Du mythe du défaut de paiement de la Russie à l’écroulement du système financier globalisé

Du mythe du défaut de paiement de la Russie à l’écroulement du système financier globalisé

Alors que les Etats-Unis ont tout fait pour empêcher la Russie de payer sa dette, elle a envoyé les fonds … seulement les institutions financières étrangères ont reçu l’interdiction américaine de les reverser aux créditeurs et se sont écrasées. Qui est en défaut, celui qui paie ou celui qui empêche le paiement ? Les Etats-Unis sont allés tellement loin, que même les médias français n’arrivent pas à le digérer. Car la question maintenant qui se pose, est celle de la fiabilité des Etats-Unis comme partenaire financier : vont-ils mettre en défaut de paiement tout pays, qui ne serait pas suffisamment vassalisé ? Ce sont des méthodes de mafieux. Et le système financier global actuel n’est qu’un instrument de cette mafia, comme il vient de le montrer.

Pour provoquer le défaut de paiement de la Russie, les Etats-Unis ont interdit aux organismes financiers de traiter le paiement effectué par la Russie, dans les temps. Ainsi, l’argent est bloqué, n’est pas transféré aux créditeurs et les agences et médias américains peuvent enfin parler de l’efficacité de leurs sanctions, qui n’ont pas permis à la Russie de payer ses dettes.

Bloomberg avait lancé le mouvement :

Le discours est posé, je cite Bloomberg :

« La Russie a fait défaut sur ses obligations souveraines extérieures pour la première fois en un siècle, point culminant de sanctions occidentales toujours plus sévères qui ont fermé les voies de paiement aux créanciers étrangers. »

Et le New York Times reprend la même ligne, la ligne officielle américaine :

« La Russie a raté dimanche une date limite pour effectuer les paiements d’obligations, une décision signalant son premier défaut de paiement sur la dette internationale en plus d’un siècle, après que les sanctions occidentales ont contrecarré les efforts du gouvernement pour payer les investisseurs étrangers. Ce délai s’ajoute aux efforts visant à isoler Moscou des marchés mondiaux des capitaux pendant des années. Environ 100 millions de dollars de paiements d’intérêts libellés en dollars et en euros n’ont pas pu parvenir aux investisseurs dans un délai de grâce de 30 jours après le non-respect de la date limite du 27 mai. Le délai de grâce a expiré dimanche soir. »

De son côté, les médias français tiennent un discours plus en nuances, insistent plus sur le fait que la Russie a payé et que les paiements ont été bloqués, comme BFM qui contrairement à son habitude diffuse largement la position russe sur la question :

« Les systèmes internationaux de paiements et de compensations ont obtenu les fonds dans les temps et en totalité et avaient les moyens légaux et financiers de transférer les fonds en question aux destinataires finales », a dénoncé le ministère russe des Finances.

Le Figaro titre même que la Russie a été poussée à un défaut de paiement artificiel, reprenant la position du ministère russe des Finances :

L’agence Moody’s, la voix de son maître, insiste elle sur le défaut de paiement – peu importe les raisons, les créditeurs n’ont pas reçu les fonds, donc il y a défaut de paiement. Et comme la Russie prévoit de payer le reste en rouble, il y aura encore défaut de paiement. Derrière l’excès de formalisme, l’on sent la ligne idéologique : il ne peut y avoir de vie en dehors du monde global, la Russie étant sortie de la globalisation, ne peut exister, l’on doit donc la décréter en défaut.

De son côté, la position du ministère russe des Finances est très claire, elle s’appuie sur la notion de défaut de paiement  :

« Selon la documentation d’émission pour les émissions indiquées, le fait de défaut est le défaut de paiement du débiteur (failure to pay), cependant le paiement a été effectué en avance – le 20 mai 2022. Dans ce cas, la non-réception de l’argent par les investisseurs ne s’est pas produite par suite d’un défaut de paiement, mais du fait de tiers, ce qui n’est pas expressément prévu dans la documentation d’émission comme un cas de défaillance et doit être considérée dans le cadre des règles générales de droit régissant les termes de l’émission, compte tenu de toutes les circonstances et de la bonne foi des actes des parties »

Autrement dit, la Russie ne peut être tenue responsable des actes commis par des structures financières ne se trouvant pas sous sa juridiction. Ainsi, la Russie n’est pas dans une situation comparable à celle de 1918 : elle a les moyens de payer, malgré les sanctions occidentales et elle a payé. C’est le système financier globalisé, qui vient de s’écrouler devant nos yeux, car il n’est plus à même de garantir les droits des créanciers.

La question qui commence à se poser est finalement celle de la fiabilité des Américains et de leurs structures financières de poche, qui peuvent être lancées contre tout pays, à partir du moment où celui-ci n’est pas suffisamment soumis. Les « partenaires » occidentaux des Etats-Unis, à savoir leurs pays satellites (du point de vue américain), devraient sérieusement se poser la question : ont-ils réellement besoin de cela ? Ce qui arrive avec la Russie peut arriver avec chacun d’entre eux, si les circonstances l’exigent. C’est-à-dire si l’intérêt atlantiste global est en jeu.

Karine Bechet-Kolovko
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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca

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