La question identitaire à repris le devant de la scène
L’annonce successive de Caroline St-Hilaire et de Bernard Drainville comme candidats caquistes à la prochaine élection a fait réagir, c’est le moins qu’on puisse dire. Les accusations de traîtrise et d’opportunisme ont aussitôt surgi, comme si ce passage à la Coalition avenir Québec (CAQ) était inexplicable et injustifiable rationnellement. Pourtant, une part considérable, sinon la majorité, des ex-électeurs péquistes ont fait le même choix, et il y a derrière cette dynamique une explication que beaucoup refusent d’entendre.
Plus de 25 ans après le dernier référendum, la politique québécoise s’organise désormais autour d’un nouveau clivage dominant, un « schisme identitaire » qui est aujourd’hui plus polarisant que la question constitutionnelle. Depuis 2007, nos débats les plus émotifs concernent davantage la laïcité, l’immigration et la langue que la place du Québec dans le Canada. Les indépendantistes ont évidemment le droit de s’en attrister, mais ils auraient tort de snober ce véritable appétit des Québécois pour l’affirmation de notre identité, dont la protection demeure la motivation historique pour faire du Québec un pays.
Or, le fait est qu’avant 2018, les libéraux ont réussi à se maintenir au pouvoir en agitant l’épouvantail référendaire pour ensuite nuire activement à la défense de l’identité québécoise, tant par leur hausse dogmatique des seuils d’immigration que par leur inaction sur la langue et la laïcité. Sous Philippe Couillard, puis sous Dominique Anglade, les libéraux se sont considérablement radicalisés, troquant le nationalisme minimaliste de l’ère Bourassa pour un multiculturalisme conquérant et allergique à toute intervention de l’État québécois sur le plan identitaire.
Pour sortir de l’impasse, de nombreux souverainistes ont donc accepté de s’allier avec des nationalistes de bonne volonté, qui croient au besoin de protéger l’identité québécoise sans pour autant être favorables à l’indépendance. Sur les enjeux identitaires, il y a assurément une plus grande proximité idéologique entre ex-péquistes et ex-libéraux nationalistes qu’entre souverainistes péquistes et solidaires. Faut-il rappeler que Québec solidaire (QS) ne veut rien savoir d’une baisse des seuils d’immigration ni d’une quelconque interdiction du port de signes religieux et que ses militants sont en furie que le parti ait appuyé la loi 96 ?
Ainsi, le « pari caquiste » a le mérite d’avoir écarté les libéraux du pouvoir, tout en accouchant d’une loi sur la laïcité, d’un renforcement de la loi 101 et d’une baisse des seuils d’immigration, ce que les nationalistes du Québec appelaient de leurs vœux depuis des années. On peut très bien croire que cela ne va pas assez loin, mais il demeure que ces trois mesures figurent parmi les gains les plus importants du mouvement national depuis 1995.
Quoi qu’on en dise, l’élection de la CAQ a permis au Québec de sortir du cul-de-sac identitaire dans lequel il végétait depuis trop longtemps en remettant la question du devenir de la nation québécoise au cœur du jeu politique. Plus encore, l’appui conséquent de la population au gouvernement met sur la défensive ces partis qui pensaient pouvoir gouverner en ignorant (ou en méprisant) le besoin d’affirmation des Québécois. Ainsi, qu’on soit d’accord ou non avec leur choix, on comprendra d’anciens élus souverainistes de tenter le pari caquiste, comme continuité de leur engagement pour le Québec dans un nouveau contexte politique.
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