Plaidoyer pour une Algérie arrimée à la locomotive BRICS

Plaidoyer pour une Algérie arrimée à la locomotive BRICS

par Chems Eddine Chitour.

« Les journaux regorgent des mêmes discours galvaudés d’intellectuels convaincus que les 12% de la population mondiale vivant en Occident peuvent continuer à dominer les 88% d’individus vivant ailleurs ». (Kishore Mahbubani, Le défi asiatique Éd. Fayard 2008)

Résumé

Cette phrase sans appel du diplomate singapourien Kishore Mahbubani résume, plus que cent discours, le mépris infondé, bâti sur une réputation surfaite de l’Occident et de son bras armé, l’OTAN. Jeudi 23 juin s’est tenu, à Pékin, en visioconférence, le quatorzième sommet des pays membres des BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud. Vladimir Poutine a appelé les BRICS à coopérer face aux « actions égoïstes » des pays occidentaux. Quand le G7 se réunit fin juin, c’est pour sanctionner, menacer, voire mettre en place des stratégies de maintien de l’ordre impérial unipolaire avec un Empire et ses vassaux. Nous le voyons avec la débacle de la Vieille Europe qui va au-devant de problèmes d’énergie difficiles. Pendant ce temps, l’Empire vend son gaz de schiste et n’est pas concerné.

Dans cette contribution, nous allons décrire la force tranquille que représentent les BRICS, partisans du respect de chacun et du doux commerce. Nous donnerons quelques pistes de réflexion du nécessaire aggiornamento de l’Algérie. Il est temps qu’elle connaisse ses intérêts et qu’elle procède à des ruptures en tournant le dos graduellement à des positions qui n’ont plus cours dans un monde de la guerre de tous contre tous.

Qui sont ces BRICS ?

En 2001, un économiste de Goldman Sachs, Jim O’neill, affirmait que les économies du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine étaient appelées à connaître un développement rapide, donnant ainsi naissance à l’acronyme BRIC. Vingt ans plus tard, ces pays ont connu une ascension fulgurante dans l’économie mondiale. Entre 2000 et 2008, la croissance des BRICS est nettement supérieure à celle des pays développés. Les BRICS, 5 pays mais plus du tiers de la population mondiale, représentent 41% de la population mondiale, 24% du PIB mondial et 16% du commerce mondial. Le sommet est accueilli par la Chine en mode virtuel et a pour thème « Favoriser un partenariat de qualité entre les BRICS, ouvrir une nouvelle ère pour le développement mondial ». Trois des cinq BRICS font partie des dix premières puissances économiques mondiales en termes de PIB. La Russie est 11ème, alors que l’Afrique du Sud est entre le 32ème et le 35ème rang, selon les classements. Aujourd’hui, elles totalisent un PIB de près de 20 000 milliards d’euros et comptent près de 3,1 milliards d’habitants, soit 42,1% de la population mondiale. En 2018, la Chine y occupe la deuxième place, suivie de près par l’Inde (7ème place), le Brésil (9ème place) et la Russie (12ème place). L’Afrique du Sud occupe, quant à elle, la 32ème place. Les Brics, surtout la Chine, ont nourri leur croissance grâce à leur force industrielle. Dans ce contexte, la croissance des BRICS a été stimulée par un formidable essor des exportations. En 2010, la Chine est ainsi devenue le premier exportateur de marchandises du monde devant les États-Unis. Par ailleurs, la faiblesse des  coûts de production de la Chine, de l’Inde et du Brésil a exercé une véritable  force d’attraction pour les  investissements directs étrangers (IDE) en provenance des autres pays du monde. La pérennisation de la croissance des Brics repose aussi sur le développement de la consommation domestique ainsi que sur la prise en compte de facteurs sociaux et environnementaux.

Un événement important a eu lieu pour accompagner les ambitions des BRICS, il s’agit de la décision de la mise en place d’une banque d’investissement. Les besoins en infrastructures sont « considérables, environ 4500 milliards de dollars [3500 milliards d’euros] au cours des cinq prochaines années ».

Les négociateurs travailleraient sur un apport de la Chine pour 41 milliards de dollars, du Brésil, de la Russie et de l’Inde pour 18 milliards chacun et de 5 milliards pour l’Afrique du Sud. (…) Chinois et Brésiliens ont convenu que leurs banques centrales signeraient un accord d’un montant de 30 milliards de dollars, afin de commercer en real brésilien et en yuan chinois et de se passer de la monnaie américaine. Les échanges commerciaux au sein des BRICS ont augmenté de 28% en 2011 pour atteindre 230 milliards de dollar.

Le budget militaire

Selon le dernier rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales on atteint, en 2020, 2000 milliards de dollars. Cela représente une augmentation de 2,6% par rapport à l’année 2019. Cinq pays représentent 62% des dépenses militaires mondiales. Avec un budget de 801 milliards de dollars, les États-Unis possèdent toujours le plus gros budget de défense dans le monde.

La Chine arrive en deuxième position avec les dépenses militaires estimées à 293 milliards de dollars. L’Inde occupe le troisième rang avec un budget de près de 76,6 milliards d’euros. Dans le suite du classement, de la 4ème à la 8ème place, on retrouve respectivement : le Royaume-Uni (68,4 mds $), la Russie (65,9 mds $), la France (56,6 mds $), l’Allemagne (56 mds $), l’Arabie saoudite (55,6 mds $).

Le monde multipolaire en marche

Les BRICS n’ont pas pour vocation de s’immiscer dans les affaires des pays. Il y a certains points communs, comme l’équilibre des relations internationales et la multipolarité. Réunis à Pékin, fin juin 2022, les Brics refusent un monde unipolaire. « Le 14ème sommet des BRICS de fin juin vient de se terminer par l’adoption d’un document-déclaration de Beijing » qui consolide l’expérience des pays émergents et consacre la coopération comme accélérateur de la reprise économique mondiale et du développement durable. Bien qu’ils représentent ensemble 20% du commerce mondial, les échanges entre eux se montent à 6% seulement. Pour cela, les discussions ont porté sur la structuration de chaînes d’approvisionnement sécurisées, dans le but d’atteindre les Objectifs du millénaire de développement durable en 2030. La priorité universelle est l’éradication de la pauvreté. La Chine a atteint cet objectif en 2020, abrégeant ainsi la souffrance de ses concitoyens vulnérables, 10 ans avant terme. Les BRICS s’ouvrent aux nouveaux membres et revendiquent d’avoir leur mot à dire dans la gouvernance mondiale[4].

« Les BRICS veulent augmenter leurs influences. Ils s’apprêtent à accueillir de nouveaux membres : l’Argentine, le Nigeria, le Kenya et l’Indonésie sont candidats, aujourd’hui, les cinq membres représentent 3,2 milliards de personnes, soit 42% de la population mondiale et 31% du Produit intérieur brut (PIB) mondial. En réalité, un grand nombre de pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud sont déjà connectés par le biais des nouvelles routes de la soie et leurs projets d’infrastructures sont financés par la banque des BRICS. L’Inde en est le plus grand bénéficiaire. « Sur les 30 milliards de dollars consacrés à 80 projets, 21 sont basés en Inde et concernent la mise en place d’infrastructures dans les domaines de la distribution de l’eau, des transports et de l’énergie, pour un montant total de 7,1 milliards de dollars », souligne le Global Times. Le Premier ministre indien, Narendra Modi, participe en personne au sommet des BRICS. Un paradoxe, puisqu’il a aussi participé fin mai à une réunion des Quad, une alliance de coopération militaire formée des États-Unis, du Japon, de l’Australie et de l’Inde, à Tokyo, contre la Chine ».

BRICS-G7, deux visions du monde

À côté des partisans du doux commerce et de la paix avec des partenariats win-win, les membres du G7 sont constamment sur le pied de guerre pour maintenir à flots un Titanic voué à se heurter à l’iceberg de la realpolitik qui est celui d’un nouveau monde où les pays du Sud lèvent la tête. Presque parallèlement au rendez-vous des BRICS, le sommet du G7 (qui regroupe sept pays riches occidentaux) s’est tenu du 26 au 28 juin à Krün, en Allemagne. Il a été suivi d’un autre, celui de l’OTAN les 29 et 30 juin à Madrid. Leur but est d’annoncer de nouvelles sanctions contre la Russie mais aussi continuer le containement de la Chine. Pour le président Biden qui veut mobiliser « la communauté internationale » telle qu’elle est définie par l’Occident, « la garantie de nos libertés face au Parti communiste chinois est la mission de notre temps, et l’Amérique est parfaitement positionnée pour en prendre la tête parce que nos principes fondateurs nous en donnent l’opportunité ». —« Maintenant, il ne s’agit pas de confinement. Détrompez-vous. Il s’agit d’un nouveau défi complexe auquel nous n’avons jamais été confrontés auparavant. L’URSS était fermée hors du monde libre. La Chine communiste est déjà à l’intérieur de nos frontières. Nous ne pouvons donc pas faire face seuls à ce défi. Les Nations unies, l’OTAN, les pays du G7, le G20, nos capacités économiques, diplomatiques et militaires combinées sont sûrement suffisantes pour relever ce défi si nous les utilisons avec clarté et avec beaucoup de courage ».

Le G7 représente le vieux monde qui a colonisé la planète durant 5 siècles et qui utilise des guerres multiformes pour tenter de résister à l’expansion du monde émergent. Avec plus de 3 milliards d’habitants, les BRICS comptent 40% de la population mondiale. Il n’y aura pas de retour en arrière dans la revendication du partage des richesses. Depuis le 1er janvier de cette année, 15 pays d’Asie (dont la Chine) ont créé la plus grande zone de libre-échange qui prévoit l’abattement des taxes douanières sur 90% de leurs produits.

L’entêtement de l’Occident à vouloir gouverner le monde

Le politologue Dmitry Orlov a analysé le sommet du G7, il écrit : « Le principal spectacle de l’unité occidentale était censé être centré sur la réunion du G7 qui s’est tenue fin juin dans un château allemand isolé. Les représentants des États-Unis, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de l’Italie, du Canada, de la France et du Japon étaient censés démontrer leur unité concernant les activités russes dans l’ancienne Ukraine. Le premier élément de cette action décisive a été la proposition américaine de sanctionner les ventes d’or russe, qui représente 10% de la production mondiale totale. L’Allemagne, la France et l’Italie n’ont pas soutenu cette initiative courageuse, et la proposition est tombée comme un ballon de plomb. Le deuxième élément nouveau est la proposition de plafonner le prix du pétrole russe. Les modalités de plafonnement par le G7 d’un produit contrôlé par la Russie ont été laissées à l’appréciation des participants, qui n’en ont plus entendu parler. Le sujet de l’Ukraine était une diversion accessoire, bien que très nécessaire, par rapport au thème principal initialement prévu de la réunion du G7 : la lutte contre le changement climatique. Ici, la plupart des discussions ont porté sur le retour à l’utilisation des combustibles fossiles. L’Occident est occupé à rouvrir ses centrales électriques au charbon mises en veilleuse et à trouver suffisamment de charbon pour les alimenter. Pendant ce temps, l’agenda vert est jeté par la fenêtre. Il a été rapidement admis que le G7 ne peut rien faire pour arrêter l’opération militaire spéciale de la Russie dans l’ancienne Ukraine»[6].

