par Denis Collin.
Pourquoi les hommes se soumettent-ils ? Cette question revient nous hanter en ces jours de scandale national. Il fut des moments dans l’histoire où le peuple se souleva et se débarrassa des tyrans, même des tyrans d’apparence débonnaire comme notre roi serrurier. Après avoir été cloitrés, confinés, contrôlés, soumis à la muselière et piqués d’abondance, nos concitoyens, semble-t-il, finissent par tout accepter. Quand on subit des hausses faramineuses des prix des produits essentiels, quand tonnent les canons de la peut-être prochaine guerre, que vaut la corruption du chef ?
Brillant polémiste, Étienne de la Boétie, le grand ami de Montaigne, avait dénoncé la « servitude volontaire ». L’expression est douteuse et Marie-Pierre Frondziak dans son essai Croyance et soumission (L’Harmattan) en avait fait la critique. Partant de la thèse de Spinoza, selon laquelle « les hommes combattent pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut », elle s’efforce de montrer comment affects et croyances expliquent ce paradoxe apparent.
En effet, on peut tomber dans la misanthropie qui consiste à considérer nos concitoyens comme des pleutres ou des décervelés. Il est préférable, cependant, de comprendre. Les ressorts de la tyrannie, explique encore Spinoza, sont la crainte et la superstition. Lors de la révolte des Gilets jaunes, le pouvoir en bon monstre froid a systématiquement et cyniquement utilisé la terreur contre les manifestants. Les tristement célèbres LBD ont fait reculer beaucoup de gens qui ne manifestaient plus de peur de perdre un œil.
La crainte encore avec « l’opération COVID » quand prenant prétexte d’une épidémie sérieuse, mais finalement pas beaucoup plus grave que les précédentes, les gouvernements ont décrété un état d’urgence sanitaire, prenant pour modèle ce qu’avait décidé le gouvernement chinois et ce que proposait le puissant cabinet américain McKinsey. La grande presse a relayé sans sourciller les campagnes gouvernementales. « La fin des temps est proche, repentez-vous », dit le faux prophète Philipulus dans Tintin et l’étoile mystérieuse. Les faux prophètes de ce genre, appuyés sur des statistiques biaisées ont fini par trouver un auditoire. La crainte de la mort peut devenir si forte qu’on est prêt à ne plus vivre pour n’avoir pas à mourir. Agamben parle de la « vie nue » quand la vie se réduit à la survie biologique, à la merci du pouvoir. C’est encore Agamben qui remarque que l’état d’exception devient la normalité avec les mesures prises pour « lutter contre la pandémie ».
Un rapport officiel a montré que les hospitalisations dues au COVID ne représentaient en 2020 que 2% des hospitalisations. Qu’à cela ne tienne : toute la bonne presse, sans contester les chiffres, a déployé des efforts dignes d’une meilleure cause pour montrer que ce 2% étaient extrêmement graves, bien plus que les 160 000 morts annuels du cancer, par exemple… La crainte, la croyance aveugle, aveuglée par les craintes et les superstitions : voilà ce qui a permis cet « état d’exception permanent » qui donne aux gouvernements le pouvoir de limiter nos libertés, même les plus élémentaires, comme celle d’aller et de venir ou de se promener en forêt.
Tous les éleveurs savent bien comment on dresse les bêtes. Les gouvernements devenus les gestionnaires du « parc humain » usent de toutes les techniques à leur disposition pour dresser le cheptel humain. La dynamique dans laquelle nous sommes engagés est très exactement celle du totalitarisme, si l’on veut bien admettre que le totalitarisme peut exister sans camps de concentration ni fours crématoires, instruments archaïques que la technologie moderne peut aisément remplacer.
Il n’y a donc aucune « servitude volontaire ». La crainte, appuyée sur la puissance de l’imagination suffit pour expliquer l’apparente passivité des individus. Ils peuvent même aimer leur tyran par désir d’en être aimés. Tout cela s’appuie sur des structures archaïques, tant du point de vue de chaque individu que du point de vue de l’histoire de l’humanité. « On retrouve le besoin du père, c’est-à-dire le besoin de protecteur qui nous garantit à la fois contre les éléments extérieurs, contre les autres et aussi contre soi-même. Il s’agit de ne pas être abandonné, de ne pas être livré à soi-même, donc de s’abandonner à d’autres ». (Croyance et soumission, p. 188) Le problème devient dramatique quand celui à qui l’on s’est abandonné n’a rien d’une figure « paternelle », même en faisant des efforts d’imagination, et quand la survie élémentaire apparaît comme l’enjeu immédiat. C’est généralement dans ce genre de situation que sortent les piques et que les carcans qui nous emprisonnent sont brisés.
source : Denis Collin
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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