Pour Dubois les avis du colonel Baud sont partiaux mais les autres lecteurs apprécieront peut-être l’analyse d’un observateur qui en son temps à travaillé pour l’ONU et l’Otan.
1 juillet 2022 Henri Dubost GUERRE OTAN CONTRE RUSSIE 66
Jacques Baud, auteur du livre Poutine maître du jeu, est un ancien colonel du renseignement stratégique suisse, présent à Kiev au moment de la « révolution de Maïdan » en 2014, et aux négociations qui ont suivies, en tant qu’observateur de l’Otan.
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Pour l’analyste suisse, une guerre de haute intensité entre l’Otan et les Russes est peu probable : « On va rester dans un bras de fer, sans aucun doute ».
Les Russes ont toujours été très clairs sur leurs objectifs : dénazification de l’Ukraine d’une part, et d’autre part démilitarisation de la menace qui pesait sur le Donbass.
Le premier objectif est atteint depuis la neutralisation du régiment Azov dans l’usine Azovstal de Mariupol – un régiment néonazi tout à fait légalement incorporée à l’armée ukrainienne, ce qui ne fait sourciller aucun des chefs d’Etat et de gouvernement occidentaux… – Cet objectif a donc été retiré des objectifs russes, contrairement à ce qu’affirment les médias de grands chemins en Occident.
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L’objectif de démilitarisation consiste à neutraliser les forces ukrainiennes. Le problème pour les Russes n’est pas de « prendre du territoire », mais de neutraliser la menace militaire sur le Donbass.
Ce qu’on appelle l’« annexion de la Crimée » a été la volonté des Criméens de retourner à la Russie (96,6 % de « oui » au référendum de 2014)
La Russie occupe tout le sud du pays, qui est de fait une entité russophone. Le rattachement à la Russie n’est pour l’instant pas d’actualité, mais on peut envisager un processus d’ « autonomisation » de cette portion du territoire ukrainien. Il y aura de toute façon une partition de fait de l’Ukraine.
Lorsque en 2014, la Crimée a demandé son rattachement à la Russie, les Ukrainiens ont « physiquement » coupé tout lien avec la Crimée : eau potable, chemins de fer… Une situation scandaleuse à laquelle la prise du sud de l’Ukraine par les forces russes apporte une solution pour les Criméens qui, depuis 8 ans, vivaient dans un état de pénurie endémique.
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Si les Occidentaux avaient accepté les propositions de négociation que, fin février, Zelinsky a soumises à la Russie, les choses en seraient restées là, et la « guerre » serait finie. Tant qu’il n’y a pas de négociations, les Russes avancent, mais si des négociations s’ouvraient, leurs forces armées s’arrêteraient la où elles sont actuellement parvenues. De toute façon, il est exclu qu’ils investissent la partie nord et ouest du pays.
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Pour Jacques Baud, la Russie sera militairement victorieuse dans ce conflit, que l’Otan, l’UE et les USA le veuillent ou non. L’Otan annonce le déploiement d’une force de réaction rapide de 300.000 hommes. Selon l’expert stratégique suisse, il n’est pas sûr que l’Otan arrive à mobiliser une telle force : les fournitures américaines aux Ukrainiens poussent les Etats-Unis à bout en termes de logistique. Les Ukrainiens, par exemple, déclarent utiliser 500 missiles antichars Javelin par jour (une annonce sans doute volontairement exagérée de leur part…). Or les Américains n’en produisent que 2.000 par année… Les Américains sont déjà à bout en termes industriels. Le fameux complexe militaro industriel américain est très performent sur les armements lourds (porte-avions, avions de combat, chars…), beaucoup moins quand il s’agit d’alimenter une guerre au jour le jour par des « consommables » : la fourniture en munitions sont pour eux un problème.
Avec l’annonce de cette force d’intervention de 300.000 hommes, l’Otan montre ses muscles et joue à se faire peur…S’il n’y avait pas eu au départ les provocations de l’Ukraine à l’encontre de ses populations russophones, il n’y aurait pas d’intervention russe et donc la problématique du stationnement des armes de l’Otan en Europe de l’est aurait été traité sous l’angle diplomatique.
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A propos du blocus de l’exclave russe de Kaliningrad par la Lituanie, Jacques Baud estime que les Russes sont beaucoup plus pragmatiques que les Occidentaux. Il lui semble exclu que Poutine s’engage dans des opérations militaires dans cette affaire. Il y aura d’autres types de rétorsions de la part des Russes. Pour les Occidentaux, l’esprit des sanctions étaient d’interdire le transit de marchandises russes vers le monde non-russe. La Lituanie a été plus loin en interdisant le transit d’une partie de la Russie vers une autre partie de la Russie (Kaliningrad). Ce qui est absurde : la Russie ne gagne pas d’argent de ce dernier type de transfert… La Lituanie a délibérément outrepassé les conseils de modération de l’UE sur la question.
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Les pertes des forces ukrainiennes sont massives, selon les conseillers de Zelinsky eux-mêmes. Elles perdent jusqu’à 1.000 par jour (entre 200 et 500 tués ou blessés et le reste, formé de déserteurs…). Depuis plusieurs semaines, l’arme régulière ukrainienne est encerclée ou détruite, et ce sont des réservistes ou des hommes des troupes territoriales, très mal entrainés et sous-équipés, qui sont amenés au Donbass : c’est exactement ce qui se passait avec la Volksturm en Allemagne en 1945 : étaient envoyés au front des gamins de 16 ans et des seniors de 70 ans… Cette mobilisation générale n’est pas du goût des Ukrainiens de l’ouest qui commencent à manifester leur mécontentement.
Les chiffres concernant les pertes russes proviennent de sources ukrainiennes, donc ne sont donc pas fiables. Les Russes ne communiquent pas sur leurs pertes. Jacques Baud estime que plus le temps avance et moins les Russes ont de pertes : ils on appris à se battre et ont développé des tactiques qui font qu’ils perdent beaucoup moins d’hommes qu’au début. D’autre part, les Tchétchènes de Kadyrov sont de redoutables guerriers…
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L’affaire de la destruction du centre commercial de Krementchouk : de la pure propagande ukrainienne, selon Jacques Baud. La vérité est que les forces ukrainiennes ont adossé à ce centre une usine qui fabrique des armes. Elle contenait également de nombreuses armes fournies par l’Ouest. Les Russes ont visé très précisément cette usine. C’est en explosant que les armes contenues dans l’usine ont mis le feu et détruit le centre commercial attenant. Jacques Baud fait remarquer qu’ayant regardé sur Google Map juste après la frappe, la majeure partie du centre commercial était indiquée comme « fermée de manière permanente ». Une mention qui a curieusement disparu quelques heures plus tard… L’ONU elle-même a dénoncé le fait que les Ukrainiens adossent systématiquement des installations militaires pouvant faire l’objet de frappes russes à des bâtiments civils. Les Russes, de leur côté, évitent de frapper des zones civiles.
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« Militairement, les Russes ont certainement gagné » affirme Jacques Baud. Selon l’expert suisse, le vent leur a toujours été favorable. Il a baissé un peu de vitesse lorsque dans le Donbass, c’est l’infanterie qui était en première ligne. Maintenant, il a augmenté. Depuis le début du conflit, la dynamique a toujours été favorable aux Russes. L’Occident s’est auto-persuadé que l’Ukraine allait gagner et s’aperçoit que, au fur et à mesure que les troupes ukrainiennes sont décimées, le conflit devient sans espoir pour Zelinsky.
« Je suis de ceux qui pensent que fournir des armes à l’Ukraine, c’est encourager ce combat désespéré de l’Ukraine : ça augmente les pertes sans changer l’issue du conflit. Zelinsky avait fait à la Russie des propositions intéressantes, qui avaient été acceptées par les Russes fin mars. Zelinsky est revenu sur ces propositions sur la pression de Boris Johnson qui lui a dit : « Ou bien vous retirez ces propositions, ou bien on ne vous fournit plus d’armes ! ». Est-ce la situation politique intérieure de Boris Johnson – il est en très mauvaise posture – qui l’a amené à adresser cet ultimatum à Zelinsky ? » se demande Jacques Baud,
Dès le 25 février, au lendemain de l’offensive russe, Zelinsky avait fait des propositions de négociations à la Russie. Le 27, l’UE intimait à Zelinsky l’ordre de retirer ses propositions, lui assurant qu’il recevrait de l’Occident tout le soutien militaire nécessaire. Même scénario le 23 mars : Zelinsky propose des négociations de paix à Poutine, et deux jours plus tard, l’UE lui fournit un surcroît d’armes en lui demandant de retirer ses propositions de paix.
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Biden et l’UE souhaitent manifestement faire la guerre à la Russie jusqu’au dernier Ukrainien. Une volonté criminelle qu’a dénoncé en ces termes le président mexicain : « Ce que font les Américains, c’est : « on vous fournit les armes, vous fournissez les cadavres » »
Formule on ne peut plus cynique, mais qui résume parfaitement l’attitude occidentale dans cette affaire…
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In girum imus nocte ecce et consumimur igni
Source : ns2017
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