Analysant le sommet de l’OTAN, l’auteur écrit : « L’unité de l’Occident contre la Russie, que devait démontrer le sommet de l’OTAN des 29 et 30 juin à Madrid, ne s’est pas concrétisée. L’Allemagne et la France ont insisté pour préserver l’Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l’OTAN et la Fédération de Russie signé en 1997. Sur le sujet très important de l’ex-Ukraine, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a fait son discours habituel sur le soutien sans faille à l’Ukraine, mais personne n’a prononcé un seul mot en faveur de l’offre de garanties de sécurité réelles. L’OTAN lui offre un soutien non létal. Au total, l’OTAN a semblé adopter une position parfaitement passive vis-à-vis de la Russie en ce qui concerne l’ancienne Ukraine. En réaction, les médias occidentaux ont préparé l’opinion publique à accepter l’idée d’un règlement de paix négocié dans l’ancienne Ukraine. La capacité des États-Unis à commander le monde entier est terminée. Le monde unipolaire est mort ; le monde n’est pas non plus multipolaire, il est non polaire. Regardez l’état de tous les grands projets occidentaux. L’idée d’une transition vers les énergies vertes pour lutter contre le réchauffement climatique est morte ; apparemment, le charbon est le nouvel hydrogène. Le « Build Back Better » (reconstruire en mieux) s’est transformé en « Break Back Faster » (Revenir en arrière plus rapidement). La seule mesure concrète du G7 prise a été l’acceptation d’un plan d’infrastructure de 600 milliards de dollars pour favoriser les énergies vertes en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Il s’agit d’un geste symbolique destiné à contrer l’initiative chinoise « Road and Belt ». À cette fin, des représentants de l’Afrique du Sud, de l’Inde, de l’Indonésie, de l’Argentine et du Sénégal ont été invités au G7. Même les pays les plus occidentalisés découvrent, un par un, que la voie américaine ne mène nulle part. Aujourd’hui, la question du maintien de l’unité de l’Occident se résume à une vieille question : « Si tous vos amis sautent d’une falaise, sauterez-vous aussi ? »

De manière générale, les Brics plaident pour une refondation des organisations internationales comme le Conseil de sécurité de l’ONU et les organisations de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale) dans un sens qui reflète mieux l’émergence des nouvelles puissances et le caractère multipolaire du monde au XXIe siècle.

Lors du sommet des Brics en Chine, ils ont insisté sur la nécessité de réformer le système monétaire international, de réviser la composition des droits de tirage spéciaux. La Banque mondiale a salué l’initiative prise par les pays des BRICS de créer une banque de développement. On le voit, le dollar n’est plus la sainte et intouchable monnaie d’échange. Les pays des BRICS commencent à échanger dans leurs monnaies « (…) Le système post-Seconde Guerre mondiale de Bretton Woods est, désormais, officiellement mort, totalement illégitime. (…) Les pays des BRICS misent de façon accrue sur le yuan comme leur monnaie alternative ».

L’Iran renforce le poids des BRICS (Al-Monitor)

On sait que plusieurs pays ont émis le vœu de rejoindre les BRICS. Dans un rapport sur les avantages de l’adhésion de l’Iran aux BRICS, le site d’information Al-Monitor a souligné que l’entrée du pays dans la coalition rassemblant les grands pays émergents augmentera la valeur de ce groupe économique en raison de ses énormes réserves de pétrole et de gaz. Selon l’Irna, ce site d’information aujourd’hui, se référant à la demande d’adhésion de l’Iran, a écrit : « Selon les données du Fonds monétaire international (FMI), la Chine est la plus grande économie de ce groupe et représente plus de 70% de la valeur totale des BRICS de 27 500 trillions de dollars, tandis que la part de l’Inde en tant que deuxième pays est de 1%, et celles de la Russie et le Brésil représentent communément les 7% restants. Se référant au discours virtuel du président iranien, Ebrahim Raïssi, lors de son intervention à la réunion des BRICS où il a dit que Téhéran est prêt à partager ses vastes capacités et où il ajoute : « Avec l’entrée de l’Iran au groupe, la valeur des BRICS augmentera, car ce pays possède un quart des ressources pétrolières mondiales. Il est également le deuxième pays avec les plus grandes réserves de gaz au monde ». La participation de l’Iran aux BRICS est qualifiée de deuxième pas vers l’Est après son adhésion à l’Organisation de coopération de Shanghai. Et de poursuivre : « Le secrétaire général du Forum économique mondial a déclaré au Global Times que la présence de l’Iran dans les BRICS signifie des canaux plus efficaces et plus proches entre les ressources et les marchés, ce qui profitera à tous les membres ».

L’Égypte, l’Arabie saoudite et la Turquie s’intéressent aux BRICS

Les BRICS s’attendent à ce que l’Égypte, l’Arabie saoudite et la Turquie puissent rejoindre le groupe dans un avenir proche, écrit Middle East Monitor. « Tous ces pays ont manifesté leur intérêt à adhérer et se préparent à postuler pour l’adhésion. L’Égypte est actuellement la 22ème économie mondiale (juste derrière l’Iran) et la première en Afrique en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat. Le pays est par la même occasion la 12e puissance militaire du monde en 2022, première d’Afrique et du monde arabe. En ce qui concerne l’Arabie saoudite, elle est la 17ème économie mondiale en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat (18ème en termes de PIB nominal). Riyad a engagé néanmoins récemment une orientation stratégique axée sur la multipolarité. Quant à ses relations avec la Chine, l’État saoudien, au-delà d’être l’un des deux principaux (avec la Russie) fournisseurs de pétrole à Pékin, étudiait par la même occasion la possibilité de recevoir les paiements chinois pour le brut saoudien en yuans. Pour ce qui est de la Turquie, 11ème puissance économique mondiale en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat et 13ème puissance militaire du monde, seul l’avenir pourra dire si l’orientation en faveur de l’axe de la multipolarité sera privilégiée par le leadership turc. Selon les experts interrogés par Izvestia, l’Arabie saoudite, l’Égypte et la Turquie sont des candidats potentiellement prometteurs, mais le processus de leur adhésion ne sera pas rapide ».

L’Algérie : l’adhésion aux BRICS, un saut qualitatif pour le développement

L’Algérie a assisté à la dernière réunion des BRICS à Pékin. Pour le président Tebboune, « nos expériences passées nous ont clairement montré que le déséquilibre enregistré sur la scène internationale et la marginalisation des pays émergents constituaient une source d’instabilité, de manque d’équité et d’absence de développement ». « Ces tiraillements nous font rappeler et font remonter à la surface la thèse avancée par l’Algérie, il y a près de 50 ans, sur l’impératif de veiller à l’instauration d’un nouvel ordre économique où régneront parité et équité entre pays. « Aucun d’entre nous n’est en sécurité tant que nous ne le sommes pas tous », c’est la phrase que nous avons tous répétée afin d’utiliser nos expériences individuelles et collectives dans la lutte contre les différents défis de l’heure, dont les épidémies, les changements climatiques, le stress hydrique, la crise alimentaire et des menaces sécuritaires renouvelées ».

Le moment est venu pour l’Algérie de sortir des sentiers battus et d’oser une rupture qui la placerait sur la trajectoire du développement. Elle a beaucoup d’atouts qu’elle devrait mettre en valeur. On sait que l’Algérie et la Chine ont signé un mémorandum d’entente sur l’adhésion de l’Algérie à l’initiative chinoise, de la route de la soie. C’est peut- être l’angle d’attaque en termes de stratégie. La vision du soft power chinois a fait ses preuves et l’admission de l’Algérie d’une façon opérationnelle facilitera son adhésion aux BRICS. Déjà dans une contribution en 2016, j’écrivais : « Si nous avons un cap pour le développement du Sahara, la Chine pourrait nous accompagner. Au vu des défis du futur, il est possible de penser à une route de la soie qui emprunterait à partir d’Alger le trajet de la transaharienne électrique et qui irait irriguer toute l’Afrique centrale, de l’Est et de l’Ouest du fait qu’un partenariat Chine-Afrique existe. Qui ne tente rien n’a rien ».

Que peut apporter l’Algérie que d’autres pays n’ont pas ?

« Et si la route de la soie passait par l’Algérie ? Nos chances dépendent de notre ambition ». Environ 18% du total des importations algériennes provenaient de Chine en 2017, faisant de Pékin le premier fournisseur de l’Algérie, devant la France (environ 9%) Au-delà des activités d’échange, la Chine étant le premier partenaire de l’Algérie, ayant détrôné la France avec plus de 8 milliards de dollars d’achat. S’il y a une coopération chinoise en Algérie, il y a aussi une diaspora algérienne en Chine qui peut servir de trait d’union. Comment dans le prolongement de l’accord de partenariat stratégique, signé par les présidents chinois et algérien en 2014, aller plus loin ?[11]

Les atouts sont connus : l’Algérie est un immense pays, le premier d’Afrique, avec 7000 km de frontières, 1200 km de côtes avec la possibilité de développement de la façade maritime dans le cadre d’un port en eau profonde qui sera un hub pour les navires sur les 1200 km pour leur ravitaillement. C’est aussi la porte de l’Afrique. Des matières premières en qualité (fer, lithium, phosphate).

