Fabriquer des experts contextuels TIPÉDANTS pour mater l’indigence — Erno RENONCOURT

Fabriquer des experts contextuels TIPÉDANTS pour mater l’indigence — Erno RENONCOURT

Le renouvellement du mandat du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) ce 15 juin par le Conseil de Sécurité de l’ONU achève de prouver qu’Haïti n’est qu’un lieu livré à l’expérimentation des projets les plus infects que l’occident concocte par le biais de ses experts obsolètes et indigents. Ce renouvellement me permet de revenir partager quelques interrogations avec vous et disséminer quelques relents PoÉthiques pour Magnifier une Utopie de la Résistance contre l’indigence comme infrastructure du MUR de la performance collective haïtienne. Mais Comment faire jaillir une brèche d’inespéré pour désenfumer un total effondré ? Comment éviter le piège de la tenaille, broyeuse de dignité, qui magnifie les célébrations conçues pour appâter l’insignifiance ? Comment conscientiser l’indignité anoblie qui se veut réussite ? Entre provocation et contextualisation, il y a les notes d’une subversion pédagogique à potentiel étincelant.

Du mythe de la résilience au culte de l’indigence

Il ne fait plus de doute qu’Haïti agonise d’impuissance et sombre dans un état d’indigence qui tue l’intelligence. Opposé à tout effort et rebelle à toute volonté de se doter d’un référentiel de valeurs pour apprendre à vivre courageusement et dignement, en se confrontant aux incertitudes de son écosystème, le collectif haïtien s’est laissé appâter par le piège des succès précaires et des célébrations qui anoblissent insignifiance. Ainsi, miné par un contexte local invariablement défaillant, et verrouillé sur des cycles d’assistance, qui se performent autant par la médiocrité des stratégies de politiques publiques que par l’indignité des élites culturelles et académiques, le collectif haïtien se complait à faire vivre, par résonances diversifiées, le mythe d’une ‘‘résilience’’ collective comme art de la survie.

Le contexte global n’est pas plus réjouissant et n’inspire, du reste, aucune espérance. Pour cause, contraint par des guerres, que livrent les seigneurs du capital et les princes de la croissance contre les peuples, il est traversé par les vents d’une globale déshumanisation. Gonflée par des courants porteurs, cette déshumanisation se propage, d’un bout à l’autre du monde, comme modèle économique et culturel dominant !

ONG et Gangs : la tenaille qui broie Haïti

C’est dans ce double contexte effroyablement contraint par des médiocrités humaines, mais combien fertile et prospère pour ceux qui règnent sur les trous à rats shitholes comme Haïti, que se structure le nouveau modèle d’affaires de l’occident civilisé, démocratique, chrétien et blanc : la fusion des ONG et des Gangs comme nouveau business de l’humanitaire ! Pour ceux qui veulent une preuve de l’expérimentation de ce modèle, ils n’ont qu’à voir le fonctionnement du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) depuis 2017. Haïti est en effet ce lieu où, depuis les temps coloniaux, les élites n’étant que de vastes réservoirs de fumiers humains drainés et entassés pour servir d’étouffoir et enfumer la vie, l’occident ne s’embarrasse pas de scrupules pour imposer ses projets les plus immondes à ceux et celles qui ont le malheur d’y vivre et d’y habiter. Ainsi, la décision du Conseil de Sécurité des Nations Unies, en ce 15 juin 2022, de renouveler le mandat du BINUH semble promettre un avenir d’enfer à ceux et celles qui ont choisi ou qui sont contraints de vivre en Haïti. Car, dans la résolution annonçant le renouvellement de cette mission internationale peuplée de mercenaires de l’internationale humanitaire et d’anciens fonctionnaires pour la plupart escrocs en retraite, on peut lire en filigrane le vrai message adressé aux Haïtiens et Haïtiennes : vous qui vivez dans ce shithole, perdez toute espérance !

J’avais voulu faire un texte plus long, mais pour une fois, je serai bref. Je crois que cette image dit presque tout. Presque tout, mais pas tout. Car, au-delà de cette compréhension partagée sur les forces externes qui pulvérisent Haïti, il faut qu’Haïti trouve l’ingéniosité et l’agilité pour s’extirper des mâchoires de cette puissante tenaille conçue pour broyer l’humain. Pour notre part, nous partageons la vision minoritaire qu’il existe un contexte local qui assure la résonance des injonctions immondes du contexte global. Et c’est sur ce contexte local qu’il faut agir en amont pour pouvoir résister en aval au contexte global. Mais encore faut-il trouver le repère intelligible qui saura orienter le collectif vers la brèche qui doit lui montrer la voie. C’est pourquoi nous militons activement et de trépidante manière pour disséminer cette pédagogie de la provocation et de la subversion comme PoÉthique à enseigner pour faire émerger dans le shithole des experts contextuels prompts à laisser briller leur flamme intérieure pour faire rougir le fumier mort à côté.

Vers la fabrique des experts TIPÉDANTS

Je m’empresse de clarifier pour ceux et celles qui s’interrogent sur la pertinence de ma démarche que celle-ci ne doit pas être vue comme un outil de  » communication pour une œuvre de massification « . Aussi, je partage grandement le pessimiste de ceux qui doutent du potentiel transformateur de ma démarche pour sensibiliser les masses. Je revendique une toute autre démarche que celle de la vulgarisation des idées susceptibles d’embraser les masses pour les transformer en engins révolutionnaires. Je ne crois pas en la révolution, pas plus aux changements sociaux promis par le militantisme politique. Mais je reste convaincu que s’il faut s’engager politiquement, il faut un référentiel éthique pour guider l’action. C’est pour cela, je crois, qu’il faut ensemencer les idées transformatrices non dans le terreau des masses, mais dans la conscience de ceux et celles qui ont accès au savoir et qui doivent devenir des modèles pour les masses. C’est à mon sens ce modèle de transmission de valeurs par engagement de soi, comme source d’exemplarité, qui peut servir de vecteur d’apprentissage pour le changement.

Je partage la conviction que le changement n’est pas le résultat d’une logique programmatique de cause à effet. C’est toujours une brèche qui permet de trouver l’équilibre dans le réel de nos sociétés qui est celui d’une dynamique chaotique de simultanéité, de rétroactions, de contingences, d’incidences. Pour une telle dynamique, c’est moins un cadre logique qu’il faut que des acteurs responsables et conscientisés qui sont dotés d’intuition et d’imagination pour inscrire leur réflexion dans une continuelle anticipation afin de pouvoir saisir la brèche qui se crée par moments, opportunément dans cet enchevêtrement. Voilà pourquoi, il faut former des Technologues de l’Intelligence et des Prospecteurs Éthiques pour la Décision (TIPÉD) en soutenant un processus d’Apprentissage Nano Turbulent et Subversif par l’exemplarité pour faire émerger ce que Jean Pierre Olivier de Sardan appelle des experts contextuels.

L’histoire et la nature enseignent qu’on ne commande les contextes qu’en comprenant leur fonctionnement, et pour cela, il faut imiter la patience de l’eau qui apprend à trouver sa voie, malgré les obstacles rocheux. C’est aux gens éduqués, instruits, cultivés, d’Haïti que mon message s’adresse : l’idée est de leur faire prendre conscience des causes de l’indigence qui déshumanise notre collectif, de les ramener à cet état de pleine conscience, aiguillon de toute intelligence pour qu’ils apprennent à se transformer eux mêmes et devenir des exemples pour les masses. Les exemples vivants sont toujours d’un immense pouvoir. Les masses regardent et imitent toujours le modèle de succès de ceux qui sont placés au dessus d’elles dans la hiérarchie sociale et académique.

Le changement peut être vu comme la métaphore d’une porte qui s’ouvre de l’intérieur. Pour paraphraser Léon Tolstoï, si chacun balaye devant sa porte et gère écologiquement ses déchets, le monde entier sera propre. De même, si chacun se laisse consumer par le feu de l’intelligence éthique et de la dignité, il fera rougir et embrasera à son tour le bois mort et le fumier à coté. Pour des raisons pédagogiques, il me plait de rappeler qu’il est établi dans les manuels stratégiques que partout où un système est verrouillé sur des dysfonctionnements séculaires au-dessus desquels émergent des réussites, il faut remettre en cause les processus de production, de gestion et d’évaluation qui les structurent. c’est don les élites culturelles qui doivent être les forces motrices du changement . Ce sont elles qui sont appelées à piloter les institutions et les structures sociales qui sont les interfaces conçues pour agir sur le réel. Or les interfaces organisationnelles constituent des points faibles et critiques parce c’est autour d’elles que les tensions sociales et les contraintes se cristallisent. elles ont besoin de pilotes éthiques pour les gouverner. Pour cause leur faiblesse est inhérente à la frontière, toujours relative, qui délimite les entités en interaction et qui définit un seuil au delà duquel chacune des entités perçoit l’autre comme une boîte noire. Le problème des interfaces et des institutions est au fond, celui de l’altérité dans l’action collective.

C’est justement pourquoi je conteste l’approche marxiste qui veut focaliser l’attention sur les institutions et les forces de production en oubliant que ces structures et ces force ne sont que des outils aux mains d’acteur qui poursuivent des finalités. Or là où la fourberie s’est installée, il ne peut y avoir de finalités collectives. Tout laisse croire que le ferment mémoriel de la culture haïtienne a été dévoyé, que la mémoire collective a été enfumée et l’intelligence déroutée. Ce qui a transformé la pensée en un étouffoir qui obscurcit tout, à coup d’impensé. Faut-il chercher plus loin pourquoi la corruption perdure en Haïti depuis deux siècles ? C’est dans la culture, dans les failles de la conscience, évidée de son substrat de dignité et de résistance, que le mal s’est propagé. C’est donc par la culture qu’il faut régénérer l’homme haïtien, en inculquant à sa conscience de nouvelles vibrations pour amener son imaginaire à résonner intelligemment au contact des problématiques de son contexte. Haïti a besoin d’un vaste programme d’apprentissage capable de responsabiliser les futurs décideurs en leur inculquant une culture d’engagement et d’exemplarité. Il faut un PAHCTE pour réenraciner les compétences rares et distinctives du terroir dans l’écosystème afin qu’elles deviennent les semences de la nouvelle écologie qui fera vivre la légende des arbres musiciens.

Le défi pour Haïti est de savoir comment s’extirper des mâchoires de la tenaille indigente qui se performe en vivant des défaillances et des déficiences du pays. La solution ne peut être autre chose que la patience de fabriquer ces Experts Contextuels et TIPÉDANTS qui brilleront de dignité et d’humanité pour éclabousser d’éclairs d’intelligence, ce total effondré et obscurci qu’est Haïti. Nous n’avons plus besoin des experts de l’urgence, des experts à peu près, des experts obsolètes, et des experts « Pèpè » de l’ONU qui brillent comme des miroirs d’éclat douteux dans des bordels miteux. Haïti doit se réinventer en puisant dans les retours d’expérience des projets qui se réalisent sur les strates des défaillances de ses institutions et de sa population. Haïti doit cesser de vivre dans l’enfumage des succès conçus pour projeter son collectif dans des rêves blancs qui moduleront de cauchemars noirs ses espérances. Haïti doit inventer ses propres légendes en assumant la rigueur de la problématisation pour ensemencer et disséminer dans les consciences les ferments d’une nouvelle écologie de valeurs par l’engagement de SOI.

La Fabrique des Experts Contextuels et TIPÉDANTS est l’ultime brèche capable de faire germer un brin d’intelligence collective dans les écosystèmes humainement défaillants pour mater les contraintes de l’indigence. Voilà la douce aigreur qui m’anime et me pousse vers cette Agile Intention de Générer des Rétroactions par Ensemencement d’une Utopie Régénératrice.

»» https://blogs.mediapart.fr/erno-renoncourt/blog/070522/fabriquer-des-e…

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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