Ce dimanche 26 juin, les membres du G7 sont réunis autour d’une table. Au moment de prendre la photo officielle, le boute-en-train Boris Johnson, qui joue pour le président Biden le rôle du fou du Roi, veut cette fois-ci faire rire de Poutine.
Il demande à l’assistance s’ils doivent « enlever leur vêtement » pour montrer qu’ils « sont plus durs que Poutine ». On rit autour de la table et on renchérit. Le président canadien, Justin Trudeau, rappelle la photo de Poutine, torse nu à cheval. C’est celle précisément qui semble plaire à la seule dame de la réunion, Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne qui s’écrie, ravie » Oh oui. L’équitation c’est le meilleur ! » Une bande de joyeux lurons.
Les gens sont restés stupéfaits devant ce spectacle donné par ces grands du monde occidental, devant ce niveau de préoccupations, devant même cette vulgarité, à un moment où il y a tant de souffrances dans cette guerre en Ukraine, à un moment où pèsent tant de dangers sur l’avenir du monde.
Mais aussi on est frappé de cette obsession qu’ils ont de Poutine. Et comment il occupe leur esprit. On pensait que c’était les medias qui personnalisaient ainsi outre mesure le conflit. Mais il s’avère que l’orientation vient d’en haut. Elle est le fait des dirigeants occidentaux eux-mêmes. « Un spectre hante les dirigeants occidentaux, Vladimir Poutine ».
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Toujours le G7. Autre vidéo, autre scène significative. Cette scène, tournée de façon impromptue, révèle l’étendue de la crainte qu’inspirent les dirigeants américains aux dirigeants européens. Ici, il s’agit de la France. Cela se passe le lundi 17 juin. Les participants sont dans les jardins et regagnent probablement les travaux après une suspension de séance. Le président des EU est avec son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan. Ils conversent en marchant. D’autres personnes de son entourage l’accompagnent. Derrière, on voit le président Macron accélérer le pas et s’efforcer de rejoindre le président Biden, un peu comme le ferait un citoyen lambda pour atteindre un président et lui remettre un message personnel. Le président Macron appelle « Joe !, Joe.!. » Mais Joe Biden ne se retourne pas. Comme effrayé par sa propre audace, Emmanuel Macron, rectifie : « Mr le Président ! « Mr le Président ! », « Excusez-moi de vous déranger ». Mais Biden ne se retourne toujours pas. Le président Macron arrive enfin à sa hauteur, et se glisse entre Biden et son conseiller. Sans autre introduction et devant le regard silencieux et interrogateur de Biden, il dit très vite , » « j’ai téléphoné par l’intermédiaire de votre conseiller. Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ne peuvent pas augmenter de beaucoup leur production », content apparemment d’apporter ainsi à Biden des informations toutes fraiches. Mais Biden ne montre pas un intérêt particulier pour ce « scoop » et ne fait toujours rien pour mettre à l’aise Macron qui parle de plus en plus vite, comme de crainte de l’importuner. L’entourage du président des EU, gardes du corps y compris, calque son attitude sur celle de son chef : regards silencieux. Le président Macron est d’évidence de plus en plus mal à l’aise , et lorsque, semble-t-il , un conseiller l’appelle à plus de discrétion,, il a un petit sourire soulagé et dit , « Oui, continuons la conversation à l’intérieur ».
Sur les chaines officielles et officieuses françaises on diffuse cette vidéo après qu’elle s’est répandue dans les réseaux sociaux. On est d’évidence gêné de la posture du Président français et du traitement qui est fait au jeune président Macron . « Ah si c’était le Général De Gaulle. Lui, c’était tout autre chose avec les Américains ».
Ce ne sont peut-être que des détails. Mais ils illustrent de façon intéressante les rapports de force entre États et comment ils se matérialisent dans les rapports entre leurs dirigeants.
Ces détails d’ambiance sont par ailleurs très utiles. Ils expliquent, mieux qu’une analyse sophistiquée, le brusque retournement du président Macron après la tentative qu’il avait faite, lui et d’autres pays d’Europe occidentale, d’exposer des objectifs différents de ceux des Anglo-saxons dans la guerre en Ukraine et sur l’attitude à avoir envers la Russie. Une campagne très violente avait été déclenchée contre lui, y compris dans les chaines françaises, sur sa fameuse phrase « il ne faut pas humilier la Russie ».
La petite révolte des pays de l’Europe occidentale, semble donc avoir été matée, les États Unis ont fait entrer tout le monde dans les rangs.
