par Alastair Crooke.
Ce dilemme pour Israël a précisément été au centre des discussions lors de la visite de Biden en Israël. Israël a insisté pour que Biden trace une « ligne rouge » pour l’Iran : Soit accepter une solution diplomatique avec Téhéran dans un délai déterminé, soit faire face à une guerre contre les États-Unis. Biden s’est défilé.
Sayyed Hassan Nasrallah a averti – explicitement – que si les droits d’exploration de la ZEE maritime du Liban vis-à-vis d’Israël n’étaient pas résolus, il entrerait en guerre. Il a même fixé une date limite : Septembre. Dans un mois seulement. Dans ce contexte, il existe un précédent potentiellement explosif : La situation des champs libanais contestés (Karish et Qana) rappelle étrangement celle des champs de gaz volés dans la bande de Gaza en Palestine. À l’œil nu, les habitants de Gaza ne peuvent que regarder les plateformes de forage gazier israéliennes opérer à quelques kilomètres de leur propre côte, ne leur rapportant que quelques maigres pourcentages de la valeur extraite.
Le Hezbollah est déterminé à ce que les actifs énergétiques du Liban ne connaissent pas le même sort.
Pour remuer le couteau dans la plaie, le 15 juin, un protocole d’accord a été signé pour exporter ce même gaz palestinien offshore vers l’UE, qui, comme tout le monde le sait, est tout simplement désespérée pour le gaz après son erreur stratégique de se joindre à Washington pour sanctionner la Russie. L’UE paierait en retour à l’Autorité palestinienne seulement 4% de la valeur. (L’UE, par pure coïncidence, vient toutefois d’annoncer un nouveau programme d’aide à l’Autorité palestinienne, d’un montant de 224,8 millions d’euros).
La position de Sayyed Nasrallah sur l’exploration israélienne du gisement de Karish, dans les eaux libanaises contestées, pourrait cependant entraîner un changement dans le calcul de la résistance palestinienne, si la région devait sombrer dans la guerre.
Maintenant, regardons vers l’est : Alon Pinkas, ancien diplomate israélien et conseiller politique principal, reprend un commentaire d’Ali Larijani (ancien président du Majlis iranien) selon lequel « le conflit israélo-iranien ne peut être résolu par la diplomatie », ajoutant que les responsables politiques et militaires iraniens doivent suivre de près cette évolution.
Voici le premier point d’inflexion : L’ancien Premier ministre Ehud Barak a écrit dans Time Magazine que l’Iran atteindra effectivement le seuil nucléaire. Et qu’il est trop tard pour l’arrêter : « Oui, il leur faudra encore 18 à 24 mois [aux Iraniens] pour [parvenir] à une ogive de missile. Mais ces étapes peuvent être exécutées dans un petit laboratoire ou atelier – et ne peuvent pas être facilement suivies, et encore moins arrêtées ».
« Donc, même si vous disposez d’excellents renseignements (ce qui n’est pas toujours le cas), et que vous savez en temps réel ce qui se passe, vous pourriez constater que vous ne pouvez pas faire grand-chose à ce sujet. La réalité est donc la suivante : Israël et (à coup sûr) les États-Unis peuvent opérer au-dessus du ciel iranien contre tel ou tel site ou installation – et le détruire. Mais une fois que l’Iran sera devenu de facto un État du seuil nucléaire, ce type d’attaque ne pourra tout simplement pas empêcher les Iraniens de devenir nucléaires.
Ce que cela signifie, écrit Barak, c’est que « les États-Unis peuvent encore dissuader l’Iran de devenir nucléaire par un ultimatum diplomatique pour arrêter le programme, soutenu par la menace crédible d’une guerre à grande échelle. Rien d’autre que cela ne peut garantir un résultat. J’espère que c’est encore réaliste ».
Oui, Barak dit qu’Israël, aussi, est maintenant à un nouveau point d’inflexion. Le vieux mécanisme d’endiguement du JCPOA est dépassé ; il dit que le conflit israélo-iranien ne peut pas être résolu par la diplomatie, mais seulement par une perspective crédible de guerre.
Ce dilemme pour Israël a précisément été au cœur des discussions lors de la visite de Biden en Israël. Israël a insisté sur le fait que Biden devait tracer une « ligne rouge » pour l’Iran : Soit accepter une solution diplomatique avec Téhéran dans un délai déterminé, soit faire face à une guerre contre les États-Unis. Biden s’est défilé. Il a simplement répété qu’il était favorable à la diplomatie. Il n’a pas voulu dire « et si » le JCPOA échouait – à la grande frustration du Premier ministre Lapid.
