Lorsqu’un journaliste – ou n’importe qui – dit que Wikileaks n’aurait pas du, ou n’avait pas le droit, de publier tel ou tel document, ce qu’il dit en réalité est ceci : « je ne reconnais pas votre droit de savoir ».
En réalité, ce qu’il nous dit est ceci : « je souffre du syndrome du larbin et je lèche les bottes du pouvoir, tous les pouvoirs, et leur reconnaît le droit d’agir en secret, de mentir, sans comptes à rendre, pour le plus grand bien de tous ».
En réalité, ce qu’il nous dit est ceci : « vous, vous êtes trop cons pour comprendre, et vous n’êtes pas dignes de faire partie du cercle d’initiés. D’ailleurs, moi-même, je rêve d’y entrer. »
En réalité, ce qu’il nous dit est ceci : « moins vous savez et plus je peux vous raconter n’importe quoi en me faisant passer pour un spécialiste initié. Votre ignorance est le terreau de ma crédibilité. »
En réalité, ce qu’il nous dit est ceci : « plus vous découvrez la vérité, et plus vous vous rendez compte à quel point je suis un charlatan et combien je vous ai enfumé et servi de faire-valoir aux crapules. »
En réalité, ce qu’il nous dit est ceci : « en pointant du doigt Wikileaks et Julian Assange, je détourne l’attention de mon propre rôle et position dans la structure du pouvoir. J’invoque leur « absence d’éthique » pour sous-entendre que j’en ai des tonnes à revendre. »
En réalité, ce qu’il nous dit est ceci : « regardez-moi bien dans les yeux ; vous paupières sont lourdes… »
Non, le « problème » n’a jamais été ce que Wkileaks et Julian Assange auraient le droit ou non de publier, mais ce que nous aurions le droit ou non de savoir. Wikileaks et Julian Assange ne sont pas le problème, ils sont l’outil avec lequel le vrai problème fut révélé. Ils ne sont pas la fièvre, ils sont le thermomètre.
A tous ces critiques donc, je propose de recentrer le débat sur la vraie question et je leur dis ceci : « Ne parlons plus de l’outil, mais parlons plutôt de votre prétention à me refuser un droit fondamental : celui de savoir. Alors, qui êtes-vous pour vouloir me l’interdire, et de quel droit ? ».
Du coup, le débat n’est plus entre « pro » et « anti » Wikileaks, mais entre moi, individu et citoyen, et quelqu’un qui a l’incroyable prétention, culot et outrecuidance de décider de ce que j’ai le droit ou non de savoir des agissements au sein des pouvoirs qui sont censés me représenter et/ou être à mon service. Et ça, ça change pas mal de choses.
Viktor Dedaj
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir