Un article de Youssef Hindi en exclusivité pour le site E&R
Sommaire
– Religion de la République et judaïsme : Peillon lâche le morceau
– Une brève histoire de la religion républicaine
– D’où parle Vincent Peillon ?
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Le socialiste Vincent Peillon, ami, soutien et défenseur de Jean-Luc Mélenchon (ainsi que de la théorie du genre et du wokisme) [1], fait son retour à l’occasion des élections législatives pour combattre « l’extrême droite », qui agite et inquiète beaucoup cet ancien ministre de l’Éducation nationale.
Ce gardien du temple républicain revient aussi pour promouvoir la religion de la laïcité dont il se fait le grand prêtre. Il publie à la rentrée prochaine un livre titré Jérusalem n’est pas perdue : la philosophie juive de Joseph Salvador et le judéo-républicanisme français.
La présentation de son livre évoque le « judaïsme politique qui court de la Révolution française jusqu’à nos jours ». Une présentation qui sera qualifiée d’intéressante, car l’auteur s’appelle Vincent Peillon. Mais lorsqu’un chercheur ou un historien n’est pas « autorisé » à s’aventurer dans l’étude du judaïsme, il court le risque que l’on appelle cela du « complotisme » et de l’« antisémitisme ».
Le rôle du judaïsme dans l’histoire de la Révolution française et du républicanisme est le thème central de notre ouvrage paru en 2017, La Mystique de la laïcité : Généalogie de la religion républicaine. De Junius Frey à Vincent Peillon (Éditions Sigest). Ouvrage dans lequel nous traitions de ce sujet qui était alors soigneusement contourné par Vincent Peillon, qui a écrit plusieurs ouvrages sur cette histoire de la religion républicaine ; une histoire dont il a omis des séquences importantes ainsi que la genèse. Ce qui nous avait conduit à écrire le livre susmentionné, dans lequel nous avons retracé la genèse de la religion républicaine, en intégrant les pièces du puzzle mises de côté par Peillon.
Mais il semble que le tabou ait été levé depuis… Ce dont nous nous félicitons.
Religion de la République et judaïsme : Peillon lâche le morceau
Invité récemment par « Akadem : le campus numérique juif » pour un entretien autour du thème « Pour une démocratie religieuse » [2], Vincent Peillon s’est exprimé en tant que spécialiste de la religion républicaine, et, pour la première fois publiquement, en tant que juif.
Ruben Honigmann, questionnant Vincent Peillon, le présente comme un chercheur « qui est dans une démarche très talmudique, puisque le Talmud est un code de loi mais dans lequel on rapporte toutes les opinions qui finalement n’ont pas été retenues mais qui nous permettent de mesurer toute l’amplitude de cette loi, d’établir son archéologie et de voir toutes les potentialités dont elle est grosse ».
Et Peillon d’abonder dans ce sens :
« C’est une conception de l’histoire que vous trouvez évidemment dans la philosophie juive, qui est l’idée que dans le passé un certain nombre de potentialités que nous pouvons retrouver et qui n’ont pas encore porté leurs fruits, et donc finalement c’est ce qu’on appelle le prophétisme du passé. C’est en retournant vers les sources, non pas qu’on va répéter les mêmes choses, mais qu’on va découvrir des possibilités de faire du neuf. Donc nous allons conjoindre la tradition et la nouveauté, il n’y a pas d’opposition entre le passé et l’avenir. Vous avez ça dans le très beau livre, je crois, de Stéphane Moses sur Benjamin, etc, où il explique très bien cette philosophie de l’histoire. Vous la retrouverez chez Joseph Salvador et curieusement elle est aussi chez Pierre Leroux. C’est ma pratique d’historien des idées. »
Ce jargonnage mérite une traduction et une exégèse.
Ces idées de l’histoire républicaine dont parle Peillon sont les tentatives d’élaborer une religion pour la République, une religion qui lui a toujours fait défaut, ce qui explique ses échecs successifs.
Pierre Leroux (1797-1871), dont Vincent Peillon vient de rééditer un ouvrage titré D’une religion nationale ou du culte (paru en 1846), est un penseur et théoricien important de l’histoire républicaine et socialiste. Il aurait « mis le socialisme dans la République et la République dans le socialisme ». Leroux est un des maillons importants de la chaîne des penseurs et idéologues faiseurs de religion ; la religion de la République. Une religion qui n’a jamais véritablement fait corps avec le régime républicain et encore moins avec le peuple français qui ignorait et ignore toujours l’existence de ce culte.
