Vache qui rit, poulets qui dansent le french cancan, cochon qui se découpe lui-même en rondelles tout en s’esclaffant … Dans certaines publicités, les animaux sont présentés comme s’ils étaient heureux d’être mangés. Une stratégie marketing dénoncée par le blogueur nord-américain Ben Grossblatt qui lui a donné le nom de « suicide food ».
Sur son site, le blogueur référence logiquement des publicités étasuniennes. Mais chez nous, les exemples ne manquent pas non plus (cf. les liens en fin d’article).
Le but d’une publicité est de vendre du rêve. Dès lors, on peut aisément deviner la difficulté quand le produit à vendre est un morceau d’animal mort. Pour autant, la stratégie habituelle est plutôt celle de l’évitement : faire en sorte que le consommateur ne fasse pas le lien entre l’animal vivant et le morceau de cadavre présent dans son assiette. Une notion théorisée par l’essayiste nord-américaine Carol J. Adams sous l’expression de « référent absent » (cf. La politique sexuelle de la viande, 1990).
Ainsi le patron du groupe Bigard, Jean-Paul Bigard, numéro 1 de la viande en France (qui possède Bigard, Charal et Socopa), reconnaissait-il lui-même en ces termes : « L’acte de mort est totalement verrouillé. nous n’avons aucun intérêt à mettre en scène et à ouvrir le début d’une chaîne d’abattage … Avec les ’Hachés de nos régions’, on voit furtivement, pendant une seconde, un troupeau de vaches normandes, mais tout de suite après on parle de viande et surtout pas de ce qui se passe dans l’abattoir. »
Avec le « suicide food », la stratégie diffère quelque peu puisque l’animal est cette fois-ci clairement montré. Il s’agit alors de compenser une réalité sordide (l’exploitation, la souffrance et la mise à mort des animaux) par une mise en scène bucolique faite d’animaux heureux et de complicité avec les humains. Le comble du mensonge !
Notons que ce phénomène ne concerne pas uniquement les industriels : on le retrouve aussi sur les devantures de boucheries, les menus de restaurants, voire même certains évènements culturels (la « fête du cochon » à Hayange par exemple).
Heureusement, avec la montée en puissance du mouvement animaliste, cette stratégie marketing est de plus en plus dénoncée. Et se retourne parfois contre ses auteurs. A voir, les publications de L214 mettant en regard les publicités de certaines marques (Charal, Le Gaulois, Matines …) avec la réalité de ce qu’ils filment dans leurs élevages.
Ainsi, malgré des budgets de communication (toujours) considérables, les industriels de la viande perdent du terrain. Gageons qu’avec le temps, les gens regarderont leurs publicités avec le même ahurissement que celui avec lequel on observe aujourd’hui les anciennes publicités de l’industrie du tabac, de l’alcool … Les temps changent, on y arrivera.
Liens et références
« Suicide food » par Ben Grossblatt
Qu’est-ce que le publispécisme ? par Axelle Playoust
Le French cancan des volailles Le Gaulois
La « vache à boire » (qui dit « buvez-moi ») de Michel & Augustin
La vache de Milka remplie de tendresse
Les animaux « fièrement Halal » de Isla Délice
La vache joueuse de McDonalds (voir numéro 17)
Les 2 vaches qui se la coulent douce
Le coq de « Maître Coq » qui pose fièrement sur la table à manger
« Causette au poulailler » chez Matines
Les volailles « grandes coureuses » d’Auvergne
Les « glorieuses » de Bresse
La fête du cochon à Hayange
Audition de Jean-Paul Bigard à la Commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français
Campagnes L214 Contre Charal, Le Gaulois, Herta, Matines …
Pubs d’époque pour le tabac & l’alcool
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir