce titre, nous interprétons ces sanctions comme un grand honneur !
Concrètement, dans notre cas, les sanctions sont un instrument de contre-influence politique car, dès lors que vous êtes sanctionné, vos contacts dans les pays d’où émanent ces sanctions peuvent subir des mesures de contrôle de la part de leurs gouvernements. Cela facilite donc l’intrusion des services spéciaux occidentaux dans la vie des citoyens non conformes.
Les sanctions internationales peuvent-elles avoir un impact sur la détermination russe à conduire cette guerre ?
Certainement pas ! Les sanctions se sont essentiellement retournées contre les pays qui ont servilement suivi les diktats américains ! L’opération spéciale russe n’a pas été stoppée, mais l’économie européenne est au bord de la destruction, tout comme une bonne partie de l’économie mondiale. Surtout, les relations entre l’Europe et la Russie ont été durablement détruites. À ce titre, les sanctions ont été efficaces et c’était sans doute leur but caché.
En outre, les sanctions ont mis en évidence la faiblesse de l’Occident et l’échec de son idéologie libérale. L’eurasisme – qui n’a lui aucune prétention hégémonique – est en train de détruire le globalisme unipolaire.
Sur le front intellectuel, la Russie a pris quelques mesures symboliques de rétorsion, par exemple en déclarant non grata Francis Fukuyama, doctrinaire libéral de la fin de l’Histoire. Je pense que la Russie pourrait aussi utilement se poser la question de sanctionner un Bernard Henri-Lévy, inlassable artisan de la destruction de ses relations avec l’Europe ! Ces sanctions « philosophiques » montrent que la guerre des idées fait écho à la guerre économique.
Ce boomerang « hétérotélique » des sanctions (le but atteint est l’inverse du but proclamé) montre au passage que les choix de politique énergétique européens sont parfaitement inadaptés…
Oui et les Allemands en sont à rouvrir leurs centrales à charbon ! L’idéologie libérale est foncièrement chaotique et elle ne connaît que les calculs de court terme. Ce qui conduit à des choix incohérents et souvent dysfonctionnels.
Les sanctions semblent arrimer la Russie à la Chine, tandis que le monde arabe et l’Afrique se défient de l’Occident. Comment pourraient se structurer les blocs civilisationnels du post-mondialisme ?
La Russie a sauvé son économie notamment en « re-routant » ses énergies fossiles vers la Chine et l’Asie et cela dès 2014. Cette réorientation stratégique est en outre déjà effective, alors que l’Occident semble naviguer à vue. On le voit par exemple dans le dossier du gazoduc Maghreb-Europe et les tergiversations sur une éventuelle relance du tronçon Midcat entre la Catalogne et le sud-est de la France.
Le clivage entre le monde oriental et le monde occidental est une réalité : l’Arabie saoudite tourne le dos aux États-Unis parce que l’ADN de la géopolitique américaine est un cocktail d’opportunisme de court terme, de colonialisme et de double standard permanent ; les Saoudiens savent que du jour au lendemain ils peuvent être désignés comme ennemis du genre humain !
L’ordre du monde est déstabilisé et la transition d’un modèle unipolaire vers la multipolarité sera semé d’embûches : nous allons vers le clash des civilisations et son cortège de conflits.
Nous voyons – aujourd’hui même – le Mali saisir l’ONU en accusant la France de soutenir le terrorisme !
Pendant ce temps, les tensions montent à Taïwan, la Turquie lance une offensive en Syrie du nord en coordination avec les forces syriennes, le conflit israélo-palestinien est relancé, etc.
L’hégémonie américaine est terminée.
La Turquie n’est-elle qu’un allié de circonstance pour la Russie ? Ne craignez-vous pas une résurgence du pantouranisme ?
En matière diplomatique, la Turquie reste fidèle à une approche réaliste assez éloignée, donc, d’une stratégie de très long terme.
Toutefois, l’État profond turc rejette le pantouranisme et commence à développer une approche eurasiste faisant prévaloir une alliance de long terme avec la Russie.
C’est ce clan eurasiste au cœur de l’État turc qui est à l’origine du dialogue avec la Syrie et du rapprochement avec la Russie.
Chose inimaginable il y a encore quelques semaines, le très populaire magazine Türkyie vient d’annoncer qu’Erdoğan allait avoir un entretien téléphonique avec Bachar el-Assad !
Dans une optique eurasiste, Turcs et Russes sont suffisamment proches – beaucoup de Russes ont du sang tatar – pour que les nombreux conflits qui les ont opposés puissent être assimilés à des querelles de famille !
Une alliance stratégique turco-russe commencera par une alliance en Syrie et par la mise en place d’une coordination Damas-Ankara-Téhéran.
Nous avons bien sûr également des intérêts communs en mer Noire, que nous souhaitons stable et donc débarrassée des navires de guerre anglais et américains !
En Libye, en Azerbaïdjan ou en Afghanistan nos intérêts convergent… Dans tous ces points du globe, la Russie et la Turquie peuvent et doivent coopérer.
Tout en restant membre de l’OTAN, la Turquie a aujourd’hui une approche nuancée sur la question ukrainienne et cela est d’une grande importance pour nous.
Comment analysez-vous les tournées africaines respectives (et leurs accueils très différenciés) de Lavrov et de Macron ?
L’Afrique est le troisième front après Taïwan et l’Ukraine ! Il y a à la fois une montée du terrorisme – parfois contrôlé – et un redécoupage des zones d’influence. La France a perdu son influence dans la région en tentant d’y implanter, comme le souligne Bernard Lugan, un néo-colonialisme de type anglo-saxon.
En renonçant à ses valeurs pour exporter les valeurs hégémoniques américaines, la France a perdu la Centrafrique et le Mali. Elle est en train de perdre le Niger.
La traditionnelle politique africaine de la France ayant été pervertie par Macron, la Russie devient un importateur de souveraineté et de sécurité pour l’Afrique car elle ne s’adresse pas à des vassaux et vise à promouvoir des accords gagnant-gagnant partout où cela est possible. Je parle beaucoup avec les Africains, notamment les panafricains. Ces promoteurs de la tradition primordiale africaine connaissent René Guénon et voient dans la Russie une force anti-impérialiste. La guerre de l’avenir se joue en Afrique.
Au Sahel, de Serval à Barkhane, l’armée française s’est pourtant comportée avec une grande noblesse ; la responsabilité de Macron est écrasante dans la haine que l’Afrique voue aujourd’hui à la France !
Il est vrai qu’Emmanuel Macron, pour reprendre l’image de son mentor Attali – qui ne voit dans le monde que des managers et des migrants – incarne plus la caste des managers que l’identité, l’esprit et la culture français !
Mais je reste optimiste pour la suite : la France vit des heures si noires et si contraires à son génie que l’heure de sa libération ne peut qu’être proche. Une victoire de l’opposition aux dernières élections aurait d’ailleurs été impuissante à sortir la France – contrainte dans les carcans de l’Union européenne et des relations transatlantiques – de sa crise profonde. Comme le disait Descartes, pour recomposer efficacement l’édifice, il est nécessaire qu’il soit détruit jusqu’à la base. Or, Macron détruit plus efficacement que Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon ne pourraient le faire !
Les eurasistes annonçaient depuis plusieurs années – en l’appelant de leurs vœux – l’intervention militaire russe en Ukraine. Depuis huit ans, des voix s’élevaient (on pense à Zakhar Prilepine) pour fustiger l’égoïsme ou l’indifférence de Moscou à l’égard de « Ceux du Donbass ». Qu’est-ce qui a poussé Vladimir Poutine à franchir le Rubicon en février 2022 ?
Il est vrai que les eurasistes soutiennent depuis longtemps le retour de la Novorossya dans la mère-patrie russe. Mais on peut dire qu’ici c’est l’Occident qui a démarré cette guerre : l’Ukraine a été utilisée comme une place d’armes, une plateforme de projection de l’OTAN. Après deux mois d’efforts diplomatiques sans succès, Moscou a fini par tracer une ligne rouge : l’Ukraine ne doit pas devenir une base avancée de l’OTAN. C’est le moment qu’a choisi Zelensky pour annoncer qu’il souhaitait faire de l’Ukraine une puissance nucléaire !
Toutes les lignes rouges ayant été franchies, la réponse de la Russie a pris la forme de cette opération spéciale. J’insiste sur ce point : la réponse est une stratégie de défense face aux provocations délibérées de l’Occident.
Les stratèges américains ont de longue date prémédité l’instrumentalisation de l’Ukraine ; il suffit de lire Zbigniew Brzeziński pour s’en convaincre !
Henry Kissinger lui-même, dans un article du Wall Street Journal s’inquiète de ces dérives dangereuses de la stratégie américaine.
Il y a un mois de ça, j’étais en Novorossya ; les habitants y ont vécu l’enfer pendant ces huit dernières années, mais il est frappant de constater qu’ils analysent la situation non comme un conflit entre des acteurs locaux, mais comme une guerre voulue par l’Occident.
On est bien sûr au-delà de la querelle de voisinage. La Russie est à la fois encerclée militairement et fait l’objet d’une stratégie de roll back. Pensez-vous qu’il existe un plan occidental de démembrement de la Russie ?
