par Le C
Trois mois après le début du conflit, les médias occidentaux essaient de s’adapter à une réalité de terrain qu’ils se sont attachés pendant des mois à nier : l’armée ukrainienne perd la guerre. Les sanctions fonctionnent si peu que la présidente de la Commission européenne est obligée d’avouer qu’elle se rallie à l’absence d’embargo sur le pétrole russe. Et la Russie est en train de gagner le rôle central dans les exportations mondiales de blé tandis que les revenus qu’elle tire des hydrocarbures ne cessent d’augmenter. Rien ne résume mieux la défaite stratégique de l’Occident que l’évolution des éditoriaux du Daily Telegraph que nous avons placés en exergue.
Very pessimistic towards Ukrainian leadership: « You have to understand that there are two castes in this country: the upper, and the lower. We’re the lower. They get the money, and we’re expected to just march forward and die. »
— Neil Hauer (@NeilPHauer) May 30, 2022
La Bataille d’Ukraine
Les forces armées ukrainiennes s’effondrent sur le champ de bataille, si rapidement et sur une zone si étendue que vendredi 27 mai le président ukrainien a déclaré que « l‘Ukraine n’est pas désireuse de parler avec le Russe Vladimir Poutine, mais qu’elle doit faire face à la réalité que cela sera probablement nécessaire pour mettre fin à la guerre ». Il y a quelques jours encore Zelensky expliquait que l’Ukraine ne céderait jamais aucun territoire et qu’elle « gagnerait » contre l’armée russe.
Très significatif est le double tweet du journaliste canadien Neil Hauer (reproduit ci-dessus) :
« Je discute avec quelques soldats épuisés à Bakhmut, tout juste revenus des lignes de front. « Nous n’avons pas de nouvelles armes ici, de nouvelles forces, rien », dit l’un d’eux. Un autre, qui a combattu en 2014 : « On s’attend à ce que je combatte un char avec ma kalachnikov. Nous ne sommes que de la chair à canon. On est foutus. »
Très pessimiste envers les dirigeants ukrainiens : « Vous devez comprendre qu’il y a deux castes dans ce pays : la supérieure, et la inférieure. Nous sommes les inférieurs. Ils ont l’argent, et on attend de nous qu’on avance et qu’on meure ». »
Les lecteurs du Courrier des Stratèges savent bien (1) que l’armée ukrainienne est à court de carburant ; (2) que les pertes kiéviennes augmentent dramatiquement sur presque tous les champs de bataille ; (3) que le matériel livré par les Occidentaux était non seulement une deuxième livraison vu que l’armée russe a détruit l’équipement ukrainien une première fois entre le 24 février et le 31 mars. L’artillerie russe frappe sans répit les lignes ukrainiennes.
Le nombre de soldats ukrainiens qui se rendent est devenu si énorme que le corps législatif ukrainien a voté un projet de loi autorisant les officiers militaires à tirer sur les soldats qui voudraient abandonner le combat.
La réalité du champ de bataille est si désastreuse pour les Kiéviens que certains observateurs estiment que l’armée ukrainienne, à ce rythme, ne peut pas tenir plus de deux semaines.
« À en juger par la vitesse à laquelle les forces armées ukrainiennes fuient les villes du Donbass, et plus particulièrement la région de Donetsk, un effondrement moral s’est produit ». Il a été accéléré, sinon déclenché, par la reddition définitive d’Azovstal.
Le 27 mai, Alexeï Arestovich, a déclaré, à propos de la prise de Liman par les Russes : « La façon dont l’armée russe l’a capturée montre qu’il y a des commandants très talentueux, et cela montre le niveau accru de gestion opérationnelle et de compétences de l’armée russe. On raconte qu’un bataillon ukrainien s’est mutiné pour éviter d’être envoyé à une destruction certaine. Cela fait des semaines que des histoires circulent sur la façon dont les commandants laissent leurs subordonnés sur le champ de bataille et partent « pour une réunion ». Et pas un seul mot négatif sur la détention dans un camp de prisonniers de guerre.
Dans la nuit, un avion cargo militaire ukrainien a été abattu près d’Odessa. Tout son armement militaire fourni par l’Ouest a été détruit. Les frappes de précision russes se produisent sans discontinuer :
• le 25 mai, l’usine de Motor Sich (près de Zaporojie) a été détruite.
Pendant ce temps, il devient rapidement évident que l’aide militaire occidentale à l’Ukraine est volée et redirigée pour être vendue en Serbie sur le marché noir. Plus des deux tiers des armes anti-aériennes portables ManPad seraient en vente à l’étranger, d’ores et déjà. Toutes sortes d’autres armes de guerre sont également proposées sur le marché noir, « y compris des mortiers, des grenades propulsées par fusée, des mines terrestres et des munitions perforantes en si grandes quantités que les contrebandiers ne peuvent même pas trouver de place pour stocker leurs biens mal acquis ». Des Ukrainiens volent littéralement les armes fournies par l’Occident pour les revendre au marché noir et s’en mettre plein les poches.
• Autre évolution que nous repérons depuis plusieurs semaines : la tentation terroriste du côté ukrainien. Un attentat a fait plusieurs blessés près de la mairie à Mélitopol.
• Le 29 mai, les Ukrainiens ont effectués des tirs d’artillerie sur plusieurs quartiers de Donetsk et de Gorlovka encore atteignables par leur armes. Une vingtaine de morts. Certains observateurs déclarent que ces tirs ont été effectués avec des armes livrées par l’OTAN.
Le gouvernement ukrainien parle à nouveau de négocier
Le ministère ukrainien des Affaires étrangères,Kuleba, admet qu’on lui a maintenant demandé de négocier : Cependant, commente un observateur, « ce qui est le plus intéressant, c’est de lire entre les lignes : tous les faucons de l’UE commencent à en rabattre après avoir vu ce que les Russes ont fait à une armée entraînée par l’OTAN. Même eux se rendent compte que l’OTAN… est un tigre de papier à ce stade. L’OTAN a entraîné et équipé l’Ukraine pendant huit ans complets… et l’Ukraine était la plus grande armée permanente de toute l’Europe. Pourtant, l’armée ukrainienne s’effondre après seulement 90 jours (ou à peu près) de guerre réelle. Qu’est-ce que cela dit de l’OTAN à l’Europe ? Maintenant, l’Europe se rend compte qu’elle doit agir rapidement pour sauver la face ; elle doit éviter un effondrement complet de l’Ukraine dans les semaines à venir ».
Réfugiés en Autriche
Bagarre a Vienne, 2 individus dans des voitures SUV portant des numéros de plaque ont battu les Autrichiens et se sont enfuies.
Les réfugiés occupaient des places de stationnement pour les taxis près de l’un des hôtels. pic.twitter.com/QyjrafdYjF
— Black Russian (@BlackRussian84) May 30, 2022
Conséquences non maîtrisées des sanctions antirusses
• L’opinion autrichienne est choquée par un épisode qui s’est déroulé samedi 28 mai à Vienne : des Ukrainiens qui avaient garé leurs SUV sur des espaces de stationnement de taxis en face d’un hôtel ont tabassé des chauffeurs de taxis qui leur demandaient de se déplacer, avant de s’enfuir.
• « L’Union européenne aura besoin de mille milliards d’euros pour abandonner complètement les sources d’énergie russes. Cette conclusion a été tirée par les analystes de la société norvégienne Rystad Energy, spécialisée dans la recherche sur les marchés des matières premières. Les analystes estiment que c’est le montant de l’investissement nécessaire pour mettre en œuvre le programme REPowerEU de l’Union européenne, qui vise à réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes et à accélérer la transition loin des sources d’énergie à forte intensité de carbone. La mise en œuvre du projet devrait permettre de faire passer la production d’électricité à partir de sources renouvelables de 40% à 45% de la production totale d’ici 2030.
Dans le même temps, la Commission européenne n’a pas une idée claire des montants totaux nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. Des déclarations récentes mentionnent que 225 milliards d’euros sont déjà disponibles sous forme de prêts et que des investissements supplémentaires de 300 milliards d’euros pourraient être nécessaires d’ici 2030. C’est-à-dire qu’il manque la moitié de la somme nécessaire. « L’ambition du plan REPowerEU est énorme. Bien que les objectifs soient réalisables, les atteindre d’ici 2030 nécessitera des niveaux de planification, d’investissement, de construction et de production dignes d’une guerre », déclare Carlos Torres Diaz, responsable de la recherche énergétique chez Rystad Energy. Auparavant, Rystad Energy avait prévenu que les sanctions anti-russes pourraient entraîner une hausse significative des prix du gaz sur le marché mondial. Selon les chercheurs, le coût du gaz en Europe pourrait tripler d’ici la fin de l’année. »
• Si la Commission européenne cherche de l’argent pour un crédit, on a peut-être la solution…
« Le ministère des Finances de Russie s’attend à recevoir 1000 milliards de roubles de revenus supplémentaires provenant du pétrole et du gaz en 2022. C’est ce qu’a déclaré le chef du département, Anton Siluanov.
