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Campagne de dons Juin 2022
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« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » (Philosophe Antonio Gramsci)
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par Mohamed el Bachir.
C’est devenu une banalité, les relations diplomatiques internationales sont rythmées, pour ne pas dire dictées, par la guerre en Ukraine. Une guerre qui façonne dans l’ombre le monde géopolitique de demain. Pourtant l’intervention militaire russe en Ukraine aurait pu être évitée si les puissances occidentales avaient voulu tenir compte des liens historiques et surtout des intérêts géopolitiques russes en s’appuyant sur l’Article 1 des Nations unies : garantir la souveraineté de l’Ukraine tout en respectant les exigences sécuritaires de la Russie. Des exigences maintes fois rappelées depuis l’effondrement de l’Union soviétique.
Concernant les exigences sécuritaires de la Russie, en 2015, l’ancien ambassadeur français en Syrie, Michel Rimbaud avait rappelé les limites que les puissances occidentales avec à leurs têtes les États-Unis ne devraient pas franchir en soulignant sous forme d’avertissement que : « quand s’ouvrira en Ukraine un débat sur l’éventualité d’une double adhésion aux deux organisations – OTAN et UE – une ligne rouge aura été franchie ».
Et en s’appuyant sur les données diplomatiques des puissances occidentales, il conclut sans ambiguïté qu’« il y a donc une volonté délibérée de frapper la Russie au cœur de son domaine historique, russe et slave »[1].
Mais quel est l’intérêt des puissances occidentales avec à leurs têtes les États-unis de ne pas tenir compte des exigences russes ?
La réponse à cette question est donnée en 1997 par l’ancien conseiller du 39° président américain, Jimmy carter : « les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées… L’Eurasie demeure, en conséquence, l’échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté globale…Les conséquences géostratégiques de cette situation pour les États-Unis sont claires : l’Amérique est bien trop éloignée pour occuper une position dominante dans cette partie de l’Eurasie, mais trop puissante pour ne pas s’y engager… Les États qui méritent tous les soutiens possibles de la part des États-Unis sont l’Azerbaïdjan, l’Ouzbèkistan et l’Ukraine car ce sont tous les trois des pivots géopolitiques ». Concernant les ressources énergétiques, les journalistes du Monde diplomatique, M. Reymond et P. Rimbert posent la question : qui gagne la guerre de l’énergie ?
Ces derniers répondent avec pertinence et avec une pointe d’ironie en citant la présidente de la commission de Bruxelles, Mme ursula von der Leyen : « notre réflexion stratégique est la suivante:nous voulons construire le monde de demain en tant que démocraties avec des partenaires partageant les mêmes idées… Les associés énergétiques d’avenir que sont les États-Unis ainsi que trois autres démocraties exemplaires que sont l’Azerbeïdjan, l’Égypte et le Qatar »[3].
Dans cette guerre énergétique, il s’agit de remplacer le gaz russe par le gaz naturel liquéfié (GNL) afin d’étouffer économiquement la Russie. Peine perdue.
Et peu importe les contradictions qu’une telle guerre de l’énergie fait naître. En effet, la mise sur le marché du GNL « pose un triple problème économique, sécuritaire et écologique »[3].
Des contradictions dans un contexte géopolitique tel qu’on ne peut éviter la question suivante : Quels sont les véritables enjeux géostratégiques ?
Confrontation de deux visions du monde
Pour répondre modestement à la question posée ci-dessus, au préalable, il faut définir les principaux acteurs géostratégiques : les États-Unis et l’Union européenne d’un côté et l’alliance sino-russe, de l’autre.
Concernant le premier acteur, c’est à dire l’impérialisme occidental – vu l’œuvre accomplie par ce dernier au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique du Sud – l’exposé fait le jeudi 26 mai 2022, à l’Université de George Washington par le secrétaire d’État Antony Blinken, intitulé stratégie chinoise de l’administration Biden, constitue un solide repère pour déceler les enjeux stratégiques du XXIe siècle.
Entre parenthèses, n’ayant aucune stratégie propre, l’UE fait sienne la stratégie du chef de l’OTAN.
Concernant le deuxième acteur, la déclaration signée vingt jours avant la guerre en Ukraine par les présidents russe et chinois Vladimir Poutine et Xi Jinping, est une précieuse boussole.
Le « repère » et la « boussole » utilise la même origine : l’ONU et le Conseil de sécurité.
Mais pour l’alliance sino-russe, il faut défendre « fermement les résultats de la Seconde Guerre mondiale et l’ordre mondial existant d’après-guerre, de défendre l’autorité des Nations unies et la justice dans les relations internationales, de résister aux tentatives de nier, de déformer et de falsifier l’histoire de la Seconde Guerre mondiale »[5].
Tandis que pour les États-Unis, il importe de « défendre et réformer l’ordre international fondé sur des règles. Le système de lois, d’accords, de principes et d’institutions que le monde s’est uni pour construire après les deux guerres mondiales afin de gérer les relations entre les États, de prévenir les conflits et de faire respecter les droits de tous les peuples. Ses documents fondateurs comprennent la Charte des Nations unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme »[4].
Cependant, les présidents chinois et russe insistent sur la défense de l’autorité de l’ONU tandis que le secrétaire d’État américain penche pour la réforme de l’ordre international.
