La politique immigrationniste cherche à « dissoudre une fois pour toutes la nation québécoise »
François Legault n’avait pas aussitôt terminé les phrases de sa rhétorique nationaliste pour « réclamer » les pouvoirs en immigration que Justin Trudeau l’envoyait cavalièrement sur les roses. Cavalièrement, pas seulement parce que c’est dans ses manières de mal élevé, mais bien parce que c’est dans la logique du régime. La domination s’exerce, ses exécutants n’ont cure des politesses auxquelles s’attendent les quémandeurs qui ne comprennent rien – ou font semblant de ne pas savoir – à quoi les condamne la soumission.
Le Canada s’est donné le projet d’en finir avec sa minorité plaignarde, il ambitionne de recruter le plus tôt possible environ un demi-million d’immigrants par année. La Century Initiative doit lui permettre d’atteindre les 100 millions d’habitants. Le Canada se saoule de son mythe postnational. Les élites du multiculturalisme ont depuis longtemps fait le pari de liquider les fondements historiques de leur société. C’est leur affaire. Mais ils en sont tellement convaincus et sont désormais tellement certains que notre défaite nationale est consommée qu’ils n’ont plus aucune retenue.
Pas besoin d’un doctorat en mathématiques pour comprendre que sa politique aura pour résultat de dissoudre une fois pour toutes la nation québécoise. Il est impossible pour le Québec de souscrire à un tel objectif sans consentir à sa propre disparition. C’est pourtant ce qui est en train de se passer.
Le Québec a totalement perdu le contrôle de son immigration : Ottawa contourne allègrement l’esprit et la lettre de son entente sur l’immigration en jouant de tous les subterfuges pour ouvrir les vannes de l’immigration temporaire, en sabotant les initiatives québécoises pour recruter des étudiants étrangers francophones, en laissant pourrir les dossiers de demandes de résidence permanente, en laissant grande ouverte la passoire du chemin Roxham, etc. La CAQ subit rebuffade sur rebuffade. Le suave ministre Boulet n’a rien d’autre à dire que ses couplets bonne-ententistes. On le comprendra. Il chantonne sur le pont du Titanic.
Il est impossible que François Legault ne sache pas ce qui est en train de se passer. Mais en bon politicien provincial, en champion de la résignation béate, il encaisse. Rien de ce qu’il a demandé à Ottawa ne lui a été accordé. Rien de ce qu’il demandera ne lui sera accordé, mais il n’en a cure. Il lui suffit de promettre. Il lui suffit de faire semblant que le gros bon sens et la bonne volonté vont tenir lieu de rapport de force. Plus cyniquement, il lui suffit d’instrumentaliser le déni collectif. La CAQ est le gouvernement du reposoir sur la voie agonique.
Devant les perspectives sombres qu’inspirent à d’aucuns les défis du choc démographique du vieillissement, l’immigration pratiquée par Ottawa est même réclamée par les inquiets de la rareté de main-d’œuvre, par les angoissés de l’effondrement possible des structures de peuplement de régions entières. La pensée molle rejoint ce qu’il y a de plus puissant dans le déni collectif : l’idée que les choses puissent s’arranger d’elles-mêmes.
L’immigration n’est qu’une partie de la réponse aux enjeux démographiques qui sont les nôtres. Mais les objectifs et pratiques canadian sont en tous points contraires à la politique dont le Québec a besoin. Pour le maintien du caractère français, certes, mais également pour la préservation de notre capacité à former nation et à habiter notre territoire, il faut une politique de population. Les défis démographiques qui sont les nôtres ne peuvent se résumer au recrutement d’immigrants. Il faut des actions pour maintenir les masses critiques nécessaires pour la viabilité des communautés, pour le financement des services publics, pour soutenir le développement économique régional, pour encourager la natalité, pour mieux accompagner les parents, pour s’occuper convenablement des vieillards.
Ce ne sont là que quelques-uns des éléments sur lesquels il faudrait agir avec cohérence et avec des moyens conséquents. Cette incomplète énumération suffit pourtant à faire voir que cela dépasse les pouvoirs et les moyens d’une province. Il faut un État et ce n’est pas le Canada qui permettra de faire face aux tendances lourdes qui pèsent sur notre développement. Il n’en a cure. Il fait ses choix, nous les impose et laisse aux notables provinciaux et aux apôtres de la résignation le soin de produire les jérémiades. François Legault a choisi de se faire chef de chorale.
Les rebuffades qu’il encaisse sont humiliantes, mais elles ne produisent pas encore assez de fracas pour couvrir les sérénades de la fierté sans objet qu’il tient avec un orgueil qui lui fera faire de plus en plus de simagrées. Car il y en aura encore et tant et plus. Pour personne au monde la minorisation et la folklorisation qui l’accompagne ne se font sans douleur. Il peut toujours tenter de faire rêver à égaler les salaires de l’Ontario, il ne touchera que les dividendes de l’impuissance consentie. Il a renié l’indépendance, mais elle reviendra le hanter. Le Québec va refuser de mourir et finira bien par se débarrasser des pense-petit.
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