Premier portrait de notre série consacrée aux candidats aux législatives issus de la société civile. Le chanteur Francis Lalanne se présente devant les électeurs depuis une quinzaine d’années, sans succès. Devenu héraut des gilets jaunes et fervent antivax, il sera candidat à la députation en Charente pour « refonder la démocratie ».
Il fut un temps où Francis Lalanne, 63 ans, culminait au sommet du Top 50, muant ensuite en supporter n° 1 des Bleus de 1998. Raillé pour son personnage de barde adepte des coups de gueule et bon client des télés, le musicien au 1,5 million de disques vendus enchaînait albums, pièces de théâtre et livres pour un public de fidèles, s’investissant avec brio à la tête du modeste club de football picard de Fresnoy-le-Grand de 2004 à 2013. Mais depuis quelques années, ce touche-à-tout fait désormais davantage parler de lui pour ses sorties pro-gilets jaunes et antivax. « C’est la continuité de 45 ans d’activisme politique », explique-t-il à Marianne.
Électeur de Mitterrand en 1981, engagé dans une multitude de causes humanitaires pour lesquelles il a reversé un flot de droits d’auteur et vendu aux enchères la quasi-totalité de ses fameuses cuissardes, ce défenseur des migrants affirme également un penchant écolo. C’est d’ailleurs avec le slogan « Animaliste souverainiste écologiste » que l’admirateur du controversé Pierre Rabhi se présente aux prochaines législatives : « J’ai été contacté pour représenter cette résistance et je suis retourné prendre des coups. »
Des coups, il en a reçu aux législatives de 2007 en se présentant dans le Bas-Rhin, sous l’étiquette du Mouvement écologiste indépendant (MEI) d’Antoine Waechter. Résultat : 3,5 % des voix. En 2008, aux municipales de Montauban, il figurait en vingtième position d’une liste suivie par 5,5 % des électeurs, avant de fonder en 2009 l’Alliance écologique indépendante (AEI) avec l’ex-UDF Jean-Marc Governatori, un entrepreneur à la fibre verte contestée, candidat malheureux à la primaire écologiste. Si la liste conduite par Lalanne dans le Sud-Est plafonnait à 3,7 % aux européennes de 2009, l’AIE, alliée à Europe Écologie-Les Verts, engrangeait deux députés. Pas assez pour lui.
« Goulag moderne »
En 2012, cet adversaire de la loi anti-téléchargement Hadopi se lâchait dans Révoltons-nous (In libro veritas), un essai-brûlot « destiné à ceux qui ne veulent plus courber l’échine ». « Nous confions la chose publique à des intérêts privés, spoliant chacun d’entre nous de son rôle de citoyen », enrageait-il. Dénonçant la pensée unique, la « corruption du monde politicien », la xénophobie, les politiques d’austérité, il conspuait la « France des privilèges qui appauvrit les pauvres pour enrichir les riches ».
Ayant échoué comme suppléant d’un candidat divers gauche aux législatives de 2017 suivi par 1,1 % des voix, il s’impliquait à fond dans le mouvement des gilets jaunes, vu comme la concrétisation de la « révolte » qui l’anime. « J’ai fait le tour de France des ronds-points où étaient les GJ jamais encartés et nous avons créé un mouvement citoyen, l’Alliance jaune, opposée au « régime des partis »explique-t-il, citant le général de Gaulle entre Montesquieu ou Zola. Mais j’ai vu de faux GJ ratisser pour le Rassemblement national ou la France insoumise et saboter notre mouvement. » Son score ? 0,53 % aux européennes de 2019. « J’ai pris un coup, confesse-t-il. J’ai alors repris mon militantisme de poète et de libre-penseur de la République, mais j’ai été victime du goulag moderne : la censure. »
Lâché par son producteur et son tourneur, quasi-disparu des médias et évincé en 2020 de l’émission Fort Boyard où il a incarné pendant quatre saisons le personnage de « Narcisse Lalanne » – il fera condamner la production aux prud’hommes –, ce fils de diplomate prend, à la faveur de la pandémie de Covid-19, un chemin suivi par une partie des gilets jaunes et dénonce « le totalitarisme sanitaire ». Enchaînant les manifestations aux côtés de Florian Philippot et Jean-Marie Bigard, il perdait ses nerfs face à des journalistes de Quotidien (l’un d’eux a porté plainte) et appelait en janvier 2021, sur le site France Soir, devenu relais des thèses antivax, à la « désobéissance civique » et à la « destitution » du président de la République, si nécessaire avec le soutien de l’armée.
Au premier tour de la dernière présidentielle, Lalanne votait Jean Lassalle avant de soutenir Marine Le Pen. Contradictoire avec son passé ? « Il fallait se débarrasser d’un dangereux psychopathe qui a massacré des manifestants et vendu la France à ses copains milliardaires. Entre un tyran avéré et un tyran potentiel, j’ai choisi la seconde la mort dans l’âme. Le Pen est d’ailleurs de centre-droit… Des sources bien placées révèlent surtout qu’elle a fait 50,8 % des voix ! » Une « théorie » relayée par la complosphère dans laquelle Lalanne, banni de Twitter pour avoir comparé les vaccins anti-Covid à un « crime contre l’humanité », a plongé corps et âme, laissant entendre que « la fausse guerre d’Ukraine en réalité opération humanitaire russe contre les nazis de Kiev », permettrait de « cacher les ravages des faux-vaccins ».
En campagne sur les routes de Charente, le président d’une formation baptisée « France libre » n’a d’autre programme que « refonder la démocratie ». « Je consulterai en permanence les électeurs de ma circonscription sur les lois à voter, par exemple via des moyens numériques sécurisés que je financerai moi-même, promet Francis Lalanne. Je romprai ainsi avec les sectes mafieuses que sont les partis, dont les députés aux ordres exercent un mandat impératif contraire à l’article 27 de notre constitution. Avec d’autres élus citoyens, nous prendrons l’Assemblée nationale ! »
Source : Marianne
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