par Mathieu Bazaud.
Cet article exprime le bref point de vue d’un citoyen français, non expert de la géopolitique, mais qui s’interroge sur le suivisme français de la politique étrangère des États-Unis, dont le conflit russo-ukrainien et le repositionnement géostratégique de l’OTAN autour de la Chine ont de quoi inquiéter sur le devenir de l’état du monde, à l’heure d’une convergence de crises sociales, économiques et environnementales, et de la destitution accélérée de l’Occident de sa suprématie mondiale après 500 ans de bons et loyaux services.
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La crise ukrainienne accélère le déclin de l’Occident et le basculement vers un nouvel ordre mondial
La guerre en Ukraine est le fruit de l’agenda politique de l’Occident des 30 dernières années
L’enjeu géostratégique que représente l’Ukraine dans l’échiquier politique mondial est capital. Par sa position de carrefour des civilisations turques, slaves et occidentales, par son importance dans l’histoire de la Russie et par ses différences culturelles internes, l’Ukraine est un outil exploité par les États-Unis depuis la chute de l’URSS dans leur quête de domination du monde. Premièrement, l’Ukraine sert à empêcher l’émergence d’une puissance eurasiatique unie, qui ferait contrepoids aux États-Unis et affaiblirait leur position. Deuxièmement, l’Ukraine par ce conflit fédère les pays d’Europe autour d’un ennemi commun et assoit la légitimité du parapluie militaire américain en Europe sous bannière de l’OTAN. Troisièmement, l’Ukraine est un moyen d’affaiblir durablement la Russie pour réduire son influence.
L’ingérence des États-Unis en Ukraine, active dès 2004 avec la révolution orange, s’est intensifiée en 2014 avec le renversement du gouvernement du président Ianoukovitch et l’instauration de dirigeants pro-occidentaux. Depuis 2014, la répression des populations russophones du Donbass par le régime de Kiev, le non-respect de l’application des accords de Minsk et le rapprochement progressif d’une Ukraine de plus en plus russophobe avec l’OTAN ont constitué une menace existentielle pour l’identité et la sécurité de la Russie. En laissant cette dérive s’installer, les occidentaux, dont la France, portent une responsabilité écrasante dans ce qui a suivi. Il est utile de rappeler que les vagues successives d’extension de l’OTAN à l’est ont été, depuis la chute de l’URSS, à l’encontre des garanties données à la Russie par les dirigeants occidentaux, de préserver un espace tampon aux frontières de la Russie pour sa sécurité. L’OTAN, dont l’objectif premier est de sécuriser la présence des États-Unis en Europe par la force militaire, est ainsi au cœur de la déstabilisation du continent.
Selon la chronologie considérée, l’offensive russe serait alors une riposte, l’aboutissement d’un processus de création de l’ennemi, face cachée d’un iceberg que les médias occidentaux se gardent bien de diffuser en ne publiant que certains faits. Cette instrumentalisation de l’Ukraine, en jouant sur les tableaux militaire et identitaire, a laissé la situation s’envenimer, afin d’acculer la Russie dans ses derniers retranchements, ce qui tôt ou tard devait la pousser à réagir. L’offensive russe, certes condamnable en vertu de la violation du droit international, permet de justifier le rôle de l’agresseur endossé par la Russie. Mais il est important de rappeler que l’opération spéciale a été déclenchée à la demande des régions séparatistes de Donetsk et de Lougansk, au lendemain de la reconnaissance de l’indépendance de ces États par la Russie. L’Ukraine pourrait-on dire n’est alors que le triste théâtre d’une guerre par procuration de l’OTAN à la Russie, et donc par construction, des États-Unis à la Russie.
Les réactions de l’Occident à l’offensive russe alimentent la guerre et non la paix
La couverture médiatique en Occident de l’offensive russe en Ukraine est unanime et sans équivoque. Elle agite les peurs et proclame un retour spontané de la guerre en Europe après 70 ans de paix, étant alors totalement amnésique aux différentes interventions de l’OTAN en Yougoslavie dans les années 90, en violation du droit international. La couverture médiatique du conflit russo-ukrainien révèle une propagande acharnée, au service d’une oligarchie peu scrupuleuse. Le contrôle de l’information se fait par la censure les chaînes dissidentes (RT France, Spoutnik), ce qui réduit l’opposition, brident les capacités d’analyse et anéantissent la réflexion de fond. La réduction, l’exagération et la déformation des faits sont sans limites pour quiconque prend la peine de creuser un tant soit peu la complexité du sujet : folie d’un seul homme maléfique, prétention impériale de la Russie sur l’Europe et dans le même temps armée russe en carton incapable de parvenir à ses objectifs… Les contradictions et les raccourcis abondent et génèrent un hébétement institutionnalisé, par un travail méticuleux de l’image et de l’émotion. Tout ceci facilite en réalité l’acceptation par l’opinion publique d’un consentement préfabriqué.
