L’auteur est journaliste indépendant et membre du regroupement Des Universitaires
Dans un précédent texte publié sur Libre Média, j’ai abordé les conséquences fâcheuses qu’a subies Patrick Provost, professeur au Département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie de l’Université Laval, pour avoir exprimé des doutes auprès de ses collègues et dans l’espace public quant à l’utilité de la vaccination des enfants contre la COVID-19.
Cette histoire ne connaîtra son dénouement que dans quelques mois, le temps que le bien fondé du grief syndical déposé pour manquement au principe de la liberté académique soit évalué par un arbitre.
Il reste cependant beaucoup de choses à dire pour bien mesurer l’importance de « l’affaire Patrick Provost ».
Ce qui apparaît pour plusieurs comme une sanction injustifiable peut s’expliquer en partie par les critiques que ce professeur a formulées ces dernières années contre certaines décisions de la haute direction de son université.
Durant les deux dernières années, Patrick Provost a soulevé dans l’espace public des problèmes d’éthique associés notamment à des commandites d’entreprises privées dans l’enceinte universitaire pour pallier le manque de financement public, des donations à la Fondation de l’Université de la part du géant chinois Huawei, des offres d’investissements privés douteuses de la part de GNL Québec, une entente de recherche avec le Port de Québec qui comportait une clause de confidentialité absolue.
À certains égards, le traitement qu’a infligé l’Université Laval à cet électron libre a des allures de règlement de comptes.
Il est dommage que les journalistes ayant couvert la suspension du professeur Provost n’aient pas mentionné cet état de fait, par ignorance ou par négligence. Cela aurait pu les amener à modifier leurs propos.
Un establishment prompt à condamner
La communauté scientifique en connaît encore trop peu sur le coronavirus pour tirer des conclusions définitives sur la meilleure façon d’éviter sa propagation. Il y a quelques mois encore les autorités sanitaires enjoignaient tout le monde de se laver les mains à tout bout de champ, de se couvrir le visage dans les lieux fermés et de communiquer avec les préposés.es aux caisses des commerces et à l’accueil de nos établissements publics à travers des cloisons en Plexiglas.
Nous avons appris depuis que le virus se transmet plus par aérosol que par la projection directe de gouttelettes de salive, et très peu par contact avec les objets.
Nous savons aussi maintenant que le masque protège davantage les autres que ceux qui le portent. Or, ce sont les sujets les plus vulnérables – les personnes âgées ou immunodéprimées – que la Santé publique encourage le plus à l’utiliser encore aujourd’hui, ce qui leur procure un faux sentiment de sécurité. Tout comme les barrières de Plexiglas, toujours en place.
Pendant ce temps, la moitié des écoles du Québec ne sont toujours pas dotées d’un système de ventilation adéquat.
Et peut-on croire à l’innocuité totale des vaccins anti-Covid pour les enfants âgés de six mois à cinq ans (en trois doses !) quand on sait que les essais cliniques ont été réalisés par les fabricants eux-mêmes et approuvés à toute vitesse par nos gouvernements?
Qu’à cela ne tienne, Jean-François Cliche du quotidien Le Soleil a été le premier à sonner la charge contre Patrick Provost dans un article d’information – et non dans le cadre de sa rubrique habituelle, Science au quotidien, qui répond à des interrogations du public.
Cliche ne doute pas un instant de la validité du consensus scientifique concernant l’efficacité des mesures sanitaires, incluant la vaccination anti-COVID. Même si celle-ci n’empêche pas les sujets ayant reçu toutes les doses recommandées d’être infecté à nouveau, à plusieurs reprises. Bien qu’il ne possède aucune expertise dans le domaine médical, le journaliste du Soleil se montre très critique à l’égard de la dissidence du professeur Provost au lieu de demeurer impartial dans le traitement de la nouvelle.
Ce n’est pas nouveau dans son cas. Jean-François Cliche a été blâmé par le Conseil de presse du Québec en décembre 2018 pour manquement déontologique, à savoir le non respect de la frontière entre journalisme factuel, qui rend compte de l’actualité avec objectivité, et le journalisme d’opinion, qui permet à l’auteur d’exprimer son point de vue.
Sous le hachoir
Isabelle Hacher de La Presse en a rajouté une couche avec sa chronique L’art de créer un martyr. Se référant à l’article de Jean-François Cliche du Soleil, elle porte à son tour un jugement négatif sur le principal intéressé, tout en prétendant vouloir dénoncer le geste de censure posé par l’Université.