Une position privilégiée en Méditerranée

Ce qui fait le développement du pays, c’est son réseau routier, ses ports, ses aéroports. Parmi les autres atouts, un réseau ferré parmi les plus importants, 4500 km en 2020, 6500 km en 2023, 12 500 km en 2030. 35 aéroports sur tout le territoire dont 13 internationaux, 52 ports sur 14 wilayas côtières dont 11 ports de commerce international, 118 306 km de routes, un réseau autoroutier d’environ 2450 km en 2019. La Trans-Saharanienne se concrétise. Ce sont 4800 km qui relient Alger à Lagos dont plus de 2000 km en Algérie. Un projet pharaonique de plusieurs milliards de dollars qui va permettre le désenclavement de six pays africains et dont les retombées économiques seront aussi énormes que le projet.
Le Nigeria, le Niger, le Mali, le Tchad, l’Algérie, la Tunisie désormais reliés via une aorte africaine. La réception est prévue au Niger les semaines prochaines. La route de la soie africaine a toutes les chances d’exister ; l’Algérie en sera le maillon fort, elle qui est sa porte sur la Méditerranée.

Les chantiers de fond à revitaliser

Quelles que soient nos contraintes, deux ambitions devaient avoir la priorité et être les chantiers du président. Il s’agit d’un système éducatif toujours en difficulté et dont on diffère les réformes de fond. Il y a des actions qui ne doivent pas souffrir d’atermoiements. Revitaliser dans le fond les mathématiques et les lycées d’excellence car il faut construire patiemment l’élite du pays quelle que soit la santé financière du pays. Les grandes écoles peinent à se concrétiser à Sidi-Abdallah. Si on banalise, nous n’arriverons à rien de comparable à ce qui se passe ailleurs. Un exemple ? Un million de candidats pour une élite de 100 000 cerveaux dans les grandes écoles iraniennes. L’Université Sharif est plus cotée que Stanford ou Harvard. C’est de là qu’est sortie la regrettée Myriam Mirzakhani, médaille Fields de mathématiques, équivalent au prix Nobel, médaille d’or deux années de suite aux Olympiades de mathématiques qui, après cela, a rejoint Harvard, puis Stanford. Il y a nécessité à donner les moyens au MERS de concrétiser le plan initial des huit écoles prévues dans un environnement protégé.

Le deuxième chantier pour lequel nous prenons un retard inexpliqué au vu des grands enjeux du monde est celui de la transition énergétique. Il n’est que de voir comment l’Égypte s’accroche à la locomotive allemande pour mettre en place un plan hydrogène voulant devenir un partenaire privilégié de l’Europe avec même l’ambition de vendre de l’électricité à l’Europe en passant par la Grèce. La capacité de production actuelle de l’Algérie en matière d’électricité excède les 24 000 mégawatts, pour une consommation moyenne annuelle qui ne dépasse pas les 14 000 MGW.

Cette capacité va encore augmenter avec la réalisation des investissements qui sont en cours et qui sont d’une capacité de 6000 MGW. « Nous atteindrons une capacité de production de 30 000 mégawatts à l’horizon 2031-2032 », cela veut dire un investissement de 5 milliards de dollars alors que dans le même temps, pour les 1000 MW, impossible de mobiliser 800 millions de dollars qui peuvent nous permettre d’éviter la consommation de 1,5 milliard de m3, soit l’équivalent d’au minimum la moitié du financement des 1000 MW. Je suis de ceux qui en appellent à l’arrêt de construction de centrales thermiques. Nos ressources sont limitées et nous voulons à la fois vendre plus. Laisser le gaspillage continuer, ce sera impossible ! Car les actions entreprises en Algérie ne s’inscrivent pas dans un schéma d’ensemble qui est celui de la transition énergétique vers le développement durable.

Ce sont tous ces paradoxes qu’il faut lever si on veut mettre en place un modèle énergétique flexible qui trace le cap constamment adaptable de la transition énergétique. La révolution de l’électricité verte de l’hydrogène vert devrait avoir la sollicitude du président. Autrement, nous n’apporterons rien de nouveau et nous hypothéquerons l’avenir des générations futures quand la rente ne sera plus qu’un souvenir. Tourner le dos aux carburants fossiles (2035, plus de voitures thermiques) doit nous inciter à mettre en place une politique de transport multimodal de la voiture électrique, au bus électrique, au camion électrique, au métro et au tramway, sans oublier le réseau électrique en créant une transsaharienne électrique qui pourrait traverser le Sahara, irriguer les pays frontaliers.

Conclusion

L’inclusion de l’Algérie dans les BRICS est porteuse d’immenses possibilités. À nous d’être entreprenants. Les possibilités décrites permettront à l’Algérie d’être incontournable aussi sur le trajet de la route de la soie. L’histoire des peuples a montré que les plus grands dirigeants d’exception sont ceux qui, mus par une utopie, ont laissé des traces durables. Chaque pays défend et propose ses atouts. Les deux exemples cités montrent que ces pays ont une ambition. Si l’Iran n’est pas à présenter du fait que c’est une puissance technologique, l’Égypte tente de rattraper son retard en misant sur les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène. Imaginons que nous confions, dans le cadre de partenariats win-win, le plan solaire à la Chine – une autre partie pourrait être confiée à une « locomotive » comme l’Allemagne -, nous pourrions financer le plan solaire avec le gaz naturel épargné chaque année du fait de son remplacement par l’énergie électrique.

Si l’Algérie de 2022 décide de prendre le train de la modernité, de divorcer d’avec ses vieux démons de l’instrumentation de ses fondamentaux, elle doit réhabiliter le travail, vertu cardinale qui a disparu du fait de la mentalité de rentier et de baylek, de l’approximation dans nos démarches. Un état des lieux à mi-parcours est indispensable car des nuages se profilent à l’horizon et il est faut de penser que la rente va continuer à nous protéger. Pour avoir vécu le farniente, « pour une vie meilleure » avec un baril à 35$ (140 actuels) et un dollar à 7 DA ! Je nous mets en garde contre l’éphémère et en appelle à l’effort et à la mobilisation des forces vives à qui nous devons expliquer les enjeux du futur en lui parlant surtout des périls à conjurer par le savoir et la disponibilité

Par ailleurs, Nous devons toujours mobiliser la jeunesse comme l’ont fait en leur temps Roosevelt, avec le New Deal et la politique des grands travaux qui ont donné un coup de fouet aux développements des infrastructures de base en créant   des d’emplois publics. Il s’adresse aux laissés-pour-compte, en particulier aux pauvres, aux ouvriers (politique dite du « forgotten man ») des emplois d’utilité générale, notamment pour les jeunes (reboisement), des grands travaux (routes, barrages). Il en sera ainsi de la Civil Works Administration (CWA), politique destinée à créer 4 millions d’emplois. la Works Progress Administration (WPA), créée en 1935  qui offre huit millions d’emplois afin de promouvoir la conservation des ressources naturelles. D’autres mesures importantes comme la mise en place d’administrations fédérales clés telles que le Civilian Conservation Corps (CCC). Ces organismes conservationnistes fédéraux emploient des millions d’Américains au chômage pour planter des arbres, construire des barrages, faire des travaux destinés à empêcher les inondations, promouvoir l’agriculture et fournir de l’électricité dans les zones rurales les plus pauvres »[11].

Mutatis mutandis Boumediène par une politique de grands travaux avec le Service National avait lancé la Transaharienne, le développement de l’Industrie pétrolière, le Barrage vert, pour compenser les forêts brûlés par le napalm  la construction  de dizaines de barrages et même la construction de 1000 villages pour compenser une petite partie des 10 000 villages détruits. Ce sont ces types de rupture qui donneront du grain à moudre à une jeunesse en attente. Un plan de charge et une vision claire de la préparation de l’Algérie de 2030 permettront de mobiliser la jeunesse. C’est la seule façon de donner aux jeunes, acteurs de leur destin commun, celui d’une Algérie fascinée par le savoir qui tourne le dos aux temps morts et qui se bat pour exister dans un monde de la guerre de tous contre tous. Cet aggiornamento nous permettra de défendre sans difficulté notre adhésion aux BRICS.
 
Chems Eddine Chitour
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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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