Sur le plan politique et économique, les sanctions imposées à la Russie dans le but de l’isoler et de l’affaiblir pour mieux la soumettre semblent plutôt donner l’effet inverse d’isoler l’Occident du reste du monde, comme en témoigne la carte ci-dessous. Les sanctions économiques se traduisent en Europe par la montée du prix des carburants et des céréales. Avec le cours de l’euro en baisse et l’inflation en hausse, l’effet est double pour les produits d’importation. Et quand on connait les besoins de l’Europe en matières premières et l’importance de la Russie dans ces échanges, les trains de sanctions européennes ressemblent plus à de l’auto-flagellation qu’à des mesures de rétorsion efficaces quant à leur objectif initial et proclamé. Malgré cela, les États-Unis continuent d’attiser les braises, en poussant davantage l’Europe à sanctionner la Russie. Cette diplomatie de la canonnière a pour conséquence d’accélérer la réduction du pouvoir d’achat des Européens, de réduire la compétitivité de leurs entreprises et d’entrainer la déstabilisation des marchés mondiaux des produits de première nécessité. Les effets des sanctions s’ajoutent à un contexte économique délicat, concaténant les politiques économiques des années post-crise de 2008, l’évolution des marchés des matières premières et les répercussions de la pandémie sur l’économie-monde.
Sur le plan militaire et du renseignement, les fournitures de matériels militaires par les occidentaux destinées à soutenir l’Ukraine fleurtent avec le statut de cobelligérant, et accroissent les risques d’escalade vers une guerre nucléaire dont l’Europe sera la ligne de front. Les États-Unis fournissent l’écrasante majorité de ces équipements, qui se chiffrent en dizaines de milliards de dollars, et l’engagement signé par Joe Biden en faveur de l’aide militaire américaine à l’Ukraine dépasse à ce jour le budget militaire annuel de la France (40Mds$). Cette prolongation du conflit va totalement à l’encontre d’une sortie de crise rapide. En alourdissant le nombre de morts, cette crise fait prospérer l’industrie de l’armement américaine et accroit la souffrance du peuple ukrainien. Pourquoi rien n’est fait pour hâter les discussions et trouver une issue diplomatique à ce conflit ? Est-ce que les européens ont conscience que leurs dirigeants fournissent des armes et forment militairement des milices ultra-nationalistes dirigées par un des gouvernements les plus corrompus de la planète ? A-t-on pris la peine de consulter les européens pour avoir leur aval sur ces financements mortifères, au lendemain d’une pandémie ayant déjà accrue considérablement les niveaux de dette ?
Cette guerre par procuration de l’OTAN à la Russie, à l’initiative des États-Unis, à cela de cynique qu’il est dans l’intérêt des États-Unis de la faire durer. Peu importe le nombre de victimes, les États-Unis ont déclaré qu’ils étaient prêts à se battre jusqu’au dernier ukrainien.
Un conflit dont personne ne sort vraiment victorieux, à commencer par l’Europe
Ce conflit montre les effets délétères de la politique étrangère des États-Unis. Les vassaux européens se retrouvent aujourd’hui pris à leur propre piège. Après les technologies de la communication, c’est au tour des secteurs de la défense et de l’énergie de passer davantage sous pavillon américain. En coupant ses liens avec son voisin russe, l’Union européenne se prive, contre nature, des gigantesques gisements de ressources situés à la périphérie de son territoire. Les verrous mentaux contraignent l’Europe à revoir son approvisionnement en énergie, qu’elle payera très probablement plus cher tout en étant moins écologique. Sur le plan de la défense, en plus de profiter au complexe militaro-industriel des États-Unis, la légitimité de l’OTAN s’en trouve renforcée, au lendemain de l’adoption d’un agenda OTAN 2030 offensif et allergique à toute concurrence prétendue. Vu sous cet angle, il faut s’attendre à ce que l’Union européenne, ligne de front de l’influence américaine en Eurasie, serve de bouclier aux intérêts américains en plus de servir de débouché aux GAFAM et autres têtes de pont de l’impérialisme contemporain. Quand les Français sortiront de leur torpeur et verront qu’ils sont parmi les premiers à subir les conséquences des politiques guerrières de l’alliance euro-atlantiste dirigée contre leurs intérêts principalement par Washington ? Les effets sont très concrets dans plusieurs domaines, avec par exemple : les vagues d’immigration en provenance de pays déstabilisés en Afrique et au Moyen-Orient, les attentats terroristes sur le sol européen, les embargos américains contre une quarantaine de pays et leurs impacts sur les économies européennes, le conflit russo-ukrainien, le durcissement du jeu politique et la répression des contestataires, l’ingérence politique et diplomatique, les guerres de l’information… tout cela n’est pas vain, ni sain.
