par Dominique Delawarde.
John Mearsheimer est l’un des plus grands géopoliticiens US, aujourd’hui mondialement reconnu. Il est invité à s’exprimer sur les grandes télévisions du monde entier, notamment chinoise, à l’exception notable des télévisions otaniennes. Comme le professeur Didier Raoult, il donne des conférences vidéos avec d’immenses succès d’audience pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de millions de vues, mais ses thèses ne plaisent évidemment pas à tout le monde.
• https://www.google.com/John Mersheimer
Comme Didier Raoult, John Mearsheimer a donc été l’objet de nombreuses attaques et de tentatives répétées d’ostracisation de la part de lobbies qui noyautent et tiennent, par divers moyens, les politiciens et les médias de son pays mais pas que… Cela a particulièrement été le cas lorsqu’il a osé écrire un livre au titre évocateur : « The Israel lobby and US Foreign Policy ». Ce livre a été traduit en français et publié aux éditions « La découverte ».
J’en recommande vivement la lecture intégrale, ou au moins celle des 12 lignes de la présentation de l’ouvrage par l’éditeur, que vous trouverez ici
• https://www.editionsladecouverte.fr/le_lobby_pro_israelien_et_la_politique_etrangere_americaine
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la politique étrangère US a été déterminante, jusqu’à présent, pour façonner les grands équilibres géopolitiques mondiaux, notamment depuis 1990. Et que ceux qui parviennent à influencer cette politique étrangère US de manière décisive, imposent, par procuration, leur propre politique et la défense de leurs intérêts au reste du monde.
Israël est incontestablement, aujourd’hui, dans cette position d’influenceur fusionnel avec les hommes et femmes politiques américains qu’il contribue à porter au pouvoir, grâce à l’AIPAC (America Israel Public Affairs Committee). Il a une vision de long terme que je qualifierai de stratégique. Ses objectifs stratégiques sont poursuivis par tous les premiers ministres qui se succèdent depuis la création de l’État. Il y a bien sûr cette quête de l’« Eretz Israël », mais il y a aussi, quelque part, ce soutien constant au globalisme et à l’unipolarité sous hégémonie US, qui lui permet de jouer les premiers rôles grâce à l’action efficace d’une partie fortunée de sa diaspora, organisée et instrumentalisée en outil d’influence.
Bien sûr, Israël est capable, pour des actions de court terme, de faire des alliances « tactiques » contre nature pour parvenir à ses fins. Il peut conclure une alliance temporaire avec Daech pour abattre Bachar al-Assad. Il peut s’accorder sur certains points, avec la Russie, sur le théâtre syrien. Mais fondamentalement, la Russie n’est pas vraiment un ami/allié d’Israël, beaucoup plus proche des USA et de l’OTAN. Trop d’éléments à valeur « stratégique » séparent la Russie et Israël.
Aujourd’hui, je vous donne mon analyse sur le rôle d’Israël dans le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie de Septembre 2020. Elle a été rédigée en Janvier 2022 et datée du 31 janvier, avant l’opération spéciale russe en Ukraine. Elle ne va pas plaire à tout le monde et me vaudra sans doute quelques accusations de « complotisme ». Mais c’est le prix à payer pour faire apparaître des vérités peu connues du grand public et cette première analyse fera peut être réfléchir certains d’entre vous sur ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine et sur la colère récente exprimée par la diplomatie russe à l’égard d’Israël.
Bonne lecture. Dominique Delawarde
PS – Un État voyou vient d’assassiner son 55ème journaliste, une femme travaillant pour la chaîne Qatari Al Jazeera, le 11 mai 2022 : devinez lequel ? En avez vous entendu parler avec insistance ?
Réponse de mon ami Ahmed Bensaada, Docteur en physique, chercheur à l’École polytechnique de Montréal,
• https://www.ahmedbensaada.com/irequiem-pour-shirine
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Le Rôle d’Israël dans le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie de Septembre 2020
On ne peut éclairer, comprendre, expliquer et décrire le rôle joué, le plus souvent en coulisse, par Israël, dans le conflit ayant opposé l’Azerbaïdjan à l’Arménie en Septembre 2020, sans se référer à la courte histoire de l’État hébreu moderne, sans prendre du recul et replacer les évènements dans les cadres plus larges des géopolitiques régionale et mondiale.
À l’analyse, il apparaît clairement que ce rôle a été déterminant dans le déclenchement, le déroulement et le résultat, encore provisoire, du conflit et qu’il a été parfaitement cohérent avec les objectifs et les priorités de court, moyen et long termes d’Israël et, à bien des égards, de son allié le plus puissant et le plus proche : les USA.
Cet éclairage, destiné à ceux qui ne s’arrêtent pas à l’écume des choses et aux apparences, est l’objet des lignes qui suivent. Il permet de conclure que ce conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie est loin d’être terminé et qu’il connaîtra probablement de nouveaux rebondissements dans les années ou les décennies à venir.
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Le contexte historique explique, pour une large part, les objectifs, les priorités et les modes d’action de l’État hébreu
Il faut se souvenir que le vote de la résolution 181 des Nations unies sur le plan de partage de la Palestine et la reconnaissance d’un État juif n’a été obtenu, le 29 novembre 1947, qu’après plusieurs tentatives infructueuses dont la première datait de septembre 1947.
Les votes favorables n’étant pas suffisants en septembre et toujours pas le 25 novembre 1947, le Yichouv représentant le mouvement sioniste en Palestine, a fait appel à la riche communauté juive américaine et en particulier à la « Zionist Organization of America (ZOA) » pour faire pression sur le gouvernement US afin qu’il incite certains États membres de l’ONU, en situation de dépendance, à changer leur vote.
Cet appel a porté ses fruits puisque 8 états (dont la France, fortement dépendante du plan Marshall) ont changé leur vote en quatre jours, entre le 25 et le 29 novembre 1947 permettant, enfin, la reconnaissance de l’État d’Israël. Notons, pour l’anecdote, que le nouveau président du Conseil français, Robert Schuman, mis en place le 24 novembre 1947, était très lié aux américains et à la cause atlantiste, ce qui explique, en large part, le changement de vote de la France.
Cette reconnaissance d’Israël s’est donc faite dans la difficulté et grâce à l’action et à la pression d’un lobby sioniste US, puissant et efficace : la ZOA. Les guerres israélo-arabes qui ont suivi (1948 ; 1956 ; 1967 ; 1973) ont ponctué plusieurs décennies d’antagonismes au Proche et Moyen-Orient.
Israël a donc compris, dès le jour de sa création, à la suite de cette première réussite dans l’instrumentalisation de la communauté juive américaine, tout l’intérêt d’organiser et de cultiver sa relation avec les États Unis, pays surpuissant, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU avec droit de veto.
Israël a également compris qu’il lui faudrait se battre pour assurer sa survie, renforcer un État encore fragile, et que le succès du projet sioniste (Eretz Israël) ne serait pas obtenu en restant isolé mais, au contraire, qu’il pourrait être atteint en élargissant sans cesse le cercle de ses alliés et de ses soutiens sur l’ensemble de la planète.
Israël a enfin et surtout compris le rôle immense que pouvait jouer sa diaspora et le pouvoir d’influence qu’elle pouvait exercer à son profit, pour peu qu’elle soit organisée et « prise en main », dans tous les pays où cette diaspora existe, en commençant, bien sûr, par les plus puissants d’entre eux. C’est ce qu’a fait l’État hébreu en imaginant et en réalisant le très efficace système des sayanim agissant au quotidien sous le patronage du MOSSAD. Ce système a été clairement expliqué par Jacob Cohen dans sa conférence de Lyon de 2012.
Israël a donc obtenu, au fil du temps, en organisant et en instrumentalisant la partie la plus puissante et la plus riche de sa diaspora, des soutiens et un pouvoir d’influence sans égal au niveau planétaire.
Ce pouvoir d’influence est, sans conteste, plus important pour assurer la place d’Israël dans la géopolitique mondiale, que la détention de l’Arme nucléaire
Dès 1951, l’AIPAC (American Israel Public Affairs Comittee), principal outil d’influence d’Israël sur le gouvernement des États-Unis, est créé.
Il est important de noter que ce très puissant lobby est riche, bipartisan et plutôt transparent.
Après plus de 70 ans d’existence, il est particulièrement efficace, tant chez les démocrates que chez les républicains. Il ne cache pas grand-chose de ses objectifs et de ses méthodes. C’est peut être, en partie, ce qui fait sa force.
Ce lobby est très actif dans la politique étrangère américaine. Il a été moteur dans la création du Think Tank néoconservateur « Project for a New American Century » qui a fonctionné de 1997 à 2006 et dans la promotion des idées néoconservatrices et mondialistes qui imprègnent encore aujourd’hui l’État Profond US et qui restent toujours dominantes dans la politique étrangère US.
Il est également important de noter qu’au travers des donations aux candidats aux élections de tous niveaux, l’AIPAC « achète » évidemment le vote du parlementaire élu grâce à son aide, ou la position de politique étrangère du président des États-Unis élu grâce aux donations de ses membres, ou des postes clefs de conseillers dans la haute administration de l’exécutif US, notamment dans la politique étrangère, dans le secteur de la défense et dans le renseignement.
Ce noyautage progressif de l’exécutif américain par des membres de la diaspora dont l’allégeance au projet sioniste et, dans une certaine mesure, à la gouvernance israélienne, ne fait aucun doute, pour ceux qui examinent avec attention la fréquentation du Congrès annuel de l’AIPAC à New York. Il donne des résultats surprenants.
C’est ainsi qu’en février 2022, chacun peut constater que le secrétaire d’État américain (ministre des affaires étrangères) Anthony Blinken, que la secrétaire au Trésor US (ministre des Finances, qui propose et concocte les sanctions économiques contre l’Iran, la Syrie ou la Russie, entre autres) Janet Yellen, comme tous ses prédécesseurs d’ailleurs, sont membres de la diaspora pro-Israël ; que le procureur général des États Unis (ministre de la Justice) Merrick Garland, que le secrétaire à la Sécurité Intérieure, Alejandro Mayorkas, sont également membres de la diaspora.
Et nous n’évoquerons pas, ici, les conseillers directs du président US où le noyautage, encore plus efficace, des services de Renseignement (CIA, NSA…) et leurs relations, désormais fusionnelles, avec le Mossad israélien.
Ce noyautage des exécutifs, mais aussi de tous les centres de pouvoir (médias, finance, économie, justice, renseignement), a été entrepris, à l’identique, dans divers grands pays (Royaume Uni, France, Canada, Australie, etc…) mais aussi dans différents pays d’Amérique du Sud (Brésil, Colombie, Vénézuela entre autres). Il n’est pas rare, dans ces pays, d’entendre des déclarations enflammées d’hommes politiques ambitieux, exprimant « leur attachement indéfectible à l’État d’Israël » ou annonçant le transfert de leur ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem en cas de succès électoral (Bolsonaro, Juan Guaido, …). Ils cherchent tout simplement à s’assurer du soutien des médias et de généreux sponsors … de la diaspora pro-Israël.
Il n’est pas rare non plus de retrouver l’empreinte de la diaspora dans des opérations de « changement de régime » sur divers continents, lorsque la politique des régimes en place ne convient pas à Israël (ou à son allié US). Ces changements de régime réussissent parfois.
Le mieux « documenté » reste le cas brésilien : superbe opération concoctée et réalisée sous la direction de Ricardo Lewandovski, président du Tribunal suprême et surtout membre actif et efficace de la diaspora pro-Israël. La coordination parfaite de l’action des parlementaires, des médias et des juges corrompus ont permis d’éliminer deux adversaires d’Israël (Dilma Roussef et Lula) au profit de Bolsonaro qui promettait de transférer son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem et qui a réservé son premier voyage officiel, quelques jours après son investiture, à l’État hébreu, en remerciement des services rendus.
Le cas ukrainien est également bien documenté (révolution de Maïdan concoctée et conduite par Victoria Nulland, membre très active de la diaspora pro-Israël US. Notons pour l’anecdote, que l’homme qui a porté Zelensky au pouvoir est le milliardaire Igor Kolomoisky, propriétaire d’une chaîne de télévision, mais surtout membre de la diaspora, que Zelensky est lui même membre de la diaspora, et que le premier ministre choisi lors de son accession au pouvoir Volodymyr Hroïsman était lui aussi, membre de la diaspora … (Il a changé depuis).
Mais ces opérations échouent parfois (Syrie, Venezuela, Biélorussie, Kazakhstan…). Qu’à cela ne tienne, Israël, via sa diaspora, et son allié US remettront le couvert autant de fois qu’il sera nécessaire pour arriver à leurs fins. Les projets sioniste et mondialiste, désormais « fusionnels », s’inscrivent dans le temps long…
L’Azerbaïdjan, allié de longue date et d’intérêt stratégique majeur pour Israël
POURQUOI Israël est il intervenu, en coulisse, aux côtés des Azéris et donc contre l’Arménie ? Et POURQUOI en Septembre 2020 ?
Quatre raisons, au moins, peuvent expliquer cette intervention israélienne qui a été aussi efficace que discrète.
1- L’Azerbaïdjan est, historiquement, un des berceaux du nationalisme juif et du sionisme
La communauté juive y est toujours restée influente et moins persécutée qu’elle a pu être ailleurs dans l’empire russe avant 1917 et en ex-Union soviétique jusqu’en 1990. Des relations commerciales et amicales se sont établies depuis plusieurs décennies entre le jeune État d’Israël et les gouvernances azéries.
• « The Zionist Movement in Azerbaijan – History – Visions of Azerbaijan Magazine »
Une part très importante et la plus sophistiquée de l’armement azéri est d’origine israélienne. Il faut rappeler que l’Azerbaïdjan est le premier pourvoyeur de pétrole d’Israël et lui fournit 40% de ses besoins. Cela suffirait presque à expliquer l’alliance de fait, entre les deux pays, alliance basée, en partie, sur une sorte d’échange « pétrole contre armement et conseillers militaires ».
• https://www.jpost.com/video-shows-azerbaijan-using-israeli-lora-missile-in-conflict-with-armenia
2- Le plus grand ennemi d’Israël en 2022, et pour les années à venir, est incontestablement l’Iran
C’est le seul qui puisse encore constituer une opposition crédible, voire une menace pour l’accomplissement du projet sioniste. Les forces Armées israéliennes se doivent donc pour intimider ou dissuader l’Iran, de planifier une frappe aérienne stratégique préemptive capable de neutraliser, en premier et par surprise, les forces vives de l’adversaire comme elles l’ont toujours fait dans les guerres précédentes qu’elles ont menées.
Compte tenu des distances auxquelles doivent s’appliquer les frappes, de l’autonomie des avions et de la nécessité d’embarquer un maximum d’armement pour être efficace (donc moins de carburant), Israël doit pouvoir disposer, le cas échéant, d’un maximum de bases amies à proximité de l’Iran pour permettre un ravitaillement quasi indispensable de ses appareils en vue d’assurer leur vol retour.
En soutenant en septembre 2020 une opération militaire azérie contre l’Arménie, Israël s’est « acheté » pour l’avenir, un soutien de réciprocité, dans une éventuelle attaque aérienne en premier contre l’Iran.
Pays frontalier de l’Iran, l’Azerbaïdjan est parfaitement situé pour accueillir, après leur éventuelle frappe, des avions désarmés de l’État hébreu pour une opération de ravitaillement carburant. Notons que, bien qu’il s’en défende, l’Azerbaïdjan est probablement déjà le pays refuge d’où partent les commandos menant, contre l’Iran, des attaques ciblées, commanditées par Israël, visant des installations, des institutions ou des individus (assassinats ciblés de savants spécialisés dans le nucléaire, par exemple).
Cette attaque aérienne stratégique préemptive dont Israël menace périodiquement l’Iran, mais à laquelle les USA sont opposés, pour l’instant, n’aura peut être jamais lieu, mais le simple fait de la planifier de manière crédible, relève déjà de la dissuasion.
• http://www.slate.fr/israel-and-azerbaijans-furtive-embrace
On peut ajouter qu’en soutenant, aux frontières de l’Iran, un conflit impliquant la Turquie et des djihadistes sunnites, Israël crée un abcès de fixation et un nouveau sujet de préoccupation qui allègent d’autant les forces iraniennes engagées sur les fronts irakien et syrien. Ceci ne peut déplaire à l’allié US, engagé militairement dans la région, et dont la diplomatie et la presse mainstream sont majoritairement contrôlées par des sayanim.
3- L’Azerbaïdjan, frontalier de la Russie est aussi l’un des pays, dont les USA et l’OTAN cherchent à s’attacher la gouvernance pour parfaire l’encerclement de l’adversaire désigné, et l’extension à l’Est de la coalition occidentale, initiés dans les années 90.
Après les succès déjà anciens des prises de contrôle des pays baltes et celui plus récent de l’Ukraine, après les tentatives de déstabilisation de la Géorgie, de la Biélorussie, du Kazakstan, du Kirghizistan, les USA et l’OTAN espèrent aussi, bien sûr, avancer leurs pions en Azerbaïdjan et en Arménie.
Ce sont donc la Turquie et Israël qui ont joué, sans le revendiquer, et en toute discrétion pour Israël bien sûr, la partition des USA et de l’OTAN, aux côtés de l’Azerbaïdjan, dans le conflit contre l’Arménie.
Toute nouvelle déstabilisation aux frontières de la Russie avec, en prime, l’importation de mercenaires djihadistes, ajoute un problème supplémentaire à résoudre pour la gouvernance russe. Ce problème s’ajoute à tous les autres (Ukraine, Biélorussie, Géorgie, Kazakstan, Kirghizistan, Syrie, Afrique, Amérique du Sud…). Ce harcèlement permanent sur ses frontières occidentales, sous les formes les plus diverses, incluant notamment les discours toujours plus russophobes de l’occident et la guerre sans fin faite à la réalisation du North Stream 2, conduit évidemment la Russie à se sentir menacée et à exiger désormais des assurances écrites garantissant sa sécurité.
4- Mais l’Azerbaïdjan et ses alliés turcs et israéliens ont aussi profité de l’opportunité offerte par les Arméniens eux mêmes
L’Arménie est un petit pays, à peine plus étendu qu’Israël, avec 30 000 km² contre 22 000 km². Mais c’est un pays 3 fois moins peuplé (3,2 millions d’habitants contre 9,2 millions pour Israël).
Comme Israël, l’Arménie est soutenue par une diaspora influente en occident et le peuple arménien a souffert d’une histoire tourmentée au siècle dernier (génocide arménien). Cette diaspora est plus nombreuse que la population du pays, aussi bien pour l’Arménie que pour Israël.
Le pire qui puisse arriver à un petit pays, peu peuplé, c’est de voir sa population se diviser car la division affaiblit le pays tout entier et le rend beaucoup plus vulnérable à des agressions extérieures. La division, quand elle survient, ouvre donc une fenêtre d’opportunité à un agresseur éventuel.
Or, de mars à mai 2018, une révolution qualifiée de « douce » ou « de velours », vient diviser les élites et le peuple arméniens. Nikol Pachinyan, un député d’opposition proche des américains, prend la tête de la révolution et le contrôle de la rue, obtient la démission du premier ministre et se fait élire à sa place.
Les États-Unis et leur allié israélien ont-ils joué un rôle direct ou indirect dans cette révolution « douce » de la rue qui a abouti à la mise en place d’une gouvernance plus favorable à l’occident ? Ce n’est pas improbable si l’on veut bien considérer que les USA entretiennent en Arménie la plus vaste ambassade au monde, ambassade qui emploie 2500 personnes, ce qui est énormissime pour un aussi petit pays et si l’on veut bien considérer aussi que l’on retrouve les empreintes des USA et de leur allié israélien dans de nombreuses opérations de changement de régime (ou tentatives) et dans les désordres de rue qui les ont précèdé. (Europe de l’Est, Afrique du Nord, Moyen orient, Amérique du Sud, mais aussi Asie (Iran, Hong Kong)…
Il est clair que cette division du peuple arménien qui l’a affaibli, a ouvert une fenêtre d’opportunité au président Alyev pour prendre sa revanche et lancer l’opération de reconquête des territoires perdus en 1994.
Il ne fait guère de doute qu’Alyev ne s’est pas lancé dans cette opération sans les conseils et le soutien de son allié israélien et sans la garantie d’une certaine forme de neutralité de la communauté internationale (USA-UE). Alyev, bien conseillé, a également compris que la Russie, irritée par l’évolution pro-occidentale de la gouvernance Pachinyan, prendrait probablement du temps avant d’intervenir et ferait payer à Pachinyan et à l’Arménie le prix de leur penchant pro-occidental. C’est exactement ce qui s’est produit.
Comment Israël a-t-il aidé concrètement son allié azéri ?
À l’analyse, trois contributions israéliennes se sont avérées décisives.
1- La fourniture d’un armement sophistiqué puisé dans la vaste panoplie utilisée avec succès contre les palestiniens. Il s’est agi d’armes létales susceptibles de s’affranchir des difficultés du terrain et visant à terroriser les populations civiles et les combattants pour les pousser à céder du terrain, voire à fuir sans combattre : missiles, drones mais aussi bombes au phosphore, interdites par les convention de Genève, bombes que les israéliens ont coutume d’utiliser, en toute impunité, dans leurs attaques aériennes périodiques contre l’enclave de Gaza.
2- Conseils et Entraînement : Conseiller Alyev sur l’opération, sa planification et sa chronologie a été chose facile pour des israéliens quasi-directement « branchés », par l’intermédiaire des sayanim de sa diaspora, sur la CIA et la NSA, sur le département d’État Américain, l’Ambassade US en Arménie, les ministères des Affaires étrangères des grands pays de l’UE et même celui de la Russie. Aucun pays au monde n’aurait pu apporter à l’Azerbaïdjan une telle supériorité dans le domaine du renseignement et lui permettre d’anticiper dans tous les domaines.
Quant à l’entraînement des troupes en amont de l’opération, les israéliens ont pu transmettre aux azéris et peut être même aux turcs et aux djihadistes sunnites, leurs savoirs-faire largement éprouvés et perfectionnés depuis des décennies contre les révoltes palestiniennes et visant, là encore, à terroriser l’adversaire pour n’avoir pas à le combattre. Pactiser avec le diable djihadiste, comme il l’a déjà fait en Syrie, n’est pas un problème pour l’État hébreu. Seul le résultat compte.
3- Guerre de l’information
La guerre de l’information, toujours essentielle dans ce gente de crise, a été conduite à deux niveaux.
– Au niveau régional, des vidéos sordides mettant en scène des djihadistes syriens, des turcs ou même des soldats azéris, et destinées à terroriser les populations pour les inciter à fuir, ont circulé très vite sur les réseaux sociaux azerbaïdjanais et ont été portées à la connaissance de l’adversaire arménien. L’objectif a été atteint.
– Au niveau International
Gagner la guerre de l’information a été, peut être, la plus belle réussite d’Israël dans son soutien à l’Azerbaïdjan.
Il s’est d’abord agi de faire en sorte que les médias occidentaux, qui font l’opinion mondiale, ne prennent pas fait et cause pour la petite Arménie agressée par l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie et des mercenaires djihadistes syriens. Il fallait que ces médias restent le plus discrets possible sur cette affaire et contrecarrer les efforts de la diaspora arménienne pour en faire parler.
Il fallait aussi construire le narratif le moins défavorable possible à l’Azerbaïdjan. Ce narratif pouvait noircir les djihadistes, voire les turcs, mais surtout ne jamais évoquer le sinistre rôle d’Israël en coulisse, et encore moins l’implication indirecte des USA.
Grace au contrôle quasi total des grands médias de la coalition occidentale, la diaspora pro-israélienne l’a emporté sur une diaspora arménienne moins bien organisée pour conduire ce type de guerre de l’information. C’est incontestable.
Lancer dans un article une telle affirmation du contrôle des médias occidentaux par une diaspora pro-Israël peut conduire très vite à un procès en sorcellerie.
Pour faire taire d’éventuels détracteurs, voici une anecdote que rapporte Wikipédia :
« Ian Robert Maxwell, né Ján Ludvík Hyman Binyamin Hoch le 10 juin 1923 à Solotvyno et mort le 5 novembre 1991 en mer au large des îles Canaries, était un homme d’affaires, magnat de la presse écrite britannique et membre du Parlement du Royaume-Uni. Maxwell a été enterré au cimetière juif du Mont des Oliviers à Jérusalem, en Israël, lors de funérailles auxquelles participaient notamment le président Chaim Herzog, le Premier ministre, Yitzhak Shamir et six actuels ou anciens chefs de services secrets israéliens (MOSSAD) ».
Questions naïves :
Pourquoi un tel niveau de représentation aux obsèques, en Israël, d’un magnat de la presse et membre du parlement britannique et surtout pourquoi autant d’actuels ou d’anciens chefs du MOSSAD étaient-ils présents à ces obsèques ?
Quels éminents services monsieur Maxwell a-t-il rendu au MOSSAD pour mériter une telle reconnaissance et une telle assistance à ses funérailles ?
Monsieur Drahi, magnat de la presse française, écrite et télévisuelle, aura-t-il, lorsque son tour viendra, l’honneur d’une assistance de même niveau ?
Le récit promu par Israël sur le conflit Azerbaïdjan-Arménie l’a donc emporté. Les narratifs alternatifs ont été occultés par la presse ou les télévisions mainstream occidentales qui n’ont pas cherché à savoir ce qui se passait vraiment sur le terrain, au Haut Karabagh.
Preuve en est qu’Anne Laure Bonnel, reporter de guerre française, a été la seule à se rendre sur place pour enquêter en décembre 2020. Son excellent documentaire et ses images vidéos ne correspondant pas au narratif acceptable par des télévisions françaises « sous contrôle », a été refusé, balayé d’un revers de main… Elle a dû le faire paraître sur une plateforme alternative sous le titre : « Silence sur le Haut Karabagh ». Ce documentaire de 52 minutes est présenté sur le lien ci après :
• https://www.facebook.com/silence-dans-le-haut-karabagh
et en version complète sur le site :
• https://www.spicee.com/silence-dans-le-haut-karabagh
Conclusion
Le rôle d’Israël dans cette crise a été largement sous estimé. Comme à son habitude, cet État a su agir en coulisse de manière très efficace, en instrumentalisant les uns et les autres, sans jamais apparaître au premier plan.
Dans cette affaire Israël a joué deux partitions : la sienne qui consiste à préparer les conditions indispensables à une éventuelle frappe aérienne contre son ennemi iranien en achetant un futur soutien azéri, mais aussi celle des USA et de l’OTAN qui consiste à créer toujours plus d’instabilité sur les frontière occidentales de la Russie pour la mettre en difficulté.
En dépit du cessez le feu et de la solution de compromis imposés par les Russes, il est très peu probable que le statu-quo soit durable. En fait, il ne satisfait aucune des parties. À l’échelle régionale, Israël continuera, pour sa part, à entretenir les meilleures relations avec l’Azerbaïdjan pour s’assurer de sa coopération et de sa loyauté dans ses éventuelles opérations militaires à venir contre l’Iran.
À l’échelle de la planète, Israël, allié fidèle des USA et soutien de l’idéologie néoconservatrice et mondialiste promue par la part la plus riche et la plus puissante de sa diaspora US, poursuivra, en coulisse, sa coopération avec les USA et l’OTAN, et participera, dans l’ombre, aux tentatives de déstabilisation d’une Russie trop « souverainiste » à son goût. Elle relancera, au moment opportun, la crise entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, source de déstabilisation aux frontières de la Russie. Relire à cet égard l’article de 2017
À en croire les rapports des médias mainstream occidentaux, très discrets sur cette crise, ce serait la Turquie et ses mercenaires djihadistes venus de Syrie, qui auraient joué les premiers rôles en soutien des Azéris, la Russie venant mettre un terme aux hostilités en imposant un compromis. Le rôle essentiel d’Israël, et, à un moindre degré, celui des USA ont été sciemment minimisés, voire occultés. Chacun est libre de le croire.
Mais d’autres peuvent considérer, non sans raisons, qu’Israël a joué le premier rôle dans cette opération qui était tout sauf spontanée et dont le déroulement semble avoir été soigneusement planifié ; que c’est sur son conseil qu’Alyev a déclenché son opération de reconquête ; que ce sont ses armes et ses méthodes qui ont été utilisées par la coalition pro-azérie pour l’emporter sur le terrain, et que c’est Israël qui a contribué de manière décisive à ce qu’on peut qualifier de victoire dans la guerre de l’information, en instrumentalisant la partie de sa diaspora qui contrôle les grands médias occidentaux. Le narratif médiatique construit autour de cette crise l’a été en occultant le rôle joué par des acteurs de premier plan (Israël, USA) et en mettant en avant la Turquie et ses mercenaires djihadistes qui ont peut être été, eux mêmes, instrumentalisés dans cette affaire.
Face à la diaspora pro-Israël, la diaspora arménienne n’a pas fait le poids pour gagner la bataille de l’opinion.
Dominique Delawarde
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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