Un passage explique le choix du titre de sa chronique: « Un savant qui dérape, en cette ère de désinformation, trouve un large auditoire. Déjà, sur les réseaux sociaux, Patrick Provost est dépeint comme un martyr persécuté par l’Université, complice de Big Pharma. »
Est-ce vraiment déraper que de déconseiller la vaccination des enfants, moins à risque que les adultes, par crainte que les risques d’effets indésirables ne s’avèrent à moyen et long terme supérieurs aux bénéfices?
Évoquant les limites de la liberté d’expression dans le milieu de l’enseignement, Mme Hachey va jusqu’à suggérer une analogie entre la prise de position de Patrick Provost et celle d’un physicien qui prétendrait que la Terre est plate ou à un sociologue qui nierait l’Holocauste…
Interviewé par la journaliste, l’historien et sociologue des sciences Yves Gingras relève fort heureusement le niveau de l’argumentaire en rappelant que « les idées minoritaires peuvent contenir une part de vérité qui n’est pas considérée par la pensée dominante et que d’en débattre peut mettre en lumière des éléments véridiques et justes ».
Les mentions honorables
Anne-Marie Provost a pour sa part fait une couverture honnête de l’événement dans un article paru sous la rubrique Éducation du quotidien Le Devoir, Elle met l’accent sur l’inquiétude manifestée par la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, concernant le respect de la liberté académique garantie par une loi récemment adoptée par l’Assemblée nationale.
Une mention spéciale revient à Mylène Moisan, chroniqueuse au Soleil, qui a fait appel au même Yves Gingras pour remettre une fois de plus les pendules à l’heure : les controverses scientifiques doivent se régler par des débats, c’est à dire le choc des idées, non par la coercition et les sanctions disciplinaires.
Mme Moisan croit que la COVID, du point de vue scientifique, est devenue « une véritable camisole de force.» Yves Gingras, quant à lui, parle « d’hystérie ».
Plus d’une cinquantaine d’universitaires, dont plusieurs de l’Université Laval, se sont portés à la défense de Patrick Provost en signant une lettre ouverte, publiée sur les plateformes numériques du Devoir et du Soleil.
Le 14 août une autre lettre endossée par une cinquantaine d’universitaires et publiée par Le Soleil revenait à la charge en enjoignant l’Université Laval à réparer ses torts envers les professeurs Provost et un de ses collègues ayant subi le même sort, Nicolas Derome.
C’est tout à leur honneur. Cependant, l’essentiel de leur argumentaire repose sur la nécessité de respecter le principe de la liberté académique. Ils ne se prononcent pas sur la pertinence des arguments avancés par les dissidents.
Les dommages collatéraux
Outre la perte de rémunération et le discrédit associé à sa suspension, Patrick Provost a bien involontairement jeté une ombre de suspicion sur les personnes qui ont collaboré avec lui sur des projets n’ayant pourtant rien à voir avec le vaccin et autres mesures sanitaires liées à la pandémie.
Impossible d’interpréter autrement la décision de la direction de la Coopérative nationale de l’information indépendante du Québec, qui comprend cinq quotidiens régionaux en plus du Soleil à Québec, de suspendre la publication hebdomadaire des textes rédigés par des membres du Regroupement Des Universitaires. Patrick Provost en était le principal porte-parole et coordonnateur depuis les débuts, en 2020. Plus d’une centaine d’articles portant principalement sur des enjeux environnementaux et sanitaires avaient été publiés et une huitaine étaient déjà programmés pour l’été.
La décision de tout interrompre est arrivée dans la foulée de la controverse dont Jean-François Cliche a fait état d’une manière biaisée dans les pages de ce même journal.
Difficile de ne pas établir un lien entre la fin abrupte de cette entente et le retrait par la direction de Québecor Média d’un texte de Patrick Provost paru dans ses deux grands quotidiens dans lequel il y expliquait les raisons de sa méfiance envers les vaccins.
La décision de la direction de la Coopérative de presse s’explique d’autant moins qu’aucun des articles du Regroupement Des Universitaires n’a porté sur les vaccins contre la COVID-19.
Patrick Provost lui-même s’est toujours exprimé en son nom personnel, jamais au nom du Regroupement Des Universitaires ou de l’Université Laval.
Sans vouloir soutenir les théories du complot, il est permis de se demander pourquoi la censure entourant la COVID-19 frappe aussi fort. Les gouvernements du monde entier, et celui de notre beau pays au premier chef, auraient-il instrumentalisé la pandémie à des fins politiques dans le but de soumettre leurs commettants par la peur?
Même dans un société démocratique, la censure n’est jamais que la pointe de l’iceberg. L’auto-censure fait encore plus de ravages. Nous ne saurons jamais combien de professionnel.le.s des domaines de la santé, de l’éducation et de la fonction publique évitent, par crainte de représailles, de contester les dogmes du discours politique dominant.
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