La volonté affichée des États-Unis de ne plus paraître comme le gendarme du monde les incitent à noyer en apparence leurs décisions dans un vaste ensemble de programmes et d’alliances, pour donner l’illusion d’un consensus au sein d’une communauté. Cette stratégie, pernicieuse, facilite la fragmentation d’un monde globalisé et la formation d’une communauté de blocs. Cela menace la stabilité et la paix dans le monde et vient s’ajouter à un arsenal croissant de vulnérabilités écologiques qui constituent, par essence, une menace existentielle pour un grand nombre d’espèces vivantes à commencer par l’espèce humaine.
Plus largement, les dirigeants occidentaux semblent aveuglés par leur égocentrisme et leur croyance en l’universalisme du standard occidental, dont les valeurs seraient prétendument supérieures à celles des autres civilisations. Ces croyances, en plus d’accélérer le déclin de l’Occident sur la scène mondiale, risquent de le plonger dans une violence exacerbée, par un excès de confiance envers lui-même et par une incompréhension grandissante entre les populations et leurs dirigeants. Les grands bénéficiaires de cette guerre ne sont donc ni la Russie ni les pays d’Europe, et encore moins l’Ukraine. Si les États-Unis grappillent quelques points en intensifiant leur bras de fer avec la Russie par le biais de l’OTAN et de l’Ukraine, ce conflit ne semble pas non plus leur apporter de victoire significative sur le long terme. En revanche, le rejet massif par les non-alignées des sanctions occidentales et leurs appels répétés à négocier une sortie de crise au lieu d’alimenter le conflit semblent profitent en réalité à d’autres pôles de puissances, comme la Chine et l’Inde. Mais en réalité, personne ne sort réellement gagnant de cette stratégie perdant-perdant.
Ce que le conflit vu hors Occident révèle sur le basculement de l’ordre mondial
Les exemples de manipulations des règles internationales et l’emploi du double standard par les occidentaux sont légions et bien rodées auprès de nombreux pays en ayant fait les frais au cours des dernières décennies. Les messages de paix et de démocratie de l’Occident sont des prétextes servant à masquer auprès des caméras et de l’opinion publique le visage de fond des visées impériales. L’ordre mondial défini par l’Occident et pour l’Occident, maintient depuis toujours un rapport de force continu et défavorable aux politiques souveraines qui refusent de se soumettre. Cette vision toxique des relations internationales ne peut que déboucher sur un conflit. Pour que cela change, il est nécessaire que l’Occident change de regard et d’attitude, d’abord envers lui-même. En aidant à redéfinir un système international plus adapté et plus perméable aux différences culturelles et aux conditions du moment, en s’engageant à se conformer aux standards internationaux, en étant moins arrogant, plus humble et en reconnaissant les erreurs du passé… l’Occident serait d’abord plus cohérent aux yeux du monde, ce qui semble un passage nécessaire pour se muter en acteur pour plus de paix dans le monde. Si cette élévation des consciences avait lieu, les sommes d’argent faramineuses investies dans la guerre pourraient alors être réorientées dans des politiques de développement plus vertueuses, permettant de lutter contre la pauvreté et les inégalités qui au fond sapent la cohésion des sociétés et les conduisent à l’effondrement. Mais cette vision d’un système plus juste et plus cohérent est contraire à un système basé sur la concentration du pouvoir, qui s’évertue à accroitre le contrôle des richesses de la planète par une élite.
La France et l’Europe comme supplétifs des États-Unis dans leur compétition avec la Chine ?
Le développement de la Chine est une entrave à la stratégie des États-Unis de contrôle de l’espace eurasiatique
Avec le projet des nouvelles routes de la Soie annoncé en 2013, la Chine se positionne comme un acteur de premier plan dans la revitalisation de l’espace eurasiatique et dans la restructuration de l’ordre mondial, qui depuis la chute de l’URSS en 1991 voit les États-Unis régner en maître sur le monde. Ce gigantesque projet de partenariats d’échanges, comprenant 65 pays à ces débuts, voit le développement massif d’infrastructures terrestres et maritimes abonder jusqu’à la périphérie du continent. Le projet des nouvelles routes de la Soie, rebaptisé « initiative ceinture et route » en 2017, prend le contre-pied de tout le déroulé géostratégique du monde anglo-américain depuis le début du XXe siècle et dévoile le Grand Jeu du XXIe siècle que sera la rivalité entre la Chine et les États-Unis.
Lorsque la Chine était l’atelier du monde, l’Occident s’en contentait et cela arrangeait bien ses entreprises et ses consommateurs. Maintenant que la Chine rivalise avec l’Occident sur des produits qualitatifs de haute technologie, des voix s’élèvent pour dénoncer des règles du jeu truquées au profit des Chinois. Cette hypocrisie sans vergogne témoigne à nouveau du double standard de l’Occident. Après la Chine, ce sera probablement au tour de l’Inde d’être la cible des États-Unis dès lors qu’elle commencera à faire de l’ombre sur le plan technologique et économique et qu’elle décidera d’opter pour sa propre voie.
Créer l’ennemi chinois pour justifier la guerre
Cette réhabilitation à l’initiative de la Chine des voies d’échanges ayant ponctué l’histoire des civilisations sur l’ensemble Afro-eurasiatique est perçue comme une menace à l’hégémonie des États-Unis. Ces derniers entendent faire feu de tout bois pour contrer l’expansion de la Chine et mettre à mal ses projets de développement. Le pivot asiatique décidé sous Obama, la guerre commerciale sous Trump et les premières tentatives de Biden d’enrôler l’Europe contre la Chine témoignent du consensus bipartisan qui règne au sein des élites politiques américaines sur la priorité absolue que constitue pour eux la menace chinoise. Mais le développement de la Chine étant déjà trop avancé, les États-Unis ne peuvent pas prendre le risque de lancer seuls leur offensive, ils ont besoin d’alliés pour jouer les premières lignes et créer un consensus leur permettant de mieux légitimer leurs actions.
La stratégie de l’endiguement, menée à l’époque de la guerre froide pour contenir l’URSS, est reconduite avec vigueur contre la Chine pour l’encercler et asphyxier son développement. L’alliance militaire AUKUS, formée dernièrement par les États-Unis, s’appuie sur l’Australie pour la prolifération d’armes nucléaires et de technologies militaires américaines en Asie-pacifique, ce qui accroit considérablement les tensions dans la région et génère une course à l’armement. L’agenda OTAN 2030, élargi le périmètre d’action de l’organisation et en modifie son fonctionnement, dans le but faciliter l’entraînement des européens dans la guerre des États-Unis contre la Chine. En plus de faire tout leur possible pour semer la discorde dans la région, les États-Unis s’ingèrent dans les affaires intérieures chinoises, comme la question taïwanaise et la répression du terrorisme au sein des populations Ouïghours au Xinjiang.
Tout est fait, comme dans le cas de l’Ukraine, pour exacerber les tensions et attirer la Chine dans un piège infernal qui déstabilisera la région Asie-pacifique, au grand dam des pays de la région pour servir les intérêts des États-Unis. Mais la Chine garde en mémoire les traumatismes du siècle de l’humiliation et prépare sa défense. Le renforcement militaire chinois est semble-t-il destiné à se prémunir des risques d’actions offensives venant de l’extérieur, mais ce développement militaire défensif est exploité par l’Occident pour justifier la menace chinoise et créer l’ennemi chinois, par le biais d’argumentaires médiatiques et idéologiques falsifiés, diabolisant les agissements et les politiques chinoises. Si cette menace est réelle, alors comment expliquer qu’il n’y ait pas de stratégie d’endiguement des États-Unis par la Chine, ni de bases militaires chinoises aux frontières des États-Unis, ni d’alliance militaire dirigée par la Chine contre les États-Unis ? Soyons lucides, il suffit de comparer les budgets de défense des États-Unis et de la Chine ainsi que leur nombre de bases militaires en dehors de leurs frontières et leur implantation géographique pour comprendre qui mène l’offensive à l’égard de l’autre. En réalité, c’est la guerre hors limite à laquelle nous préparent les États-Unis, conduits par leur paranoïa et leur peur de perdre leur hégémonie basée sur la conquête, alors que les chinois eux, préfèrent le développement économique au développement militaire, et le voient semble-t-il plutôt comme un moyen de parvenir à un idéal de société socialiste en harmonie sur elle-même.
