Allez, je me jette à l’eau. Pour la dernière infolettre avant une pause de quelques semaines, je vais m’aventurer dans un domaine que je maîtrise peu et qui nécessiterait, pour bien faire, de solides connaissances en physique et en chimie. J’ai toujours été nul en ces matières et je n’y comprends goutte sur les propriétés physico-chimiques du fluide H2O. J’ai bien lu un certain nombre de livres et d’articles sur le sujet mais ça m’a plutôt embrouillé car ils se contredisent parfois entre eux. Au fil de rencontres et de lectures, de réflexions et d’expériences personnelles, je me suis cependant forgé des opinions sur cet élément liquide indispensable à l’être humain puisqu’il représente 60 à 70% du poids de son corps et 99% de ses molécules. À défaut de compétences scientifiques, j’ai construit mes convictions aquatiques sur ce qui me semble être du bon sens et de la simple logique. Et en toute cohérence, je consomme l’eau conformément à ce que je pense d’elle, de ses vertus et des paramètres qui la rendent plus ou moins bonne pour la santé. Probablement que certaines de mes idées vont en troubler plus d’un, susciter la controverse, voire provoquer un tollé. Et c’est fort bien comme ça car le thème vaut amplement débat. Si vous voulez réagir, donner votre avis, partager votre savoir et apporter vos propres infos sur l’eau, je vous invite donc à laisser vos commentaires sous la version en ligne de la newsletter. Et qui sait, cet espace d’échange pourrait devenir un chouette forum enrichissant tous ses participants. Pour clarifier le propos, je l’ai subdivisé en 5 questions auxquelles j’apporte mes réponses. Celles-ci, je le répète, n’ont pas la prétention d’asséner des vérités, mais seulement de refléter mes humbles notions, raisonnements et observations. Faut-il boire beaucoup ? Un litre et demi, deux litres, deux litres et demi… Depuis que les marchands d’eau en bouteille ont inventé la fable des 150 centilitres quotidiens indispensables et lancé le récipient de même contenance, on dirait que les normes d’hydratation sont frappées d’inflation. Des experts en nutrition ont même fixé à trois litres la quantité d’eau qu’un être humain devrait absorber chaque jour pour satisfaire son corps et combler les pertes. Aux États-Unis, certains influenceurs font miroiter que l’eau serait une fontaine de jouvence et un médicament naturel apte à décupler les performances physiques et mentales, chasser les douleurs, optimiser le système digestif ou rajeunir la peau. Mythe ou réalité ? C’est ce qu’a voulu vérifier une équipe de chercheurs américains en passant en revue 148 études scientifiques sur tous les aspects bénéfiques de l’eau. La conclusion de leur méta-analyse, c’est que les travaux existants ne démontrent aucunement les pouvoirs mirobolants attribués à la surhydratation, et notamment les effets sur l’épiderme. Tout ce qui est prouvé, c’est qu’il est très sain d’éviter la déshydratation et ses conséquences négatives. Mais aucune recherche ne permet d’affirmer que l’état de santé d’un individu progresse avec sa consommation hydrique. Il y a même des données indiquant que le contraire pourrait être vrai ! Par exemple, cette publication de 2008 montre que la forte consommation d’eau ne permet absolument pas d’éliminer plus de toxines à travers les urines, même si la volume mictionnel augmente. En fait, c’est l’inverse qui peut se produire, comme le suggère cette autre étude montrant que l’augmentation de la consommation d’eau diminue les capacités filtrantes des reins. De plus, l’excès d’eau peut entrainer une rétention de sodium, et donc participer à l’apparition de l’hypertension. Bref, il n’est pas du tout évident que nous ayons intérêt à nous hydrater excessivement en enfilant les verres d’eau tout au long de la journée. Certes, on peut considérer que deux litres sont un minimum à respecter pour compenser les fuites dues à la sudation et à la respiration. Mais comme il y a de l’eau dans pratiquement tous les aliments, on pourrait à la limite se contenter de manger. Pour un article de son blog, le docteur en biologie Jérémy Anso (auteur de « Santé, Mensonges et propagande », aux éditions Thierry Souccar) a naguère calculé que trois repas équilibrés par jour permettaient déjà d’atteindre les 2 litres journaliers. En consommant beaucoup de fruits et de légumes aqueux, il coule de source que le seuil est encore plus vite atteint et qu’il n’est nul besoin de se supplémenter en boisson. Selon Jérémy Anso, les recommandations officielles de boire 2 litres de liquide par jour ne reposent ainsi sur aucune base diététique solide. Derrière ces injonctions, il y aurait surtout un business florissant et une manipulation des foules à des fins commerciales. Ça ne vous rappelle rien ? Pour ma part, je prends pour modèle ma vieille maman de 92 ans. Depuis que je la connais, soit plus de 62 ans, je l’ai toujours vue aller se coucher avec un verre rempli, puis descendre le matin sans y avoir touché. Elle n’en a nullement le caractère mais ma mère est un vrai chameau qui ne boit quasiment pas et ne s’en porte pas plus mal. Sauf en prévision d’efforts sportifs et en période de canicule, je suis également un partisan de la sobriété car celle-ci me semble plus propice à la longévité en bonne santé. Que je sache, les Crétois ou les habitants d’Okinawa ne sont pas connus pour raffoler la flotte. Faut-il boire sans soif ? Cette question n’est pas identique à la précédente car on peut boire beaucoup tout en attendant l’appel du corps. Ou bien anticiper le signal de soif et s’hydrater modérément avant d’en ressentir le besoin Quand elles nous poussent à (sur)consommer de l’eau, l’industrie agro-alimentaire et les autorités sanitaires tendent à faire croire que notre organisme est défaillant et qu’il n’avertit pas à temps. Ah bon ? La faim serait l’indicateur de plus pertinent pour commencer à s’alimenter mais la soif serait un mauvais avertisseur de la nécessité de s’abreuver ? Il ne viendrait à l’idée de personne de recommander de manger sans faim mais il serait normal de boire sans soif ? Personnellement, je suis toujours enclin à penser que la nature est bien faite et que mon véhicule corporel est une merveilleuse machine à laquelle je peux faire confiance. La sensation de soif est orchestrée par une série d’hormones (angiotensine, insuline, histamines…) mais aussi par la volémie, c’est-à-dire la quantité totale de sang circulant dans les veines et les artères. La baisse de volume sanguin est un très puissant déclencheur de soif, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Croix-Rouge encourage les donneurs de sang à s’hydrater avant et après le prélèvement. Donc, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas se fier à ces réflexes physiologiques et pourquoi il faudrait absolument les devancer. Ce qui est avéré, c’est que ce mécanisme instinctif s’émousse avec l’âge et que les vieilles personnes sont plus à risque de déshydratation parce que leurs paramètres régulateurs sont altérés. Plus on vieillit, plus on a intérêt à être attentif à ses ressentis et à boire dès que la sensation de soif surgit. Voire avant qu’elle ne surgisse ? Je n’ai rien contre le principe de précaution et j’y suis même favorable puisqu’il y a clairement plus à gagner qu’à perdre en s’hydratant préventivement. Depuis que je suis sexagénaire, je m’astreins moi-même à boire sans soif et à consommer encore plus de fruits et légumes aqueux qu’avant. Mais je le fais sans stress et sans la moindre appréhension de carence puisqu’il suffit de surveiller les urines pour savoir où on en est : plus les urines matinales sont foncées, plus on est déshydraté. Tant que le pipi du matin est relativement clair, c’est que tout va bien sur le plan hydratant ! La sérénité est d’autant plus de mise que la science, encore une fois, n’a nullement établi l’avantage de forcer sur le breuvage. S’il était judicieux de boire avant d’avoir soif, elle aurait observé que les gros buveurs d’eau s’en tirent mieux que les autres. Aucune étude ne s’est malheureusement intéressée à la consommation d’eau avant ou après la soif. En revanche, plusieurs équipes de chercheurs ont examiné les corrélations entre la consommation d’eau totale et le risque de mourir. Le risque de mourir de n’importe quoi, mais aussi de maladies cardiovasculaires ou de pathologies rénales. Bilan ? Je ne vais pas déflorer le contenu d’un article récent de Jérémy Anso car celui-ci est payant et que ce ne serait pas très sympa de vendre la mèche. Je peux cependant vous révéler la conclusion du spécialiste indépendant : « Aujourd’hui, nous n’avons pas de travaux spécifiques qui nous conseillent de boire avant de ressentir la soif. (…) Dans la vaste majorité des cas, boire à sa soif est tout à fait raisonnable ». Si la quantité d’eau consommée n’a aucun impact sur la mortalité générale ni sur les mortalités cardiovasculaire et rénale, il est en effet hautement probable que l’hydratation préventive soit vaine pour la grande majorité d’entre nous. Mais puisqu’il est hautement préférable de prévenir que de guérir, il n’est pas sot de s’obliger à quelques verres d’eau par jour en plus de ses apports alimentaires. Selon les principes de l’hormèse, je pense néanmoins que la privation régulière de fluide vital est profitable