Il existe un projet dit de « décolonisation » dans les cartons des stratèges américains ; partitionner la Russie est d’ailleurs un rêve géopolitique anglo-saxon depuis Mackinder et sa théorie du Heartland.
Les entreprises impériales américaines portent souvent ce label « décolonisateur » ; ainsi, au Moyen-Orient, le projet d’ingérence américaine du Greater Middle East allait-il de pair avec la constitution d’un État-nation kurde indépendant au détriment de la Turquie, de l’Iran, de la Syrie et de l’Irak !
L’existence d’un projet « décolonisateur » concernant la Russie fait que nous ne pouvons plus être en situation de dialogue avec l’Occident.
L’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN annonce-t-elle une généralisation du conflit ?
C’est bien sûr un geste inamical, mais il n’y a pas selon nous de ligne rouge franchie comme dans le cas de l’Ukraine. En outre, la Turquie peut bloquer le processus : les conspirateurs gülenistes n’ont toujours pas été extradés par la Suède (où ils ont trouvé refuge) et le soutien de l’opinion publique turque pour l’OTAN est à un étiage très faible.
Rappelons que les gülenistes ont utilisé la base aérienne de l’OTAN à Incirlik pendant leur tentative de coup d’État en juillet 2016. Erdoğan a d’ailleurs révisé ses positions globalistes et pro-américaines à ce moment-là…
Aujourd’hui, la presse turque regorge d’articles évoquant positivement le retrait de la France de l’OTAN sous de Gaulle.
Pour en revenir à l’élargissement de l’OTAN à la Suède et à la Finlande, il est très probable que cela ait aussi un lien avec les tensions émergentes dans l’Arctique.
On discerne dans cette opération spéciale une dimension eschatologique. Plusieurs commentateurs russes ont déclaré que si la Russie ne parvenait pas à se faire respecter comme une puissance souveraine, ce serait la fin de l’humanité. La Russie est-elle entrée dans une guerre à mort avec l’Occident ?
Oui, il y a une dimension religieuse. Mais il faut aussi comprendre que si nous ne gagnons pas cette guerre, si la multipolarité ne voit pas le jour, le monde sera plongé dans le chaos. La Russie subira des attaques terroristes et le processus de démembrement du pays démarrera.
L’Europe serait elle aussi déstabilisée par le terrorisme ukrainien.
D’ores et déjà, l’Ukraine est un failed state, un État terroriste, la bombe nucléaire du monde dans un sens métaphorique. La victoire est notre seule option et les Russes savent gagner les guerres !
Les Ukrainiens sont aussi des slaves, mais leur détermination faiblit car il est impossible de maintenir dans la durée une motivation qui repose sur la haine. L’amour est une motivation plus forte et plus durable.
Quels sont aujourd’hui les buts de guerre de la Russie ?
Officiellement, l’État russe déclare comme buts de guerre la dénazification et la démilitarisation de l’Ukraine. On pourrait traduire cela d’un mot : désaméricanisation.
La dimension spirituelle, voire religieuse de l’opération spéciale (la guerre contre la haine et le mensonge), c’est la destruction de ce fallacieux rêve américain. Certains auteurs voient dans la Russie un katehon qui protège la Terre de la venue de l’Antéchrist.
Du point de vue des gains territoriaux, la question est très différente de ce qu’elle était en 2014 avec la Crimée : il n’y a pas de revendication territoriale, mais nous avons besoin d’un changement de gouvernement à Kiev puisque le gouvernement actuel est une marionnette de l’Occident.
Mais la machine de guerre russe s’arrêtera là où sera la victoire. Il est certain toutefois que nous n’aurons aucune revendication territoriale sur la partie occidentale de l’Ukraine, terre d’élection depuis le début du XXe siècle d’un nationalisme ukrainien hostile à la Russie. En l’occurrence, c’est plutôt la Pologne qui lorgnerait sur la région de Lvov par exemple !
Pensez-vous qu’il y ait encore une fenêtre de négociation avec le gouvernement de Zelensky ?
Il n’y a guère d’espoir de discussion constructive avec un gouvernement capable d’assassiner ses propres négociateurs [1] !
Zelensky n’a jamais été intéressé par un accord avec Moscou ; il cherche à entraîner les troupes de l’OTAN dans une confrontation directe avec l’armée russe.
L’opinion publique russe, si l’on en juge par les commentaires sur les réseaux sociaux ou dans la presse, est hostile à toute forme de dialogue avec l’État ukrainien actuel unanimement vu comme un État terroriste. Personnellement, je considère que l’État kievien possède effectivement certains traits d’un régime terroriste ; il suffit de penser aux huit années que les populations civiles du Donbass viennent de subir sous les bombes ukrainiennes pour s’en convaincre !
À propos de terrorisme, avez-vous des informations sur les biolabs américains en Ukraine ?
Oui. Il s’agit de biolabs d’origine soviétique. Après la chute de l’URSS, les biolabs dans les pays ex-soviétiques entourant la Russie sont passés sous le contrôle de fondations américaines liées aux structures de force de l’État américain. Les Américains ont choisi de développer certains programmes de recherches dans ces biolabs plutôt que chez eux à Fort Detrick en raison du risque pour les populations et des contrôles très stricts en vigueur aux États-Unis. Leur intérêt s’est donc porté sur les biolabs présents en Ukraine, au Kazakhstan et en Géorgie.
En janvier 2022, il y a eu une tentative de coup d’État au Kazakhstan. Des soldats russes sont intervenus pour stabiliser la situation, mais l’accès aux quatre biolabs (sous contrôle américain) de niveau de sécurité P4 leur a cependant été refusé !
Il existe donc des programmes de recherche biologiques qui sont développés aux frontières de la Russie et que les Russes ne doivent pas voir !
À l’occasion de cette tentative de coup d’État, j’avais rencontré Gennadiy Onishchenko, le plus grand épidémiologiste russe, qui pensait que le virus du covid avait pu être créé dans l’un de ces laboratoires kazakhs avant d’être implanté en Chine. Il m’avait alors alertée sur la question des biolabs ukrainiens notamment ceux des régions de Kiev et Kharkov. Le ministère de la Défense russe a par ailleurs affirmé que des expériences non réglementées (ie susceptibles de produire des armes biologiques) avaient eu lieu en Ukraine. Les informations sur ce sujet sont pour l’instant sous le contrôle du ministère, mais nous savons d’ores et déjà que dès le début de l’opération spéciale, les employés des biolabs frontaliers ont fui avec les échantillons liés à ces expérimentations.
Vous êtes allée à Azovstal. Avez-vous eu la confirmation de la présence d’officiers occidentaux ? Qu’avez-vous ressenti sur place ?
J’ai interrogé les soldats russes présents sur le site ; ils m’ont parlé de documents d’identité d’origine américaine qui ont été brûlés. Quelques fragments ont été récupérés [2]. Il y avait sur place une sorte de crematorium.
Azovstal c’était d’abord un son unique au monde au milieu de ces carcasses métalliques, une musique d’apocalypse. De cet espace souterrain de neuf étages (je me suis arrêtée au premier) émane une énergie noire, proprement maléfique. Cette atmosphère unique n’est pas propre à la guerre : j’étais en Syrie en 2019 et j’ai vu des quartiers d’Alep entièrement détruits, mais rien n’y évoquait à ce point l’Enfer de Dante !
Dans Azovstal, j’ai aussi trouvé beaucoup de littérature russophobe, d’ailleurs très bien faite, mais qui avait la particularité d’être présentée sous la forme de manuels de management à l’américaine (schémas explicatifs, analyse coût/avantage appliquée à la russophobie, etc.)…
Un travail de spécialistes des opérations psychologiques !
À Azovstal, j’avais la sensation très particulière d’être au cœur de l’histoire. Azovstal c’est le cœur de notre histoire en marche.
Je voudrais aussi évoquer une scène dont j’ai été témoin au théâtre de Marioupol : au milieu des ruines, des gens répétaient une pièce de Tchekhov. C’est très symbolique de cette force, de cette volonté de vivre qui caractérise les habitants de Novorossya.
Ces gens, qui existent authentiquement au sens de Heidegger, nous donnent à tous une leçon de vie !
La Russie, qui incarne aujourd’hui la résistance au Nouvel Ordre mondial a semblé tergiverser sur la ligne de conduite à tenir face à la narration covidiste. La Russie est-elle aujourd’hui définitivement « vaccinée » contre le Great Reset ?
Le covid est une arme biologique qui a été utilisée par les forces globalistes pour mettre sous contrôle les populations. La Russie a oscillé entre obligation vaccinale et liberté totale, sans doute parce qu’elle s’était persuadée qu’il fallait maintenir une forme de dialogue avec l’Occident. Identiquement, il y avait un mouvement de balancier entre des phases un peu idéalistes de rapprochement avec l’ouest et des phases de réalisme géopolitique. Aujourd’hui les liens de dépendance politique, économique mais aussi idéologique sont rompus. L’hégémonie culturelle de l’Occident, la pensée unique ont fait leur temps.
Depuis le début de l’opération spéciale, la Russie trace sa propre route.
