Mercredi 11 mai, une femme est morte, assassinée.
Il en meurt ici et ailleurs, de mort violente, quelques centaines par jour. Mercredi 11 mai, une Palestinienne est morte, ce n’est pas la première, ce ne sera pas la dernière.
Mercredi 11 mai, une journaliste palestinienne est morte en faisant son métier : être sur le terrain et informer. Elle se nommait Shirin Abou Akleh et elle couvrait une attaque de l’armée israélienne sur Jénine, la ville la plus résistante de Cisjordanie. Elle portait un gilet pare-balles, bien marqué presse et un casque. Elle a été tuée d’une balle à la tête, touchée juste à l’endroit où, entre casque et gilet, rien ne la protégeait. Le tireur était très adroit…ou bien il a eu « beaucoup de chance », et elle, beaucoup de malchance ! Si, comme les responsables israéliens l’ont dit, immédiatement, la balle « était une balle perdue provenant du camp palestinien ».
En Cisjordanie comme à Gaza il y a d’un côté Goliath et de l’autre David, histoire ancienne dans ce coin du monde. Goliath a des avions, des tanks, des drones, des fusils d’assaut, des yeux et des espions en pagaille, des prisons et des amis influents partout. David, lui, a quelques armes légères, c’est exact mais surtout des pierres, des corps pour faire barrage (ou pour mener des attaques suicides quand trop c’est trop), peu d’amis, mais, sur place et ailleurs, des hommes et des femmes pour témoigner, inlassablement avec des mots, des images. Shirin Abou Akleh était une de ces femmes témoignant inlassablement, de Jérusalem à Gaza, de Hébron à Jénine, de Ramallah à la vallée du Jourdain. Elle était respectée par tous les correspondants de presse et par tous les journalistes travaillant dans cette partie du monde. Pour les Palestiniens, surtout pour la jeune génération qui a grandi avec la chaîne Al jazira , elle était un « modèle », une héroïne à laquelle on pouvait tenter de ressembler. Celle qui disait récemment lors d’un entretien « j’ai choisi le journalisme pour être au plus près des gens et je savais que ce ne serait pas facile de changer la situation. Mais, en définitive, j’ai réussi à faire entendre les voix palestiniennes au monde entier » s’est tue mercredi mais son nom, sa photo, sa voix n’ont jamais été aussi présents dans le monde entier que ces derniers jours.
Assassiner pour faire taire c’est une tactique efficace mais qui parfois se retourne contre celui qui l’emploie. Il suffirait de presque rien… une enquête indépendante internationale par exemple. Sans à priori ni pression. Oh mais attention, pour certains, la réclamer c’est déjà insinuer que les autorités israéliennes pourraient cacher des faits, protéger d’éventuels responsables, mentir peut-être… et donc la réclamer c’est, déjà, être soupçonné d’antisémitisme ou, à tout le moins, de soutenir les antisémites…
Colette BERTHES
Pour Le Grand Soir
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