« Tout cet argent qui provient du pétrole et du gaz, si auparavant il était partiellement envoyé à la réserve, cette année est complètement dépensé en dépenses. Cet argent servira uniquement à effectuer des paiements supplémentaires aux retraités, des paiements supplémentaires aux familles avec enfants, à mener une opération spéciale. Il existe donc des ressources pour cela, y compris des recettes supplémentaires provenant du pétrole et du gaz », a déclaré M. Siluanov.
Les experts occidentaux affirment que les revenus pétroliers et gaziers de la Russie ont atteint un niveau record malgré les sanctions occidentales sans précédent.
Selon Janis Kluge, expert à l’Institut allemand pour les relations internationales et la sécurité, les revenus de la Russie provenant de la vente de vecteurs énergétiques ont augmenté de moitié.
En avril, Moscou a reçu 1,8 trillion de roubles de la vente de pétrole et de gaz. En mars, ce chiffre était de 1,2 trillion de roubles.
Ainsi, le budget russe a reçu en quatre mois la moitié des recettes pétrolières et gazières prévues pour 2022. Les sanctions de l’Occident à l’encontre de la Russie jouent en faveur du pays. Il est impossible de retirer le même pétrole russe du marché sans laisser son prix augmenter. »
• Le ministre de l’Économie allemand Robert Habeck s’inquiète des divisions au sein de l’UE sur la question d’un nouveau train de sanctions. Mais aussi des désaccords de plus en plus apparents au sein de l’UE sur la stratégie de long terme vis-à-vis de la Russie.
• Ursula von der Leyen a d’ailleurs changé de position : elle explique désormais qu’il faut que l’Union européenne continue à acheter du pétrole russe, sinon la Russie le vendrait plus cher sur le marché mondial. Interdiction de rire ! ….
• … car il y a plus absurde, ainsi la déclaration d’Elisabeth Truss, ministre britannique des Affaires étrangères le 27 mai : « Il ne faut pas parler de cessez-le-feu, ni d’apaiser Poutine. Nous devons nous assurer que l’Ukraine gagne. Et que la Russie se retire et que nous ne verrons plus jamais ce type d’agression russe ».
• Dans le genre bouffonnerie, les Britanniques gagnent assurément la palme : après avoir rencontré un certain scepticisme quant aux maladies de Vladimir Poutine, des médias britanniques donnent de nouvelles révélations exclusives – en laissant penser qu’elles sont fournies par les services de renseignement : ils expliquent que le président russe a bien l’air en bonne santé ; mais en fait, c’est parce qu’il est déjà mort et des doubles ont pris sa place.
• L’armée américaine signe un contrat pour plus de 600 millions de dollars avec Raytheon Technologies. Il s’agit de remplacer les stocks de missiles Stinger qui ont été fournis à l’Ukraine. La dédollarisation du monde sera essentielle dans la mesure où elle privera le gouvernement américain des possibilité de crédit illimité pour alimenter son effort de défense.
• L’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe considère que l’on aurait pu éviter la guerre d’Ukraine si l’on avait forcé Zelensky à respecter les accords de Minsk et si on lui avait dit clairement qu’il ne pourrait pas faire entrer son pays dans l’OTAN.
• Lors d’une table ronde à Davos, le DG de Mastercard, Michael Miebach, a expliqué qu’il était très possible qu’on n’ait plus besoin de SWIFT dans cinq ans, du fait de l’évolution des modes de paiement. Dire que les gouvernements nous expliquaient que la Russie allait s’effondrer après avoir été éjectée de SWIFT.
Comment la Russie est en train de gagner la guerre du blé
• Les Occidentaux ne sont jamais à court « d’éléments de langage ». Désormais le gros de la propagande occidentale se concentre sur l’impossibilité d’exporter les céréales produites en Ukraine par les ports de la mer Noire. Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Mario Draghi et le Chancelier Nehammer se sont entretenus avec Vladimir Poutine sur le sujet. « L’Europe s’inquiète de la perspective de se retrouver sans céréales, qui sont stockées en quantité suffisante dans les ports d’Odessa. En raison d’une opération spéciale en Ukraine, le grain est bloqué.
Les États-Unis et l’Union européenne tentent par tous les moyens de les faire sortir. La question de l’exportation des céréales les inquiète plus que l’opération spéciale de la Russie en Ukraine. Scholz et Macron jouent le rôle de négociateurs chargés de persuader Poutine de débloquer les ports d’Odessa et de sortir les céréales.
Bien sûr, personne ne leur donnera du grain juste comme ça. L’accord prévoit que Poutine donne l’ordre de débloquer les ports d’Odessa et de sortir les céréales d’Ukraine. En échange, l’Allemagne et la France s’engagent à ne pas fournir d’armes lourdes à l’Ukraine ». Cependant, les gouvernants européens peuvent-ils faire autre chose que des promesses d’ivrognes à Poutine sur le sujet ?
En réalité, le Times de Londres résume parfaitement la situation: la Russie est en train de gagner un autre pan de la confrontation mondiale, la « guerre du blé » :
« Le blocus russe des ports de la mer Noire n’a pas seulement étranglé l’économie ukrainienne, il a également mis en difficulté un concurrent clé sur le marché mondial des céréales.
Plus de 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes pourrissent dans les silos et les navires commerciaux du pays, sans pouvoir atteindre leur destination.
L’Ukraine est le cinquième plus gros exportateur de blé et le blocus a fait grimper le prix de 60% depuis le début de l’année, pour atteindre un niveau presque record.
La Russie, premier exportateur mondial de blé, n’a été que trop heureuse de combler ce vide, en vendant non seulement une plus grande quantité de cette denrée, mais aussi à un prix plus élevé. Le président Zelensky a déclaré que la Russie tente également de vendre les céréales volées par ses soldats dans les fermes des régions occupées.
Le mois dernier, alors que les exportations de blé de l’Ukraine ont chuté de 32% par rapport à avril de l’année dernière, celles de la Russie ont augmenté de 18%, selon AgFlow, une société d’analyse du marché agricole. On estime que le Trésor russe a perçu 1,9 milliard de dollars de recettes provenant des taxes sur les exportations de blé cette saison.
Le blocus a été dévastateur pour l’Ukraine, qui tire environ 10% de son PIB du secteur de l’alimentation et de l’agriculture. Ce secteur représente environ 5% du PIB de la Russie.
« Avant la guerre, les exportations ukrainiennes de blé et de maïs étaient en hausse, alors que les exportations russes étaient en baisse. Depuis, elles sont montées en flèche », a déclaré Nabil Mseddi, directeur général d’AgFlow. « La perte des volumes d’exportation de l’Ukraine correspond presque exactement au gain de la Russie. Elle pourrait donc être interprétée assez précisément comme la mise à l’écart d’un rival commercial ».
Les deux pays partagent bon nombre des mêmes partenaires d’exportation, situés pour la plupart en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Face à l’éventualité de pénuries alimentaires, beaucoup se tournent vers la Russie pour combler le manque à gagner. L’Égypte, l’Iran et la Turquie ont été les plus gros acheteurs, les exportations russes vers ces pays ayant augmenté respectivement de 500, 481 et 381%.
La capacité de la Russie à tenir le marché des céréales en otage témoigne du redressement remarquable de son secteur agricole au cours des 20 dernières années. Pendant la majeure partie de la seconde moitié du XXe siècle, le pays a été fortement tributaire des importations en provenance d’Amérique du Nord. En 1999, l’année précédant l’arrivée de M. Poutine à la présidence, le déficit commercial de la Russie pour le blé s’élevait à 354 millions de dollars. L’augmentation de la production pour atteindre l’autosuffisance était l’une des principales priorités du nouveau président, et en 2002, le pays était devenu un exportateur net, vendant 884 millions de dollars de blé chaque année.
En 2017, la Russie avait dépassé les États-Unis et le Canada pour devenir le premier exportateur de blé, avec des ventes d’un peu plus de 8 milliards de dollars. Ce n’est pas une coïncidence si cette ascension a eu lieu après l’annexion de la Crimée en 2014, alors que la Russie était frappée par les sanctions occidentales.
source : Le Courrier des Stratèges
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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