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Les condoléances de Vladimir Poutine
(qui vient de signer un décret attribuant l’Ordre du courage à Daria Douguine)
« Un crime ignoble et cruel a mis fin prématurément à la vie de Daria Douguine, une personne brillante et talentueuse dotée d’un cœur véritablement russe. Comme journaliste, scientifique, philosophe et correspondante de guerre, elle a servi le peuple et la patrie avec sincérité, illustrant par ses actes ce qu’être une patriote russe veut dire. »
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Les condoléances du patriarche de Moscou adressées à Alexandre Douguine
Cher Alexandre Gelievich,
C’est avec une profonde douleur que j’ai appris la mort tragique de votre fille.
Daria Alexandrovna était connue en Russie et à l’étranger comme une personnalité publique active, une journaliste brillante et un chercheur scientifique talentueux. Malgré son jeune âge, elle avait réussi à obtenir un succès significatif dans le domaine qu’elle avait choisi, gagnant la gratitude et le respect de ses collègues.
Dans les jours d’épreuves difficiles liées à la perte des êtres chers, les paroles de la Sainte Écriture sont une consolation :
« Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur ; donc, que nous vivions ou mourions, nous appartenons au Seigneur. » (Rom 14.)
Que le Seigneur miséricordieux des Cieux et de la Terre accueille l’âme de Sa servante Darya dans la Cité des Justes et que son souvenir reste éternel.
Kirill, patriarche de Moscou et de toute la Russie
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Tuez Douguine !
Le massacre d’innocents et la géopolitique du terrorisme anti-russe :
un texte de Iurie Roșca (ancien vice-Premier ministre moldave)
La famille internationale de la pensée et de l’action conservatrice et traditionaliste est en deuil. Notre bonne amie et camarade de lutte idéologique Daria Douguine-Platonova a été victime d’un attentat terroriste en Russie, à la suite duquel elle est décédée. Sa voiture a explosé peu après le départ du célèbre journaliste et militant conservateur. De toute évidence, la cible de cet attentat terroriste était le célèbre penseur traditionaliste russe Alexandre Douguine. Alexandre Douguine a miraculeusement survécu. Il allait monter dans la même voiture, mais au dernier moment il a abandonné et est monté dans la voiture d’un ami.
Je suis un ami de la famille Douguine depuis de nombreuses années, j’ai traduit quatre livres et une série d’articles de cet éminent philosophe en roumain et édité ses livres en Roumanie et en Moldavie. J’étais très attaché à sa fille Daria, brillante disciple de son père avec une très solide formation philosophique en France, formidable journaliste et excellente organisatrice. Daria était une jeune femme très spéciale. Contrairement à ses collègues de sa génération qui vivent leur vie avec nonchalance et en dehors de tout idéal et de toute aspiration majeure, Daria était une personne totalement dévouée à la cause de son père, qu’elle partageait avec dévouement et loyauté.
Il y a quelques années, avec Alexandre Douguine et son infatigable et charmante fille Daria, j’ai organisé le forum de Chisinau, une conférence internationale qui a réuni des intellectuels de premier plan de la nouvelle dissidence européenne anti-atlantiste et des pays ex-communistes. Nous avons organisé en 2019, avec la contribution directe d’Alexandre et Daria, une équipe internationale, composée d’intellectuels anti-Système de divers pays, qui a entrepris une tournée en Syrie, où nous avons eu une série de réunions publiques pour exprimer notre solidarité avec le peuple syrien dans sa lutte contre l’agression israélo-américaine. Dans notre délégation, Daria était la seule femme qui a fait face à tous les risques avec nous voyageant à travers la Syrie, déchirée par la guerre.
L’assassinat de Daria Douguine et la tentative d’assassinat de son père Alexandre sont extrêmement significatifs. Les ennemis de la Russie visent aujourd’hui la liquidation physique des centres de réflexion stratégique de ce pays, des penseurs les plus importants, capables de conceptualiser la scène historique actuelle et de représenter une alternative idéologique au mondialisme totalitaire néolibéral.
L’assassinat de Daria Douguine représente un tournant radical non seulement pour la Russie, mais aussi pour la politique internationale. Sa mort pourrait accélérer certains processus qui étaient en état de latence ou de stagnation.
Les ennemis de la Russie lui ont jeté le gant au visage avec défi. Et cela à un moment critique non seulement pour ce pays en pleine guerre avec l’Occident collectif sur le territoire de l’Ukraine, mais aussi pour l’ensemble de la communauté internationale. Moscou ne peut rester impassible face à un acte terroriste aussi grave. On ne sait toujours pas comment le Kremlin va réagir. Il est cependant certain qu’avec l’assassinat de Daria Douguine, le monde ne sera plus ce qu’il était. Nous entrons dans une phase beaucoup plus dangereuse.