C’est à cela que pense Peillon quand il évoque les potentialités qui n’ont pas encore porté les fruits, le prophétisme du passé dont l’ancien ministre de l’Éducation nationale veut faire un prophétisme du futur.
Peillon veut peut-être profiter de la vague mélenchoniste pour tenter de promouvoir cette religion dont l’élaboration à démarrée dès le lendemain de la Révolution de 1789. D’ailleurs, Mélenchon « est un des rares, dit Peillon, à m’avoir demandé de lui expliquer la loi mosaïque et la république des Hébreux ».
Peillon évoquait auparavant de façon énigmatique l’origine de la laïcité qui remonte à « la kabbale juive » (une généalogie kabbalistique étudiée en détail dans La Mystique de la laïcité), sans en dire plus. Aujourd’hui il parle ouvertement de « judéo-républicanisme ».
« Depuis 1905, vous savez, il y a toujours eu des points de vue différents sur la laïcité. Aristide Briand, c’est pas Ferdinand Buisson. Il y a toujours des gens plus laïcards, qui croyaient à la science, et d’autres qui venaient… je pense au rabbin Louis Germain Lévy, à la naissance de l’Union libérale israélite, il (le rabbin) écrit un livre qui s’appelle : Une religion rationnelle et laïque. Il y a des gens qui vont dans cette affaire en gardant leur identité religieuse… »
Puis, Peillon en vient à l’opposition entre christianisme et judaïsme. Une opposition qui, dans le cadre républicain, est à l’avantage du judaïsme, notamment sous la plume de Leroux :
« Il y a beaucoup de textes de Leroux dans lesquels il redonne à la loi juive, à Moïse en particulier, un rôle et un statut qu’ils n’avaient pas du tout. Vous savez, la grande idée chrétienne, c’est l’idée du dépassement. C’est-à-dire, c’est l’idée dans le fond « on est arrivés après, et ce qui est avant… ils peuvent rester comme témoins, mais dans le fond on a fait beaucoup mieux, et la seule valeur du peuple juif c’est d’être témoin ». Il y a toute une tradition qui se met en place et dans laquelle Leroux va jouer un rôle qui est de dire : « pas du tout, il y a quelque chose dans la Bible hébraïque qu’il n’y a pas dans les Évangiles et donc il faut retourner à cette source. » Et en particulier, et là c’est très important pour l’époque contemporaine et pour le judaïsme d’aujourd’hui, et en particulier dans la république des Hébreux et dans la loi mosaïque, vous avez une organisation des pouvoirs, démocratiques, vous avez la justice sociale… C’est colossal ! »
Et pour finir l’entretien, Ruben Honigmann, rappelant les origines juives de Vincent Peillon, lui demande si il vit son « engagement socialiste comme une version sécularisée du judaïsme ? »
Réponse de Peillon :
« Si vous prenez, disons le premier sioniste, Moses Hess, qui est le fondateur de la social-démocratie allemande aussi, avec Lassalle ; Moses Hess considère que le mosaïsme est un socialisme, il l’écrit. Donc pour moi, évidemment avec l’éducation que j’ai eu, il n’y a pas de différence [NDA : entre le socialisme et le judaïsme], si vous voulez, ça a été un accomplissement. Vous avez surtout les juifs de l’Est, les travaux de Michaël Löwy montrent ça, je pense que c’est assez vrai dans notre tradition française, et je montrerai que Joseph Salvador et quelques autres, assumaient cette idée d’être socialistes.
On est sur cette idée que l’accomplissement de la République et de la démocratie doit être le socialisme, c’est-à-dire que la question de l’égalité des droits débouche toujours sur la question de la justice sociale et cette question de la justice sociale elle est portée évidemment par la république des Hébreux et le judaïsme…
Les origines de la modernité politique dans les trois points importants qui sont les siennes – l’organisation de la démocratie, nous ne voulons pas de roi !, deuxièmement la question de la justice sociale et troisièmement la question du cosmopolitisme, c’est-à-dire du rapport à l’étranger – ces trois grandes choses qui vont faire la pensée libérale au XVIIe siècle, à travers la Révolution anglaise puis la Révolution française, viennent de la redécouverte par les protestants de la Bible hébraïque.
Donc la modernité, les origines chrétiennes de l’Europe, NON ! La modernité, dit Nelson, ELLE EST JUIVE ! »
Là encore, l’on notera, et on ne le dira jamais assez, que lorsque c’est Peillon, Slezkine ou Nelson qui le disent, on appelle cela « érudition », mais sinon cela peut être qualifié de « complotisme » et d’« antisémitisme ».
