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Moins d’une semaine après avoir annoncé triomphalement que la Turquie ne s’opposait plus désormais à l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, il semble qu’il y ait comme qui dirait de l’eau dans le gaz, et que les délires expansionnistes de l’OTAN pourraient bien être ajournés sine die.
Contrairement aux déclarations du freluquet fanfaron occupant plus ou moins illégalement le Palais de l’Élysée, ce n’était pas par les vertus de son intervention Jupitérieuse (et téléphonée) qu’Erdogan avait accepté de ratifier l’adhésion des deux pays à l’OTAN, mais bien à la suite d’accords bilatéraux conclus par la Turquie avec chacun des candidats. Ces accords, juridiquement contraignants, exigeaient, entre-autres que ces pays reconnaissent le PKK comme une organisation terroriste, et en outre qu’ils procèdent à l’extradition de 73 personnes, soit activistes du PKK, soit gülénistes (soupçonnés d’avoir fomenté le coup d’État manqué de 2016).
En vrai, les puissances occidentales, USA et Royaume-Uni en tête ont laissé croire à ces deux pays qu’une fois l’adhésion actée, il leur suffirait de ne pas respecter leur part du traité, et la Turquie se serait ainsi fait rouler dans la farine. Oui, mais voilà, Erdogan n’est pas un chaton de la semaine, mais un politicien roué, avec une expérience politique considérable, aucune chance de l’attirer dans une partie de bonneteau.
Il n’aura fallu à Erdogan que trois jours pour rappeler à la Suède et à la Finlande leurs obligations contractuelles, en précisant tout net qu’il ne porterait pas le projet de ratification au parlement turc tant que les deux pays n’auraient pas effectivement appliqué les termes du traité.
Coup de tonnerre et panique dans la basse-cour, donnant lieu à des déclarations croquignolesques et des articles complètement lunaires dans la presse, montrant le désarroi dans lequel se trouve plongé l’OTAN, et plus particulièrement les deux apprentis filous qui pensaient berner le vieux fennec du Bosphore.
Ainsi mon regard avait été attiré par un article publié dans le figaro :
OTAN : la Suède refuse de démentir une « promesse » d’extraditions à la Turquie
Le président turc Erdogan a évoqué jeudi un engagement pris par Stockholm concernant l’extradition de « 73 terroristes ».
La Suède a-t-elle « promis » l’extradition de 73 personnes à la Turquie pour entrer dans l’OTAN ? La Première ministre suédoise a refusé dimanche de démentir l’affirmation du président turc Erdogan, qui suscite l’embarras dans le pays nordique.
Malgré l’insistance des journalistes et l’inquiétude de réfugiés kurdes ou turcs en Suède, la cheffe du gouvernement Magdalena Andersson n’a pas voulu dire si un tel engagement avait été donné – ou non – à Ankara pour lever le blocage turc à la candidature de la Suède et de la Finlande.
« J’ai été ministre depuis huit ans et je n’ai jamais parlé de ce qu’il s’est dit à la table des négociations », a-t-elle affirmé lors d’une conférence de presse. « Ce qui me met un peu dans une situation difficile en ce moment », a ajouté la dirigeante sociale-démocrate. […]
Bah oui, il y a comme un léger problème, et il pourrait revenir à la vitesse d’un boomerang supersonique dans la frimousse de la première ministre, et elle aura du mal à se retrancher derrière la confidentialité des débats. Parce qu’à l’issue des débats, justement, un traité bilatéral a été conclu et signé par elle au nom du peuple suédois. Dans un État aussi démocratique que la Suède, ou les citoyens exigent de leurs dirigeants la plus grande transparence, on aurait peine à croire que le peuple accepterait d’être contraint par un traité international dont ils ne pourraient même pas prendre connaissance. Or vous l’aurez compris, la promesse d’extradition des 73 terroristes figurait très probablement noir sur blanc dans le traité, ainsi que la liste nominative.
Or certaines de ces personnes ont le passeport suédois, pour autant que j’ai compris, cela reviendrait à extrader ses propres citoyens en sachant pertinemment qu’une fois arrivées en Turquie elles seraient jugées sommairement et envoyées au trou pour très longtemps. Et ceci est parfaitement inacceptable pour l’opinion publique suédoise.
Voilà donc les dirigeants de la Suède et de la Finlande pris dans un étau dont ils auront bien du mal à sortir indemnes.
En réalité, Erdogan n’a aucune confiance dans les discours lénifiants des Européens lorsqu’ils lui assurent qu’ils soutiennent son combat contre le terrorisme, parce que dans les faits, ils accueillent à bras ouverts des activistes dont le gouvernement turc estime (à tort ou à raison) que ce sont des terroristes.
Le président turc a joué ici un coup de maître dont seuls les plus grands sont capables. Faire étalage d’une bonne volonté de façade pour échapper à la pression américaine et plus généralement occidentale, en acceptant le principe d’un élargissement de l’OTAN dont il se fiche éperdument, en contrepartie d’une victoire politique incontestable au plan domestique s’il parvient à ses fins.
Je ne sais pas si Erdogan gagnera à la fin, mais je sais déjà que les gouvernements finlandais et suédois ont perdu gros.
source : Le Vilain Petit Canard
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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