Régulièrement des correspondants me demandent pourquoi les forces russo-républicaines progressent si lentement dans le Donbass. Plusieurs éléments interviennent pour expliquer cette lenteur, qui n’est pas une stagnation comme certains propagandistes ukro-atlantistes le prétendent, mais la conséquence de la nouvelle stratégie offensive de l’état-major russe que l’on peut résumer en deux mots : prudence et économie.
Même si les forces ukrainiennes ont démontré une certaine capacité de combat et d’adaptation, surtout à partir de leurs bastions défensifs, force est de constater que non seulement elles sont dans l’incapacité opérative de mener des contre-offensives stratégiques efficaces et durables mais que leurs dispositifs de défenses s’effondrent de plus en plus rapidement, faute de pouvoir remplacer et reconstituer rapidement leurs unités de combat engagées sur le front. Aussi l’état-major ukrainien a-t-il opté pour une résistance urbaine désespérée qui de bastion en bastion cherche à transformer ses défaites inéluctables en « victoires à la Pyrrhus » pour les forces russo-républicaines (référence au roi Pyrrhus Ier d’Épire qui, au IIIe siècle avant JC, dut finalement renoncer à sa conquête de l’Italie à cause des pertes immenses subies dans ses victoires d’Héraclée et d’Ausculum contre les romains).
De son côté Moscou ne veut pas que ses opérations militaires en Ukraine captent des effectifs trop important qui déséquilibreraient ses autres défenses occidentales imposant ainsi d’engager une mobilisation au sein de la population, ce qui impacterait même au minima l’économie intérieure et le contrat social entre le pouvoir et les peuples de la Fédération de Russie.
Aujourd’hui on estime que les forces russes engagées sur le terrain sont d’environ 200 000 hommes, auxquelles il faut rajouter les forces républicaines de Donetsk et Lougansk (environ 40 000 hommes) et des forces auxiliaires comme le groupe « Wagner » ou le groupe « Akhmat ». Ces effectifs permettent de poursuivre la stratégie de manœuvre de l’état-major russe, de se renouveler par des reconstitutions et rotations et ce, malgré un rapport de forces global défavorable si on tient compte des effectifs totaux ukrainiens et de leurs situations défensives avantageuses.
En dehors de la valeur combative de ses soldats et de sa supériorité technologique et logistique, la stratégie russe s’appuie sur :
• Une dispersion des corps de défense ukrainiens, par des pressions maintenues dans les secteurs importants de Kharkov, de Zaporodje et d’Odessa (sans compter Kiev qui n’est qu’à 100 km des frontières Nord) fixant loin du front en difficulté du Donbass d’importants groupes blindés,
• Des faiblesses feintes de leurs manœuvres pour amener les forces ukrainiennes à sortir de leurs bastions urbains et se risquer en terrain libre où il est plus facile et surtout moins coûteux de les vaincre. Cette tactique a été réalisé ces derniers jours sur le front de Kharkov et plus localement sur celui d’Avdeevka.
• Une écrasante supériorité des forces d’artillerie russes qui, en parallèle d’une stratégie de démilitarisation basée sur des frappes de précision visant les infrastructures militaro-industrielles en Ukraine, appliquent dans le Donbass un stratégie d’écrasement visant à à assommer physiquement et psychologiquement les bastions avant l’assaut,
• Des assauts terrestres spécialisés s’appuyant sur des moyens technologiques (drones…) et des unités de forces spéciales (FS des ministères des l’Intérieur, groupes « Wagner », « Akhmat »…) maitrisant des procédures tactiques adaptées au combat difficile dans des zones urbaines fortement défendues.
Dans ce conflit de haute intensité l’appui aérien des hélicoptères d’attaques modernes russes est décisif
dans les neutralisations des défenses ukrainiennes sécurisant les assauts sur les bastions urbains
Cette stratégie russe est destinée prioritairement à atteindre ses objectifs de combat avec le minimum de pertes humaines et matérielles et elle s’avère efficace car, bien que les forces alliées se soient lancées à la conquête des bastions urbains, dans les pires combats existant sur un champ de bataille, leurs pertes ont diminué de plus de moitié et ce malgré l’important réseau de fortifications aménagé depuis 8 ans par les forces ukrainiennes et défendu par leur meilleur corps de bataille.
Le prix à payer pour cette stratégie d’économie et de prudence ce sont les destructions malheureusement inévitables dans les villes conquises et le temps consacré à ces opérations offensives qui, de la réduction d’un bunker de tranchée à la capture d’une cave d’immeuble, pour épargner le sang, ne doit pas être compté :
Dans un combat de tranchée sur le front Nord du Donbass, un groupe d’assaut russe dans la tradition de
« ceux de 14 » progresse prudemment dans une tranchée ukrainienne, nettoyant à la grenade
et au combat rapproché les boyaux et les nombreux bunkers encore occupés par des ennemis.
À noter l’appui renseignement donné par un drone
Abordons maintenant l’évolution de la situation, particulièrement sur le front Nord du Donbass où la ligne de front bouge de plus en plus rapidement. Dans ce secteur les forces ukrainiennes sont visiblement épuisées, tant au niveau opérationnel que moral comme en témoignent de nombreux appels vidéos d’unités dénonçant l’absence d’approvisionnements et de relève humaine nécessaires pour continuer le combat.
Et cet effondrement ukrainien se déroule sur fond d’une polémique persistante quant à la stratégie à adopter par Kiev pour la suite des opérations :
- D’un côté le pouvoir politique et les factions nationalistes qui veulent s’accrocher aux bastions urbains, refusant d’abandonner le Donbass dont ils savent qu’il sera immédiatement de retour au sein de la Russie,
- De l’autre côté, l’état-major ukrainien et même certaines voix au Pentagone qui, devant la nouvelle stratégie russe qui évite l’usure de ses forces espérée initialement par eux, préconisent un retrait stratégique sur le front du Dniepr.
Vraisemblablement les forces ukrainiennes vont chercher à résister au maximum puis à se replier avant leurs encerclements définitifs pour tenter ne pas renouveler l’humiliation de Marioupol où plus de 8000 soldats ont été perdus (tués, blessés, prisonniers) pour un gain de temps somme peu rentable et qui de toute façon ne pourra pas être renouvelé, sauf peut-être dans le bastion de Kramatorsk.
Carte du secteur Nord du Donbass au 26 mai 2022
• Dans le secteur de Krasni Liman, la libération de la ville va bon train, et les forces ukrainiennes qui n’ont pas été détruites, capturées ou se sont repliées vers Slaviansk sont aujourd’hui retranchées dans l’importante zone ferroviaire dans le Sud de la cité, dont les dépôts et ateliers ont été bunkérisés.
• Dans le secteur de Popasnaya la percée russo républicaine a réussi à se rapprocher de Lisichansk au Nord, de Artemovsk, face à des forces ukrainiennes en déroute qui ont abandonné Svetlodarsk avant d’y être encerclées et tentent d’organiser une nouvelle ligne de Défense le long de la route entre Artemovsk et Lisichansk,
• Autour de Severodonetsk/Lisichansk se resserre d’heure en heure et leurs garnisons ne disposent plus désormais que d’une seule route d’approvisionnement rejoignant le bastion de Slaviansk/Kramatorsk (celle passant par Seversk) et qui est déjà sous le feu de l’artillerie russe et menacée par la percée réalisée au Sud-Est de Krasni Liman.
1- Le secteur de Krasni Liman
Krasni Liman est une petite ville (20 000 habitants avant les combats) mais d’un enjeu stratégique important car elle est la clef de voûte extérieur du dispositif de défenses ukrainien du bastion double de Slaviansk eyt Kramatorsk situé à 15 km au Sud. Bien qu’ayant atteint la banlieue Sud de Krasni Liman au début du mois, c’est par ses quartiers Nord que les forces russes vont lancé l’assaut sur la ville le 24 mai, après une massive préparation d’artillerie décisive.
En deux jours les 2/3 de la ville ont été conquis par les forces russes capturant plusieurs centaines de soldats ukrainiens et repoussant leurs derniers combattants vers le Sud, dans la zone ferroviaire formant un dernier bouclier défensif derrière lequel les unités de Kiev qui ne sont pas encerclées peuvent s’échapper par la dernière route et le dernier pont accessibles vers Slaviansk.
Le 26 mai, les drapeaux de la Russie et de la République populaire de Donetsk
sont hissés sur le bâtiment de l’administration municipale
Autour de la vllle les forces russes élargissent leur offensive aux villages périphériques comme par exemple Maslyakovka et de Goluboe Ozero qui ont été abandonnés par les occupants ukrainiens. Au Sud-Ouest de la ville, sur les collines crayeuses de Raygorodok.des batteries ukrainiennes tentent de freiner avec des tirs de barrage les progressions russes mais sont soumises immédiatement à des tirs de contre batteries qui interrompent en permanence leurs bombardements.
La bataille de Krasni Liman confirme l’écrasante supériorité de l’artillerie russe qui dans cet assaut confirme l’adage militaire « l’artillerie conquiert, l’infanterie occupe » autant que l’effondrement moral des forces ukrainiennes qui ici ont rompu très rapidement le combat préférant se rendre massivement ou s’enfuir vers le Sud.
Fuyant les bombardements et l’offensive russe des unités ukrainiennes foncent vers Slaviansk avant que
Krasni Liman ne soit totalement encerclée par la traversée de la Donets réalisée 10 km au SE, à Ozerne
Après la capture imminente de Krasni Liman les forces ukrainiennes n’auront plus que la rivière Donets pour organiser une nouvelle ligne de défense au Nord de Slaviansk mais qui risque d’être éphémère car cette coupure humide du champ de bataille qui a déjà été atteinte à de nombreux endroits dont Ozerne, ce qui menace Krasni Liman d’être encerclé sous peu, sera probablement franchie ces prochains jours.
2- Le secteur de Severodonetsk
50 km à L’Est de Krasni Liman, les forces russes et républicaines continuent leurs assauts contre le bastion double de Severodonztsk/Lisichansk dans lequel s’est retranché une garnison ukrainienne estimée à 15 000 hommes environ, aujourd’hui également répartie entre les 2 villes.
La situation des forces ukrainiennes est de plus en plus difficile car les routes menant vers l’Ouest (Slaviansk/Kramatorsk) sont aujourd’hui soit atteintes par les forces russo-républicaines soirt sous le feu de leur artillerie rendant très difficile toute ravitaillement mais aussi toute retraite de leurs bastions.
Les bombardements russo-républicains à l’instar de ceux précédant l’offensive sur Krasni Liman se sont également intensifiés sur Severodonetsk tandis que les groupes d’assaut ont déjà conquis les localités et même des quartiers périphériques au Nord et à l’Ouest de la ville.
Cependant, la libération de la ville prendra probablement plusieurs jours voire semaines car sa défense ukrainienne dispose
- d’effectifs importants (estimés à environ 8000 hommes dont plusieurs unités nationalistes) qui y ont aménagé des positions défensives solides,
- d’une surface de 30 km2 avec des structures industrielles denses dont l’usine chimique « Azot » un site sensible que j’ai présenté dans un sitrep précedent,
- d’une présence persistante de civils dans la ville, ce qui ne permet pas une destruction massive et impose d’organiser des corridors d’évacuations régulièrement.
Ici, une paire de chasseurs bombardiers russes « Sukhoï » 25 passent au-dessus de Severodonetsk
pour réaliser des frappes de précision sur objectifs
Du côté des forces ukrainiennes on observe un effondrement moral important traduit à Severodonetsk par plusieurs symptômes :
- Des vidéos d’unités adressant au président et chef d’état-major ukrainiens des plaintes concernant le manque crucial d’armes et munitions leur permettant de se battre correctement, de leur fatigue extrême due à une absence de relève depuis plusieurs semaines.
- Des désertions et redditions de soldats ukrainiens de plus en plus fréquentes dont beaucoup interviennent même avant des premiers affrontements terrestres, et les mesures répressives radicales mises en place par le commandement ukrainien pour tenter de les juguler.
Ainsi par exemple de cette 111e brigade de Défense territoriale positionnée au Sud Est de Severodonetsk avec plusieurs unités épuisées réclamant depuis quelques jours des moyens et des relèves et dont une section complète s’est rendue aux membres des forces spéciales tchétchènes du groupe « Akhmat » témoignant avoir essuyé des tirs mortels de la part de leur commandement.
Cet effondrement moral est du à l’usure des combattants, à l’arrivée de mobilisés peu motivés, à la puissance des bombardements subis et aux destructions quasi totales des précédentes garnisons encerclées lorsqu’elles résistent aux assauts comme celle de Marioupol par exemple.
Et l’encerclement du bastion de Severodonetsk/Lisichansk est sur le point d’être achevé dans une double boucle : celle de Severodonetsk qui ne disposera bientôt plus de pont la reliant à Lisichansk (2 ont été détruits et le 3ème est sous le feu de l’artillerie russe).
Le dernier pont entre les 2 villes sous les bombardements n’est déjà quasiment plus praticable par les véhicules
3- Le secteur de Popasnaya
Comme précédemment décrite dans le dernier SITREP consacré aux chaudrons en cours dans le Donbass la percée multidirectionnelle réalisée dans le secteur de Popasnaya se poursuit vers Gorlovka au Sud et Artemovsk à l’Ouest d’où les forces ukrainiennes tentent d’établir une nouvelle ligne de défense le long de la route menant vers Lisichansk et qui est déjà sous le feu de l’artillerie russe.
Dans sa direction Nord, le front de Popasnaya est en train de rejoindre celui de Severodonetsk par le contrôle de plusieurs localités dans le secteur de Zolotoe menant les avants garde à moins de 20 km au Sud de Lisichansk.
Les forces blindées ruses entrent à Komyshuvakha une ville située entre Popasnaya et Lisichansk
Dans les percées réalisées au large de Popasnaya, les progressions russes sont également précédées par des frappes réalisées avec l’aviation, l’artillerie les drones ou les missiles des forces aérospatiales russes :
Destruction de positions ukrainiennes dans le secteur de Kamyshevakha, au Nord de Popasnaya
En conclusion
La situation sur le front Nord confirme l’évolution générale du conflit russo-ukrainien avec d’un côté une pression offensive russe pratiquant une stratégie d’usure basée sue des bombardements massifs et de l’autre côté des forces ukrainiennes incapables de gagner suffisamment de temps pour permettre un renforcement de leurs ligne de défense par des relèves et des renforts humains fiables et des équipements modifiant un rapport de forces qui leu est de plus en plus défavorable.
Et dans cette situation désespérée du front du Donbass, l’état-major ukrainien ne peut même plus renforcer ses défenses par des renforts venant du secteur proche de Kharkov, car la stratégie russe ayant réussi à piéger nombre de ses forces blindées dans leur insensée cavalcade vers les frontières russo-ukrainiennes, Kiev est obligé de maintenir son corps d’armée de réserve près de cette ville stratégique (la 2ème ville d’Ukraine) à nouveau sous les feux de l’artillerie de Moscou.
Obusiers lourds russes de 203 mm 2S7 M « Malka » (portée 50 km) tirant sur les défenses de Kharkov
La libération du Donbass s’accélère donc chaque jour un peu plus et sera actée dès que les bastions de ce front Nord (Slaviansk/Kramatorsk et Severodonetsk/Lisichansk) seront tombés sous le contrôle des forces russo-républicaines.
Mais il est probable que cette bataille pour le Donbass ne soit que la deuxième phase d’un conflit bien plus long et qui risque de se poursuivre jusqu’à la capitulation inconditionnelle du régime de Kiev, l’arrêt de ses soutiens occidentaux ou son renversement par une équipe soit pro-russe soit garantissant l’indépendance géopolitique et la neutralité militaire des débris ukrainiens qui flotteront encore entre les opérations militaires russes à l’Est et la colonisation polonaise à l’Ouest…
Mais ne brûlons pas les étapes et restons sagement sur le déroulement factuel de la victoire des forces russes et républicaines dont l’efficacité opérationnelle se renforce à chaque combat réalisé !
Quand aux aides de l’OTAN aux forces ukrainiennes, il faudrait sérieusement que les occidentaux saignent un peu plus encore leurs troupeaux de contribuables car vu les moyens de retraite des forces aéromobiles ukrainiennes (qui sont parmi les mieux équipées) elles ont vraiment besoin d’être équipées de nez rouge et perruques de clowns !
« Mieux vaut en rire qu’en pleurer »
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International