«J’ai rangé mon avortement dans la case d’un acte médical»

«J’ai rangé mon avortement dans la case d’un acte médical»

Marie-Ève Caouette espérait fonder une famille, mais pas tout de suite, pas de cette façon-là. Son parcours de vie ne suivait pas ses ambitions. Mais finalement, lâcher les rênes du contrôle s’est avéré ce qu’il y avait de mieux pour elle.

Marie-Ève a toujours rêvé de fonder une famille. Avec des parents convertis au catholicisme, un grand frère prêtre, son chemin semblait tracé d’avance.

Mais la passionnée de basketball a du mal à trouver l’homme avec qui passer sa vie. « Quand tu mesures six pieds un pouce et que tu regardes la plus haute tête dans l’église… les choix sont limités. »

Elle découvre Tinder et ses aléas. Elle swipe, elle flushe, elle date… Elle pense trouver le bon, et puis non. Un processus peu concluant qui débouche sur une relation complexe. Après la rupture, Marie-Ève a des doutes : elle pense être enceinte.

« Je sais qu’un test de grossesse faussement positif, ça ne se peut pas, mais j’en fais quand même six de suite. Je suis complètement sous le choc. Je ne voulais vraiment rien avoir à faire avec le père de l’enfant. Je n’étais pas bien dans cette relation. Je me suis dit qu’il fallait que je me fasse avorter le plus vite possible. Cinq jours plus tard, je n’avais plus mon bébé. »

La boite de Pandore

Marie-Ève tente de poursuivre sa vie comme avant. Mais le soir, il lui arrive parfois de s’effondrer en larmes.

« J’étais à sept semaines de grossesse. J’ai compartimenté mon avortement dans la case d’un acte médical. Je n’avais pas une intégration complète de ma personne avec ma foi à ce moment-là. Je me sentais affectée, mais je refoulais mes émotions. Il m’arrivait de penser à la vie d’un enfant qui était possible et qui n’est pas arrivée. Il me venait l’image d’un enfant qui passait dans le corridor de mon sous-sol. Je me disais qu’il ne fallait pas que je pense à ça. »

Au bout de six semaines, Marie-Ève a toujours des saignements. Elle consulte dans une clinique sans rendez-vous. Comme son taux d’hormones de grossesse n’a pas suffisamment baissé, on la dirige vers l’urgence.

« L’urgentologue me dit que tout est beau, puis me demande : “Comment allez-vous ?” Je lui réponds que ça va, mais que j’ai hâte d’arrêter d’avoir des saignements. Elle insiste pour savoir comment je vais. Je lui répète que ça va. Sentant que ça n’allait pas vraiment, elle me dit : “Ton bébé, il va toujours exister pour toi.” »

« C’est là que j’ai cassé. Je me suis mise à pleurer ma vie. Elle m’a fait ouvrir la boite de Pandore que je ne voulais pas ouvrir. »

La médecin lui propose de lui prescrire un arrêt de travail pour prendre le temps de digérer les derniers évènements. Elle l’accepte, non sans résistance.

Lâcher prise

L’alarme de Marie-Ève sonne tôt le lendemain : c’est l’heure d’aller au travail. « Dès que j’ai ouvert les yeux, je me suis dit : OK, je prends mon arrêt de travail, j’en ai besoin. C’est vrai que ça ne va pas du tout.»

Durant les semaines qui suivent, Marie-Ève dit à son entourage qu’elle fait un burnout.

Après une messe, un prêtre prend de ses nouvelles. Finalement, une brèche s’ouvre, elle lui parle à cœur ouvert.

« C’est là que j’ai commencé mon processus de guérison avec le Seigneur. Ça m’a vraiment fait du bien. Nous avons prié pour mon bébé. Le prêtre m’a aidé à retrouver plus de joie. »

Cet article est d’abord paru dans notre magazine. Cliquez sur la bannière pour y accéder en format Web.

Vient le tour de son beau-frère de la questionner. « Là, Marie-Ève, c’est quoi ton histoire de burnout ? Je te connais, je sais qu’il y a de quoi. » Elle prend la perche tendue et raconte son récit à sa famille, qui l’accueille avec compassion. À travers les personnes qui l’entourent, Marie-Ève voit que Dieu la guérit et l’aime comme elle est.

« Quand j’avais de la peine, je n’essayais plus d’échapper à ma tristesse en parlant avec des gars sur Tinder ou en écoutant Netflix. Je me disais plutôt que j’allais tout de suite en parler au Seigneur au lieu de me distraire. Je recevais des consolations. En décembre 2020, j’étais vraiment en paix avec Dieu et avec moi-même. Vivre mon célibat était ma vocation du moment présent. Pour que ce moment-là serve à me réunifier. »

Confiance féconde

Le havre de paix du célibat de Marie-Ève ne dure pas. Si cette fois elle se rend sur Tinder, ce n’est pas d’un doigté frénétique et désespéré. C’est comme si elle cherche quelque chose de précis, sans savoir quoi.

« Je flushais tout le monde, et là, j’ai vu Simon. J’ai swipé à droite et ça a été un match. Je suis partie à rire. J’avais trouvé ce que je cherchais. Nous sommes allés au primaire et au secondaire ensemble. Nous avons pris le même autobus jaune, nos parents habitaient dans le même voisinage. J’avais fait une liste de 32 critères et il a pas mal un bon score, je te dirais. Il y en a deux auxquels il ne répondait pas, mais il y travaille (rires) ! »

Bref, c’est le match parfait, quoi !

Et pour Marie-Ève, cet arrimage se joue enfin à un niveau plus profond. Dès la première rencontre, ils parlent de ce qui est important pour eux. À peine se sont-ils rencontrés qu’ils passent du statut de couple à celui de fiancés et de mariés, tout ça en quelques mois.

L’enfant n’a pas tardé à venir non plus : Raphaëlle est en route.

Son nom veut dire « Dieu guérit ». Il résonnait bien dans l’histoire de Marie-Ève.

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