par Alexandre Lemoine.
Le Conseil de l’Europe a décidé de ne pas intégrer la république du Kosovo, alors qu’elle n’est même pas reconnue par tous les pays de l’UE.
L’ambassadeur de France en Serbie Pierre Cochard a déclaré, le 13 mai, à la chaîne Nova que son pays ne soutiendrait pas les démarches unilatérales du Kosovo, sans l’approbation de la Serbie, pour adhérer à cette structure européenne internationale. Outre la France, une position similaire adoptent l’Espagne, la Grèce, Chypre, la Moldavie, la Slovaquie, la Roumaine, la Géorgie et, évidemment, la Serbie.
Rappelons les faits. En fin de semaine dernière, sur fond d’escalade générale en Europe liée au conflit en Ukraine, le Kosovo a déposé une requête pour adhérer au Conseil de l’Europe, ce qui constitue une transgression des accords de Bruxelles et de Washington. De cette manière Pristina a rompu les négociations menées depuis plusieurs années avec Belgrade prêt à faire des compromis : la Serbie était prête à examiner les différentes options pour régler le conflit kosovar allant jusqu’à la délimitation des territoires avec un échange factuel du nord du Kosovo contre deux communautés dans le sud de la Serbie où vit une majorité absolue d’Albanais.
La dernière fois la république autoproclamée a tenté de s’affirmer sur la scène internationale en 2019, lorsque le Kosovo cherchait à intégrer Interpol et l’UNESCO, mais ce fut un fiasco dans les deux cas. La campagne lancée par Belgrade pour annuler la reconnaissance de cette ancienne province du sud a porté ses fruits : plus de 10 États africains sont revenus sur leur décision. Et après une rencontre à Washington avec Donald Trump et la promesse de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël, le Kosovo a sérieusement perdu ses positions dans le monde islamique, ce qui a failli servir de prétexte pour sa non-reconnaissance par la Ligue arabe.
L’accord de Bruxelles de 2012 était un « gentlemen’s agreement » (régulièrement enfreint) sur ce qui suit : la Serbie n’initie pas le processus de retrait de la reconnaissance, et en échange le Kosovo ne cherche pas à intégrer différentes organisations internationales. Cet accord fonctionnait avec de sérieux dysfonctionnements.
Après une réunion extraordinaire du Conseil de sécurité nationale de la Serbie, le 13 mai, le ministre serbe des Affaires étrangères Nikola Selakovic a posé sur la table du président Aleksandar Vucic encore quatre révocations de la reconnaissance. Il n’a pas précisé de quels pays il s’agissait en renvoyant la question au chef de l’État serbe. Il pourrait être question de l’Égypte, alors que déjà quinze pays figurent déjà sur la liste de révocation.
Cela ne signifie qu’une chose: à partir du 13 mai 2022, le Kosovo n’est plus reconnu par la majorité des pays membres de l’ONU. Avant cela, il y avait 98 pays reconnaissant le Kosovo contre 95. À présent, ils sont 94 et 99 pays respectivement.
La possibilité du Kosovo d’intégrer le Conseil de l’Europe était évoquée encore fin avril par la presse allemande. En particulier, le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung dans son article intitulé « La Russie sort, le Kosovo entre » incite directement : « C’est le meilleur moment pour l’entrée du Kosovo au Conseil de l’Europe » vu l’absence de la Russie, qui s’y serait forcément opposée. Puisque la Russie n’y est pas, les barrières sont levées. (La participation de la Russie au Conseil de l’UE a été suspendue en mars).
Quel pourrait être le résultat d’une décision aussi irréfléchie et imprudente ? Avant tout, l’adhésion du Kosovo au Conseil de l’Europe signifierait la fin des illusions sur les perspectives européennes pour Belgrade. Dans une situation où même l’autonomie serbe non reconnue par l’UE devient membre à part entière du Conseil de l’Europe et les Européens parlent sérieusement des perspectives de l’intégration de l’Ukraine, il devient évident que tous les autres candidats des Balkans ont été oubliés. La Serbie, la Macédoine du Nord, l’Albanie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, ayant une frontière commune avec l’UE, qui ont créé leur propre « mini-Schengen » (sauf la Bosnie-Herzégovine) contrairement au Kosovo, sont restés coupés de l’Europe.
L’absence de perspectives d’adhésion à l’UE sur fond d’économie affichant une croissance active dans la région est pour la Serbie un exemple révélateur des doubles standards. Selon des informations officieuses, rien que la conversation sur les perspectives européennes est désormais possible seulement après l’adhésion aux sanctions contre la Russie, ce que le dirigeant serbe Aleksandar Vucic et son homologue bosniaque Milorad Dodik ne feront pas.
Alors que la « balle d’essai » sur le thème du Kosovo au sein du Conseil de l’Europe n’est rien d’autre qu’un nouveau signal adressé par le « big brother » à Aleksandar Vucic trop sûr de lui. Pendant ce temps, en Serbie même, pour la première fois de toute l’histoire, la majorité de la population (56%) s’oppose à l’adhésion du pays à l’UE.
Au moins cinq pays membres de l’UE ne reconnaissent pas le Kosovo en raison de la présence sur leur propre territoire de régions potentiellement séparatistes : c’est l’Espagne (Catalogne), la Roumanie (Transylvanie), la Slovaquie (Slovaquie méridionale), la Grèce et Chypre (République turque de Chypre du Nord). Comment dans cette situation les Grecs ou les Espagnols reconnaitront le Kosovo ? Berlin avec son nouveau chancelier cherche à étouffer leur avis, trahissant sa position équidistante d’« observateur des Balkans » sous Angela Merkel, tout comme Londres, qui ont manifestement décidé de relancer les conflits qui se consument dans les Balkans. À présent, tout dépend de la patience serbe et de la volonté nationale d’aller contre le vent.
source : Observateur Continental
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