Caroline Monnet a remporté le prix signalant le film québécois le plus remarqué à l’étranger. Nul n’est prophète dans son pays, révèle la navrante distribution 2022 des prix de Québec-Cinéma.
Pourquoi les oiseaux ivres?
Le jury a accordé dix prix, la plupart non mérités, au médiocre filmi Les oiseaux ivres, d’Ivan Grbovic. Nul doute que les producteurs Luc Déry et Kim McCraw, qui nous ont donné dans le passé tant d’œuvres magnifiques, ont influencé la perception du jury, mais au point qu’il accorde à ce film si mal construit l’Iris du meilleur film, du meilleur scénario (Ivan Grbovic, Sara Mishara) et, comble de maladresse, du meilleur montage, est pour moi incompréhensible, alors que sa fin hésite entre diverses avenues, toutes mal explorées. On retient donc celle nauséabonde de racisme, qui traîne sur tout le film alors qu’en étayant les scènes du Grand Prix automobile, on aurait mieux dénoncé les vrais coupables : tant de remerciements maladroits des acteurs gagnants Claude Legault et Hélène Florent, visiblement mal à l’aise, ont été offerts dans la soirée aux travailleurs agricoles sud-américains pour avoir peuplé avec réalisme plusieurs scènes du film! Bernard Gariépy Strobl y a reçu le prix du meilleur son (Bootlegger auquel il a travaillé l’aurait mérité!) et Philippe Brault celui de la meilleure musique (et sa musique de Maria Chapdelaine??). Pourquoi le jury a-t-il ignoré le merveilleux film Beans, une vision personnelle si pertinente de Tracey Deer sur la crise d’Oka coïncidant avec sa jeune adolescence, merveilleusement interprétée par Kiawentiio Tarbell?
L’occasion ratée, Bootlegger!
Quand tant d’éléments concourent à forger une œuvre majeure, inclinons-nous bien bas devant une immense réussite. Car Bootlegger marque une étape d’un cinéma autochtone arrivé à maturité pour s’intégrer pleinement à l’art-vérité. C’est ce qu’a compris le 50e Festival du Nouveau Cinéma en en faisant son film d’ouverture cette semaine à Montréal, écrivais-je à la sortie en octobre dernier de ce chef d’œuvre ii.
Sur sa bande sonore, Jean Martin exploite aux moments de tension la musique haletante de Tanya Tagak dont s’inspire Élisapie. Bravo à la science de Bernard Gariepy Strobl qui intègre subtilement le traitement sonore à la trame narrative tournée en trois langues, français, anglais et anishinaabemowin (algonquin). Quel choix audacieux, totalement récompensé par le parfum prononcé d’authenticité du film.
Le scénario de la réalisatrice Caroline Monnet et de Daniel Watchorn a eu pour conseillers les maîtres en scénarisation québécois Danielle Dansereau et Robert Morin qui ont sûrement contribué à préserver les ellipses magiques permettant les changements de perspective et revirements inattendus, propices au suspense.
La direction de la photographie par Nicolas Cannicioni fascine, dans un paysage pourtant monopolisé par une forêt monotone, mais il sait y débusquer la fougue des rivières dans un patchwork d’alternances.
Ces alternances sont brillamment articulées par la monteuse d’expérience Aube Foglia.
Voici quatre prix qui ont été volés sans l’ombre d’un doute à Bootleggeriii. Que dire aussi de l’interprétation fabuleuse de Pascale Bussières (incidemment, notre artiste pour la paix de l’année 2021), réussissant à s’intégrer à la robuste vie quotidienne de la Première Nation Kitigan Zibi Anishinabeg, actrice principale du film? Que dire aussi de celles de Devery Jacobs qui s’oppose à une loi de prohibition totale profitant à la contrebande : quel sujet audacieux et contemporain, si on le transpose aux thèmes des armes à feu et cigarettes, de Dominique Pétin dans le rôle de cheffe du conseil de bande, de Joséphine Baconiv à la juste et discrète présence, ainsi que de Jacques Newashish, troublant à souhait, et enfin de Samian APLP2015, dans un rôle de policier cherchant à améliorer la société? Un autre IRIS aurait dû encourager la productrice Catherine Chagnon à la tête de la dynamique boîte Microclimat films.
Bref, je crie à un ratage complet de la part des IRIS 2022 de souligner combien le cinéma autochtone rivalise maintenant avec le cinéma québécois qui regrettera de l’avoir ainsi quasiment censuré!
iv Si admirable dans le documentaire Je m’appelle humain
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