Alexandre a fait le sacrifice ultime sur l’autel de ses propres idéaux. Daria avait aussi très bien appris la leçon de son père selon laquelle un idéal doit être servi jusqu’au bout, même au prix de sa vie. Les gens de cette famille spirituelle revêtent volontiers la chemise de la mort. Ils servent Dieu et la nation, et la fidélité au Christ et à la patrie nous oblige parfois à assumer la mort comme geste suprême d’amour et de conséquences dans le combat.
À Dieu, chère Daria !
Iurie Roșca
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Alexandre Douguine, le sage conseiller :
un texte de 2013 d’Israël Shamir
Les idées ne circulent pas facilement d’est en ouest. C’est une norme que les idées occidentales se répandent à l’est, et non l’inverse. La Russie, héritière de Byzance, est un « Orient », parmi d’autres grands « Orients » du Dar al-Islam, de la Chine, de l’Inde ; parmi eux, la Russie est la plus proche de l’Occident, et déjà très différente. C’est probablement la principale raison pour laquelle Douguine, cet important penseur russe contemporain, ne fait son entrée tardive dans la conscience occidentale que maintenant.
Alexandre Douguine, un jeune homme élégant, mince, soigné, branché et barbu de l’Université de Moscou, est une figure culte dans son pays ; les gens se pressent à ses conférences ; ses nombreux livres couvrent un vaste éventail de sujets allant de la culture pop à la métaphysique, de la philosophie à la théologie, des affaires internationales à la politique intérieure. Il parle couramment de nombreuses langues, c’est un lecteur vorace, et il a fait connaître aux Russes de nombreux penseurs occidentaux moins connus. Il est prêt à s’enfoncer dans les eaux les plus profondes de la pensée mystique et hétérodoxe avec un courage époustouflant. Il s’épanouit dans les controverses ; adoré et détesté, mais jamais ennuyeux.
C’est un érudit et un praticien du mysticisme, proche de Mircea Eliade et de Guenon ; un pratiquant de l’orthodoxie traditionaliste ; un fervent étudiant des théories du complot, des Templiers et du Saint Graal, et jusqu’à l’Arctogaia de Herman Wirth ; c’est un maître des outils aiguisés par Jean Baudrillard et Guy Debord ; mais avant tout, c’est un combattant dévoué pour la libération de l’humanité de l’étau de la tyrannie libérale du Nouvel Ordre mondial dominé par les Américains, ou même de la tyrannie de Maya, la virtualité post-moderniste post-libérale – par des moyens politiques.
Comme Alain Soral et Alain de Benoist, il considère que la dichotomie gauche ou droite est obsolète. Ce qui compte, c’est la conformité ou la résistance au Nouvel Ordre mondial. Douguine est pour la Résistance. À cette fin, il croise les idées politiques comme on croise des chiens de combat féroces. La foi, la tradition, la révolution, le nationalisme et le communisme sont les ingrédients de son hybridation. Il s’en faudrait de peu qu’il nous fasse découvrir en Chavez un prêtre de la Théologie de la Libération armé d’une bombe atomique et versé dans Heidegger.
Douguine s’est essayé à la politique radicale avec Edouard Limonov, le poète national-bolchevique, avec Jamal Hyder, le réformateur de l’Islam ; c’était un idéologue pour les Rouges-Bruns, comme on appelait une alliance de communistes et de nationalistes purs et durs dans la Russie des années 1990 ; maintenant, il chaperonne un petit mouvement eurasien.
Mais ce n’est pas un politicien par nature : comme Confucius, il préfère être un sage conseiller du souverain. En cela, il a aussi peu réussi que Confucius. Il a esquissé une idéologie pour Poutine ; à l’époque, Poutine utilisait ses mots mais en rejetant ses pensées. Douguine était très critique à l’égard de Poutine pour ses premières mesures bancales, mais il a tout de même soutenu le président lorsque les libéraux de Moscou ont commencé leur Fronde. Dans ses livres, il propose un plan pour le développement futur de sa patrie. Compte tenu de son influence, il est important d’apprendre de lui ; et encore plus si l’on se souvient que les Russes ont autrefois montré la voie à l’humanité, même si cette voie a fini par être désertée.
Intellectuellement curieux, Douguine a vérifié tous les concepts, toutes les idées de l’Est et de l’Ouest, même celles qui sont interdites et oubliées, tant qu’elles pouvaient servir la Résistance. Il a utilisé les idées communistes ainsi que celles des traditionalistes radicaux pour qui Hitler et Mussolini n’étaient pas assez radicaux. Il tisse la théologie, la politique et la métaphysique en une seule méta-narration. Son style est lucide et agréable.
La Quatrième théorie politique, telle que publiée par Arktos, porte le même titre que l’un des livres les plus récents et les plus importants de Douguine, mais il s’agit d’un livre tout à fait différent ; il serait plus approprié de l’appeler Douguine Reader, ou Essential Douguine, car c’est un livre spécialement destiné à un lecteur occidental anglophone. C’est une bonne chose : en tant que personne qui écrit en russe et en anglais, je suis témoin qu’un texte de philosophie politique russe ne peut pas être rendu directement en anglais, car les cultures politiques sont trop éloignées. Tel quel, ce livre constitue un bon point de départ pour découvrir le penseur politique Douguine.
La Quatrième théorie politique du titre du livre s’oppose aux trois paradigmes (théories politiques) les plus importants du siècle dernier, à savoir le libéralisme, le marxisme (y compris le communisme et le socialisme) et le fascisme (y compris le national-socialisme). Au terme d’une lutte d’un siècle, le libéralisme a vaincu les deux autres, et a affirmé que son règne serait éternel (« Fin de l’histoire »). La Quatrième théorie (il s’agit plutôt d’un paradigme) est proposée pour le vaincre et l’enterrer, le libéralisme. Douguine ne présente pas une Quatrième Théorie toute faite pour supplanter les trois autres, mais indique plutôt quelques directions pour sa création et sa mise en œuvre pratique. Cette nouvelle théorie ne devrait pas expliquer le monde, mais le changer. Elle devrait inspirer une croisade contre le libéralisme centré sur l’Occident, comme la Seconde Guerre mondiale a été une croisade contre le nazisme. En d’autres termes, il ne s’agit pas tant d’une théorie que d’une doctrine de combat, un appel à reconstruire notre monde.
« L’ennemi est plus important que l’ami, choisissez-le soigneusement car ce choix influencera vos décisions », disait Carl Schmitt, le mentor de Douguine. L’ennemi n° 1 de Douguine est le libéralisme, qui, selon lui, est une forme de darwinisme social permettant aux plus riches de survivre et de s’épanouir, tandis que les autres souffrent et meurent spirituellement et physiquement.
Le libéralisme est le plus grand mal de notre époque en raison de son caractère inévitable, de son imposition sans choix depuis les années 1990 ; il est l’impasse et le destin à défier, selon Douguine. Le libéralisme et sa « liberté de » conduit à la désintégration de la société ; il « libère » l’homme de la famille, de l’État, du sexe, et même de son humanité. Selon Douguine, le libéralisme finira par supplanter l’homme par des cyborgs génétiquement modifiés.
Le quatrième paradigme devrait incorporer les meilleures caractéristiques de ses trois prédécesseurs et rejeter leurs défauts. Ainsi, le matérialisme historique ou la croyance en l’inévitabilité du progrès, l’économisme ou la croyance en la primauté de l’économie, l’anti-spiritualité et l’anti-ethnicité du marxisme devraient être rejetés, tandis que sa critique du capitalisme devrait être conservée, ainsi que le mythe fondateur du retour au Paradis perdu du travail créatif.
Douguine est prêt à considérer les bons points du fascisme et du national-socialisme, et c’est pour cette raison qu’il est parfois taxé de « nazi » par des critiques injustes, ce qui est une erreur, car il n’est absolument pas raciste. Dans ce livre, il prêche contre le racisme, non seulement contre le racisme biologique grossier du Troisième Reich, mais aussi contre la civilisation unipolaire raciste, le glamour et la mode racistes, le racisme culturel, voire l’exclusion raciste que développe le politiquement correct. En expurgeant la composante raciste du national-socialisme, cette théorie politique est rendue « sûre » et ses aspects positifs peuvent être pris en considération, dit-il. Parmi les aspects positifs, on trouve l’amour du peuple, du volk, un amour érotique des hommes et des femmes constituant le peuple, l’ethnocentrisme, l’acceptation de « l’ethnos dans son environnement » comme sujet de l’histoire.
Bien que la Quatrième Théorie soit brandie comme une arme contre le libéralisme, on peut y trouver des aspects positifs. Douguine approuve la liberté tout en rejetant l’individualisme. La liberté humaine – oui, dit-il, la liberté individuelle – non. Il soumet le concept des droits individuels à une critique cinglante : le libéralisme approuve les droits individuels parce qu’ils sont chétifs ; ce sont les droits d’un petit homme. La liberté humaine, c’est la liberté d’un grand homme, d’un peuple, et elle devrait être illimitée, dit-il.
Douguine s’efforce de remédier aux défauts du communisme et du national-socialisme, peut-être en croisant ces théories, se situant quelque part entre les frères Strasser et Ernst Niekisch anti-hitlériens d’un côté, et les nationaux-communistes de l’autre. Ce terrain de rencontre entre l’extrême gauche et l’extrême droite d’hier devrait être fertilisé par le mythe et la tradition, désécularisé et centré sur le Dasein, dans un premier temps.
