RapSit-USA2022 : De l’affectivisme yankee
Ci-dessous, on trouve un texte parfaitement éclairant sur la querelle déchirant les USA (une déchirure de plus) après les interventions de la Cour Suprême (SCOTUS) des 23 et 24 juin, dont l’arrêt sur l’IVG annulant l’arrêt de 1972 ‘Wade vs Roe’. Ce texte explique parfaitement des décisions conformes au fédéralisme US, qui ont pourtant propagé un fantastique incendie de protestation relevant totalement de ce que nous désignons comme “affectivisme”, ou l’affect de psychologies exacerbées submergeant sauvagement les principes du droit régissant la politique. Il est en effet utile de détailler une occasion où une décision de raison (quoiqu’on pense par ailleurs des fondements de cette raison) est contestée par une réaction qui doit tout à l’hystérie de la psychologie ; cela constituant un exercice d’une complète actualité de l’affection psychologique extrême, cette pathologie extrême dont sont aujourd’hui frappés les citoyens de la Grande République, – comme nous aussi, certes, mais eux étant les producteurs originels de la chose.
Il nous paraît nécessaire de revenir avec constance sur ces aspects de la situation psychologique qui est le fondement de la gravissime crise du système de l’américanisme, avec son expression fondamentale dans une perversion profonde, – et sans doute mortelle comme il faut s’y attendre, – de ce système. La victime en est évidemment la structure même, fédéraliste, des États-Unis d’Amérique, avec comme seule voie la plus probable d’échappatoire reposant dans le “principe” (ce qui devrait être un “principe”) de la sécession. L’auteur du texte ci-dessous, Georges Feltin-Tracol, met justement l’accent sur l’influence de l’homme politique et homme d’État John Caldwell Calhoun, qui fut le principal théoricien de politique active développant et argumentant les principes mêmes justifiant la sécession, et sur les écrits et idées duquel les États du Sud s’appuyèrent pour proclamer la Confédération des États-Unis (CSA) précipitant la Guerre de Sécession.
On comprend combien cette extraordinaire poussée d’affectivisme qui marque la crise du système de l’américanisme suscite, provoque et accélère une course implicite, non-dite parce que sacrilège mais bien plus dévastatrice lorsqu’elle se révèlera, au démembrement des USA par le biais de la sécession. Nous ne cessons d’attirer l’attention et d’insister sur l’importance de ce processus fécondé puissamment par un affectivisme devenu totalitaire, dans la mesure où il constitue une attaque mortelle contre les USA, contre ce qu’on nomme abusivement “l’Amérique”, – à la fois socle, symbole, dispensateur d’influence perverse, de la modernité ; c’est-à-dire “l’Amérique” comme étant la modernité elle-même, et sa dislocation constituant par conséquent la dislocation de la modernité et une terrible attaque déstructurante contre la psychologie de la modernité. Pour cette raison, nous tenons que la crise du système de l’américanisme est plus importante qu’aucune autre crise en cours, qu’aucune autre de ces “subcrises” constitutives de la GrandeCrise.
Cela implique l’impossibilité d’une prévision rationnelle des conséquences de cette GrandeCrise, dans la mesure où les conséquences de la crise du système de l’américanisme, à la fois symboliques et psychologiques, doivent entraîner des modifications de perception et de comportement que nous ne pouvons apprécier, notre perception et notre comportement étant encore pour le temps présent sous l’influence d’une “Amérique”-modernité qui n’a pas achevé sa “mue” d’anéantissement par dislocation. Nous attendons donc avec intérêt et impatience, avec l’auteur qui conclut, la réponse à la question finale de son texte :
« …Dans le même temps, des milices anti-gouvernement fédéral de l’Ouest recrutent de nouveaux membres tandis que se réveillent les mouvements indépendantistes de Californie, du Texas ou du Vermont. Bien que voulant éclairer le monde, la statue de la Liberté se retrouve dans un immense champ de mines. Quand viendra donc l’explosion salutaire ? »
… Tout cela constituant une raison nécessaire et suffisante de lire ce texte de Georges Feltin-Tracol, que l’on trouve originellement, en audition sur ‘Radio Méridien-Zéro’… Sur l’auteur ? Ceci, qui n’est pas vraiment pour nous déplaire :
« Georges Feltin-Tracol se désigne aussi parfois comme un traditionaliste post-moderne ou un archéo-futuriste. »
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« Tumultes yankees
» Les jeudi 23 et vendredi 24 juin 2022 entreront dans l’histoire des États-Unis d’Amérique comme deux journées déterminantes. Les observateurs de l’avenir verront probablement dans les deux décisions de la Cour suprême une nette accélération d’un éclatement mental, d’une puissante scission politique, voire d’une lancinante fragmentation territoriale.
» Au cours des quatre années de sa présidence, Donald Trump a pu nommer trois nouveaux membres de cette clé de voûte des institutions étatsuniennes, offrant aux conservateurs une majorité de six contre trois libéraux (comprendre progressistes). Ces nominations commencent à produire leurs effets. Le premier jour, la Cour suprême réaffirme la primauté du Deuxième Amendement aux dépens d’une loi de 1913 adoptée dans l’État de New York qui interdisait le port d’arme hors du domicile. Elle révoque ensuite le lendemain son célèbre arrêt Roe contre Wade de 1973 en faveur de l’avortement. Vu de Sirius, il est étrange que les chantres auto-proclamés de l’“État de droit”, c’est-à-dire du gouvernement des juges, s’en indignent. On aurait aimé les entendre quand les tribunaux en Europe entérinaient le despotisme covidien et écrasaient des libertés populaires déjà bien diminuées.
