Mgr François de Laval (1623-1708) a voyagé sa vie durant, sillonnant son immense diocèse et multipliant les allers-retours entre la colonie française d’Amérique et la mère patrie. Ces nombreux périples de plusieurs mois chacun font du premier évêque de l’Amérique du Nord un grand voyageur. Le Verbe vous propose aujourd’hui un récit de voyage un peu spécial, une fascinante épopée concernant les pérégrinations post mortem d’un saint !
6 mai 1708, 7 h 30 du matin. François de Laval décède des complications d’une engelure au talon qu’il a contractée lors des célébrations du Vendredi saint de la semaine précédente. La légende raconte que le froid était tellement mordant pendant les célébrations pascales que l’évêque avait dû casser une mince couche de glace s’étant formée dans les bénitiers de la cathédrale.
François de Laval a maintes fois manifesté son souhait d’être inhumé au Séminaire de Québec, qu’il a fondé en 1663, et non dans sa cathédrale comme cela est normalement le cas pour les évêques. Petit problème : au moment du décès de Mgr de Laval, la chapelle du séminaire n’a pas été reconstruite à la suite de l’incendie de 1701. C’est donc un peu par défaut que la cathédrale Notre-Dame-de-Québec est choisie pour recevoir la dépouille.
Afin de respecter d’une manière un peu glauque la volonté de Laval, il est décidé qu’avant l’enterrement, le docteur Michel Sarazin retirerait le cœur du défunt afin qu’il soit conservé au Séminaire1. Certains os et des cheveux sont également prélevés pour en faire des reliques. On trempe même des linges dans le sang s’écoulant du corps… ce qui permet de créer près de 3000 reliques.
Une grande procession est organisée avant la mise en terre. Le corps vêtu des habits épiscopaux passe par les chapelles des Récollets, des Jésuites, des Ursulines et des Augustines. Le cercueil de bois recouvert de plomb est ensuite exposé trois jours dans la cathédrale, avant d’être inhumé dans la cave où l’on enterre des paroissiens depuis 1651.
En 1745, lors de l’agrandissement de la cathédrale, survient le premier voyage post mortem de Mgr de Laval : son cercueil est déplacé d’une trentaine de pieds, alors qu’on l’installe sous le nouvel autel. Un bien petit périple pour un grand voyageur !
Le fondateur perdu et retrouvé
En 1759, la cathédrale est bombardée par les Anglais pendant la guerre de la Conquête. Après le conflit, on reconstruit encore une fois en agrandissant, on déplace à nouveau le maitre-autel, mais cette fois sans bouger les cercueils. Si bien que l’on « perd » le fondateur du diocèse !
Il faudra attendre le 19 septembre 1877 pour que l’on retrouve notre évêque ! En effet, au moment d’effectuer des travaux visant à solidifier le plancher de la cathédrale, deux ouvriers tombent complètement par hasard sur le cercueil de Mgr de Laval, alors qu’ils déblaient des gravas dans la cave pour y installer des poutres de soutènement. Les inscriptions latines sur le cercueil de plomb ne laissent aucun doute : c’est bien le fondateur du diocèse que l’on vient de retrouver.
Les prêtres du Séminaire manifestent rapidement leur intérêt pour une translation des restes dans leur crypte afin d’honorer les dernières volontés de leur fondateur. Le 2 mai 1878, on procède à la reconnaissance officielle des ossements. Deux médecins sortent l’ensemble des os du cercueil et les disposent sur une table dans leur ordre naturel. On constate qu’il manque des os, ceux prélevés en 1708, mais la majorité d’entre eux sont encore présents.
Quelques jours plus tard, les os sont tous trempés dans un bain de cire blanche fondue. On pensait à cette époque que cela les protègerait contre une éventuelle dégradation. Une fois l’ensemble bien blanchi, on place le tout sur un grand coussin de velours que l’on décore avec des fleurs et des rubans. Le photographe J. E. Livernois immortalise l’évènement. Pendant huit jours, les fidèles viennent rendre hommage à Mgr de Laval qui est ainsi exposé au Séminaire.
Le 23 mai 1878 a lieu la grande procession de translation de la dépouille. Comme en 1708, le cercueil visite les principales communautés religieuses de Québec. C’est près de 30 000 personnes qui assistent à la procession, ce qui est énorme, considérant que la population de la ville s’élève alors à environ 76 000 personnes.
Les derniers voyages
À la suite à la procession, le cercueil est placé dans la crypte du Séminaire, où il reste jusqu’en 1950. À cette époque, dans le but de favoriser la dévotion envers leur fondateur en plein procès de canonisation, les prêtres du Séminaire souhaitent aménager un lieu plus facilement accessible au public que la crypte. Ainsi, le 10 mai 1950, les ossements de Mgr de Laval sont une nouvelle fois transférés. Cette fois, c’est dans une chapelle funéraire richement décorée qui vient tout juste d’être érigée en annexe à la chapelle existante du Séminaire.
Cette chapelle finira cependant par être désacralisée au début des années 1990. Il devient donc inconcevable d’y laisser le tombeau d’un aspirant à la sainteté ! C’est ce qui entrainera le dernier voyage de Mgr de Laval qui, en 1993, retrouvera sa cathédrale dans une chapelle funéraire aménagée du côté de la rue de Buade. Afin de respecter la volonté de Mgr de Laval, la paroisse cèdera légalement au Séminaire la parcelle de terrain ayant servi à l’érection de la chapelle.
- Le reliquaire contenant le cœur a été déposé dans la chapelle du Séminaire quand celle-ci a été reconstruite.
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