“Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, l’histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur”, dit un proverbe africain que Chinua Achebe aimait à citer. Avec ce récit magistral, tout s’effondre.
…«L’absence de récit national, fruit d’un large consensus, produit par un Etat fort et légitime indépendant intellectuellement dont la main ne tremble pas en assumant le passé héroïque des Um Nyobè et Félix Moumié, laisse la porte ouverte aux interprétations où seul le récit du colonisateur tient lieu de vérité absolue».
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Paris – François Hollande au Cameroun, en juillet 2015, a brisé le tabou mettant un terme à une invraisemblable amnésie de 58 ans qui frappait ce pays concernant les massacres commis par l’armée Française dans ce pays central de l’Afrique.
«Il y a eu une répression dans la Seine-Maritime en pays Bamiléké et je veux que les archives soient ouvertes pour les historiens, a déclaré François Hollande, ajoutant : «Je tenais à venir ici au Cameroun, Il y avait presque quinze ans qu’un président de la République française n’était pas venu en visite officielle dans vote pays Monsieur le président. Je tenais à y venir aussi parce qu’il y a des liens humains qui unissent nos deux pays. Certains de ces liens plongent loin dans notre histoire. Ils peuvent être douloureux et la France regarde toujours avec lucidité son passé pour mieux préparer son avenir et c’est ce que nous avons fait».
Le président français s’est borné à mentionner «La SANAGA maritime, en pays Bamiléké», sans plus de détails. À croire que l’allusif est la marque de fabrique des dirigeants français, particulièrement des hiérarques socialistes.
Laurent Fabius en visite de repentance à Téhéran se bornera, lui aussi, a mentionner «les souffrances, je pense aux souffrances qui ont été éprouvées pendant la guerre Iran-Irak (1980- 1988), occultant sa responsabilité particulière en sa qualité de premier ministre du temps de la co-belligérance franco irakienne contre l’Iran dans la décennie (1979-1989).
Pourtant la «Sanaga Maritime», dans la mémoire vive des Camerounais retentit comme Sétif en Algérie, Thiaroye au Sénégal, Alexandrette en Syrie, Bizerte en Tunisie et Suez en Égypte. Autant de variations sur la face hideuse de la «Partie des Droits de l’Homme».
L’intitulé de la mission était anodin et résonnait furieusement avec la mission civilisatrice de la France et sa charge d’aînesse, visant à apporter la civilisation et les lumières aux races inférieures.
La pacification de la Sanaga maritime est en fait la campagne menée par l’armée française pendant un an dans la décennie 1950 (Décembre 1957 à Janvier 1959) pour mater le mouvement indépendantiste camerounais. À la lecture du rapport établi par le Colonel Jacques Lamberton, Colonel d’infanterie, il se révélera être une chronique d’un crime de bureau ordinaire, comparable à celui du préfet Maurice Papon sous l’administration préfectorale du régime collaborationniste de Vichy (1939-1945).
Tout est narré sans la moindre émotion, dans la grande tradition des bilans comptables des grandes entreprises, sans la moindre impression que son auteur traite de cas humains, d’un conflit dont l’enjeu va déterminer le positionnement futur de la France dans son ancien empire.
Circonstance aggravante, si Papon pouvait plaider l’excuse de l’obéissance passive aux ordres hiérarchiques, ses successeurs gardés français ne pouvait invoquer la moindre excuse absolutoire, en ce qu’ils auront été les concepteurs et acteurs primordiaux de la répression du peuple camerounais, nourri de l’expérience de la période post guerre mondiale.
Circonstance accablante, une lecture diachronique de ce fac-similé révèle la cécité du commandement politique et militaire français et sa posture proto-fascisante.
Mise en contexte
Certes, le secteur de la Sanaga maritime présentait un intérêt stratégique majeur en ce qu’il pouvait menacer la jonction de Yaoundé avec le port de Douala. Mais ce ci n’explique la furie française, dans un contexte historique qui aurait dû inciter les décideurs de l’époque à brider leurs pulsions éradicatrice.
L’Opération ZOPAC (zone de pacification) s’est déroulée en 1957-1959, soit à une période marquée par la défaite de Dien Bien Phu (Vietnam), en 1955, première défaite d’une armée occidentale devant une armée du tiers monde; l’agression tripartie de Suez (1956), l’expédition punitive française menée de concert avec Israël et la Grande Bretagne contre l’Égypte pour châtier Nasser d’avoir nationalisé le Canal de Suez, sa principal source de revenus; enfin, dans la foulée du soulèvement algérien.
Mieux, la révolte du peuple camerounais intervient dix ans après la fin de la IIe Guerre Mondiale et de la promesse de Brazzaville (1944), faite par le général De Gaulle d’octroyer l’indépendance aux pays africains à titre de gratitude pour leur contribution à la victoire française contre l’Allemagne nazie.
Pis, la répression française au Cameroun s’inscrit dans la série des massacres coloniaux qui ont jalonné l’histoire de France après la IIe Guerre mondiale, de Sétif et Guelma (Algérie), le 8 mai 1945, le jour même la fête de la victoire alliée, à Thiaroye (Sénégal), en 1946.
Comme si la France, par haine de soi, a voulu gommer sa défaite et sa collaboration nazie par un acharnement sur ses bienfaiteurs, ses propres colonisés, supposés lui être inférieurs.
Le texte en témoigne. Ci joint un échantillon de morceaux choisis
Page 44 : Les méthodes employées dans la ZOPAC
Les méthodes employées dans la ZOPAC, la zone de pacification, autrement dit dans le terrain de chasse de l’armée française, n’ont rien d’original : «Isoler les rebelles pour les désagréger et finalement le détruire».
Tel un automate, l’auteur du rapport égrène les onomatopées sans se poser les vrais questions : Des rebelles à qui ? À l’ordre colonial ? Des rebelles à quoi ? A l’exploitation séculaire des peuples africains et au pillage de leurs ressources au nom de la charge d’aînesse de la France et de son rôle positif dans la colonisation ?
Isoler les rebelles pour les désagréger et finalement les détruire… Non reconsidérer son comportement antérieur sur la base des récriminations et revendications des rebelles, et nouer des négociations pour un vrai partenariat.
Page 37 : Le problème des ralliés
«Le ralliement était un moyen, non une fin. Le terme rallié étant synonyme de reddition. Le rallié étant un agent de désagrégation du système rebelle». On s’en doutait. Point n’était besoin d’être grand clerc pour deviner les turpitudes du pouvoir colonial.
À la lecture de ce passage, il est difficile au lecteur de ne pas éprouver une grande tristesse à l’égard de tous les abusés de la puissance coloniale et de ses belles promesses, tous les supplétifs anciens modernes, aussi bien les Harkis Algériens, que les porteurs de mallettes et de djembés de la Francafrique, que les porte serviettes de l’administration française de l’opposition syrienne off shore… Tous les Bounty et les «Rented negroes» de l’époque contemporaine aveuglés par les paillettes fugaces d’une actualité vorace.
Dans sa guerre psychologique contre le mouvement national camerounais, mené par l’UPC (Union des Populations Camerounaises), sous la houlette du tandem magique de la lutte pour l’indépendance Félix Moumié et Ruben Um Nyobé, l’armée française va recourir à une équation basique, dans la digne tradition des clichés sommaires de la littérature coloniale, -«Y a Bon Banania»- qui témoignent de son mépris pour les aspirations nationales des peuples colonisés : «UPC= TSE TSE, elle pique, elle endort et elle fuit».
Ne cherchez pas plus loin pour comprendre comment la France a perdu son empire colonial et de nos jours son rang de grande puissance… Par de procédés aussi sommaires que rudimentaires, sur une posture du mépris, de la morgue et de la suffisance.
Traumatisée par la défaite de Dien Bien Phu, sur la défensive en Algérie, l’armée française va appliquer au Cameroun les méthodes glanées sur les champs de bataille du Vietnam. L’ouvrage consacre un chapitre complet à «L’action psychologique» (Chapitre 5); aux «Méthodes et procédés (Chapitre 4) avec en annexe une rubrique «ordres particuliers.