Quelques jours après cet épisode du G7, le président Macron, probablement par besoin de compensation, livre aux médias des extraits soigneusement sélectionnés de ses conversations avec le président Poutine. Le ton d’Emmanuel Macron y est tout à fait différent : dur, tranchant, autoritaire, brutal, à la limite de la politesse avec l’usage notamment d’un tutoiement discourtois à l’égard de Vladimir Poutine.
Mais, surtout, le procédé choque : enregistrer à l’insu de l’autre une conversation et, de plus, la diffuser, est immoral et délictueux déjà au niveau d’un individu, que dire alors à ce niveau de responsabilité. La crédibilité du président français dans ses relations avec ses homologues risque d’en être profondément affectée.
A voir de tels comportements chez ceux qui gèrent la crise mondiale actuelle, comment ne pas être inquiets pour le sort du monde.
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Les réunions occidentales sont redondantes : Union européenne, G7, Otan, ce sont les mêmes qui se rencontrent et disent le même texte pour justifier chaque fois une nouvelle escalade dans l’armement fourni à l’armée ukrainienne et envers la Russie.
Vendredi 29 juin, Madrid. L’OTAN est déchainée, l’OTAN est euphorique, tout le monde se serre la main, tout le monde se donne l’accolade, comme dans une victoire en Coupe du Monde. L’OTAN exulte, elle s’est trouvée un ennemi, comme au bon vieux temps, la Russie. Non, non, mieux ! Poutine. On se prend en photo, on veut considérer cet instant comme historique.
Et pourtant, au fond, rien n’a changé, si ce n’est une escalade encore plus grande, qui conduit encore plus loin, vers le risque d’anéantissement total de tous, y compris de ceux-là qui sablent le champagne sur des perspectives sanglantes.
Oui, au fond rien n’a changé, car ce qui compte vraiment au bout du bout, c’est le rapport de forces nucléaire et il est là, toujours le même avec peut-être même, sur ce point, un léger avantage pour la Russie. De ce point de vue, les autres pays européens, à part quelque peu la France, ne comptent pas dans ce pouvoir de détruire la planète. À considérer les choses sous cet angle, les États Unis ont même à affronter, seuls, maintenant, à la fois deux puissances militaires du même ordre qu’eux-mêmes, La Russie mais aussi la Chine, qu’ils ont désignée aussi comme une menace. C’est un changement stratégique d’une importance énorme. Il explique probablement certaines prudences étasuniennes.
A l’issue de cette réunion de l’OTAN, le Secrétaire général de l’ Organisation Atlantique, Jens Stoltenberg, commente, péremptoire : « le prix que nous payons en soutenant l’Ukraine est bien inférieur au prix que nous paierons si nous ne la soutenons pas ». Une phrase qui ne veut rien dire puisque, par définition, on ne peut évaluer « le prix de l’absence de soutien à l’Ukraine » et que la seconde proposition n’existe donc pas. Voilà le niveau de rationalité du plus haut dirigeant de l’OTAN. Cela ne fait-il pas , là aussi, frémir ?
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L’Ukraine dit qu’elle lutte pour son indépendance et sa souveraineté. Ses dirigeants ne comprennent pas qu’ils les perdent au fur et mesure de la durée de la guerre.
En effet que reste-il aujourd’hui de la souveraineté de l’Ukraine par rapport aux États Unis ? Avec 40 milliards de dollars et, en fait, probablement le double, les États-Unis ne leur fournissent pas seulement des armes. Les États Unis paient les fonctionnaires ukrainiens, les administrations, tous les services, les importations de tous genres, Bref les États-Unis entretiennent l’État Ukrainien. Quand on est entretenu, que reste-t-il de son indépendance, de sa liberté de décision, et même de sa dignité face à celui qui vous entretient ?
Derrière toutes les belles phrases nationalistes des dirigeants ukrainiens, il y a cette réalité bien moins glorieuse. Ils ont hypothéqué la souveraineté et l’indépendance de leur pays bien plus que ne l’auraient fait les accords de Minsk qu’ils ont rejetés. Peut-on être en paix sans l’être avec son voisin. Or c’est cette perspective d’une inimitié sans fin que proposent les États Unis à l’Ukraine mais aussi aux autres pays européens.
Ne pourraient-ils pas aider réellement l’Ukraine, c’est-à-dire l’aider à être en paix. Mais cette option, pourtant si claire, est obscurcie, masquée en permanence par un brouillard idéologique sur « la défense des valeurs occidentales » dans la guerre en Ukraine. Et c’est ainsi que les Ukrainiens sont donc conviés à servir de chair à canon pour défendre ces « valeurs », un objectif aussi vague qu’ indéfini.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir