60 ans d’indépendance : Nécessité d’un Devoir d’inventaire avec la France

60 ans d’indépendance : Nécessité d’un Devoir d’inventaire avec la France

«(…) Lorsqu’on voit ce que l’occupation allemande a fait comme ravage en quatre ans dans l’esprit français, on peut deviner ce que l’occupation française a pu faire en cent trente ans.» Jean Daniel  Le temps qui reste Editions Plon 1973 

«  Faire l’éducation du genre humain, c’est la mission de l’Europe. Chacun des peuples européens devra contribuer à cette sainte et grande œuvre   tout.   […] Chose étrange à dire et bien vraie pourtant, ce qui manque à la France en Alger, c’est un peu de barbarie. Les Turcs allaient plus vite, plus sûrement et plus loin ; ils savaient mieux couper des têtes. La première chose qui frappe le sauvage, ce n’est pas la raison, c’est la force ».

Victor Hugo 

Résumé 

L’année 2022 marque les 60 ans de l’indépendance de l’Algérie Soixante ans d’indépendance  un bail !  L’Algérie  est devenue libre Elle a des défis dictés par la marche du monde. Bien que 90% de la population soit né après 1962, L’Algérie vit toujours avec son passé L’invasion française un  matin de juillet 1830 est un gigantesque tsunami psychologique  dont  les répliques se font sentir en chacun de nous . Jean  Daniel explique par comparaison entre l’occpation allemande et l’occupation française les douleurs et la rage est d’autant plus vive que nous n’avons pas fait  le tour –d’un deuil toujours recommencé parce que  tout les jours nous découvrons des facettes toujours macabres de l’oeuvre positive de la France. Je ne pourrai pas décrire 132 ans de rapines d vol de viol d’incendie de déni de la dignité humaine. Il est connu que les souvenirs douloureux se transmettent génétiquement de génération en génération. Ce devoir d’inventaire que nous devons faire par respect à la mémoire des 6  millions de victimes de la colonisation n’est pas pour nous un fond de commerce, mais oublier est une trahison Je décrirai les crimes contre l’humanité les plus  criards sans oublier que 132 ans de déni de la dignité humaine mérite  à notre sens mille Nuremberg !

Quelques rappels sur l’histoire de la vénérable nation algérienne

Une mauvaise querelle a été récemment faite à notre pays pour annoncer urbi et orbi que l’Algérie est une création de la France. Pourtant, il y a 23 siècles, l’Algérie était une puissance. Pour situer objectivement l’histoire de l’Algérie. C’est à Adrar que la météorite la plus ancienne 4,6 milliards d’années L’Algérie est considérée comme le second berceau de l’humanité. Il y a 2,4 millions d’années, du côté de Sétif, les premiers hommes vivaient. Plus tard, et pratiquement dans toutes les régions du pays, on trouve les traces de l’homme de Tifernine, il y  a 1,7 million d’années, pour arriver bien plus tard aux hommes préhistoriques de Mechta Affalou Des royaumes  virent le jour. Quand Massinissa battait monnaie deux siècles avant JC et disposait d’une armée, la Gaule n’était qu’un assemblage de tribus sauvages qui se faisaient  constamment la guerre. L’Algérie avait l’empire romain comme voisin auquel elle a donné des empereurs, des généraux et des gouverneurs. Elle offre  4 papes à la chrétienté et  Saint Augustin un Père de l’Eglise.  Le premier roman, « L’âne d’or » a été écrit en Algérie au 2ème siècle par Apulée de Madaure, A l’époque d’Apulée, l’Europe était encore à la tradition orale. Il a fallu attendre le 8e siècle pour que le mot France apparaisse et après 1870 pour que le mythe fondateur de Jeanne D’Arc  appelé en renfort pour remonter le moral du peuple de France vaincu par l’Allemagne malgré le dévouement des tirailleurs algériens qui furent décimés par le chassepot allemand à Wissembourg. 

Pour l’histoire, l’Algérie a signé avec la France depuis la première attaque contre ses côtes en 1299 plus d’une cinquantaine de traités.  Le premier traité de paix a été signé entre la Régence d’Alger et le royaume de France, le 24 septembre 1689, soit cent ans avant la Révolution de 1789. La Régence d’Alger a été la première puissance a reconnaitre l’indépendance des États- Unis d’Amérique.» 

Dans le même ordre pour apporter un démenti à celle et ceux qui croient au mensonge éhonté sur ce qu’était l’Algérie  quel meilleur défenseur de la morale en histoire que  le docteur Mohamed Lamane Debaghine  député  l’Assemblée Nationale Française   qui le 20 août 1947   Il  dénonce la violation de souveraineté dont la France se serait rendue coupable : « N’oubliez pas, Mesdames et Messieurs, l’Algérie est une Nation. Elle a été une Nation et a été souveraine. Seule l’agression de 1830 lui a fait perdre sa souveraineté. On a trop tendance à l’oublier.  De plus, les traités conclus entre l’État algérien et des nations telles que l’Angleterre, les États-Unis et la France elle-même prouvent que l’Algérie était considérée comme une nation souveraine.   D’autre part, l’Algérie était à ce point considérée comme un État souverain par la France elle-même, qu’en 1793, pendant la guerre que celle-ci soutenait contre l’Europe entière, aussi bien pendant la Révolution   la France jugea que, seule la nation algérienne, qui était à cette époque souveraine, pouvait la ravitailler en blé, en chanvre pour les cordages de ses navires, en chevaux et même lui prêter gracieusement de l’argent ».   

Le docteur Debaghine ajoute que  l’Algérie veut être indépendante :

« ce serait une très grande erreur de croire (…) que le désir d’indépendance du peuple algérien provient uniquement du fait que la colonisation n’ait pas réussi au sens matériel du mot. Quand bien même la France aurait réalisé des merveilles (…)  Cela signifierait, par exemple, que si la colonisation s’était traduite, dans le domaine matériel, par une amélioration du standing de vie de la population musulmane, cela nous aurait peut-être amenés à concevoir de bonne grâce la perte de notre personnalité, de notre souveraineté et de notre culture. Il n’en est rien ». (1) 

Les causes indignes de la conquête : La fin d’un Monde

L’idée d’invasion a germé d’abord dans la tête de Napoléon qui ne voulait pas payer la dette et  qui envoya l’espion Boutin en repérage d’un lieu de débarquement  La «cause »  serait l’offense au consul Deval . l’autre motif serait la destruction du nid de pirates alors que  la piraterie n’existait plus depuis 1818  Peut-on alléguer l’intérêt économique d’une conquête d’Alger, exposé en 1827 dans le rapport du ministre de la guerre, comte de Clermont-Tonnerre, évoquant des « plaines d’une prodigieuse fertilité », des « forêts de sapins et de chênes (sic) propres aux constructions navales », des « montagnes de sel gemme » avec  la tentation que constituait, pour un gouvernement aux finances en mauvais état  « les trésors – Clermont-Tonnerre dixit – qui se sont accumulés dans le château du dey d’Alger : on les estime à plus de cent cinquante millions. »..  Le même  Clermont Tonnerre   invoque aussi   le motif religieux « Dès 1827,   dans un rapport célèbre, avait transmis au roi un plan détaillé d´envahissement de l´Algérie. Il écrivait notamment: «La providence a permis que Votre Majesté fût brutalement provoquée, dans la personne de son consul, par le plus déloyal des ennemis du nom chrétien. Ce n´est peut-être pas sans des vues particulières qu´elle appelle ainsi, le fils de Saint Louis à venger à la fois la religion, l´humanité et ses propres injures(…)  Alger ne vit que par la guerre qu´elle livre aux puissances chrétiennes, Alger doit périr si l´Europe veut être en paix. C´est pour tous ces motifs que je supplie Votre Majesté… de prendre une détermination par suite de laquelle vous vengerez la chrétienté en même temps que vos injures». (2)

Comment l’invasion sanguinaire a eu lieu

Un peuple paisible fut pris de cours, il connu l’enfer de l’invasion et des colonnes infernales     Le roi chargea  le duc de Bourmont  d’envahir l’Algérie qui s’est illustré  auparavant par la trahison de Napoléon   Il s’illustra outre sa politique sanguinaire  par le parjure , il promettait ne rien attenter aux biens  coutumes et religion des Algériens  Le 29 décembre, le général Thomas Bugeaud, qui vient d’être nommé gouverneur de cette colonie, arrive en Algérie. La véritable conquête débute avec massacres, déportations massives des populations, rapt des femmes et des enfants utilisés comme otages, vol des récoltes et du bétail, destruction des vergers.  C’est le colonel de  Montagnac qui annonce la couleur en déclarant en 1843 : « «Qui veut la fin veut les moyens. Selon moi, toutes les populations [d’Algérie] qui n’acceptent pas nos conditions doivent être rasées, tout doit être pris, saccagé, sans distinction d’âge ni de sexe; l’herbe ne doit plus pousser là où l’armée française a mis le pied.»   Mostefa Lacheraf avec sa lucidité coutumière parle des officiers  français qui n´hésitent pas à couper les oreilles et les têtes des Arabes lors de razzias et qui, parallèlement, sont de parfaits hommes du monde quand il s´agit d´aller au bal du duc d´Orléans.

