La situation militaire dans le Donbass commence à se préciser et, à part le secteur de Kharkov évoqué précédemment nous observons :
• des forces russo-républicaines continuent une stratégie de bombardements et de manœuvres pour créer des corridors de contournements des zones urbaines où se sont retranchées les forces ukrainiennes.
• des forces ukrainiennes quant à elles continuent une stratégie d’attrition à partir des villes transformées en bastions reliés en eux par différentes lignes de défense cherchant à retarder au maximum leurs encerclements.
Le Donbass est devenu la priorité pour les deux états-majors s’affrontant, car autant pour Kiev que Moscou, il est à à fois le terreau de ce conflit russo-ukrainien semé il y a 8 ans par l’agression ukrainienne contre les populations de Donetsk et Lougansk et théâtre d’opérations où se trouve le corps de bataille le plus important des forces ukrainiennes et aujourd’hui également celui des forces russo-républicaines. L’issue de ce conflit dépend en grande partie de l’issue de cette bataille pour le Donbass qui désormais se concentre sur les secteurs de Kramatorsk et Donetsk.
Ce rapport militaire est consacré à la situation militaire sur le front de Donetsk où le front ukrainien, après celui de Kramatorsk 100 km au Nord, est aussi en train de craquer. Le dispositif ukrainien enserrant au Nord et à l’Ouest le secteur de Donetsk jusqu’à ses périphéries urbaines s’appuie sur Marinka au Sud-Ouest et Avdeevka au Nord, deux localités « bunkérisées » depuis 8 ans et contrôlant les voies de ravitaillement venant de Dnipropetrovsk à l’Ouest ou Kramatorsk au Nord.
Char du bataillon républicain Somali détruisant des bunkers ukrainiens sur le front entre Avdeevka et Yasinovataya
Cette ligne de front de Donetsk qui, initialement, avait été relativement préservée pour permettre son encerclement large par le Nord et le Sud du Donbass est en train de devenir une seconde priorité pour les forces russo-républicaines défendant la capitale de la République Populaire de Donetsk, et pour plusieurs raisons :
- Les bombardements meurtriers ukrainiens sur les quartiers résidentiels de Donetsk, Makeevka et Yasinovataya s’intensifient, tuant et blessant chaque jour des civils,
- Nombre d’unités de choc qui étaient fixées dans le Sud autour de Marioupol sont désormais disponibles pour mener des attaques terrestres sur Marinka et Avdeevka,
- Dans la stratégie de manœuvre d’encerclement menée par l’état-major russe dans le Donbass, il est nécessaire de « fixer » ses forces ukrainiennes dans leurs positions,
Voilà pourquoi, en parallèle des bombardements russo-républicains réalisés jour et nuit par les obusiers, les lance roquettes multiples, les chasseurs bombardiers et les missiles, et destinés à affaiblir au maximum les défenses ukrainiennes de Marinka et Avdeevka (destruction de bunkers, dépôts, blindés et pièces d’artillerie), des opérations terrestres audacieuses ont été engagées contre les défenses extérieures de ces 2 villes pour repousser leur artillerie bombardant les populations civiles et resserrer leur encerclement.
De son côté, l’état-major ukrainien montrant bien qu’il n’a pas l’intention de se replier vient d’envoyer en renfort sur le front de Donetsk environ 15 000 hommes pour compenser les pertes subies et tenter de renforcer ses lignes de défense et leurs points d’appui urbains.
À noter que la majorité de ses 15 000 hommes sont des unités des forces territoriales qui sont officiellement destinées à remplacer les forces régulières sur les block-posts, les lignes et les bases arrières pourr permettre à ces dernières de renforcer la ligne de contact. Mais dans plusieurs secteurs on constate que ces territoriaux, moins bien entrainés que les réguliers sont déjà engagés dans des combats avec les forces russes et républicaines.
Carte générale du secteur de Donetsk
Vers une guerre d’usure
Du côté de l’état-major russe, l’idée d’un grand chaudron enveloppant la totalité du corps de bataille ukrainien (secteurs de Donetsk, Krasnoarmeïsk, Severodonetsk, Kramatorsk) dans une jonction Sud-Nord (Marioupol/Izioum) à l’Est du Dniepr semble avoir laissé la place à une stratégie séquentielle de plusieurs chaudrons plus petits à partir de percées mieux sécurisables car plus petites.
Cette stratégie prudente de l’état-major russe pour le Donbass est certainement commandée par :
• La volonté russe de ne pas déployer en Ukraine un corps de bataille trop important, ce qui affaiblirait les défenses des autres frontières occidentales russes menacées par une internationalisation en cours du conflit par l’OTAN (aides militaires, déploiement de forces occidentales en Pologne, Roumanie et baltes, volonté d’intégrer la Finlande frontalière dans l’alliance…) et précipiterait une mobilisation en Russie (qui selon moi est inévitable).
• La résistance des forces ukrainiennes qui réussissent, malgré leurs pertes grandissantes, à mener une guerre d’attrition depuis leurs bastions urbains, grâce à un combativité non négligeable et surtout des aides occidentales démesurées qui, rien que pour les 2 premières semaines de mai ont fourni à Kiev environ 200 chars de combat, 400 véhicules de combat d’infanterie et plus de 150 pièces d’artillerie lourde.
Priorité 1 : Le front de Severodonetsk
Aujourd’hui le front prioritaire de l’état-major russe est tojours le Nord du Donbass, entre Izioum et Lisichantsk (face aux secteurs de Kramatorsk et Severodonetsk), avec un extension dans le secteur de Popasnaya (Ouest Lougansk).
- Dans cette région les forces russes se concentrent aujourd’hui sur l’encerclement des villes siamoises de Severodonetsk et Lisichansk dans des combats très violents pour le contrôle de la rivière Donetsk en train de devenir une nouvelle ligne de front et sur les berges de laquelle tour à tour les russes comme les ukrainiens essuient des revers importants.
De leur côté les forces ukrainiennes misent sur leur capacités de résistance urbaine ainsi que sur celles des moyens d’artillerie livrés par l’OTAN et de l’assistance du renseignement militaire étasunien. Ainsi par exemple, les unités russes qui encercleraient Severodonetsk/Lisichansk par l’Ouest se retrouveraient sous les feux des 155mm occidentaux renforçant les artilleries de Slaviansk et Kramatorsk, renseignées par les satellites étasuniens.
Priorité 2 : Le front de Donetsk
Dans le secteur de Donetsk, la situation sur la carte reste globalement inchangée.
Les villes de Marinka et Avdeevka forment aujourd’hui les points d’appui défensifs de la ligne de front ukrainienne du secteur de Donetsk, organisés depuis 8 années autour de réseaux importants de champs de mines, tranchées, bunkers (et encore renforcés depuis 3 mois), et qui rendraient trop coûteuses des attaques frontales.
Les forces russo-républicaines ont donc engagé une érosion des défenses extérieures de ces deux points d’appui ukrainiens à partir desquels Kiev maintient une pression quotidienne de bombardements meurtriers contre les populations de Donetsk, Makievka et Yasinovataya.
Dans ce secteur, les combats sont particulièrement difficiles car ils se déroulent soit en zone urbaine soit dans des réseaux de tranchées et bunkers, et les progressions se font mètre par mètre et très lentement pour éviter des pertes importantes.
Dans les tranchées, attaque à la grenade d’une position ukrainienne par un groupe d’assaut russe
Marinka
Au Sud-Ouest de Donetsk les forces russo-républicaines ont engagé à la fois des bombardements augmentés sur les défense solidement implantées sur la façade Est de Marinka et une offensive au Sud de ce bastion ukrainien pour le contourner et à terme l’encercler.
• En avril, la 100e brigade républicaine avait réussi à prendre pied dans des faubourgs pavillonnaires à l’Est de cette ville désertée par plus de la moitié de ses 10 000 habitants, mais au prix de lourdes pertes et plusieurs rues avaient été à nouveau perdu dans des contre-attaques ennemies,
• Depuis 2 semaines la priorité a été donnée à l’encerclement par le Sud de Marinka, et à cette fin des combats importants se déroulent à l’initiative des russo-républicains, pour le contrôle de Velika Novosilka et Vougledar qui sont les verrous de la ligne de front au Sud de ce bastion ukrainien.
Pour le moment les forces ukrainiennes restent solidement accrochées à leurs lignes de défense mais dans une usure que ne réussissent pas à compenser les quelques renforts et aides logistiques réussissant à rallier le front en évitant les bombardements.
Avdeevka
Avdeevka est une ville plus importante que Marinka, tant par sa population (près de 40 000 personnes, dont 50% ont quitté la ville), son étendue (29 km2), ses structures industrielles (la plus grande cokerie d’Europe), qui rendent plus difficile une assaut frontal sur ce bastion ukrainien au Nord de Donetsk.
• Comme pour Marinka, les forces russo-ukrainiennes un contournement du secteur cette fois par le Nord et qui aujourd’hui se concentre devant Kamienka, un point d’appui important du front au Nord d’Avdeevka. Le village de Novoselivka 2 situé dans ce secteur a été conquis, poursuivant ainsi la manœuvre d’encerclement d’Avdeevka.
Afin d’entraver la progression des forces russo-républicaines contournant Avdeevka via Kamienka, les Ukrainiens
ont fait sauter le barrage de la retenue d’eau située au Nord de la ville pour inonder le terrain limitrophe
• Des bombardements importants sur les défenses ukrainiennes sont également en augmentation notamment le long de la 4 voies entre Avdeevka et Yasinovataya,
Ici, le travail des chasseurs bombardiers russes Sukhoï 25 sur des positions
fortifiées ukrainiennes autour de la ville d’Avdeevka
Mais c’est sur les défenses extérieures Sud du bastion d’Avdeevka que se déroulent depuis cette semaine les combats les plus violents et notamment sur le village de Peski, à côté des ruines de l’aéroport international de Donetsk.
Peski
Ce village, aujourd’hui complétement déserté par ses 2000 habitants (il n’en restait que 18 en 2021) était un des havres pavillonnaires les plus prisés par les bourgeois de Donetsk, bordé de bois et d’étangs et à seulement 10 km du centre ville. En 2014, lors des combats pour le contrôle de l’aéroport de Donetsk (situé 2 km à l’Est), le bataillon spécial ukrainien « Dnipro », s’empare du village et s’y maintient malgré l’ordre de repli de l’état-major ukrainien.
Aujourd’hui, le village de Peski n’est plus qu’un champ de ruines au milieu desquelles
sont des unités d’infanterie et d’artillerie ukrainiennes
Depuis que l’aéroport est à nouveau sous le contrôle des milices républicaines (janvier 2015), Peski est l’avant poste Sud (avec Opitnoe plus à l’Est) à partir duquel les forces ukrainiennes réalisent des bombardements quotidiens sur des défenses Nord de Donetsk (Volvo Center, Oktyabrsky, aéroport, Spartak…) ainsi que les quartiers résidentiels des districts de Kiubychevski et Kievsky.
Un des nombreux bombardements ukrainiens sur les quartiers résidentiels de Donetsk et réalisées
à partir des positions ukrainiennes de Peski (ici sur le marché de Tekstilshchik)
Suite à l’augmentation de leurs bombardements meurtriers sur les zones résidentielles de Donetsk, le bataillon « Rus » de la milice populaire de la RPD et la 22e brigade des forces spéciales de l’armée russe forces ont lancé des assauts sur les positions ukrainiennes de Peski.
La première phase de ses assauts consiste à pilonner les positions ukrainiennes repérées dans le secteur, à partir des lignes de défense républicaines mais surtout avec les forces d’artillerie et d’aviation russes les appuyant :
Soldat républicain tirant au lance roquette RPG7 sur un bunker ukrainien de Peski
Bombardement d’un état-major de compagnie par l’artillerie russo-républicaine,
appuyée par un drone d’observation et de correction de tir
Sur ces deux secteurs ukrainiens du front de Donetsk quelques avant postes ont été conquis par les forces russo-ukrainiennes, resserrant l’encerclement autour des bastions de Marinka et Avdeevka, et repoussant également plus loin les batteries d’artillerie qui bombardent les cités républicaines (d’ailleurs depuis quelques jours, les « ukrops » utilisent surtout leur artillerie longue portée située dans le secteur de Krasnoarmeïsk, 40 km en arrière du front).
En conclusion
Ces opérations offensives menées contre les positions ukrainiennes de Marinka et Avdeevka se veulent d’abord prudentes pour éviter au maximum des pertes comme celles vécues depuis février lors des premières conquêtes urbaines (Volnovakha, Marioupol, Izioum, Popasnaya…). L’objectif est donc d’user les forces ukrainiennes par des destructions ciblées et des contournements larges des bastions organisés. À cette fin les forces spéciales sont à la pointe des assauts comme dans les missions d’observation et de définition des objectifs de l’artillerie et de l’aviation de bombardement.
Groupe de forces spéciales russes sécurisant une maison dans une zone ukrainienne conquise
Ici on peut observer le travail crucial des drones d’observation qui sont généralisés sur le front et permettent
à la fois de repérer et géolocaliser les cibles et de corriger sur elles les tirs de l’artillerie
La pression offensive russo-républicaine sur les forces ukrainiennes autour de Donetsk est exercée jour et nuit, à la fois sur leurs positions défensives mais aussi sur les voies d’approvisionnement par lesquelles Kiev fait venir depuis quelques semaines des renforts et une logistique occidentale, notamment de l’armement antichar et de l’artillerie.
Bombardement de nuit sur des positions ukrainiennes à l’Est d’Avdeevka,
avec l’appui d’observateurs des forces spéciales russes
Comme sur l’ensemble du front russo-ukrainien, nous voyons évoluer les intentions de l’état-major russe vers une guerre d’usure des forces ukrainiennes sans toutefois abandonner sa stratégie de manœuvre (en opposition à une guerre de position). De leur côté les forces ukrainiennes montrent de plus en plus des signes de faiblesses à la fois de leurs lignes de défense qui cèdent peu à peu et aussi de leur moral, car si les aides occidentales leur permettent de mieux résister aux assauts russo-républicains, en revanche elles ne suffisent pas à inverser le rapport des forces leur permettant d’engager des contre offensives dans la durée et la profondeur.
Il reste que ce conflit risque de durer bien plus longtemps que prévu et surtout dans le contexte international de plus en plus belligène avec les tensions OTAN-Russie qui s’enveniment autour de l’hyperborée européenne.
source : Alawata Rebellion
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