Sans vouloir minorer la gravité de la tentative d’assassinat, dont a été victime l’écrivain britannique Salman Rushdie, je trouve cependant regrettable le cœur des « pleureuses » entonné à cette occasion. Des attaques au couteau il y en a tous les jours en France, sans que s’en émeuvent le moins du « Monde » nos bonnes âmes, toujours prêtes à défendre la liberté d’expression, quand il s’agit de la leur, ou de l’un de leurs pairs, un peu moins motivées, me semble t-il, quand il s’agit de prendre faits et causes pour le « petit blanc » perdu dans sa banlieue maussade.
Mais oublions l’aspect émotionnel de cette affaire, et intéressons nous simplement aux faits qui entourent cette tentative d’assassinat. Cela pourrait relever du malheureux « fait divers », si ce n’était le contexte international de cet évènement.
Déjà la scène se déroule à New York, dont on ne peut pas dire qu’elle soit vraiment neutre au niveau de « l’Histoire du terrorisme ». Après tout, nous sommes seulement à quelques enjambées en termes de timing du 11 septembre. Et certains mal intentionnés, pourrait y sentir là comme une odeur de « false flag ». Mais trêve de complotisme.
On va simplement dire alors qu’un américain de 24 ans d’origine iranienne, admirateur de Khomeiny, vient à point nommé relancer une crise, un peu perdue de vue ces derniers temps, à cause de l’affaire ukrainienne : la mise au banc des Nations d’un État jugé terroriste nommé Iran, d’autant plus terroriste quand celui ci revendique le droit à la « nucléarisation » au même titre que par exemple… le Pakistan.
Deux poids, deux mesures qui s’expliquent sans doute parce que l’un produit beaucoup de pétrole, et l’autre pas. Enfin pour l’Empire du mensonge, les États Unis, cela semble faire toute la différence.
Comme pour les Nazis.
Il y a les bons terroristes, ceux qui viennent d’Arabie saoudite par exemple, et il y a les mauvais, faisons confiance à l’axe du mal pour séparer le bon grain de l’ivraie.
Mais avec l’Iran, de l’Ukraine et de ses Nazis, on en est pas si loin… et de l’Ours russe l’autre grand ennemi de l’Oncle Sam tout près.
Car figurez vous que ces deux là, le Russe honni et l’Iranien banni, s’entendent désormais comme deux larrons en foire.
Jugez par vous même
• Gazprom, le géant public russe du gaz, a signé un protocole d’accord de 40 milliards de dollars avec la National Iranian Oil Company (NIOC), qui s’inscrit dans le cadre d’un vaste programme de coopération accrue entre la Russie et l’Iran.
Le protocole d’accord contient également les détails d’un projet de 15 milliards de dollars visant à augmenter la pression dans le gigantesque champ gazier de South Pars, situé à la frontière maritime entre l’Iran et le Qatar. Gazprom participera en outre à la réalisation de divers projets de gaz naturel liquéfié (GNL) et à la construction de gazoducs d’exportation, selon des sources d’information iraniennes.
Le Kremlin entend ainsi renforcer son contrôle sur les futures livraisons de gaz en provenance d’Iran, qui auraient pu être acheminées dans un premier temps vers le sud de l’Europe, avant d’être transportées vers le nord, afin d’atténuer la pénurie actuelle de gaz dans les principaux pays européens. En s’impliquant davantage dans l’immense champ gazier de South Pars, la Russie s’est également positionnée pour perturber les approvisionnements en GNL en provenance du Qatar et destinés à l’Europe.
Le champ de South Pars est une zone de 3700 kilomètres carrés du plus grand réservoir de gaz du monde, qui contient au moins 550 000 milliards de mètres cubes de gaz et au moins 50 milliards de barils de condensats de gaz naturel, le reste du champ de North Field, soit 6000 kilomètres carrés, appartenant au Qatar.
Cette situation revêt une importance géopolitique encore plus grande, étant donné l’intérêt continu du sponsor russe et iranien, la Chine, pour la phase 11, toujours controversée, du site gazier de South Pars.
• Le 9 août 2022, pour le compte de l’Iran, La Russie a lancé un satellite d’observation dont l’objet déclaré est, selon les Iraniens, de surveiller les frontières du pays, améliorer la productivité agricole, suivre l’évolution de la déforestation, contrôler l’évolution des ressources en eau et observer les éventuelles catastrophes naturelles qui pourraient frapper le pays.
Ce satellite, baptisé Khayyam (d’après le célèbre poète du XIe siècle, Omar Khayyam, qui était aussi mathématicien et astronome) est techniquement un objet russe. On peut encore noter que le ministère de la Défense iranien est étroitement associé au projet. Des militaires iraniens sont attachés au centre de contrôle russe du vol du satellite et un groupe d’officiers et de sous-officiers iraniens seront les analystes des images d’intérêt militaire.
Il est évident que ce satellite n’aura pas que pour objet la surveillance du territoire iranien. Il pourra observer le sol des autres pays survolés, avec évidemment la même définition. On ne connaît pas sa trajectoire mais on peut l’imaginer. Il serait très étonnant qu’à chaque passage au-dessus d’Israël l’appareil ne prenne pas quelques photos.
• Le mois dernier, le ministre iranien de l’économie Ehsan Khandouzi a annoncé que le dollar américain avait été officiellement remplacé par le rouble dans les échanges commerciaux de l’Iran avec la Russie, et que des travaux étaient en cours pour remplacer le dollar dans les échanges avec la Chine, la Turquie et l’Inde. La Russie et l’Iran travaillent également à la mise au point d’une alternative au service de messagerie de paiement SWIFT, qui est utilisé dans le commerce mondial mais qui est fréquemment utilisé comme arme de sanction par les États-Unis, en bloquant son accès.
• Enfin fait sans précédent la Russie a signé un contrat avec l’Iran pour l’achat de 1000 drones faisant suite à la livraison par l’Iran de quelques prototypes et d’un simulateur sur lequel des officiers russes se sont entraînés : ils ont utilisé avec succès les premiers drones en Ukraine. Téhéran considère qu’il s’agit là d’une reconnaissance de son industrie militaire avancée et efficace, réalisée malgré 43 ans de sanctions américaines contre la « République islamique ».
Voici donc 4 exemples d’une coopération entre la Russie et l’Iran rondement menée. Voilà de quoi porter aussi ombrage au Maitre Américain, qui n’entends pas se faire damer le pion de cette manière.
D’autant plus que tout ceci intervient, alors que l’Union européenne a présenté à l’Iran et aux États-Unis une proposition « finale » pour relancer l’accord nucléaire iranien de 2015 que Trump a renié malgré la conformité de l’Iran. Par à-coups, les négociations sur le retour à l’accord nucléaire se sont étendues sur 17 mois. L’enjeu pour les Iraniens : L’allègement des sanctions qui pèsent sur l’économie.
Pour faciliter un nouvel accord, l’Iran a retiré deux demandes : Que les États-Unis retirent le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) de la liste des organisations terroristes sanctionnées et que Biden garantisse qu’un futur président ne reviendra pas sur l’accord renouvelé comme l’a fait Trump – et pourrait vraisemblablement le faire lui-même.
L’Iran a toutefois ajouté une nouvelle demande et non des moindres : Que l’Agence internationale de l’énergie atomique abandonne une enquête sur l’uranium inexpliqué trouvé sur plusieurs sites de recherche iraniens. Ces découvertes ont été facilitées par le vol par Israël, en 2018, de documents iraniens sur son programme nucléaire.
Bien sûr, on ne peut pas exclure la possibilité qu’Israël ait falsifié certains des documents et déposé lui-même les traces d’uranium. Le Mossad a démontré à plusieurs reprises sa capacité à opérer à l’intérieur de l’Iran avec facilité, et ce ne serait pas la première fois qu’Israël ait apparemment fabriqué des documents « iraniens » pour manipuler les responsables, les journalistes et l’opinion publique américains.
Pour rester dans le même registre « néoconservateur » – Ambiance fin du Monde : l’on apprenait cette semaine que le Département de la justice des États-Unis a inculpé un citoyen iranien qui, selon lui, est membre du Corps des gardiens de la révolution islamique, et qui aurait tenté d’engager un assassin pour tuer John Bolton, ex-conseiller à la sécurité nationale de l’administration Trump, mais surtout un Néoconservateur patenté, responsable de multiples coup d’état sous fausses bannière.
Il est un partisan de longue date d’une action militaire contre l’Iran, et un adversaire acharné de l’accord nucléaire multilatéral de 2015 avec Téhéran. Avant son passage à la Maison Blanche sous Trump, Bolton, « belliciste sanguinaire », a été l’un des principaux promoteurs de l’invasion de l’Irak en 2003. Il a occupé de hautes fonctions dans le domaine du contrôle des armements et a fini par devenir ambassadeur aux Nations unies sous la présidence de George W. Bush.
On peut donc facilement imaginé que Bolton ait décidé d’organiser son propre enlèvement, et faux assassinat, et ceci dans l’objectif final de nuire à l’Iran et par voie de conséquence à la Russie. Pour rappel dans le sillage immédiat de l’assassinat de Soleimani, Bolton a tweeté : « J’espère que c’est le premier pas vers un changement de régime à Téhéran. »
Cerise sur le gateau et complément indispensable à l’attirail belliciste néoconservateur US, fin juillet, Nancy Pelosi, à la tête de la Chambre des représentants, sommait le département d’Etat américain de déclarer la Russie : « État soutenant le terrorisme », au même moment où une initiative similaire était examinée par le Sénat américain.
Les Lettons n’ont pas attendu la décision de leurs Maitres atlantistes, la Lettonie est devenue jeudi l’un des premiers pays européens à désigner la Russie comme un « État soutenant le terrorisme », après la Lituanie, pays voisin, qui avait été la première à le faire en mai.
Dans ce contexte quelque peu, en superficie seulement, chaotique, m’apparait qu’au jeu du puzzle des infos réunies et de l’angle mort, l’attentat contre Salman Rushdie semble comme signé d’une main droite qui aurait rejoint habilement la main gauche. Angle mort faisant fi de considérations religieuses, dont certaines vieilles de 30 ans n’ont plus vraiment de raisons d’être.
Alors que d’autres semblent davantage d’actualité et agissantes.
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« Le secret excite la vénération »
Il n’y a point d’utilité, ni de plaisir, à jouer à jeu découvert.
De ne se pas déclarer incontinent, c’est le moyen de tenir les esprits en suspens, surtout dans les choses importantes, qui font l’objet de l’attente universelle.
Cela fait croire qu’il y a du mystère en tout, et le secret excite la vénération.
Dans la manière de s’expliquer, on doit éviter de parler trop clairement ; et, dans la conversation, il ne faut pas toujours parler à cœur ouvert.
Le silence est le sanctuaire de la prudence. Une résolution déclarée ne fut jamais estimée.
Celui qui se déclare s’expose à la censure, et, s’il ne réussit pas, il est doublement malheureux.
Il faut donc imiter le procédé de Dieu, qui tient tous les hommes en suspens.
Baltasar Gracian – L’Homme de cour (1647)
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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