Russe et chinois dénoncent « certains acteurs représentant la minorité à l’échelle internationale » qui « continuent de préconiser des approches unilatérales pour aborder les questions internationales et recourir à la force ; ils s’ingèrent dans les affaires intérieures d’autres États, violant leurs droits et intérêts légitimes, et incitent à la contradiction, aux différences et à la confrontation, entravant ainsi le développement et le progrès de l’humanité »[5].
Et afin de préciser leurs pensées, ils soulignent qu’ils « s’opposent à la politisation des questions de lutte contre le terrorisme et à leur utilisation comme instruments de politique de deux poids, deux mesures, condamnent la pratique de l’ingérence dans les affaires intérieures d’autres États à des fins géopolitiques par l’utilisation de groupes terroristes et extrémistes ainsi que sous le couvert de la lutte contre le terrorisme international et l’extrémisme »[5].
Il va sans dire que les exemples ne manquent pas pour illustrer les affirmations citées ci-dessus : … Afghanistan… Irak… Libye… Syrie… Yémen…
Mais dans sa synthèse de la stratégie chinoise de l’administration Biden, A. Blinken, tout en soulignant l’attachement des États-Unis à « la souveraineté des États et à l’autodétermination des peuples »[4] ne mentionne nullement les destructions des États cités ci-dessus pour cause d’exercice du droit d’ingérence. Un droit qui ne peut être exercé que par les puissants et dans l’intérêt des puissants. Aux ONG, le soin de faire la comptabilité macabre et de dessiner la carte géographique de la misère, conséquences du droit d’ingérence avec la complicité des États vassaux comme les monarchies « démocratiques » du Golfe et du marché libre et sans entrave.
Quant au droit à l’autodétermination du peuple palestinien, la communauté internationale ne peut l’imposer puisque la puissance occupante est au-dessus de la loi internationale !
Ce qui n’empêche pas le secrétaire d’État américain d’avertir que « les fondements de l’ordre international sont remis en question de manière sérieuse et durable » et que « le président russe Vladimir Poutine représente une menace réelle et durable »[4].
Et d’assurer que « nous resterons concentrés sur le défi à long terme le plus grave pour l’ordre international, à savoir celui que pose la République populaire de Chine »[4].
Et de préciser le fond de sa pensée : « la Chine est le seul pays qui a à la fois l’intention de remodeler l’ordre international et qui dispose de plus en plus de la puissance économique, diplomatique, militaire et technologique pour le faire. La vision de Pékin nous éloignerait des valeurs universelles qui ont soutenu une grande partie des progrès du monde au cours des 75 dernières années »[4].
Un ordre international que chinois et russe veulent effectivement modifier « avec le rôle central de coordination des Nations unies dans les affaires internationales, de défendre l’ordre mondial fondé sur le droit international, y compris les buts et principes de la Charte des Nations unies, faire progresser la multi-polarité et promouvoir la démocratisation des relations internationales, créer ensemble un monde encore plus prospère, stable et juste, construire ensemble des relations internationales d’un nouveau type »[5].
Bref, la stratégie chinoise de l’administration Biden et la déclaration sino-russe définissent deux orientations opposées où les sujets et les lieux de confrontation sont multiples : les nouvelles technologies, l’arme nucléaire, les armes bactériologiques … l’Eurasie, le Moyen-orient, la région de l’Indo-pacifique…
Avec une idée fixe pour l’impérialisme occidental sous l’égide de l’OTAN, empêcher la Chine « de créer une sphère d’influence dans la région Indo-Pacifique et de devenir la première puissance mondiale »[4].
Idée d’autant plus fixe que russe et chinois ont signé que « l’amitié entre les deux États n’a pas de limites, il n’y a pas de domaines de coopération interdits »[5].
Mais si les problèmes posés sont clairs, la diplomatie risque d’être une piètre arme pour les résoudre car il ne s’agit pas uniquement de l’Ukraine… Et donc l’hypothèse d’une troisième guerre mondiale n’est pas dénuée de sens.
En tout cas, l’humanité vit dans une ambiance de deuxième guerre froide. Et dans les pays du Tiers-monde, certaines voix font penser à la…
Renaissance du Mouvement des non-alignés ?
L’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Iran, la Syrie… le Venezuela… font toujours entendre leurs voix souveraines. Reconstruire une force politique et diplomatique à l’échelle mondiale pour faire entendre la voix des peuples du tiers-monde semble redevenir un objectif géopolitique d’actualité.
Deux exemples
Accord Iran-Venezuela
• Suite à la visite, le 11 juin 2022, du président vénézuélien Nicolàs Maduro en Iran, les deux pays sous sanctions américaines signent un accord de coopération d’une durée de 20 ans.
• Le président du Mexique Andrés Manuel Lopez Obrador a refusé de participer le 6 juin 2022 au Sommet des Amériques à Los Angeles parce que Cuba, le Nicaragua et le Venezuela n’ont pas été conviés par les États-Unis : « Je ne vais pas au sommet parce qu’on n’invite pas tous les pays de l’Amérique. Je crois en la nécessité de changer la politique qui a été imposé depuis des siècles : l’exclusion ».
Sans oublier la voix du Chili de Gabriel Boric et sans doute celle du Brésil de Lula…
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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