Une solution visant la protection des caribous face à l’industrie forestière
Au Québec, le Caribou montagnard est désigné espèce menacée. Les membres de la dernière harde subsistent, dans les hauts plateaux des monts Chic-Chocs et du massif McGerrigle. Au Parc National de la Gaspésie, on tente de les protéger des prédateurs, tels que les coyotes et les ours noirs. Cependant, les animaux ne peuvent s’y confiner, à la période de naissance des petits, ni obtenir tout le lichen qui assure leur alimentation hivernale, dans un habitat réduit, morcelé. ¹
Un faux dilemme
On invoque la perte d’emplois, dans le domaine forestier, pour révoquer les projets d’agrandissement ou de maintien d’habitats de caribous. La technologie actuelle ne requiert plus des dizaines de travailleurs. Un homme seul, conduisant une abatteuse multifonctionnelle ou une abatteuse-groupeuse, peut retrancher, en un jour, plus d’arbres qu’une cinquantaine de bûcherons autrefois.
Les emplois, liés à l’écorçage, aux diverses coupes et mises en planches, sont de plus en plus automatisés. Les syndicats et les ministres ne s’opposent aucunement à cette réduction constante du personnel. Comme c’est le cas, ailleurs, avec la prolifération des caisses et guichets automatiques, malgré le fait que les propriétaires de banques et de supermarchés aient les moyens de payer des travailleurs. Invoquer la perte d’emploi est tout ce qu’il y a de plus fallacieux.
Une solution
Une partie importante des arbres coupés sert à la fabrication de pâte à papier. Depuis quelques années, on plante des saules à croissance rapide… pour finalement les réduire en copeaux, ou transformer leur cellulose fermentée en biocombustible. Alors qu’un végétal pourrait surpasser les saules : le bambou!
Des espèces résistantes au froid : Chusquea et Fargesia
Bien que la majorité des bambous se déploient dans les zones chaudes, il en existe des espèces qui croissent dans l’Himalaya. En Amérique, des plantes du genre Chusquea et Fargesia, pourraient être cultivées en serre. Contrairement aux variétés qui atteignent des tailles impressionnantes, ces bambous ne s’élèvent que de 4 à 5 mètres de hauteur à leur plein développement. Comme ils nécessitent une période de dormance, les serres n’auraient pas besoin d’être surchauffées, en hiver, afin que ces végétaux bénéficient d’une température avoisinant 4 degrés Celsius. Les bambous Chusquea supportent des périodes de -15 degrés et les solides Fargesia de -29° Celsius. À l’extérieur, du printemps à la fin de l’automne, les bambous du genre Phyllostachys rustiques s’épanouiraient.
☼ Les bambous ont une croissance extrêmement rapide. Un grand nombre d’espèces grandissent de plusieurs centimètres par jour, voir de près d’un mètre pour certains Phyllostachys.
☼ Dès la première année, ils atteignent leur taille maximale. Les chaumes peuvent être coupés à l’automne et se muter en pâte à papier ou en petits objets. Les rhizomes continuent d’absorber des nutriments et la plante repousse au printemps suivant.
☼ À leurs troisième année, les chaumes peuvent être utilisés tels quels, dans la construction, la fabrication d’échelles, de clôture et de meubles, ou taillés en lanières pour la confection d’objets artisanaux, ou encore, être réduits en fibres aussi isolantes que les copeaux de bois. Les items en bambou sont de plus en plus populaires, mais ce matériau est toujours importé. Il serait avantageux d’entreprendre la culture des espèces les plus résistantes, en Amérique ou en Europe.
☼ Les bambous sont aussi solides que le bois et sont utilisés depuis des siècles par les peuples asiatiques, même en tant qu’échafaudage pour l’érection d’édifices de centaines de mètres de hauteur. ²
La phytoremédiation
☼ Un talus de bambou dépollue efficacement un cours d’eau et capte plus de gaz à effet de serre qu’un volume comparable d’arbres. Ces plantes pourraient également aider à dépolluer des sites.
L’Agroforesterie intercalaire
De plus en plus d’agriculteurs réservent des allées, dans leurs champs, pour y planter des arbres. Ces murs végétaux protègent les pousses des tempêtes et maintiennent le sol humide en période de sécheresse. Les racines amoindrissent l’érosion par le vent ou la pluie. Les bambous accomplissent aussi ces bienfaits. ³
Conclusion
Nous pourrions préserver des habitats pour les caribous, créer des emplois en serres, produire des objets en bambous, réduire l’abattage d’arbres destinés à la fabrication de pâte à papier et dépolluer! Et ceci, en moins de temps que l’exige un reboisement intensif ou la conversion des saules en combustible.
Le déboisement est une plaie mondiale qui éventre la Terre et la rend stérile. Couvrons-là de flore à vertus multiples. Nous ne protégerons pas uniquement la dernière harde de caribous montagnards de la Gaspésie, mais des centaines d’espèces magnifiques qui vivent en forêt.
Maryse Laurence Lewis
Image en vedette : Pixabay.com
Références
1. Pour une meilleure protection du caribou de la Gaspésie, par Nature Québec, mai 2010 (Inscrivez ce titre pour télécharger le dossier)
2.1 Les bambous, Yves Crouzet, Éditions Rustica, 2008
2.2 Le grand livre des bambous, Pauline Blin, Éditions De Vecchi, 2005
3. Le chercheur qui plantait des feuillus, par Catherine Couturier, revue Quatre-temps, automne 2021, volume 45, no° 2.
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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