Quelle place pour la France et l’Europe dans cette croisade ?
Dans cette lutte à mort, le processus d’endoctrinement se répète une énième fois, destiné à infuser la menace chinoise dans les imaginaires et à coaliser les États voyous dans une nouvelle guerre qui a tout d’une prophétie auto-réalisatrice. Gardons en tête que le Graal pour les États-Unis serait de faire chuter le parti communiste chinois, pour vaincre les forces qui unissent la Chine, détruire l’émergence de toute puissance rivale de taille significative et abaisser le garde-fou faisant obstacle à la vampirisation du gigantesque marché chinois par les multinationales américaines. La guerre se joue ainsi sur tous les fronts : médiatique, politique, idéologique, militaire, économique.
Ces acrobaties mortifères présentent deux issues opposées l’une de l’autre, ainsi qu’une multitude d’entre-deux bien difficile à évaluer : le risque de voir le monde sombrer dans une guerre de blocs avec l’Europe soumise plus que jamais aux États-Unis, ou le risque pour les États-Unis de voir suffisamment gonfler le rang des non-alignés et de perdre significativement en influence. Pour privilégier la première option, il faut que les États-Unis trouvent les moyens de convaincre leurs « alliés » que la Chine représente une menace réelle pour leurs intérêts. Mais la stratégie américaine de guerre par procuration, largement démasquée et critiquée, est aussi sa principale faiblesse. Les États-Unis, s’ils sont incontestablement très puissants sur les plans militaire et économique, voient progressivement leur autorité leur échapper, le refus du règne américain dans le monde étant de plus en plus un dénominateur commun sur lequel un nombre important de pays s’accordent. Pour s’engager sur la deuxième voie, il faudra à la France et aux pays européens un regain considérable de courage et de lucidité, pour que ces pays osent s’affirmer et tracer leur propre voie en fonction de leurs intérêts respectifs, qui sont sur de nombreux points différents de ceux des États-Unis. Cela est loin d’être impossible, et permettrait à la France de sortir du déni de réalité qui figure actuellement au sein de l’élite dirigeante. Chaque jour qui passe témoignent des effets pervers de cette soumission sur les intérêts des Français. Oser se repositionner sur l’échiquier géopolitique mondial par des choix souverains et éclairés demande un travail et un courage énorme de la part des élites françaises, une volonté de fer qui malheureusement semble les avoir délaissés.
Conclusion : Favoriser l’émergence d’un monde multipolaire en s’émancipant des États-Unis ou se laisser entraîner dans un conflit généralisé contraire aux intérêts des Français ?
Choisir entre la pilule bleue et la pilule rouge. La vision de l’ordre impérial imposé par l’Occident au nom de valeurs universelles, avec ses croisades militaires, économiques et technocratiques maquillées est en perte de vitesse et n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui. La crise ukrainienne semble accélérer ce processus de basculement. Le centre de gravité se déplace vers l’est, avec l’affirmation des puissances asiatiques et le développement de nouveaux marchés entre les pays du monde : Asie, Afrique, Amérique latine. Le nouveau monde s’organise sans les occidentaux pourrait-on dire, qui boudent son avènement et s’enferment dans un déni de réalité. L’Occident perd en influence sur tous les continents, et la fin de sa suprématie après 500 ans de mission civilisatrice est sans aucun doute déjà à l’œuvre et résulte mécaniquement de la renaissance d’un monde multipolaire et de la redéfinition de l’ordre mondial. Cependant, le risque est réel que cette transition qui apparait au grand jour accule l’égo blessé des dominants et les conduisent à engendrer dans leur déclin davantage de souffrances et de conflits. Mais l’espoir persiste aussi de voir apparaitre un monde plus juste, et cela passera inéluctablement par le rééquilibrage des forces et des réformes du système international : monnaie, diplomatie, droit, etc… et la France devrait se saisir de cette opportunité pour tracer sa propre voie en fonction de ses intérêts. Au temps des crises existentielles auxquelles les humains sont confrontés, la France doit oser se regarder en face, humblement et justement, se recentrer sur ces intérêts propres, et veiller à préserver le développement et la stabilité du monde multipolaire en émergence.
Mathieu Bazaud, citoyen français inquiet de l’alignement géopolitique de la France sur la politique étrangère américaine.
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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