L’Algérie et le Cameroun serviront de banc d’essai à la «théorie de la contre-insurrection», théorisée par le Général Paul Aussaresses, le commandant Zéro de la torture en Algérie, avant de l’enseigner en Amérique latine pour les sbires du Plan Condor de sinistre mémoire… avant d’être recyclées pour les tortionnaires du camp irakien d’Abou Ghraib, lors de l’invasion américaine de l’Irak (2003-2008).
Heureux Hasard
«Le hasard ne favorise que ceux qui le méritent», estimait Pascal. Heureux hasard en effet que la découverte de ce fac-simili dans une caisse abandonnée dans un village, de la Sanaga maritime, découvert par un villageois dont deux des oncles avaient été passés par les armes par les pacificateurs français.
Une pêche miraculeuse, dont il importe d’en tirer le meilleur usage pour une pédagogie politique à l’intention des générations futures.
Sans risque d’erreur «La pacification de la Sanaga maritime» devrait figurer dans la bibliothèque des grands classiques des crimes coloniaux de la France, sur le même rayon que le «Code Noir de l’Esclavage», de Louis Moulin Salin, «Le Rapport Brazza», longtemps soustrait au regard du lecteur français et de la Venus Hottentote.
Que les Africains s’emparent de leur histoire et s’emploient à la purifier des scories de leurs anciens maîtres pour une saine pédagogie de leur propre histoire en vue de contraindre leur ancien colonisateur à revoir sa copie tant dans la perception de sa propre histoire que dans l’enseignement de cette discipline.
Épilogue
L’équation ralliement-reddition dispense, plus que tout, de grands discours, en ce que la France n’a jamais conçu un partenariat avec les Africains, voués, éternellement, dans son schéma mental, au rôle de subalterne.
Ruben Um Nyobe, le dirigeant syndicaliste, sera tué le 13 Septembre 1958, par les troupes françaises, alors qu’il dirigeait depuis la clandestinité la lutte pour l’indépendance de son pays. Luxe de perfidie, son compagnon de lutte, Félix Moumié, miraculeusement rescapé de la répression, sera, lui, mithridatisé… par Jacques Foccart, l’homme de main du général de Gaulle pour l’Afrique. Convié à Genève des pourparlers exploratoires avec l’âme damné de la Francafrique, il sera laissera abusé par la qualité de son hôte, qui en tirera avantage pour lui verser du poison dans son repas. Et dire que la France assourdira les tympans de la planète sur La mission civilisatrice de la France et son rôle positif… laissent songeurs.
Au delà du jugement que l’histoire portera sur la mandature trentenaire du Président Paul Biya, force est de constater qu’un lent mouvement de désenclavage s’opère du Cameroun vis à vis de la France, au profit des pays du BRICS, la force diplomatique montante du XXI me siècle, … une prise de distance perçue dans de larges couches de la population comme la sanction du mépris longtemps manifesté par la France à l’égard des «indigènes de son ancien empire».
Hollande vers la relance d’une nouvelle dynamique franco-camerounaise ?
Alors que la France est en constante régression sur le marché africain depuis plus d’une décennie, François Hollande, a tenté, en juillet dernier, lancé la semaine dernière, d’endiguer le sentiment anti-français sévissant sur le continent. Au Cameroun, dernière étape de son voyage africain, le chef d’État français a enfin reconnu en reconnaissant les crimes perpétrés par l’armée française entre 1950, époque où Ruben Um Nyobe a été massacré dans les forêts de Boumyebel dans la province du Centre et 1971, année de l’exécution d’Ernest Ouanjié, l’un des derniers combattants pour une véritable indépendance camerounaise.
«Il y a eu une répression dans la Sanaga-Maritime en pays Bamiléké et je veux que les archives soient ouvertes pour les historiens, a déclaré François Hollande, ajoutant : «Je tenais à venir ici au Cameroun, Il y avait presque quinze ans qu’un président de la République française n’était pas venu en visite officielle dans vote pays Monsieur le président. Je tenais à y venir aussi parce qu’il y a des liens humains qui unissent nos deux pays.
