par Karine Bechet-Golovko.
La Russie et l’Ukraine ont signé séparément en Turquie, sous l’égide de l’ONU, un accord céréalier. Parce que l’Ukraine a peur d’une nouvelle grande famine, il faut exporter de toute urgence le blé très loin du pays. Parce que les pays de l’OTAN peuvent faire entrer des armes en Ukraine, mais pas sortir de blé pour sauver le monde d’une famine politico-médiatique, il faut le faire passer par la mer Noire. Manifestement, les commanditaires atlantistes de cet Accord avait en mémoire les premières concessions accordées par la Russie, également en Turquie, qui lui avaient coûtées très cher – sans contre-partie aucune. Cette fois-ci, en bombardant des cibles militaires dans le port d’Odessa, la Russie a fait clairement comprendre qu’elle n’a pas signé de capitulation. Et le message est passé.
Puisque le monde est au bord d’une étrange et soudaine famine, le blé ukrainien va pouvoir le sauver. Mais cette fois-ci, la Russie a tiré les leçons de ses dernières douloureuses expériences de négociations. Elle a obtenu que ce même accord, puisqu’il est question de lutte globale, je dis bien globale, contre une famine non moins globalisée, comprenne la levée des sanctions concernant les exportations russes agricoles et des engrais. Au moins, soyons logique, s’il y a risque de « famine », pourquoi sanctionner les produits russes ? Cela a été obtenu, voyons si ce sera appliqué.
Cet accord met principalement en place des mécanismes, eux en revanche plus glissants, devant permettre l’exportation maritime du blé ukrainien, le blé étant une céréale délicate, qui tombe facilement malade dans les transports terrestres.
Ainsi, trois ports sont concernés – Odessa, Tchernomorsk et Yujny, tous sur la mer Noire – la mer d’Azov n’est donc pas concernée et reste la mer intérieure russe qu’elle est devenue.
L’ONU a décidé que le déminage prendrait trop de temps, il passe donc à la trappe. Autrement dit, il n’y a pas de démilitarisation de la zone « pour raison humanitaire », pas de sécurisation réelle des eaux, ce qui signifie bien que pour l’ONU le combat doit continuer dans cette région et il ne faut pas restreindre l’Ukraine. L’on voit ici apparaître le deuxième fond, militaire, de cet Accord.
Les bateaux ukrainiens chargés de blé passeront dans la mer Noire par un corridor délimité par accord commun et seront accompagnés par des marins ukrainiens. Zelensky a alors immédiatement crié à la victoire, l’Ukraine reprendrait ainsi le contrôle de la mer Noire. Au-delà de l’emballement médiatique, la réalité sera plus difficile pour lui, mais nous pouvons facilement croire qu’il mettra tout en oeuvre pour rentabiliser politiquement, ce qu’il n’a pu obtenir militairement. Pourtant, l’Accord prévoit qu’aucun accompagnement militaire n’est prévu, et que les avions, drones, navires ne doivent pas s’en rapprocher.
La dimension politique de cet Accord est encore plus flagrante avec la constitution d’un groupe de coordination composé d’un représentant de l’ONU (l’ONU n’étant pas un pays, qui sera nommé ?), de la Turquie (qui du statut d’intermédiaire devient partie), de l’Ukraine et de la Russie.
Concrètement, ces représentants, sauf le Russe, contrôleront le chargement du blé dans les trois ports visés. Autrement dit, la Turquie et le fameux « représentant » de l’ONU, deux éléments de l’Atlantisme, prennent officiellement pied en Ukraine, à la ligne de conflit.
Immédiatement, les Etats-Unis et l’UE se sont félicitées de la conclusion de cet Accord. Il est évident qu’elles espéraient y voir une nouvelle faiblesse de la Russie. Pour leur enlever toute illusion, cet Accord céréalier n’est pas une capitulation de la Russie, l’armée russe a ciblé des cibles militaires dans le port d’Odessa.
Pour autant, immédiatement, l’hystérie s’empare des Atlantistes. Blinken déclare que les Accords sont en danger et que la Russie les viole :
« Les États-Unis condamnent fermement l’attaque de la Russie contre le port d’Odessa. Vingt-quatre heures seulement après avoir finalisé un accord permettant la reprise des exportations agricoles ukrainiennes par la mer Noire, la Russie a violé ses engagements en attaquant le port historique à partir duquel les céréales et les exportations agricoles seraient à nouveau transportées dans le cadre de cet accord ».
La France suit la voix de son maître et accuse également la Russie de violer ces Accords, rappelons-le, céréaliers :
Dans la foulée, Zelensky accuse la Russie de torpiller le « dialogue » et est docilement repris par les médias :
En revanche, la réponse de Maria Zakharova remet les points sur les i : les missiles Kalibr ont été lancés contre des infrastructures militaires, se trouvant à Odessa, qui restent des cibles, où qu’elles se trouvent en Ukraine.
L’hystérie concernant l’export des céréales est retombée – rien ne l’empêche objectivement, si volonté réellement il y a. Mais nous pouvons être certains que ce n’est que le début du cinéma. Ces Accords ne présentent véritablement qu’un intérêt politico-militaire – ils permettent aux structures atlantistes de s’implanter officiellement dans l’Est, rendant plus difficile l’avancée de l’armée russe dans ces zones.
PS : L’on notera qu’après un pic début mars suivi d’une forte baisse, le cours du blé est en baisse constante depuis mi-mai …
source : Russie Politics
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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