Par RT − Le 5 juin 2022
Une conspiration élaborée, prétendument dirigée par des personnages agissant dans l’ombre au sein de l’élite britannique, a été exposée dans une fuite massive publiée par un groupe de pirates informatiques, fin mai. Les documents et courriels alléguant un complot de l’État profond par les partisans inconditionnels du Brexit pour obtenir un Brexit le plus « dur » possible est maintenant disponible sur un site internet nommé « Very English Coup d’État ».
Le complot implique les partisans du Leave [de la rupture avec l’UE, NdT] les plus acharnés : L’ancien chef du MI6, Richard Dearlove, l’ancienne conseillère à l’OTAN et au ministère de la Défense, Gwythian Prins, l’éminente militante du Brexit et ancienne députée travailliste, Baroness Stuart, le professeur émérite d’histoire de France de l’Université de Cambridge, Robert Toombs, ainsi que d’autres personnages.
Les objectifs de la campagne, baptisée « Opération Surprise », ont été exposés dans un document datant de 2018, rédigé par Prins, qui proclamait la nécessité de « porter le combat contre nos adversaires, qui sont sans scrupules, par tous les moyens nécessaires. » Les comploteurs cherchaient à aboutir à un Brexit le plus « dur » possible, ciblant à la fois ceux qui cherchaient à maintenir l’adhésion du Royaume-Uni à l’UE et les partisans d’un Brexit « doux ».
Le groupe a cherché à « bloquer tout accord découlant du désastreux et peureux Chequers White Paper », le plan Brexit de la Première ministre de l’époque, Theresa May, et à « s’assurer que nous partions dans les conditions normales de l’OMC ». Ils voulaient également, « si nécessaire, destituer la Premier ministre et la remplacer par un autre qui soit à la hauteur » et « nettoyer la fonction publique polluée de fond en comble » en plaçant des personnes de confiance à des postes clés.
D’après les courriels divulgués, le projet était apparemment financé par Tim et Mary Clode, un couple d’aristocrates agissant dans l’ombre et basé dans le paradis fiscal britannique de Jersey. Les comploteurs considéraient le couple comme parfait pour leur rôle, notant qu’ils étaient « plutôt doués pour les conversations consciemment discrètes » et « évitaient soigneusement toute interaction avec les médias sociaux. »
Avec la chute du gouvernement May, le groupe a à la fois activement essayé d’élever Boris Johnson au poste de premier ministre, et tenté d’influencer sa façon de penser. Dans un courriel envoyé par Dearlove en juin 2019, alors que la campagne de leadership battait son plein, l’ex espion-en-chef a déclaré qu’il avait été occupé à « fournir des briefings sur la sécurité nationale à Boris », faisant l’éloge de Johnson comme étant un gars « très rapide et capable » et un « excellent érudit classique » qui était l’homme parfait pour le poste.
« Nous avons besoin d’un leader qui a le charisme et la capacité de se débarrasser de [Jeremy] Corbyn et de faire face à la menace de [Nigel] Farage. Il n’y a pas d’alternative quand on regarde la question sous cet angle. »
Cependant, la confiance du groupe en Johnson s’est apparemment érodée au fil du temps, les courriels les plus récents suggérant que la cabale de l’ombre cherche désormais à le remplacer par quelqu’un d’autre. Dans un courriel envoyé début janvier, Prins déplorait le manque d’« endurance » du Premier ministre pour mener à bien le Brexit.
« J’en viens à l’idée que je ne vois pas comment le Premier ministre ne va pas sombrer d’une manière ou d’une autre ; et il a tellement perdu le contrôle de son esprit et de sa volonté que ce serait peut-être pour le mieux ? Il faudra un nouveau leadership pour sortir du bourbier, ce qui ne peut se faire que de manière décisive, et non à petits pas », peut-on lire dans la lettre.
Le chancelier de l’Échiquier, Rishi Sunak, et la ministre des Affaires étrangères, Liz Truss, font partie des candidats potentiels pour remplacer Johnson.
« Avant la clôture pour les vacances, j’étais assis, pendant un dîner, à côté de l’un des bailleurs de fonds de longue date de BoJo, qui m’a dit qu’il l’avait largué et lui avait dit que c’était à cause d’Anne Boleyn et de ses managers [Goldsmiths et Gummers Inc] ; et qu’il avait placé son argent sur Truss », écrit Prins.
Cette fuite massive a fait l’objet d’une couverture médiatique étonnamment rare, compte tenu de l’ampleur du système exposé. Les efforts déployés pour limiter les dégâts ont principalement consisté à rejeter la responsabilité de la fuite sur les omniprésents « hackers russes » et à la qualifier de « campagne de désinformation » organisée par Moscou.
Cette prétendue campagne de désinformation a été qualifiée de maladroite par Shane Huntley, directeur du groupe d’analyse des menaces de Google. Il a affirmé que des « indicateurs techniques », qu’il ne spécifie pas, suggéraient que le site Web « English Coup » était lié au groupe de pirates informatiques Coldriver, également connu sous les noms de Gamaredon et Callisto, qui serait basé en Russie. Huntley a ouvertement recommandé de ne pas parler de cette fuite dans les médias.
« Il est difficile de rendre compte des activités de désinfo. Il est trop facile d’amplifier la campagne et d’en accroître l’effet. En le disant à voix basse, nous constatons qu’il s’agit d’une campagne plutôt maladroite, et peut-être basée sur un seul compte ProtonMail piraté », a déclaré Huntley.
Les personnes prétendument impliquées dans la conspiration qui ont fait des commentaires publics sur cette fuite n’ont pas essayé de réfuter l’authenticité des documents et des courriels, mais se sont concentrées sur la responsabilité de la Russie dans la fuite.
« Je suis bien conscient d’une opération russe contre un compte Proton qui contenait des courriels que j’avais reçu et envoyé« , a déclaré M. Dearlove à Reuters, ajoutant que les documents et les courriels devaient être traités avec prudence étant donné « le contexte de la crise actuelle dans les relations avec la Russie ». Il a ajouté que les courriels ne montraient qu’un « exercice de lobbying légitime » qui est simplement devenu « sujet à distorsion ».
La réaction de Toombs a été similaire. Il a déclaré que lui et ses collègues étaient « au courant de cette désinformation russe basée sur un piratage illégal ».
Les efforts pour limiter les dégâts ont été moqués par la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, qui a déclaré que toute cette conspiration était parfaitement conforme à la « tradition anglaise » de changement de régime.
« Bien sûr, Richard Dearlove et les ‘experts’ de poche ont immédiatement accusé les Russes d’être responsables des ‘fuites’. Si je comprends bien, les Britanniques ne peuvent apprendre la vérité sur leur démocratie que de la Russie ? Est-ce pour cela que Londres a interdit la diffusion de RT ? » a déclaré Zakharova dans un message posté sur les médias sociaux, samedi dernier.
RT
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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