On peut d’ailleurs entendre Peillon confondre les citoyens et les enfants : « Il faut l’édifier cette religion nationale, mais vous ne pouvez pas laisser les enfants, vous ne pouvez pas laissez les citoyens, sans croyance commune, qu’on assume, qu’on enseigne et auquel on rajoute quelque chose qui est religion, on ritualise quand même, on met des cérémonies, fêtes républicaines… On ne peut pas être que de la raison. »
Nous verrons plus loin que Vincent Peillon ne soumet pas ses propres enfants à ce culte républicain…
Une brève histoire de la religion républicaine
L’instauration d’un culte républicain a fait partie des priorités d’une partie importante des révolutionnaires français, dont un certain nombre étaient membres de la franc-maçonnerie. Durant l’automne 1793-printemps 1794, les révolutionnaires ont transformé des églises et des cathédrales en temples de la Raison, puis, au printemps 1794-été 1794, en temples de l’Être suprême.
Parmi les lieux de cultes catholiques devenus des « églises républicaines » on peut compter :
• la cathédrale Notre-Dame, qui est devenue un temple de la Raison par décret le 10 novembre 1793 [3] ;
• l’église de la Madeleine à Paris ;
• l’église Saint-Sulpice à Paris ;
• l’église Saint-Paul-Saint-Louis à Paris, dans le Marais ;
• l’église des Invalides à Paris ;
• l’église Saint-Thomas-d’Aquin à Paris ;
• le Panthéon de Paris ;
• l’église Saint-Pierre à Paris, dans le quartier de Montmartre (dévastée) ;
• l’église Saint-Pierre de Caen ;
• la cathédrale Notre-Dame de Chartres ;
• l’église Saint-Hermeland de Bagneux ;
• l’église Notre-Dame de Bordeaux ;
• la cathédrale Notre-Dame de Reims ;
• l’église Saint-Sauveur de Rennes ;
• la cathédrale Notre-Dame de Rouen ;
• la basilique Saint-Denis ;
• l’église Saint-Charles-Borromée de Sedan ;
• la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg (30 brumaire an II, 20 novembre 1793) ;
• la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes ;
• l’église Notre-Dame de Versailles.
Le concordat rétablira en 1801 le culte catholique dans les églises. Mais les républicains n’en resteront pas là. Ils travailleront, même pendant les intermèdes de l’Empire, de la Restauration et du Second Empire, à l’élaboration de la religion et du culte républicains.
Robespierre, qui était attaché au culte de l’Être suprême, déclarait à la Convention (séance du 8 thermidor) : « Il faut élever à la hauteur d’une religion cet amour sacré de la patrie et cet amour plus sublime et plus saint de l’Humanité, sans lequel une révolution n’est qu’un crime éclatant qui détruit un autre crime. » [4]
C’est l’objectif que s’est fixé Pierre Leroux sa vie durant. « Nous essayons, écrit-il, de prouver qu’il est possible de concevoir une religion sans théocratie. Une religion sans théocratie serait la vraie religion. Une religion sans théocratie serait cette UNITÉ invoquée par nos pères [NDA : les révolutionnaires de 1789], cette synthèse où les hommes réaliseraient entre eux la liberté, la fraternité, l’égalité…
À quoi tient-il en effet que l’unité ne s’établisse ? À ce qu’on n’a pas compris encore qu’il fût possible de concilier l’AUTORITÉ et la LIBERTÉ, d’avoir un culte national sans despotisme religieux, une société complète où l’homme fut complet…
L’individu ne trouvera réellement la liberté religieuse qu’au sein d’une société organisée religieusement. » [5]
Mais il ne faut pas s’y tromper, Pierre Leroux promeut, comme ses prédécesseurs et ses successeurs un nouveau culte, une nouvelle religion, tout en combattant la religion catholique. Quand il défend la liberté de culte, ce n’est pas celui de la religion traditionnelle, historique, de la majorité des Français. « La liberté des cultes n’existe réellement en France que pour cet ancien culte que nous appelions tout-à-l’heure, en parlant du degré de foi que nos gouvernants lui prêtent et de l’usage auquel ils l’emploient, une apparence. La liberté des cultes, c’est la liberté du culte catholique, c’est la liberté des moines de toute espèce dont la restauration est aujourd’hui secrètement encouragée ou tolérée ouvertement pas nos hommes d’État. » [6]
Je ne vais pas ici entrer dans le contenu de cette religion fabriquée pour la République ; je l’ai examiné et fait son archéologie dans La Mystique de la laïcité. Les personnages qui ont bâti la religion républicaine ne sont pas des marginaux. Moses Dobruschka, alias Franz Thomas von Schönfeld, alias Junius Frey (1753-1794), petit-cousin de Jacob Frank, qui a écrit un traité théologico-politique qui influencera les penseurs républicains des XIXe et XXe siècles, était un membre important du Club des jacobins. On retrouve les principales thèses de son ouvrage, Philosophie sociale dédiée au peuple français (1793), dans les écrits d’auteurs influents comme comme Claude-Henri de Rouvroy Saint-Simon (1760-1825), Philippe Buchez (1796-1865), Pierre-Simon Ballanche (1776-1847), Pierre Leroux, Edgar Quinet (1803-1875), et Ferdinand Buisson (1841-1932) qui fut rien moins que le cofondateur et président de la Ligue des droits de l’homme, le président de la Ligue de l’enseignement (1902-1906), le directeur de l’enseignement primaire (1879-1896) sous la présidence de Jules Ferry et, en 1905, le président de la commission parlementaire chargée de la séparation des Églises et de l’État.
Mais le problème auquel étaient confrontés les révolutionnaires et leurs successeurs républicains étaient de taille : comment édifier un régime politique sans religion le soutenant ? Alors que « jamais jusque-là peuple n’avait existé sans religion et sans culte… Nous sommes à la veille d’être un peuple athée. Qui peut penser, en effet, que les débris de christianisme qui se montrent encore au milieu de nous puissent subsister longtemps ? Déjà toute la partie éclairée de la nation vit dans l’irreligion ; la masse entière suivra. Le temps arrivera donc où un peuple existera qui ne connaîtra pas de Dieu, et ne rendra aucun hommage, aucun culte à la Divinité. Mais vraiment sommes-nous un peuple ? Et surtout serions-nous un peuple, si nous continuions à pousser cette décadence jusqu’au bout, et à laisser crouler les vieux restes de religion et de culte qui se débattent en vain contre leur mort prochaine, sans penser à remplacer la foi qui va nous manquer par une foi nouvelle, aussi vraie et aussi solide que celle-là est fausse et déjà éteinte dans nos cœurs ? Qu’est-ce qu’un peuple, en effet, et à quelles conditions une agrégation d’hommes est-elle un peuple ? Est-il possible à une nation d’avoir le sentiment de la patrie sans une croyance religieuse, des lois civiles véritables sans loi religieuse ? Peut-elle savoir ce que c’est que morale sans dogme religieux ? Peut-elle connaître la justice et corriger ses coupables sans religion ? Peut-elle élever ses enfants sans religion ? Ses citoyens peuvent-ils vivre autrement que d’une vie matérielle, s’ils n’ont point de communication religieuse entre eux, s’ils n’ont point de culte ? Une république, en un mot, où aucune notion de la Divinité n’est reconnue, peut-elle être autre chose qu’une triste et épouvantable anarchie ? », s’interroge Pierre Leroux [7].
Jules Ferry (1832-1893), personnage central de la IIIe République et de l’histoire républicaine, avouait que :
« Nous avons promis la neutralité religieuse, nous n’avons pas promis la neutralité philosophique, pas plus que la neutralité politique » [8]
De même que Jean Jaurès qui admettait que « seul le néant est neutre » [9] et considérait ainsi l’idéal socialiste : « Si l’on nous dit que c’est là un idéal mystique, nous répondrons qu’en dehors de ce qu’on appelle la vie mystique, c’est-à-dire de l’union ardente des âmes dans un idéal divin, toute vie n’est que misère et mort… Je ne conçois pas une société sans religion, c’est-à-dire sans croyances communes qui rattachent toutes les âmes en les rattachant à l’infini, d’où elles procèdent et où elles vont. » [10]
En effet, comme l’a démontré le philosophe Jean-Claude Michéa, l’État ne peut être « axiologiquement neutre » [11]. C’est une réalité historique, juridique et anthropologique que les matérialistes et autres économistes qui ne voient le monde qu’à travers des chiffres ne peuvent pas comprendre…
La préoccupation religieuse des révolutionnaires et des républicains n’est pas exclusivement philosophique, et encore moins esthétique, elle est politique, concrète. Il en va de la survie du régime dont dépendent tous les notables politico-médiatiques et les héritiers de la caste républicaine qui jouissent de privilèges tout aussi républicains…
En effet, l’État ne pouvant être neutre, la nation ne pouvant vivre sans religion, c’est bien la République, hier comme aujourd’hui, qui est menacée d’écroulement. C’est pourquoi, un Jean-Luc Mélenchon milite pour une VIe République, et un Vincent Peillon pour la régénération religieuse du régime républicain au sein duquel ils prospèrent.
