« Le général expose que le rétablissement d’une France forte constitue, sur le continent, avec une Russie puissante la meilleure garantie de sécurité. » (Mémoires de Guerres, 3, p. 364)
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par Nicolas Bonnal.
Dans ses Mémoires de guerre, le général entrevoit et dénonce la mondialisation américaine, le déclin pathétique de l’Europe, la fin des empires coloniaux, la liquidation du millénaire État-nation, liquidation à laquelle nos élites ou supposées telles ont depuis pris une si joyeuse part. C’est d’ailleurs pour cela que le général de Gaulle ne cesse de vouloir se rapprocher de la Russie, fût-elle dirigée par le maréchal Staline. Ce dernier apparaît sous sa plume non pas comme le diable de nos historiens de plateau mais plus simplement comme le gentil ogre avec qui il faut apprendre à s’entendre. Et c’est de Gaulle qui rappela à Harry Hopkins, bien avant les amateurs de « théorie du complot » comment les américains fabriquèrent Hitler (un passage étonnant). Après la guerre ils recyclèrent le nazisme spatial et administratif.
Mais commençons par le doux ange luciférien Roosevelt, modèle de Biden et des adorateurs des présidents démocrates. Le général explique régulièrement que la menace c’est Roosevelt. Le futur ordre mondial sera basé sur le dollar, le business, la fin des frontières et sur la base américaine. Roosevelt, porte-parole des élites hostiles, lui explique en souriant que « la race blanche est dans une situation critique en Asie », et ce sans doute du fait de la victoire américaine sur le Japon. Nous avons rappelé que la diplomatie US n’a qu’un seul but selon Trotski : la liquidation de l’Europe.
L’ubris américaine est une donnée permanente. Roosevelt sait qu’il a gagné le monde grâce à cette guerre européenne qu’il a inspirée sans la livrer. Voici ce qu’écrit le général :
« Dès lors que l’Amérique faisait la guerre, Roosevelt entendait que la paix fût la paix américaine, qu’il lui appartînt à lui-même d’en dicter l’organisation, que les États balayés par l’épreuve fussent soumis à son jugement, qu’en particulier la France l’eût pour sauveur et pour arbitre. »
De Gaulle souligne ensuite l’instinct dominateur américain :
« Les États-Unis, admirant leurs propres ressources, sentant que leur dynamisme ne trouvait plus au-dedans d’eux-mêmes une assez large carrière, voulant aider ceux qui, dans l’univers, sont misérables ou asservis, cédaient à leur tour au penchant de l’intervention où s’enrobait l’instinct dominateur. »
Les USA contrôleront les anciennes colonies. Et cet instinct dominateur aboutira à la fin de notre indépendance :
« Cependant, devant l’énormité des ressources américaines et l’ambition qu’avait Roosevelt de faire la loi et de dire le droit dans le monde, je sentais que l’indépendance était bel et bien en cause. »
Quand il rencontre Roosevelt à Washington (ce dernier lui donnera sa photo dédicacée !), le général lui fait quand même part de son inquiétude :
« En tenant l’Europe de l’Ouest pour secondaire, ne va-t-il pas affaiblir la cause qu’il entend servir : celle de la civilisation ?… Sa conception me paraît grandiose, autant qu’inquiétante pour l’Europe et pour la France (…) Passant d’un extrême à l’autre, c’est un système permanent d’intervention qu’il entend instituer de par la loi internationale. »
En évoquant le futur état de guerre américain, le général ne plait pas à tout le monde. Il rappelle que pour Roosevelt « Alger peut-être, n’était pas la France » (l’Afrique Nord pour Washington n’est déjà plus la France), et il nous explique pourquoi il est alors fascisé par la presse française et internationale déjà – toujours – aux ordres.
« La plupart avançaient que j’étais candidat à la dictature ; que mon entourage, noyauté de fascistes et de cagoulards, me poussait à instituer en France, lors de la libération, un pouvoir personnel absolu. »
Rien de nouveau sous le soleil décidément…
Venons-en à la vision du général de Gaulle de la Russie et du maréchal Staline.
« J’ajoute que la position si favorable prise à notre égard depuis longtemps par le maréchal Staline et le gouvernement de l’Union soviétique, dont le rôle dans la guerre est capital comme il le sera demain dans la paix, nous donne lieu d’espérer que la France et la Russie pourront, dès que possible, fixer entre elles les modalités de l’étroite collaboration dont dépendent, je le crois, la sécurité et l’équilibre futurs de l’Europe. »
Aujourd’hui le général serait poursuivi pour des phrases comme cela.
De Gaulle espère et vaticine les tendances diplomatiques profondes :
« Assurément, tout porte le Kremlin à désirer qu’il renaisse une France capable de l’aider à contenir le monde germanique et de rester indépendante à l’égard des États-Unis. »
Puis le général espère même rassembler les États-Unis et la Russie :
« En effet, la France est à la fois puissance européenne et puissance mondiale. Comme puissance européenne, elle tient à être d’accord avec la Russie. Dans la mesure où elle est puissance mondiale, elle doit avoir de bonnes relations avec les États-Unis. Nous trouverions donc intolérable une situation d’hostilité entre ces deux pays. »
Il ne faut pas trop rêver négocier avec l’impérialisme. Les Américains et leurs agents créeront dès la fin de 1945 la bonne vieille guerre froide, en diabolisant l’ennemi soviétique et le « totalitarisme soviétique ».
De Gaulle évoque « l’appétit d’ogre » de Staline, qui lui rappelle alors que les petits pays comme la Hongrie et la Bulgarie ont joyeusement participé à l’atroce invasion nazie de son pays. De Gaulle rappelle que la Pologne a occupé deux fois Moscou et il souligne de toute manière la bonne volonté anglo-saxonne en la matière (la guerre froide, c’est pour après cette guerre, histoire de maintenir la présence anglo-saxonne en Europe).
Puis il lui fait la proposition suivante (en rappelant qu’une France russophobe ou sans la Russie perd toujours (Kerillis pensait de même) :
« Le fait que la Russie et la France s’étaient séparées avait influé sur le déchainement des ambitions germaniques, le désastre français puis l’invasion du territoire soviétique… J’esquissais la perspective d’une entente directe entre les gouvernements de Moscou et Paris pour fixer les bases d’un règlement… ».
Et Staline lui propose de mettre à l’étude un pacte franco-russe pour se prémunir contre une nouvelle agression allemande.
Grace à de Gaulle, « le Maréchal estime que la France doit reprendre la place qu’elle mérite » dans le chœur des nations.
De Gaulle assiste ensuite à la messe à Saint-Louis des Français, voit des spectacles folkloriques et conclut joliment :
« Nous n’en marquions que mieux à l’égard de ce grand peuple, notre amicale admiration. »
De de Gaulle à Macron on mesure la route parcourue !
Nicolas Bonnal
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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