
par Adam Garrie.
Si les responsables israéliens avaient eu le moindre soupçon qu’on pouvait les tenir pour responsables, ils n’auraient pas pris aussi volontiers la décision d’appliquer une doctrine létale à Gaza.
Une année s’est écoulée depuis ces 11 terribles journées de mai 2021, quand l’armée israélienne a lancé un intense bombardement sur la Bande de Gaza ; les branches militaires du Hamas et du djihad islamique ont tiré des milliers de roquettes sur des villes israéliennes ; les forces israéliennes ont violemment réprimé les manifestations à l’intérieur de la Ligne Verte et en Cisjordanie occupée ; et la ferveur ultranationaliste qui sévit en Israël a ouvert la voie à des lynchages qui se sont déroulés ouvertement devant des caméras de télévision.
Pendant ces 11 jours, Gaza, une des zones les plus densément peuplées au monde et qui s’est languie sous 15 années de siège israélo-égyptien, a tenu le devant de la scène dans cette horreur. Comme dans les offensives israéliennes précédentes, l’armée a utilisé une politique particulièrement létale connue comme la doctrine Dahiya, selon laquelle elle cible délibérément et bombarde lourdement des quartiers, des tours résidentielles et autres infrastructures civiles.
Tout en insistant pour dire que ses forces se soumettent au droit international dans toutes leurs activités, Israël se vante régulièrement de ses mécanismes d’enquête interne, prétendant qu’il conduit des enquêtes performantes sur tout crime de guerre suspecté. Grâce à ces mécanismes, Israël cherche à détourner les critiques et à rejeter les mandats des tribunaux internationaux qui cherchent à tenir ses soldats et officiers pour responsables.
Cependant, des données récemment fournies par l’armée à l’ONG Yesh Din, dans laquelle je travaille, démontrent les véritables objectifs des enquêtes d’Israël : maintenir la façade d’un régime fonctionnel de respect de la loi.
Effondrement de maisons sur les familles
Les conséquences mortelles de la doctrine Dahiya – qu’Israël a développée pendant sa guerre de 2006 sur le Liban et qu’il a depuis mise en pratique à Gaza – dépassent les limites de l’entendement. D’après les organisations palestiniennes de défense des droits de l’Homme Al Mezan, PCHR, et Al Haq, 240 Palestiniens ont été tués pendant ces 11 jours de mai 2021, dont 151 civils, parmi lesquels 59 étaient des enfants ; OCHA de l’ONU et l’association israélienne de défense des droits de l’Homme B’Tselem ont consigné des chiffres équivalents. Les frappes aériennes israéliennes ont blessé des milliers de personnes, dont beaucoup d’enfants, et endommagé ou détruit d’innombrables logements, faisant de dizaines de milliers de Palestiniens des sans-abri.

Même l’ouverture d’une enquête n’est pas une garantie de justice. La grande majorité des enquêtes de la police militaire sont closes sans qu’aucune accusation n’ait été enregistrée. Jusqu’ici, l’armée a clos 25 affaires sans mener d’enquête. La plupart des affaires qui ont été transférées pour examen par la FFA sont soit encore dans les étapes initiales du processus, soit en attente d’une décision du CAGM pour savoir s’il faut ou non ouvrir une enquête. Ces statistiques attestent en elles mêmes de l’incapacité du système à enquêter correctement sur des soupçons de crimes de guerre.
L’enquêteur est également le défenseur
La réticence de l’armée à enquêter sur les crimes suspectés de cette sorte n’est pas hors norme, mais a plutôt été la procédure standard au long des années, malgré quelques récents changements cosmétiques.
Ce schéma est ancré dans le fait que le CAGM, la partie désignée pour faciliter ces enquêtes, est également la partie qui fournit un conseil juridique à l’armée qui approuve et mène la politique d’Israël en temps de guerre – en l’occurrence, la doctrine létale Dahiya. Une enquête authentique exigerait par conséquent que la Première Avocate générale de l’Armée enquête elle même avec tous ses subordonnés. Une telle enquête, bien sûr, impliquerait vraisemblablement d’innombrables responsables israéliens – ceux qui ont préparé, approuvé, donné les instructions et mis en œuvre le bombardement de Gaza par Israël, de l’échelon politique aux plus hauts chefs militaires.
Il ne fait aucun doute que le régime militaire ne peut et ne veut pas enquêter sur lui même de cette façon. À la place, il choisit de mettre l’accent sur le maintien de l’apparence d’un système efficace d’application de la loi, principalement pour se protéger cotre la menace d’une intervention internationale. Si les individus qui se trouvent derrière la politique contre Gaza avaient le moindre soupçon qu’ils se trouveraient tenus pour responsables de leurs actes, il est raisonnable de supposer que la décision de bombarder le cœur de quartiers résidentiels n’aurait pas été prise aussi facilement.

Il est par conséquent également raisonnable de supposer que, comme dans les précédents cycles de combats, le prochain cycle verra une fois de plus l’armée israélienne mobiliser sa considérable puissance de feu contre une population principalement civile. Le prochain cycle verra aussi les mêmes soupçons concernant la commission de crimes de guerre ; puis, également, la culture de l’impunité prévaudra alors que l’armée s’absout de tout méfait.
Cette réalité dans laquelle les Palestiniens sont marqués pour l’abattage doit prendre fin. Une enquête externe a le pouvoir de briser la culture israélienne de l’impunité et, ainsi, de sauver des vies.
source : 972 Mag
traduction Chanah Dulin
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