Certains de ces liens plongent loin dans notre histoire. Ils peuvent être douloureux et la France regarde toujours avec lucidité son passé pour mieux préparer son avenir et c’est ce que nous avons fait».
Mais suffit-il de reconnaître ces crimes pour revenir pour regagner l’estime du Cameroun ? Rien n’est certain.
Basile Louga, secrétaire général de l’UPC, Union des Populations du Cameroun, (parti dont sont issus les milliers de camerounais décimés par l’armée française), reconnaît qu’un déni aurait été pire. «Le président Hollande a eu raison de ne pas se situer dans le déni. Quelle que soit la qualité des relations entre États, il est évident qu’on ne peut pas conserver longtemps l’amitié d’un peuple dont on méprise la mémoire, dont on méprise la dignité».
Exemples du lent désengagement du Cameroun envers la France.
Percée de la Chine et de la Russie
La percée de la Russie et de la Chine dans le domaine militaire du Cameroun jusque-là une chasse gardée de la France est un fait nouveau annonciateur de grands bouleversements.
La Russie a opéré une percée significative sur le plan militaire, s’engageant à fournir à l’armée camerounaise «des armements et systèmes les plus sophistiqués de dernière génération». L’équipement militaire promis porte sur «l’artillerie, y compris l’artillerie de missiles, la protection aérienne, le système anti-aérien de missiles et de canons, le transport de personnel, les camions blindés et les autres équipements et armements». Pour garantir une bonne utilisation de ces équipements, la Russie serait prête à accueillir de jeunes camerounais pour la formation des spécialistes civils et militaires.
En plus du système de surveillance des frontières, un dispositif installé par la Chine, le Cameroun sera doté des systèmes de DCA Russes pour sécuriser son espace aérien.
Au plan économique, la Russie est prête à assurer la réalisation de projets d’infrastructure et de développement au Cameroun, notamment dans la Région de l’Extrême-Nord. Autrement dit, sur le plan économique, la 6e puissance économique mondiale va investir dans l’extrême-nord Cameroun, un message fort pour signifier que la guerre est d’abord une guerre économique et contre le sous-développement.
La Chine, pour sa part, outre le dispositif de surveillance des frontières, a offert du matériel militaire de protection maritime au Cameroun pour une valeur de 2,5 milliards FCFA, de même que des hélicoptères, à titre de contribution à la lutte contre la piraterie et la criminalité dans le Golfe de Guinée et contre la secte islamiste nigériane.
Elle envisage d’importants investissements dans le domaine économique. La Banque chinoise d’import-export (Exim Bank of China), l’institution financière publique qui fait office de bras séculier des investissements chinois à l’étranger, pourrait ouvrir une filiale au Cameroun.
Eximbank of China est d’ailleurs premier bailleur de fonds du Cameroun, Fin 2014, le Chine avait apporté son soutien financier à 21 grands projets réalisés sur le territoire camerounais, pour un montant total d’environ 3 milliards de dollars, soit environ 1850 milliards de francs Cfa. Investissements dans divers secteurs : Énergie (construction des barrages), transports (construction des ports et des autoroutes), télécommunications (pose de la fibre optique).
Inde-Chine
L’installation de deux usines de montage de véhicules (camions et berlines) par la société indienne Azad Coach et les firmes chinoises Gac Gonow et, surtout, Yutong, leader de la construction automobile en Chine et 3e dans le monde. Usine installée dans les villes de Douala, la capitale économique, et de Kribi, qui attend la mise en service de son port en eau profonde en cette année 2015.
Portugal
L’entreprise portugaise de BTP Mota-Engil réalisera le chemin de fer de 510 km reliant la localité de Mbalam, à l’Est du pays, au port en eau profonde de Kribi, dans la région du Sud. Une autre ligne de 71 km reliant Nabeba (Congo Brazza) à Mbalam est prévue. L’entreprise portugaise construira aussi l’appontement fer du port en eau profonde de Kribi, qui permettra de stocker les cargaisons issues de la mine de Mbalam.
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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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