Pendant plus de 70 ans jusqu’au évènements de Marguerite au tournant du XXe siècle , le peuple  algérien a défendu sa terre en face d’une armée de soudards dirigés par le sinistre Bugeaud  (le bouchou qui nous faisait peur enfant) Le journaliste Jean Michel Apathie: résume en quelques phrases les méfaits du général  Bugeaud honoré  symbole du génocide et de la spoliation subies par le peuple algérien à partir de 1830. Pour lui   la colonisation algérienne ne ressemble à aucune autre colonisation. « Nous devons des excuses. La colonisation algérienne ne ressemble à aucune autre colonisation », Jean Michel Apathie Apathie explique que la presse européenne à l’époque avait dénoncé ce qui se déroulait en Algérie.

« L’armée est livrée à elle même sur le terrain, à partir de là va commencer la conquête de l’Algérie tellement violente qu’en 1845 il y a une campagne de presse européenne pour la dénoncer » . «Le Maréchal Thomas Bugeaud s’est comporté comme un boucher »,   « On a volé les terres aux algériens, on a empêché la scolarisation de cinq générations d’algériens, on a condamné à l’ignorance et l’analphabétisme et on a lancé du napalm sur les villages algériens. » Thomas Bugeaud, général, « enfumeur » de femmes, d’enfants et de vieillards, lors de la conquête de l’Algérie » Jean-Michel Apathie fustige les prétendus « bienfaits de la colonisation » et rappelle les spoliations, les famines, la « clochardisation » de l’Algérie rurale, et le fait que seul un enfant arabe sur dix était scolarisé. Il s’attarde aussi sur les massacres de Sétif, en 1945, et de Philippeville, en 1955, et le fait que les Arabes n’étaient pas considérés comme des citoyens à part entière. Ce qui lui vaut d’être qualifié de « woke » et d’« islamo-collabo » sur les réseaux sociaux ».  (3) .

Alexis de Tocqueville «Démocrate» et colonialiste acharné

Suite aux exactions de l´armée en 1847, une commission parlementaire de 18 membres avec à sa tête Alexis de Tocqueville  le père de la « Démocratie en Amérique » rédige un rapport  On y lit: «Partout nous avons mis la main sur les revenus, ceux des fondations pieuses, ayant pour objet de pourvoir aux besoins de charité ou de l´instruction publique, en les détournant en partie de leurs anciens usages. Nous avons réduit les établissements charitables, laissé tomber les écoles et dispersé les séminaires. Autour de nous les lumières se sont éteintes, le recrutement des hommes de religion et des hommes de loi a cessé. C´est-à-dire que nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu´elle n´était avant de nous connaître » (4)

Dans un autre discours le même Tocqueville montrait sa vraie nature . «La domination paisible et la colonisation rapide de l´Algérie sont assurément les deux plus  grands intérêts que la France ait aujourd´hui dans le monde    «J’ai souvent entendu (…) des hommes que je respecte, mais que je n’approuve pas, trouver mauvais qu´on brûlât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu´on s’emparât des hommes sans armes, et des enfants. Ce sont là, d’après moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre. (…) On ne détruira la puissance d’Abd El-Kader qu’en rendant la position des tribus qui adhèrent à lui tellement insupportable qu’elles l´abandonnent. Attirer dans ce pays de nombreux colons, tel est l´un de ses objectifs majeurs, et pour y parvenir il faut exproprier, expulser les habitants, déplacer des villages entiers afin d´octroyer aux Français les terres les plus riches » (4)

Ce qui s’est passé lors de la prise de la Brèche à  Constantine en 1837

Alexandre Dumas raconte d’une façon détaillées ce qui s’est passé  : « (…)  Les soldats coururent, croyant arriver à une pente praticable,   en courant sur l’escarpement du Rummel, ils se rejetèrent en arrière en poussant un cri de terreur. Ils venaient en effet d’apercevoir un terrible spectacle.(…)  une muraille de rochers verticaux dont le pied s’appuyait à un massif de pierres aiguës et tranchantes. Là, sur ces aiguilles, sur ces pics, sur ces lames de granit, gisaient brisés, sanglants, mutilés, trois ou quatre cents corps d’hommes, de femmes et d’enfants. Au premier aspect et à la manière dont ils étaient étendus pêle-mêle les uns sur les autres, on eût pu les prendre pour un amas d’habits et de haillons ensanglantés. Mais, en se penchant sur l’abîme, on apercevait comme une dernière ondulation, comme un souffle suprême agitant ces masses flasques et informes. Puis, en forçant le regard de s’arrêter sur ce hideux tableau, on arrivait à distinguer des têtes soulevées, des bras mouvants, des jambes crispées frissonnant dans les dernières convulsions de l’agonie. (…) Les premiers qui avaient reculés’ étaient en effet hasardés dans ces vertigineux chemins, (…)  La cataracte commença de s’égrainer au bord de l’escarpement, la cascade humaine s’était mise rouler dans l’abîme avec une furieuse abondance et une effroyable rapidité. Les derniers venus, a  s’étaient arrêtés en arrivant au bord de l’abîme, et, à l’aide de cordes, avaient essayé de franchir l’effroyable distance, mais les cordes s’étaient brisées sous le poids mal calculé qui s’y était suspendu, et premiers et derniers s’étaient rejoints et s’étaient écrasés sur ces mêmes roches.»  (5)

Cela s’est passé un 18 Juin 1845, les enfumades de la tribu des Ouled Riah

On peut encore voir aujourd’hui d’immenses grottes pouvant contenir des centaines de personnes. Elles servaient de refuge aux tribus des environs et une espèce de code d’honneur établi, faisait qu’elles y étaient en totale sécurité. Ainsi, aucun conquérant ne viola ce code, jusqu’à la conquête de l’Afrique du nord par les français, dont l’armée d’occupation appliqua de nouvelles méthodes : les enfumades.  Il faut savoir qu’entre 1844 et 1845, trois tribus subiront ce sort, sous les ordres de trois colonels français, Cavaignac, Pélissier, Saint-Arnaud. Le 18 juin 1845, reste une sinistre et mémorable date dans notre histoire. Une tribu entière, réfugiée dans la grotte dite Ghar El Frachich est enfumée sous les ordres du colonel Pelissier. Elle sera entièrement décimée. Le nombre des victimes est encore sujet à discussion et oscille entre 500 et 1200 âmes . Dans un rapport à Bugeaud, fait le 22 juin 1945  le   colonel Pélissier  décrit le mode   opératoire nous lisons :

«  Tout fuyait à mon approche Dès lors, je n’eus plus qu’à suivre la marche que vous m’aviez indiquée ; je fis faire une masse de fagots et, après beaucoup d’efforts, un foyer fut allumé et entretenu à l’entrée supérieure ; le feu dura toute la journée  On ne saurait décrire la violence du feu. La flamme s’élevait au haut du Kantara, élevé de 60 varas environ (la vara a un mètre de longueur), Rien ne pourrait donner une idée de l’horrible spectacle que présentait la caverne » (6)

Tous les cadavres étaient nus, dans des positions qui indiquaient les convulsions qu’ils avaient dû éprouver avant d’expirer, et le sang leur sortait par la bouche ; mais ce qui causait le plus d’horreur, c’était de voir des enfants à la mamelle gisant au milieu des débris de moutons,  Personne n’a pu savoir ce qui s’est passé dans la grotte, et si les Arabes, étouffés par la fumée, se sont résignés à la mort avec ce stoïcisme dont ils se font gloire. Le nombre des cadavres s’élevait de 800 à 1000.  (…) Le Témoignage d’un sous-officier  est encore plus éloquent :

« Voir, au milieu de la nuit, à la faveur de la lune, un corps de troupes occupé à entretenir un feu infernal, entendre les sourds gémissements des hommes, des enfants et des animaux, le craquement des rochers calcinés s’écroulant et les continuelles détonations des armes. Dans celle nuit, il y eut une terrible lutte d’hommes et d’animaux ! Le matin, quand on chercha à dégager l’entrée des cavernes, un horrible spectacle frappa les yeux des assaillants. J’ai visité les trois grottes ; voici ce que j’ai vu : A l’entrée gisaient des bœufs, des ânes, des moutons ;  parmi ces animaux, et entassés sous eux, se trouvaient des femmes et des enfants. J’ai vu un homme mort, le genou à terre, la main sur la corne d’un bœuf ; devant lui était une femme tenant un enfant dans ses bras. Cet homme, avait été asphyxié, ainsi que la femme, l’enfant et le bœuf, au moment où l’Arabe cherchait à préserver sa famille de la fureur de cet animal» (6) (7)  

Les évènements du 8 mais 1945 

Un siècle après ces crimes sans nom le 8 mai 1945 des Algériens sortent célébrer la victoire. Un drapeau algérien est arraché ; Un coup de feu !Ce sera le début de la curée sur ordre du général de Gaulle qui donne les pleins pouvoirs aux colons et à  l’armée avec sa tête le général Duval le boucher du  Constantinois  Le pouvoir en France décide de mater la révolte : « De Sétif, la répression sanglante s’est généralisée. Elle allait toucher tout le pays durant tout le mois de mai. L’Algérie s’embrasait Le général Weiss, avait ordonné le 13 mai le bombardement de tous rassemblements des indigènes sur les routes et à proximité des villages. Kateb Yacine,   alors lycéen à Sétif, écrit :

« C’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. » « Je témoigne que la manifestation du 8 mai était pacifique. À Guelma, ma mère a perdu la mémoire… On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues. La répression était aveugle ; c’était un grand massacre. » Dans les localités environnantes à Sétif, Ras El Ma, Beni Azziz, El Eulma, des douars entiers furent décimés, des villages incendiés, des dechras et des familles furent brûlées vives. Les légionnaires prenaient les nourrissons par les pieds, les faisaient tournoyer et les jetaient contre les parois de pierre où leurs chairs s’éparpillaient sur les rochers… Selon l’armée américaine cet énorme massacre de la France de de Gaulle, par l’armée française, la police et les miliciens, aurait fait 45.000 morts. C’est le chiffre, qui peut sembler peut-être vraisemblable, retenu officiellement désormais par les Algériens » (8) 

Guerre des grottes : L’autre crime impuni  

Nous sommes un siècle plus tard ,les méthodes des pères fondateurs reprennent du grade pendant la guerre d’Algérie   On ne cessera jamais de le dire : Les formes de torture adoptées par l’administration coloniale française contre les Algériens représentent une «tache noire», motif de déshonneur sur le front de ce pays et doivent être classées à la tête des «crimes contre l’humanité»   «Même les tortures pratiquées par les Nazis lors de la deuxième guerre mondiale n’ont pas été de la même intensité et atrocité. Les soldats de la France coloniale ont exercé les pires méthodes de torture contre les prisonniers pour les obliger à parler ou par divertissement, selon les témoignages historiques  La « guerre des grottes » s’est déroulée dans les réseaux souterrains de zones montagneuses d’Algérie, à partir de 1956. L’historien a écrit dans ce contexte :  

«Des milliers de sites contenant des corps portés disparus pourraient faire l’objet d’une investigation pour leur identification», a-t-il relevé d’où «la nécessité de retrouver les cartes permettant l’exploitation de ces sites  A partir de 1956, l’armée française a mené en Algérie «une guerre souterraine» en utilisant des gaz toxiques dans ces grottes transformées notamment en des lieux de combats, d’infirmerie pour les Moudjahidine, mais aussi des refuges pour la population.   Pour l’historien Gilles Manceron aussi, cette « guerre des grottes » ravive le souvenir de ce que l’on avait appelé, dans les années 1840, « les enfumades ». Pour Bugeaud  « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, enfumez-les à outrance comme des renards. »  Ainsi, ces unités de la « guerre des grottes » renouaient avec cette tradition,   « Mais si beaucoup de gens sont morts, on ne sait pas leur nombre »,    Des unités spécialisées sont constituées pour pratiquer ce qui a été appelé « la guerre des grottes », c’est-à-dire l’asphyxie des personnes réfugiées dans des grottes qui étaient nombreuses dans plusieurs régions montagneuses de l’Algérie où la guérilla se développait. Et souvent, à la fin, après leurs opérations, ils dynamitaient la sortie, pour que ça ne resserve à nouveau, et ce n’était pas possible – ou extrêmement dangereux – d’y pénétrer pour extirper des cadavres.  En effet, « la guerre des grottes est un épisode méconnu de la guerre de 1954-1962. Le dossier fait partie des secrets cadenassés par l’armée française en raison d’un accès verrouillé aux archives »  (9) (10)  

Quand l’armée française « pacifiait » au napalm

Parler de l’usage du napalm par la France durant la guerre d’indépendance, c’est revenir sur un déni d’État. À l’instar d’autres armes chimiques, ce produit a été utilisé en dépit des conventions de Genève dont Paris était signataire.   Les autorités françaises le répèteront sans trembler : « Napalm rigoureusement proscrit et jamais employé opération militaire en Algérie » . Ce mensonge clairement affirmé par le ministre résidant Robert Lacoste  en 1957 est répété sous la Ve République  Les forêts qui dérobent ces combattants aux avions français sont particulièrement ciblées : largué par les airs, le napalm enflamme immédiatement la surface sur laquelle il se répand, ce qui le rend particulièrement redoutable dans les régions boisées.  un caporal avait adressé une lettre au journal le Monde pour dévoiler la réalité cachée derrière une dépêche officielle parlant de « rebelles mis hors de combat avec l’aide de l’aviation » :

« Ayant participé à l’encerclement et à la réduction de la ferme où [les « rebelles »] étaient retranchés, je puis vous indiquer qu’ils ont en réalité été brûlés vifs, avec une dizaine de civils dont deux femmes et une fillette d’une dizaine d’années, par trois bombes au napalm lancées par des appareils de l’aéronavale », non loin de Sétif, le 14 août 1959.   L’usage du napalm étant interdit, on opte pour un langage codé : « bidons spéciaux ». Dans le secteur de Bou Saada, au sud-est d’Alger, est ainsi consignée, fin septembre 1959, une « action de l’aviation en bombes de 250 livres et en bidons spéciaux sur un camp rebelle » Les comptes-rendus d’opérations mentionnent aussi les effets de ces « bombing par bidons spéciaux ».  La « réduction du nid de résistance » ayant échoué face au « feu violent et précis des rebelles », l’intervention de l’aviation de chasse est demandée.

« Il y avait une montagne juste en face : ils ont utilisé le napalm. Il y avait un hôpital, enfin une infirmerie, où ils cachaient les blessés. Je les voyais, ils essayaient de s’évader… Une odeur horrible. Ils se roulaient par terre et leurs chairs restaient sur les pierres.   Il y avait une femme qui a été happée par le napalm (…) Un matin d’avril 1959, sa section est envoyée au rapport : « Vingt et un corps sont dénombrés, une dizaine d’autres sont retrouvés brûlés par le napalm »  (…)avec l’approfondissement systématique de la guerre, et en particulier le « plan Challe » à partir de 1959, le napalm a pu être utilisé à un stade qui n’avait plus rien d’expérimental. Après 1962, les forêts calcinées et pétrifiées des massifs montagneux algériens ont porté, pendant des années, le témoignage de cette violence » (11) 

Les camps de regroupement, entreprise de déstructuration du monde rural algérien

Pour empêcher les combattants indépendantistes de bénéficier du soutien des villageois pendant la guerre d’indépendance, l’armée française procède au regroupement de la population dans une opération pudiquement désignée sous le nom de « pacification ». En réalité, plus de deux millions d’Algériens ont été parqués dans des camps soumis à l’autorité militaire et qui ont déstructuré la société rurale  Au moins 2 392 sont alors créés,    L’adoption de la « doctrine de la guerre révolutionnaire » accélère la diffusion de cette pratique,   Les responsables civils ne sont pas en reste, et dans le Constantinois par exemple, c’est même le préfet Maurice Papon qui insuffle cette dynamique, au nom des impératifs militaires de la contre-guérilla et d’une « contre-révolution » (…) . Le regroupement doit alors permettre de détruire la société rurale pour mieux la reconstruire en faveur des forces de la « pacification ».

Dans ces lieux soumis à la surveillance militaire, le quotidien des populations déplacées est d’abord tributaire de la discipline imposée par l’autorité, tant en termes d’espace que de vie sociale : ritualisation des journées, contrôle strict des entrées et des sorties, surveillance des activités politiques, économiques ou sociales, qu’elles relèvent du collectif ou de la sphère familiale. La perte des moyens de production, généralisée prive la majorité des familles déplacées de leurs moyens de subsistance traditionnels, sans pour autant leur en proposer de nouveaux. Autant de bouleversements environnementaux, économiques et sociaux qu’il est indispensable de prendre en compte pour bien mesurer la nature, l’ampleur et la portée de cette violence d’État. » (12)

Les expérimentations nucléaires et chimiques et au Sahara

De 1960 à 1966, la France s’est livrée dans le Sahara algérien à des expérimentations nucléaires. Les expérimentations de l’arme nucléaire au Sahara, eurent lieu entre 1960 et 1966 La France a procédé dans le Sahara algérien à 17 essais nucléaires. Quatre explosions atmosphériques ont été réalisées au sud de la palmeraie de Reggane en 1960 et 1961. Treize autres expériences ont été effectuées en tunnels  entre 1962 et 1966. D’autres expérimentations explosives, dispersèrent en surface sur de grandes étendues de petites quantités de plutonium.  À la même période, la population locale résidente autour du site de Reggane a été évaluée à 40 000 personnes tandis que dans un rayon de 200 km autour d’In Eker on décomptait environ 5.200 sédentaires et 2 730 nomades. le 13 février 1960, la France faisait exploser sa première bombe atomique à Reggane, violant ainsi le moratoire concernant les essais nucléaire. L’enthousiasme du Général transparaissait dans son message de félicitations pour la première bombe Gerboise bleue de Reggane : « Hourra pour la France ! Depuis ce matin, elle est plus forte et plus fière… »  Le 1er mai 1962,   l’essai Béryl a provoqué un énorme panache radioactif qui a contaminé des pâturages à de très grandes distances. La roche fondue radioactive a provoqué une coulée de 300 mètres sur 30 mètres de hauteur qui, 40 ans plus tard, reste encore hautement radioactive ». (13)