La riposte de Biden n’est pas une « stratégie », c’est un espoir de « s’en sortir » : L’espoir qu’Israël ne tentera rien de stupide, que l’Iran se contentera de rester sur le point de faire une « percée » (raccourci pour la décision, suivie d’une action, de passer d’un programme civil à des armes), et que le calme pourra être préservé jusqu’aux élections de novembre aux États-Unis.
Alors, que peut faire Israël face à l’absence de réponse de Biden ? Comme l’explique Alon Pinkas : « Mettre en œuvre une approche méthodique et ferme à l’égard de l’Iran, en faisant correspondre à Téhéran non pas tant une cible pour une cible, mais une stratégie pour une stratégie. L’objectif final : Réinitialiser les lignes rouges [de dissuasion] ». (Encore.)
Lapid : « Nous avons dit au monde que nous n’étions pas prêts à en supporter davantage, l’Iran dit : nous pouvons amener la guerre à votre porte, parce que vous ne l’amènerez jamais à la nôtre… Ce n’est pas comme ça que ça va se passer… Si les Iraniens amènent la guerre à notre porte, alors ils trouveront la guerre à la leur. S’ils veulent l’éviter, alors nous l’éviterons aussi ».
Pinkas paraphrase la déclaration de Lapid ainsi : « Nous avons entendu vos proclamations fastidieuses selon lesquelles vous avez l’intention de nous rayer de la carte, de raser Tel-Aviv, etc. Nous avons fini de disséquer chaque mot à la recherche de sens cachés et d’ambiguïtés, nous avons compris… Alors, s’il vous plaît, écoutez ceci : Si la finalité de l’Iran est l’éradication d’Israël, ce sera aussi la stratégie d’Israël ».
Eh bien … nous « comprenons ». Et cette déclaration est un bon augure pour notre deuxième point d’inflexion : Le membre de la Knesset Itamar Ben-Gvir, mouche du coche d’extrême droite qui dirige le parti du Pouvoir juif, est actuellement la plus grande star de la télévision dans la politique israélienne depuis Netanyahou. Il est l’incarnation parfaite de l’éternelle « jeunesse des collines » (c’est-à-dire du radicalisme des colons). Lors des élections précédentes, Netanyahou s’est assuré qu’Itamar Ben-Gvir, un raciste déclaré, serait élu et ferait partie de la coalition au pouvoir. « Nous devons reconnaître que Ben-Gvir change la donne, qu’il unifie les ultra-orthodoxes, les colons et le Likoud en un grand bloc », écrit Chuck Freilich dans Haaretz.
La droite n’a pas eu de propagandiste aussi révolutionnaire depuis Netanyahou… Voilà l’enjeu. C’est l’enjeu des prochaines élections. Si Netanyahou est réélu, nous pourrions rapidement nous retrouver là où nous étions, mais en bien pire cette fois. La coalition qui pourrait le ramener au pouvoir serait composée des forces les plus radicales et les plus sombres de l’histoire d’Israël, prévient Freilich.
Qui bluffe qui, ici ? Israël prétend « essayer de comprendre l’ultimatum de Nasrallah sur la question maritime ». Les responsables israéliens disent que le Sayyed perd son sang-froid. Il s’est, disent-ils, mis dans l’embarras au moins deux fois ces dernières semaines. Les évaluations israéliennes expliquent ainsi les propos de Nasrallah comme une tactique de diversion, en attirant l’attention sur la menace supposée d’Israël, afin de détourner l’attention de sa position sensible dans la politique intérieure libanaise.
Mais ce n’est pas ce que les hauts fonctionnaires ont dit à Biden pendant son voyage en Israël. Ils ont averti que Sayyed Nasrallah est très probablement sérieux dans sa menace de guerre.
Et, en ce qui concerne l’allusion à l’éradication mutuelle assurée (de l’Iran) par Israël ? Si cette éradication ne peut être réalisée de manière conventionnelle, comme Ehud Barak l’a expliqué de manière convaincante, le passage à la droite dure évoqué par Israël ne suggère-t-il pas qu’une réponse nucléaire à la « percée » pourrait bientôt être envisagée ? Ou s’agit-il d’un nouveau coup de bluff ?
Ainsi donc, à un moment où Taïwan et l’Ukraine sont au premier plan des préoccupations mondiales concernant les risques de guerre, il est bon de rappeler que Mike Pompeo, dans un discours politique réfléchi prononcé au Hudson Institute en juin, a défini Taïwan et l’Ukraine, ainsi qu’Israël, comme étant Les Trois Pivots phares de l’action de soutien néo-conservatrice.
source : Al Mayadeen
traduction Réseau International
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