Pourtant, il y a des caractéristiques de ces trois prédécesseurs qui ne sont pas acceptables pour Douguine, et tout d’abord la croyance dans le progrès et le développement linéaire. Un régulateur pour boule de feu, un dispositif qui empêche une machine à vapeur d’exploser en coupant l’alimentation en carburant au fur et à mesure qu’elle s’emballe, telle est la chose dont l’humanité a besoin pour ses entreprises. Au lieu d’un processus monotone, il devrait y avoir un processus circulaire, cyclique, ce que d’autres appelleraient un développement durable.
Douguine a l’intention de remédier à un profond problème ontologique d’aliénation et de négation de l’Être, selon les termes de Martin Heidegger, qui a dit que les Grecs anciens confondaient l’Être-en-soi (Sein) et l’expérience humaine de l’Être-dans-le-monde (Dasein), et que cette petite confusion, à la longue, a causé le progrès technique et a conduit au Néant. C’est ce que Douguine veut surmonter en faisant de l’Être-au-monde l’acteur le plus admirable de l’histoire. Pour les libéraux, le plus important, c’est l’individu ; pour les communistes, c’est une classe sociale ; pour les nazis, c’est une race ; pour les fascistes, c’est un État, et pour Douguine et son quatrième paradigme, c’est l’Être-au-monde. Ainsi, la nuit profonde de l’aliénation peut être transformée en un jour lumineux d’Être, dit Douguine.
Si les philosophies communiste et nationale-socialiste étaient fondées sur Hegel, la philosophie de Douguine, ainsi que celle de ses ennemis, les libéraux néoconservateurs de Leo Strauss, est fondée sur Heidegger. Un esprit contemporain a décrit la bataille de Stalingrad ainsi : « Les hégéliens de gauche combattent les hégéliens de droite ». Peut-être verrons-nous des Heideggeriens du peuple se battre contre des Heideggeriens élitistes ?
Certaines des pensées géopolitiques de Douguine sont incluses dans le livre. C’est un ennemi de la globalisation, et il cherche une vie et un développement indépendants pour chacune des grandes régions : Europe, Amérique du Nord, Russie, Chine, etc. Il pense qu’il est important de libérer l’Europe du joug américain. Que l’Amérique soit libre de vivre comme elle l’entend au-delà de l’océan, mais qu’elle cesse de s’immiscer outre-mer et d’imposer son mode de vie aux autres.
En ce qui concerne la Russie, il considère sa patrie comme une base possible de résistance au Nouvel Ordre mondial, avec d’autres pays qui défient le diktat américain. Il ne pense pas que la Russie d’aujourd’hui soit prête à relever le grand défi, elle est encore évasive et hésitante, mais c’est ce que nous avons de mieux, dit-il. Son bouclier nucléaire peut défendre les premières pousses de nouvelles idées contre la justice brutale du shérif mondial.
La Quatrième théorie politique est un bon début pour transmettre les idées de Douguine au lecteur occidental. Après tout, même le rejet par Heidegger du nihilisme occidental est aussi une idée occidentale.
Israël Shamir
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La réaction d’Alexandre Douguine
Comme vous le savez tous, à la suite d’un attentat terroriste perpétré par le régime ukrainien nazi, le 20 août, ma fille Daria Douguine a été brutalement tuée par une explosion sous mes yeux, alors qu’elle revenait du festival Tradition près de Moscou. C’était une belle fille orthodoxe, une patriote, une correspondante militaire, une experte des médias télévisés et une philosophe. Ses discours et ses reportages ont toujours été profonds, fondés et modérés. Elle n’a jamais appelé à la violence et à la guerre.
Elle était une étoile montante au début de son voyage. Les ennemis de la Russie l’ont tuée sournoisement. Mais nous, notre peuple, ne pouvons pas être brisés même par des coups aussi insupportables. Ils voulaient écraser notre volonté par une terreur sanglante contre les meilleurs et les plus vulnérables d’entre nous. Mais ils ne réussiront pas. Nos cœurs aspirent à plus qu’une vengeance ou un châtiment. C’est trop mesquin, trop peu russe. Nous n’avons besoin que de notre Victoire. Sur son autel, ma fille a déposé sa vie de jeune fille. Alors, gagnez, s’il vous plaît !
Nous voulions l’élever pour qu’elle soit intelligente et héroïque. Puisse-t-elle inspirer de l’héroïsme aux fils de notre patrie dès maintenant.
L’adieu à Daria Douguine (Platonova), un service commémoratif civil, aura lieu le 23 août au centre de télévision d’Ostankino à 10 heures.
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation