Par Andrew Korybko − Le 14 mai 2022 − Source OneWorld Press
Kim est sans doute en train de se désespérer d’obtenir une aide internationale après que ses 16 lancements de missiles ont jusqu’ici échoué à attirer l’attention qu’il voulait soulever, si bien qu’il joue à présent la carte du COVID dans l’idée de s’assurer que tout le monde va finir par envisager d’aider son pays sans poser de conditions préalables.
À l’exception notable de la Chine, la plupart des pays du monde sont largement revenus à la normale pré-COVID au cours des mois récents, ce qui fait qu’il a été tout à fait inattendu de découvrir que le dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un, venait de déclarer que le virus était subitement devenu un « grand désastre » pour son pays. La BBC a également rapporté que les médias d’État ont partagé des statistiques suggérant qu’au cours des semaines récentes, un demi-million de cas suspectés se sont présentés. Nombre d’observateurs pensaient que le COVID avait déjà infiltré le « royaume ermite » depuis longtemps, malgré ses réfutations officielles jusqu’à présent, mais cela non plus n’explique pas le calendrier inattendu de cette dernière crise, que le présent article va s’employer à expliquer.
Qui ne souscrit pas au récit officiel au sujet du COVID a depuis longtemps chanté les louanges du dirigeant nord-coréen, présenté comme un héros pour avoir supposément résisté au Forum Économique Mondial, à l’Organisation Mondiale de la Santé et aux autres corps globalistes, dénoncés pour avoir politisé le virus. Cette singulière déification vient d’être discréditée, le dirigeant nord-coréen venant de reconnaître cette crise, maintenant qu’on l’a vu pour la première fois porter un masque à la télévision. Il n’est pas encore clair de savoir comment ces sceptiques pourront expliquer sa subite volte-face, mais ils doivent à tout le moins être très déçus par ce changement. L’adhésion au récit officiel sur le COVID par Kim représente la chute d’une idole de plus dans leur panthéon, et érode son soft power au sein de ces groupes.
Bien que l’on ne puisse pas en être certain, il pourrait avoir finalement décidé de montrer patte blanche au sujet de la crise de COVID dans son pays, non pas parce que le virus est en soi désormais supposé déstabiliser la société de son pays, mais peut-être en raison de facteurs économiques. La fermeture de rideau qu’a en pratique opérée la Chine en réponse à ses dernières flambées virales, dans le cadre de sa stratégie zéro-COVID, aurait pu perturber la situation dans la Corée du Nord voisine, car ce pays dépend de manière disproportionnée de la République Populaire pour sa survie. Il se pourrait que tout ait tourné mal, au point que Kim aurait pu gager qu’il valait mieux en fin de compte montrer patte blanche pour le COVID, en faisant fi de son soft power parmi les sceptiques du monde, dans une tentative désespérée de recevoir une aide internationale.
Il s’est de toute évidence employé à générer beaucoup d’attention récemment, avec les récents lancements de missiles pratiqués par son pays, mais le monde est resté trop distrait par l’opération militaire de la Russie en cours pour prêter attention à la Corée du Nord comme auparavant. En outre, les perturbations hypothétiques dans l’aide consentie par la Chine à la Corée du Nord pourraient ne pas découler directement de problèmes logistiques en lien avec la politique zéro-COVID menée par la Chine, mais pourrait constituer plutôt une réponse asymétrique, notifiant le mécontentement de Pékin des 16 lancements de missiles pratiqués par Pyongyang depuis le début de l’année 2022. Il se peut que Kim ait procédé à ces lancements de missiles afin de montrer sa force, mais également de générer de l’attention, dans l’espoir d’obtenir davantage d’aides, il peut également avoir par inadvertance contribué à la militarisation régionale.
Cela découle du fait que le Japon et la Corée du Sud ne se sentent évidemment pas à l’aise lorsque ces lancements se produisent, et avec le début d’AUKUS l’an dernier, les États-Unis disposent désormais d’une alliance anti-chinoise officielle, prête à les aider à « se défendre » s’ils lui demandent de le faire. Mais en réalité, tout soutien militaire appuyé par AUKUS à ces deux pays contribuerait également à l’objectif double qui est de « contenir » la Chine. On peut avancer que ceci aurait de toutes façons pu se produire, mais qu’en leur livrant involontairement le prétexte, Kim joue ici en faveur de leur soft power au détriment de celui de la Chine. L’AUKUS, dirigé par les États-Unis, dispose désormais de la couverture parfaite pour continuer de militariser l’Asie du Nord-Est.
Pour conclure, il est irréaliste de penser que le calendrier de la crise de COVID de la Corée du Nord découle purement de la situation épidémiologique actuelle, car il est très probablement lié à la détérioration de la situation économique du pays, elle-même reliée dans une certaine mesure à des perturbations sur les chaînes logistiques en provenance de son parrain chinois, la politique zéro-COVID pratiquée par ce voisin gelant en pratique de vastes pans de son économie. Kim désespère sans doute d’obtenir quelque aide internationale après ses 16 lancements de missiles, qui ne sont pas parvenus à attirer l’attention qu’il escomptait. Il en résulte qu’il joue désormais la carte du COVID dans l’idée de s’assurer que tout le monde finira par envisager d’apporter de l’aide à son pays, sans conditions préalables.
Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone
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