La gendarmerie affirme que l’objet de cette visite à son lycée était l’agression sexuelle dont elle a dit avoir été victime sans avoir porté plainte et s’excuse si la démarche a été « mal perçue ».
Par Aubin Laratte
Le 10 juin 2022 à 23h12, modifié le 11 juin 2022 à 09h13
S’adresser à Emmanuel Macron dans la rue peut-il avoir des conséquences ? Laura, 18 ans, a en tout cas reçu ce vendredi la visite de gendarmes à son lycée, moins de 24 heures après avoir interpellé le président de la République au sujet de ses ministres accusés d’agressions sexuelles. Si cet échange n’était pas l’objet de cette « rencontre », assure la gendarmerie de Gaillac (Tarn) au Parisien, ce n’est pas la version de la jeune fille.
Jeudi, la jeune fille avait interpellé Emmanuel Macron alors qu’il était en déplacement dans le Tarn. La vidéo a depuis été vue des millions de fois. Face au président de la République, Laura dénonce : « Vous mettez à la tête de l’État des hommes qui sont accusés de viol et de violences pour les femmes (les ministres Gérald Darmanin et Damien Abad sont tous les deux accusés, le premier étant le seul faisant l’objet d’une enquête pour laquelle le parquet a requis un non-lieu) , pourquoi ? » Ce à quoi Emmanuel Macron brandit alors la « présomption d’innocence », aucun de ses ministres n’ayant été condamné.
VIDEO. Macron interpellé dans le Tarn sur des ministres accusés de viols
De cet échange, Laura pensait en avoir terminé, jusqu’à la journée de vendredi. « J’étais en cours d’espagnol quand autour de 11h30, la proviseure adjointe est venue me chercher pour parler. À l’extérieur du cours, elle m’a demandé si j’acceptais de parler à des gendarmes », explique Laura au Parisien, ce vendredi soir.
En marge de son échange avec Emmanuel Macron, la veille, la lycéenne avait confié avoir été victime d’une agression sexuelle dans le RER il y a 4 ans, sans avoir porté plainte. « Ils m’ont demandé si je voulais porter plainte, mais ça a été très bref », explique-t-elle. Et la jeune fille de raconter ensuite un tout autre échange, plus proche selon elle de l’« intimidation » et qualifiant une visite « ambiguë ».
« Aucune infraction » de la part de la lycéenne, confirme la gendarmerie
« On est rapidement venu à l’échange avec Emmanuel Macron. Ils m’ont demandé ce que j’avais voulu faire, alors je leur ai dit que je voulais poser telle question, etc. Puis la gendarme m’a dit : C’était pas à faire. Son collègue a ajouté que si j’avais voulu interpeller le président de la République, alors j’aurais dû passer par des voies hiérarchiques, en écrivant à l’Élysée », assure Laura. Elle a l’impression, raconte-t-elle, que les gendarmes sont ici « à la demande de quelqu’un ».
« Je me suis évidemment demandé si j’avais fait quelque chose de mal, raconte la jeune femme. Évidemment que c’est intimidant de voir les gendarmes débarquer au lycée. » Laura s’étonne aussi : « Ils auraient pu trouver mon adresse finalement plutôt que d’aller au lycée. Il y a deux mois, car j’étais en voyage scolaire pour les élections, j’avais fait ma procuration à la gendarmerie ! »
Contactée avant notre échange avec la jeune fille, la commandante de la gendarmerie de Gaillac Laura Barbuto a assuré que la visite des forces de l’ordre dans l’établissement scolaire ne partait pas d’une mauvaise intention : « On s’inquiétait qu’elle puisse avoir été victime (d’agression sexuelle) et qu’elle n’ait pas pu porter plainte. » L’échange avec Emmanuel Macron n’était pas « l’objet » de cette visite, assure-t-elle. Et la commandante de gendarmerie de signaler, d’ailleurs, qu’il n’y a « aucune infraction » dans l’interpellation d’Emmanuel Macron par la lycéenne.
La gendarmerie du Tarn a depuis réagi sur Facebook et présenté ses excuses. « Notre action visait simplement à prendre en compte cette personne, qui s’était présentée comme victime, pour lui proposer de recueillir une éventuelle plainte, ou à défaut pour lui proposer une aide, un accompagnement ou un relais pour rencontrer les associations locales pour lui porter assistance », assure les gendarmes. « Nous tenons à nous excuser auprès d’elle si notre démarche d’aller à sa rencontre au lycée pour échanger a été mal perçue et qu’elle considère que nous avons été maladroits ».
Laura et ses parents, « offusqués », ne comptent pas pour autant donner suite après avoir contacté un avocat ce vendredi pour vérifier que ce qu’elle avait fait était légal.
Source : Le Parisien
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