De graves pénuries d’eau compromettent la récolte de blé en Irak

De graves pénuries d’eau compromettent la récolte de blé en Irak

Le blé est une culture stratégique essentielle, représentant 70 % de la production céréalière totale du pays.

Salah Chelab a écrasé une enveloppe de blé arrachée à ses vastes terres agricoles, situées au sud de Bagdad, et a inspecté les graines dans la paume de sa main. Elles étaient plus légères de plusieurs grammes que ce qu’il espérait. « C’est à cause des pénuries d’eau », a-t-il témoigné à l’agence américaine Associated Press (AP), la machine agricole vrombissant derrière lui, coupant et rassemblant sa récolte de blé de l’année.

Salah Chelab avait planté la plupart de ses 4 hectares de terre, mais il n’a pu en irriguer qu’un quart après que le ministère de l’Agriculture a introduit des quotas d’eau stricts pendant la saison de croissance, dit-il. Les produits qu’il cultivait sur le reste du terrain, craint-il, « mourront sans eau ».

Tempêtes de sable

À l’heure où les prix mondiaux du blé ont grimpé en flèche en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les agriculteurs irakiens disent payer le prix d’une décision du gouvernement de réduire de 50 % l’irrigation des zones agricoles. Le gouvernement a pris cette mesure en raison de graves pénuries d’eau dues à des températures élevées et à la sécheresse – que l’on croit alimentée par le changement climatique – et à l’extraction continue d’eau par les pays voisins dans les fleuves Tigre et Euphrate. Tous ces facteurs ont lourdement pesé sur la production de blé.

« Confronté à la pénurie d’eau, le gouvernement irakien n’a pas pu s’attaquer à d’autres problèmes longtemps négligés », affirme l’AP.

La désertification a été désignée comme un facteur à l’origine de l’incessante série de tempêtes de sable de cette année. Au moins dix d’entre elles ont frappé le pays au cours des derniers mois, recouvrant les villes d’une épaisse couche de poussière orange, immobilisant les vols et envoyant des milliers de personnes à l’hôpital.

« Nous avons besoin d’eau pour résoudre le problème de la désertification, mais nous avons également besoin d’eau pour sécuriser nos approvisionnements alimentaires », a déclaré Essa Fayadh, un haut fonctionnaire du ministère de l’Environnement. Le problème ? « Nous n’en avons pas assez pour les deux », regrette-t-il.

L’Irak dépend des fleuves Tigre et Euphrate pour la quasi-totalité de ses besoins en eau. Tous deux se jettent dans le pays depuis la Turquie et l’Iran. Ces pays ont construit des barrages qui ont soit bloqué, soit détourné l’eau, créant ainsi d’importantes pénuries en Irak.

Le ministre des Ressources en eau, Mahdi Rasheed, a déclaré à l’agence américaine que le niveau des rivières avait baissé de 60 % par rapport à l’année dernière. Pour Salah Chelab, moins d’eau a signifié une taille de grain plus petite et des rendements de récolte plus faibles. En 2021, celui-ci a produit 30 000 tonnes de blé, l’année précédente 32 000, selon les reçus des silos du ministère du Commerce. Cette année, il n’en attend pas plus de 10 000.

Les responsables gouvernementaux affirment que le changement est une nécessité impérieuse. Le système actuel est inefficace et non durable depuis des décennies. La pénurie d’eau ne leur laisse d’autre choix que de pousser à la modernisation de techniques agricoles archaïques et peu rentables.

« Plan stratégique »

« Nous avons un plan stratégique pour faire face à la sécheresse, compte tenu du manque de pluie, du réchauffement climatique et du manque d’irrigation provenant des pays voisins, car nous n’avons pas obtenu notre part des droits à l’eau », a déclaré Hamid al-Naif, porte-parole du ministère de l’Agriculture. Celui-ci, d’ailleurs, a pris des mesures pour concevoir de nouveaux types de blé résistant à la sécheresse, et introduire des méthodes pour augmenter le rendement des cultures.

« Nous avons encore affaire à des systèmes d’irrigation datant des années 1950. Cela n’a rien à voir avec les agriculteurs, a-t-il déclaré. L’État doit le rendre efficace, nous devons forcer l’agriculteur à l’accepter ». Les agriculteurs irakiens ont historiquement été très dépendants de l’État pour la production de nourriture, une dépendance qui, selon les décideurs politiques et les experts, draine les fonds publics.

Le ministère de l’Agriculture soutient les agriculteurs en leur fournissant tout – des outils de récolte aux semences, en passant par les engrais et les pesticides – à un taux subventionné ou gratuitement. L’eau détournée des rivières pour l’irrigation est donnée gratuitement. Le ministère du Commerce stocke ou achète ensuite les produits des agriculteurs et les distribue sur les marchés. Le blé est une culture stratégique essentielle, représentant 70 % de la production céréalière totale du pays.

La demande locale pour cette denrée de base se situe entre 5 et 6 millions de tonnes par an. Mais la production locale diminue d’année en année. En 2021, l’Irak a produit 4,2 millions de tonnes de blé, selon le ministère de l’Agriculture. En 2020, elle était de 6,2 millions de tonnes. « Aujourd’hui, nous pourrions obtenir 2,5 millions de tonnes au mieux, a déclaré Hamid al-Naif. Pour cela, il faudrait que l’Irak augmente ses importations ».

La majeure partie de la récolte de blé est habituellement vendue au ministère du Commerce. Signe de la faiblesse de la récolte, il n’y a pour l’instant que 373 000 tonnes de blé disponibles dans les entrepôts du ministère du commerce. Pour répondre à la demande dans le cadre de la récente crise mondiale du marché des céréales, le gouvernement a récemment modifié sa politique afin de permettre à tous les agriculteurs irakiens de vendre leur production aux silos du ministère du Commerce. Auparavant, cette possibilité était limitée aux agriculteurs qui opéraient dans le cadre du plan gouvernemental.
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