Une autre tâche au visage de la patrie  qui s’intronise des droits de l’homme  de  1958 à 1978, la base de « B2 Namous », dans l’ouest du Sahara algérien, a servi de terrain d’essai d’armes chimiques, notamment du gaz sarin. Ce polygone de plusieurs milliers de kilomètres carrés a été le terrain des armes chimiques nouvelles, des bombes et des gaz toxiques  des grenades, des mines, des obus, des bombes et même des missiles, tous porteurs de munitions chimiques ont été testés. En Algérie, selon John Hart, directeur du projet sécurité biologique et chimique du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), le gaz sarin a fait l’objet d’« essais sur le terrain »   au mépris des engagements internationaux de la France. Il s’agit donc bien d’essais, et non d’utilisation contre des combattants ou des populations. Quelques témoignages confirment cette accusation :

« J’étais chef de pièce dans l’artillerie, de février 1958 à avril 1960, en Algérie.  j’ai été appelé à la base secrète de Beni Ounif  Chaque matin, les officiers nous donnaient l’ordre de tirer à 6 ou 8 kilomètres, au canon, durant deux heures. Nous avons expérimenté le gaz sarin ». Les cibles étaient des caisses dans lesquelles avaient été enfermés de petits animaux (rongeurs). Nous allions dans le désert 48 heures plus tard, équipés de masques à gaz, les techniciens ont  les animaux morts, Preuve de la dangerosité du site à l’occasion d’un voyage du président Hollande en Algérie (décembre 2012), un accord secret, visant à la décontamination du site, avait été conclu ». (13)   

L’œuvre positive de la vénérable nation algérienne pour la France

Tout au long de ces 132 ans, l’œuvre coloniale ne fut pas positive A titre individuel, des instituteurs, des médecins, des Européens admirables tentèrent d’alléger les souffrances des Algériens, mais ils furent en petit nombre. Les rares Algériens instruits furent, selon la belle expression de Jean El Mouhoub Amrouche, des voleurs de feu. Moins d’un millier d’Algériens formés en 132 ans, cela explique les errements de l’Algérie après 1962  Cette acculturation hémiplégique nous a amené à déifier des auteurs  oints de l’aura du Siècle des lumières alors que d’une façon ou d’une autre les écrivains et poètes français ont adoubé voire béni l’aventure coloniale  française. Le grand Victor Hugo et ses beaux poèmes  comme « A ceux qui sont morts pour la patrie », n’a aucun remord comme témoin des exactions ,de les dénoncer . Au contraire il conseille à la France d’adopter le comportement des Turcs …Le Zola de « J’accuse »  ne frémit pas des cils  sur les crimes dont il a connaissance en Algérie. C’est dire si nous tombons de haut quand on découvre les faces sombres de ces écrivains !! 

 Les Algériens ont toujours été embarqués dans des guerres qui ne les concernaient pas en combattant pour la France qui guerroyait de part le monde.  Comme l’écrit Pascal Blanchard :

«Longtemps occultée, la participation des populations coloniales aux efforts de guerre de la France est aujourd’hui un véritable enjeu de mémoire.  Pour l’histoire, des Algériens furent recrutés, à leur corps défendant, dans les troupes françaises depuis. Ils furent ensuite envoyés lors de la guerre du Levant en 1865… Ensuite, ce fut la guerre de Crimée, la guerre de 1870 lors de  la Première Guerre mondiale, après le cauchemar de Verdun et du Chemin des dames, des milliers d’Algériens y laissèrent leur vie. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les troupes coloniales furent, d’emblée, massivement placées en première ligne. 260 000 soldats, majoritairement nord-africains, débarquent en Provence et libèrent Toulon et Marseille le 15 août 1944. Il y eut 140 000 soldats algériens. Il y eut 14 000 morts et 42 000 blessés. Ce sont, en partie, ces soldats qui revinrent ensuite au pays, pour voir leurs familles massacrées un jour de mai 1945.« 

De plus pendant la Première Guerre mondiale, les Algériens remplacèrent dans les usines une partie des Français partis au front. Après 1945, les «trente glorieuses» réussirent aussi grâce à l’apport des Algériens, «les tirailleurs bétons», qui, après avoir versé leur sang pour la France, aidèrent massivement pour sa reconstruction   dans le bâtiment les autoroutes et les entreprises   Enfin on ne peut passer sous silence l’apport culturel de l’Algérie. L’Algérie eut aussi sa part, souvent la plus terrible, dans le rayonnement de la France, à la fois pour défendre ses frontières, développer son économie et participer par l’enseignement du français au rayonnement culturel de la France  Les Algériens ont fait fructifier le «butin de guerre» Avec l’émigration choisie C’est  chaque année des milliers de diplômés qui sont aspirés notamment dans les disciplines technologiques. »  (14)

Comble de l’ignominie , la présence française se termine comme elle a commencé par la destruction de la culture.  Ainsi  l‘incendie de la Bibliothèque universitaire de la faculté d’Alger le 7 juin 1962, était un « crime » et « l’un des crimes culturels les plus odieux » du colonialisme français en Algérie. L’incendie perpétré par l’OAS en juin 1962 a causé des pertes importantes. Une étude sérieuse les estime à 250 000 monographies, thèses ou périodiques, soit environ 40 % du total de 1960. Ce ne sera pas le seul méfait  A lors de la prise de  Constantine, 9000 manuscrits de bibliothèque du Hadj Ahmed ont été brûlé  et chaque soudard voulait « son Coran. »  (15)

Conclusion 

 Il est bon, alors de se rappeler de la nécessité d´un devoir d´inventaire à la fois des aspects matériels «positifs» de la colonisation, et du Livre noir de la colonisation dans sa dimension la plus inhumaine   Nous ne pouvons regarder vers l’avenir que quand on aura sorti  les cadavres de placards de archives  qui sont le cœur de la tragédie algérienne stockée dans les musées de France et de Navarre ainsi que les centres de recherches ou il faut un siècle pour qu’à dose homéopathique le colonisateur lâche des morceaux épars de la responsabilité de la France jouant la montre misant sur l’apaisement du au temps qui fera son ouvre d’oubli . Non il n’y aura pas d’apaisement et  toutes les « histoires »  sans épaisseur de l’historien  Stora  n’y  feront rien  car si lui a le droit de consulter et de prendre que qu’il veut pour ne pas choquer, ceux qui sont censés écrire cette histoire à deux mains eux n’ont pas accès aux archives  et surtout rien de sérieux n’est fait pour contribuer à l’apaisement.  Un « apaisement des mémoires » requiert que la mémoire soit d’abord retrouvée, alors que les  faits historiques qui la sous tendent ,sont confisqués dans les  archives  

Le travail à effectuer  concernant plus largement  le récit national   pour nous réconcilier avec nous-mêmes,  assumer toute notre histoire  avec ses heurs et ses malheurs .L’invasion abjecte des colonnes infernales françaises n’est qu’un épisode  d’une histoire trois fois millénaire C’est sûr de nous même que nous pourrons aller exiger la vérité et la justice  s’agissant de  l’invasion un matin de juillet 2030.

Professeur  Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

Notes :

1.https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/4313

2.Rapport au roi par le marquis de Clermont tonnerre le 14-10-1827, revue africaine. vol. 70. p.215, (1929)

3.https://www.humanite.fr/politique/jean-michel-aphatie/les-rappels-utiles-de-jean-michel-aphatie-sur-lalgerie-742721

 4.Chems Eddine Chitour https://www.lexpression.dz/chroniques/l-analyse-du-professeur-chitour/democrate-et-colonialiste-acharne-28012

5.A Dumas http://www.dumaspere.com/pages/bibliotheque/chapitre.php?lid=v7&cid=39

6.https://babzman.com/cela-sest-passe-un-18-juin-1845-les-enfumades-de-la-tribu-des-ouled-riah/?

7. https://www.nouvelobs.com/histoire/20191215.OBS22355/femmes-et-enfants-asphyxies-le-scandale-des-enfumades-du-dahra-pendant-la-conquete-de-l-algerie.html 

8.https://rebellyon.info/8-Mai-1945-Massacre-de-Setif

9.https://www.aps.dz/algerie/140693-guerre-des-grottes-appel-a-l-ouverture-d-archives-sur-l-utilisation-de-gaz-chimiques-par-l-armee-francaise

10.Meriem Maram Houali  https://lapatrienews.dz/guerre-des-grottes-lautre-crime-impuni-de-la-france-en-algerie/ 5 Juin 2022

11.Raphaëlle Branche. https://reseauinternational.net/quand-larmee-francaise-pacifiait-au-napalm//27 mai 2022

12.Fabien Sacriste https://orientxxi.info/magazine/quand-l-armee-francaise-pacifiait-au-napalm,5638  25 mars 2022

13.https://histoirecoloniale.net/Au-Sahara-le-lourd-passe-nucleaire-et-chimique.html

14. Pr Chems Eddine Chitourhttps://www.lesoirdalgerie.com/contribution/loeuvre-positive-de-la-venerable-nation-algerienne-pour-la-france-68767

15.https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf94073402/alger-apres-l-independance


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