Par Miguel Santos García − Le 22 juin 2022 − Source OneWorld Press
À ce stade, le gouvernement de Gustavo Petro entretient des idées intéressantes sur la manière de mettre à niveau et de restructurer les parties les plus critiques de l’État, mais on verra si le contrôle exercé par les États-Unis sur la nation latino-américaine pour mener des guerres hybrides contre les autres acteurs de la région va ou non s’atténuer.
Le présent article est centré sur certains éléments du discours de victoire du nouveau président colombien, Gustavo Petro ; il a en effet tenu des propos intéressants, même s’ils restent encore à préciser, qui peuvent nous renseigner sur la manière dont sa nouvelle administration va traiter les divers problèmes intérieurs et étrangers auxquels la Colombie est confrontée. On a eu la bonne surprise de voir de nombreuses personnalités de droite, dans les partis et gouvernements intérieurs et extérieurs à la Colombie, saluer la victoire de Petro comme l’ont fait les personnalités de gauche, sans lancer les désormais habituelles opérations de guerre hybride visant à défier les élections en avançant des éléments trafiqués.
Au sujet de la violence politique qui habite la Colombie, le nouveau président Gustavo Petro a montré qu’il tenait à honorer les accords signés à la Havane en 2016 entre l’État colombien et les FARC, et à reprendre le dialogue. Petro a également indiqué son désir de mettre fin à l’utilisation par l’État des brigades mobiles anti-émeutes, ce qui illustre symboliquement que son administration ne fera pas montre de violence inutile ou terrorisante contre sa population, et s’emploiera au contraire à maintenir une attitude de dialogue face aux manifestations. Au sujet de la violence politique, Petro a affirmé dans son discours qu’il est nécessaire de communiquer « … tout d’abord en partant du grand dialogue national animant l’ensemble de la société colombienne, et ensuite, en réussissant à faire taire les armes, que les armes cessent d’être utilisées, que l’on ne trouve plus d’armes en dehors de l’État colombien. »
Pour ce qui concerne les faiblesses de la sécurité démocratique en Colombie, ainsi que le manque d’efficacité structurel de l’appareil de justice et de sécurité de l’État, un problème clé réside en ce que la police colombienne est encore à ce jour rattachée au ministère de la défense, et non pas au ministère de l’intérieur et de la justice. La police colombienne est totalement militarisée, entretient une culture très militaire, et ne pratique quasiment aucun entraînement civil, ce qui constitue évidemment un obstacle pour traiter efficacement la coexistence citoyenne ou résoudre les petits crimes et délits. Il s’agit là de problèmes structurels de l’appareil de sécurité de la Colombie auxquels l’administration Petro doit s’attaquer pour avancer.
Le discours de Petro contient également des éléments parlants sur les stratégies économiques qu’il compte déployer :
… ils criaient contre nous… que nous allions exproprier les biens des Colombiens, que nous allions détruire la propriété privée, eh bien… nous allons développer le capitalisme en Colombie, non pas par vénération, mais parce que nous devons commencer par surmonter en Colombie la pré-modernité, le féodalisme, le néo-esclavage. Nous devons dépasser des mentalités ataviques qui coexistent avec ce monde de servage, avec ce monde d’esclavage et de seigneurs et de propriétaires d’esclaves, nous devons bâtir une démocratie. Et nous allons bâtir cette démocratie en permettant… un pluralisme économique, ce qui signifie un dépassement de l’ancien esclavage et de l’ancien féodalisme… pour établir une économie populaire que nous pourrons renforcer par de la connectivité, par l’éducation, par un crédit abordable, d’où sortiront d’autres formes de capitalisme, qui promettent d’être démocratiques, productives, et non pas spéculatrices. De ce stade sortiront de nouvelles formes de relations humaines basées sur les nouvelles technologies, de là surgira une économie forte et productive, c’est pour cela que nous voulons sortir de l’ancienne économie extractiviste… vers une nouvelle économie productive qui fera grandir la Colombie.
À ce stade, le gouvernement de Gustavo Petro entretient des idées intéressantes sur la manière de mettre à niveau et de restructurer les parties les plus critiques de l’État, mais on verra si le contrôle exercé par les États-Unis sur la nation latino-américaine pour mener des guerres hybrides contre les autres acteurs de la région va ou non s’atténuer. Le rôle de la Colombie dans la région reste celui d’une néo-colonie étasunienne qui entretient des liens jusqu’avec l’OTAN, comme l’a noté Nino Pagliccia dans un article paru en 2020 sous le titre « La guerre hybride contre le Venezuela atteint un nouveau stade d’agression« : « l’escalade au Venezuela des émeutes violentes vers les incursions mercenaires armées et le sabotage, sans doute soutenues par les États-Unis et son gouvernement colombien aux ordres, indique que la guerre hybride contre le Venezuela entre dans une nouvelle phase d’agression… »
Reste à voir comment la situation va évoluer, car si le gouvernement de Petro parvient à affirmer sa souveraineté et à ne plus se laisser utiliser par les États-Unis comme outil dans leurs guerres hybrides contre la région, des changements positifs peuvent être attendus. Le nouveau président doit également assurer le développement économique de la Colombie et son industrialisation, chose que la droite politique ne peut ou ne veut pas réaliser assez rapidement. Pour atteindre toute ou partie des objectifs de son administration, la Colombie va sans aucun doute devoir enfreindre la Doctrine Monroe, sans parler des relations entre la Colombie et l’OTAN, et renforcer sa souveraineté en développant un État colombien fonctionnel, indépendant, qui ne soit pas vassal des États-Unis, mais son propre maître, prêt à échanger et à œuvrer dans l’ordre multipolaire.
Miguel Santos García
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone
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