à la santé globale, et à la santé des reins en particulier dont ce stress contrôlé permettrait logiquement de renforcer l’antifragilité. Depuis que ce thème a été abordé dans Néosanté (numéro 101 de juin 2020), je suis en tout cas devenu un adepte du jeûne sec : il me semble que renoncer provisoirement à l’eau et à tout liquide (durant deux ou trois jours tout au plus) renforce encore les effets positifs de l’abstention de nourriture. Acide ou alcaline ? Dans mon infolettre du 5 mai dernier, je manifestais mon enthousiasme pour les découvertes inouïes de Veda Austin. Je suis cependant plus circonspect quand elle raconte qu’elle a guéri de graves problèmes de santé en consommant une eau de source très alcaline. Je suis sceptique car j’observe depuis quelques années un phénomène de mode vantant les louanges de l’alcalinité des eaux. Au Japon et en Amérique du Nord surtout, des acteurs en vue de la médecine naturelle n’hésitent pas à recommander la consommation d’eau basique en avançant qu’elle serait meilleure pour la santé. En Europe aussi, tout un commerce d’eaux alcalines, de fontaines et d’appareils pour en fabriquer s’est développé ces dernières années. À bon escient ? Je n’en suis pas persuadé du tout. Personnellement, je reste fidèle à la recommandation donnée par une grande majorité de naturopathes, à savoir celle de consommer une eau légèrement acide (ph compris entre 5 à 7). Les praticiens de naturopathie me semblent d’autant plus avisés que leur consigne est confortée par les travaux du biologiste Louis-Claude Vincent sur les propriétés bio-électroniques de l’eau. Selon la Bio-électronique de Vincent, la sang humain est en effet trop souvent alcalin et c’est sur ce type de terrain que des pathologies lourdes comme le cancer ont tendance à éclore. A contrario, tous les aliments vitalisants et anticancéreux, comme les fruits et les légumes, ont un ph légèrement acide, de même que les eaux minérales lorsqu’elles sont captées à la source. Ce n’est que mise en bouteille que l’eau naturelle perd progressivement son acidité et devient alcaline. Dans la nature, l’eau alcaline est le propre, si l’on peut dire, des eaux stagnantes peu ragoutantes. Et au robinet, l’eau est plus souvent basique qu’acide. Si l’eau alcaline était bonne pour la santé, l’eau de distribution serait donc médicalement plus recommandable que les eaux thermales de grande réputation ! Bon, j’avoue ne pas piger grand-chose aux subtilités de l’équilibre acido-basique, aux rétroactions de « l’effet tampon » et aux processus d’acidification des tissus, qui n’est pas plus souhaitable que son alcalinisation. Ce que je retiens, c’est que les eaux jaillissantes bues par l’Homme depuis la nuit des temps sont très généralement caractérisée par une légère acidité. Les eaux alcalines ont peut-être des actions thérapeutiques spécifiques mais il ne me semble pas sage d’en faire sa boisson journalière jusqu’à plus ample informé. Par chance, j’habite l’Ardenne bleue, région qui doit son nom à l’abondance de sources et de cours d’eau. C’est ici que sont puisées les eaux de Spa et de Bru (ex-Chevron), quelque peu ferrugineuses mais oligominérales et sensiblement acides (ph voisin de 6). Par bonheur toujours, j’habite un village où l’eau du robinet n’est absolument pas traitée et est exactement la même que celle embouteillée. C’est peut-être un hasard, mais je ne me suis jamais senti aussi bien que depuis que je réside ici et que je consomme quotidiennement cette onde 100% naturelle. J’ai notamment observé que mon transit est d’une régularité horlogère et que je ne suis quasiment jamais ni constipé ni sujet à selles molles. Bref, je ne suis pas prêt à me laisser tenter par les (fausses ?) promesses des eaux alcalines et je continue de penser que les naturopathes « traditionnels » ont raison de préconiser des eaux neutres ou légèrement acides. Si ces dernières vous incommodent, il y a cependant moyen de les alcaliniser naturellement en ajoutant du bicarbonate de soude ou un peu de jus de citron, ce fruit acide étant en effet paradoxalement basifiant. À chacun de faire des tests et d’écouter son corps pour percevoir ce qui lui convient le mieux. ————————————— Arrivé à ce stade de mon billet, je m’aperçois qu’il est déjà temps de rendre l’antenne et de vaquer à d’autres tâches. On se retrouve mi-août pour la suite de mes « EAUpinions », où il sera notamment question de la pureté de l’eau et de l’assimilation de ses minéraux. Vous devinerez déjà que je ne suis pas un chaud partisan des procédés de filtration sophistiqués… |
Yves Rasir |
Source : NéoSanté
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