D’ailleurs, le projet de VIe République n’est initialement pas celui de Mélenchon, mais de Vincent Peillon et d’Arnaud Montebourg. En 2001, Arnaud Montebourg, soutenu par Vincent Peillon, avait créé la Convention pour la VIe République.
D’où parle Vincent Peillon ?
Nous l’avons dit, l’objectif de Vincent Peillon est d’empêcher la République de s’effondrer. Il ne s’en cache pas. Lors d’un discours au temple du Grand Orient en 2012, alors qu’il était ministre de l’Éducation nationale, il fut explicite.
« Nous voulons refonder l’école de la République. Et nous voulons refonder la République par l’école ! »… « En cette soirée du 16 novembre [2012], debout derrière le pupitre de l’orateur, dans le grand temple Groussier du Grand Orient de France… Vincent Peillon, le ministre de l’Éducation nationale, sait que l’assistance, composée essentiellement de francs-maçons, lui est acquise… Il plaide durant une trentaine de minutes pour le retour d’un pouvoir spirituel républicain – celui de la connaissance et d’une certaine « morale laïque » – dont les enseignants seraient les messagers [comme les hussards noirs de la IIIe République]… » « Peillon partage nos valeurs, c’est un maçon sans tablier », se réjouit l’un des invités de cette soirée. » (Le Figaro, 7 décembre 2012)
La présence du ministre de l’Éducation nationale au Grand Orient n’est pas due au hasard. Alain Bauer, ancien Grand Maître du Grand Orient (de 2000 à 2003), explique très tranquillement que « la religion progressiste des Lumières est la religion de la République. Je l’ai écrit. J’ai même expliqué que le Grand Orient est l’église de la République. C’est la boîte à outils de la République et c’est la religion de la République » [12].
Revenons à Vincent Peillon. Il est le fils de Gilles Peillon, un banquier communiste, qui fut directeur général de la première banque soviétique hors d’URSS, la Banque commerciale pour l’Europe du Nord – Eurobank –, et ensuite directeur de la banque franco-algérienne Union méditerranéenne de banque. Sa mère, Françoise Blum, est une Alsacienne. Elle fut directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale ; elle est par ailleurs la petite-fille du rabbin Félix Blum (1847-1925).
Vincent Peillon, qui prône la destruction de (presque) toutes les orthodoxies, reste pourtant attaché au judaïsme orthodoxe. Il veut une religion de la République pour tous les Français, mais pas pour lui et sa famille. Le « cosmopolitisme » pour les autres, et le tribalisme endogamique pour lui. Sa première femme est la philosophe Brigitte Sitbon, et la seconde est la journaliste Nathalie Bensahel.
Le journal israélien Haaretz rapporte aussi que Vincent Peillon a célébré en 2009 la Bar Mitsvah de son fils Élie dans une synagogue de la place des Vosges, à Paris [13]. Pour l’occasion, Vincent Peillon était monté à la Torah (le fait de réciter la Torah) et portait des tefilines [14] (des boitiers renfermant des passages de la Bible hébraïque).
Alors qu’il était ministre de l’Éducation nationale (2012-2014), sa fille Salomé fut nommée à un poste à l’ambassade de France en Israël. C’est le député UMP Daniel Fasquelle qui avait révélé l’affaire lors d’une séance de questions à l’Assemblée nationale ; le député évoqua :
« La nomination de la fille du ministre de l’Éducation à un prestigieux poste d’attachée culturelle à l’ambassade de France en Israël sur laquelle on peut légitimement s’interroger. » [15]
Le positionnement politique et idéologique de Vincent Peillon apparaît en contradiction avec ses convictions réelles. Mais l’histoire religieuse de la République, ses acteurs, notamment Junius Frey, offre une clef de compréhension à l’attachement des intellectuels et religieux juifs à la République. Un attachement tel – organique ? –, que les juifs de France récitent, depuis 1808, une prière pour la République française dans les synagogues consistoriales. Une « prière récitée durant l’office public du Chabat matin, entre la prière Cha’arit et celle de Moussaf » [16].
On peut ainsi parler, comme le fait Vincent Peillon, de « judéo-républicanisme ».
Youssef Hindi
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