entraînement au maintien de l’ordre à Saint-Astier (Photo DC/LVDG)
Le colonel (ER) Philippe Cholous, expert en maintien de l’ordre, ancien membre de l’équipe de direction du Centre national d’entraînement des forces de Gendarmerie de Saint-Astier (CNEFG), et conseiller de La Voix du Gendarme revient sur les regrettables et consternants incidents survenus au Stade de France le 28 mai lors de la finale de la ligue des Champions.
Le spécialiste, auteur d’un livre référence sur le MO (*) , estime “qu’il il est désormais nécessaire qu’émerge une parole professionnelle, celle du militaire de la Gendarmerie ou du fonctionnaire de Police responsable de l’opération, indépendante des aléas électoraux, des pressions politiques ou des préjugés médiatiques.” (*) L’ordre pour la liberté – Approche militaire de l’art méconnu du maintien de l’ordre
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Les exactions perpétrées le 28 mai dernier à l’encontre de supporters étrangers aux alentours du stade de France à l’occasion de la finale de la ligue des champions de football, ont confirmé un certain nombre de tendances lourdes s’agissant de la gestion de l’ordre public. La pression médiatique étant quelque peu retombée, vient le temps de la nécessaire analyse sur le seul fondement des sources ouvertes qui, en l’espèce, suffisent grandement à dégager des enseignements de fonds. Il importe en effet de souligner ici le fait que seule la dimension internationale de ces événements a garanti la libre circulation d’une information indépendante, faite de témoignages et de films amateurs réalisés au moyen de téléphones portables. En effet, une fois n’est pas coutume, ces retours d’expérience par les très nombreuses victimes de nationalité étrangère de ces graves troubles à l’ordre public, ont, à raison, inondé les réseaux sociaux.
Les enseignements que l’on peut tirer de ces événements sont ici professionnels car relatifs à la nature d’une menace nouvelle qu’il faudra bien nommer. Ils aboutiront à l’appel à la nécessaire émergence d’une parole pleinement indépendante des forces de sécurité spécialisées dans le maintien de l’ordre, comme composante institutionnelle mais objective et apolitique du droit à l’information des citoyens.
En premier lieu donc, à quoi les forces de Gendarmerie et de Police ont-elles été confrontées ? Alors que le dispositif adopté de façon minimaliste, était celui de la gestion classique d’une rencontre sportive pour laquelle aucune information recueillie ne laissait présager des troubles, les agressions coordonnées dans une logique d’appropriation et de confrontation, de la part de ce qu’il faut bien appeler des gangs de circonstances sociologiquement homogènes, sont venues disloquer l’ordonnancement statique d’effectifs dépourvus de véritables réserves d’intervention et d’échelons de commandement de proximité de niveau groupement tactique. Dès lors, toute manœuvre intelligente et rapide était impossible.
S’agissant de la menace, ce phénomène de gang observé en France, est à envisager de manière plus large dans le cadre du concept de “violence globale” théorisé il y a une vingtaine d’années par le général Bertrand Cavallier. Il s’agit en effet là d’une évolution de fond inhérente à la fracturation communautariste de nos sociétés et à la progressive balkanisation de nos territoires, qui ne font que commencer
Bien que très marquée en France, elle n’est pas propre à notre pays.
En second lieu, il faut une nouvelle fois souligner le fait que les quelques usages excessifs de la force de la part des forces de l’ordre, ont encore été le fait d’effectifs non spécialisés dans le maintien de l’ordre, prélevés sur les unités territoriales. Ce n’est d’ailleurs pas le moindre des paradoxes que de voir les responsables de l’ordre public contraints de mettre sur pied des unités de circonstances à partir d’effectifs de sécurité publique générale, pour palier l’absence d’unités de forces mobiles spécialisées dans le maintien de l’ordre (escadrons de gendarmerie mobile ou compagnies républicaine de sécurité), ces dernières étant alors saupoudrées ailleurs………en renfort des unités territoriales. Là encore, des enseignements en termes de doctrine et de gestion des unités, doivent être impérativement tirés. Au-delà de la gestion parcellaire des unités de forces mobile aux niveau national et régional, le non-recours lors de la conception des opération à des capacités existantes, d’une part de commandement, l’échelon groupement tactique ou équivalent, d’autre part d’intervention avec les pelotons d’intervention des escadrons de gendarmerie mobile et les sections de protection d’intervention des compagnies républicaines de sécurité, est de plus en plus difficile à comprendre et à justifier.
Il est nécessaire qu’émerge une parole professionnelle
En dernier lieu et puisqu’il convient d’être force de proposition dans un esprit résolument constructif, il importe d’aborder la question de la redevabilité de la force publique. En effet, si nos forces mobiles et nos savoirs-faire en maintien de l’ordre sont pertinents et éprouvés, la redevabilité des uns et des autres sur de telles opérations doit être clarifiée.
Il n’est en effet plus admissible que les forces de sécurité soient mises en cause sans pouvoir expliquer de façon professionnelle et indépendante les contraintes auxquelles elles ont été soumises.
Dans nombre de pays étrangers, le responsable de l’opération de police rend publiquement des comptes à l’opinion publique. S’en trouve établi son périmètre exact de responsabilités. Or en France, les forces de Gendarmerie et de Police n’ont pas cette opportunité pourtant nécessaire, puisque de nature à établir la réalité des faits et à faire la part de ce qui ressort de leur domaine de responsabilité, et de ce qui revient au champ politique. C’est pourquoi, lors de ce type de troubles à l’ordre public dont les conséquences s’avèrent polémiques, il est désormais nécessaire qu’émerge une parole professionnelle, celle du militaire de la Gendarmerie ou du fonctionnaire de Police responsable de l’opération, indépendante des aléas électoraux, des pressions politiques ou des préjugés médiatiques.
Le préfet de police assume l’échec
Dans une audition au Sénat, le 9 juin, le préfet Didier Lallement a assumé en totalité la gestion policière du maintien de l’ordre et a rendu hommage aux forces de l’ordre et a reconnu un échec.
Source : La Voix du gendarme
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