» Contrairement à ce que récite le système médiatique d’occupation mentale en France et ailleurs, l’avortement n’est pas interdit. La Cour suprême confirme que les États-Unis demeurent une fédération d’États. Il revient par conséquent aux cinquante États fédérés de légaliser ou non l’IVG. Si le Texas, le Missouri ou l’Alabama, ces fameux “États intérieurs”, la proscrivent, les États démocrates des côtes Atlantique (New York) et Pacifique (Californie, Oregon) permettent et renforcent l’avortement. De nombreux ‘liberals’ oublient qu’ils vivent encore dans un cadre fédéraliste. L’État fédéral central doit par conséquent se conformer au principe de subsidiarité. La Maison Blanche et le Congrès ne peuvent pas s’occuper de tout. Cette vieille baderne de Joe Biden peut bien protester et parler d’une “journée triste”, on assiste à une victoire retentissante posthume de John Caldwell Calhoun.
» Né en 1782 et mort en 1850, John Calhoun est tour à tour secrétaire à la Guerre (1817 – 1825), vice-président des États-Unis (1825 – 1832), puis sénateur fédéral pour la Caroline du Sud (1832 – 1843). Il défend les droits des États fédérés contre un État fédéral dont il devine déjà l’omnipotence. En 1861 – 1862, les États sudistes justifieront leur sécession tonitruante de l’Union en se référant à ses nombreux discours. Malgré la défaite du Sud en 1865, sa vision politique va continuer à influencer divers courants internes des démocrates et des républicains, en particulier chez ces derniers depuis les années Clinton (1993–2001).
» La majorité de la Cour suprême s’inscrit dans cet héritage intellectuel, d’où sa sentence favorable au port d’arme. Si les États fédérés ne peuvent pas en limiter la détention, c’est en raison du Deuxième Amendement dont la valeur constitutionnel s’applique à l’ensemble du territoire étatsunien. En revanche, l’absence d’amendement constitutionnel sur l’IVG, l’homoconjugalité, le transgendérisme, l’euthanasie ou la légalisation des drogues n’accorde aucun droit définitif. Chaque État fédéré légifère comme il l’entend sur ces sujets dits sociétaux. Cette remarque concerne bien sûr la peine de mort. Les États fédérés sont là encore libres de l’appliquer ou non.
» Les deux arrêts rendus de la Cour suprême accentuent les fractures dans l’opinion publique yankee. L’avortement, le droit du port d’arme, la peine de mort, mais aussi les thématiques sociétales clivent la population. Certes, pour l’instant, les tensions ne sont que verbales et médiatiques. Qu’on se souvienne par exemple du congrès annuel de la NRA (le groupe de pression favorable aux armes) qui se tenait au Texas quelques jours après la tuerie d’Uvalde. Des anti-armes hystériques invectivaient d’honorables participants pro-armes. L’actuel climat incandescent résulte enfin des séances retransmises en direct de la commission d’enquête de la Chambre des représentants sur les événements du 6 janvier 2021 au Capitole. Sur les neuf membres, on ne trouve que deux républicains en rupture de ban dont l’ineffable néo-conservatrice patentée Liz Cheney. Cette commission contestable tente d’impliquer Donald Trump dans un complot imaginaire. Or Trump n’a-t-il pas été l’objet d’une seconde tentative de destitution par le Congrès ? En droit occidental, est-il encore possible de ne pas poursuivre un individu pour des faits déjà jugés ? Les démocrates en perte de vitesse cherchent à instrumentaliser des procédures judiciaires afin de sauver à la fois leurs sièges au Congrès en novembre 2022, Biden ou son successeur en automne 2024.
» La société étatsunienne entre dans une intense phase de profondes convulsions. Avant même la victoire surprise de Trump en 2016, le débat public faisait rage à propos de l’ouverture ou non de toilettes réservées aux personnes transsexuelles. Trump à la Maison Blanche, les antifas et autre Black Lives Matter ont sans cesse fomenté des manifestations violentes et des émeutes sanglantes. Dans les universités et, plus généralement, dans l’enseignement, le wokisme entend effacer toute présence d’origine euro-américaine. Très puissants dans les comtés et/ou dans les “États rouges”, les milieux républicains répliquent à ces délires en brisant l’emprise éditoriale, psychologique et entrepreneuriale d’un politiquement correct désormais illimité. On s’écharpe ainsi sur les manuels scolaires ou sur des étudiants bouleversés par quelques vérités soi-disant inacceptables entendues en cours.
» La question des droits civiques et l’hostilité envers la guerre du Vietnam dans les années 1960 n’avaient pas une implication aussi profonde. Les États-Unis se déchirent sur des banalités hautement politisées. Le consensus institutionnel inhérent à l’architecture constitutionnelle de 1787 disparaît au profit de dissensions virulentes. Dans le même temps, des milices anti-gouvernement fédéral de l’Ouest recrutent de nouveaux membres tandis que se réveillent les mouvements indépendantistes de Californie, du Texas ou du Vermont. Bien que voulant éclairer le monde, la statue de la Liberté se retrouve dans un immense champ de mines. Quand viendra donc l’explosion salutaire ? »
Georges Feltin-Tracol
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