Je ne vais pas volontiers à la télé. Mais cette fois, à Tout le monde en parle, le sujet : l’éducation, m’imposait d’y être pour échanger avec Gregory Charles, dont les propos, on le sait, ont beaucoup fait jaser. En plus, M. Lepage et toute son équipe sont très gentils et rassurants…
Je me permettrai ici de revenir sur certaines des choses que j’aimerais qu’on retienne de notre échange et que je n’ai pas toujours eu le temps de développer.
Penser l’éducation de demain
L’éducation ne va pas bien chez nous. Et la crise que nous n’en finissons plus de traverser va, c’est certain, encore aggraver certains des maux qui la rongent. On devra, on doit corriger ce qui ne va pas. Cela devrait être une urgence nationale.
M. Charles a exprimé sur ce qui ne va pas des idées et inquiétudes que plusieurs partagent. J’étais bien content qu’il le fasse.
Mais il va de soi qu’il s’agit là d’un point de vue personnel, sans doute un peu informé, comme l’est aussi je l’espère le mien, mais qui ne peut prétendre être la vérité. Il nous faudra absolument, pour agir, un portrait le plus objectif possible de la situation.
Certaines choses, comme le manque d’enseignantes et d’enseignants ou le décrochage scolaire, sont mieux connues et documentées. Mais bien d’autres devront être soigneusement étudiées. Si ce travail est bien fait, on disposera de ces fameuses données probantes, fiables, objectives — même si elles seront toujours perfectibles.
Corriger ces maux qu’on aura correctement identifiés sera une immense tâche.
Pour commencer, cela demande de convenir des finalités et les faits, à eux seuls, ne donnent pas de valeurs, ne dictent pas les fins. Lesquelles viser ? Pourquoi ?
Ici encore mon point de vue, comme le vôtre ou celui de M. Charles, ne peut prétendre régler la question. Elle concerne tout le monde, est l’affaire de tous et toutes et c’est collectivement qu’on devra en décider. Comment savoir ce que la collectivité pense ? Il faudra pour cela, par-delà les groupes d’intérêt, susciter une vaste conversation démocratique, par laquelle on va écouter, échanger, s’informer.
Mais ce n’est pas tout. Car une fois ces finalités identifiées, on devra décider des meilleurs moyens à prendre pour les atteindre. Ici encore, il y a (souvent, mais pas toujours) des données probantes, cette fois celles que la recherche crédible, menée depuis de nombreuses années, a permis d’identifier. On doit absolument en tenir compte. Elles pourront, par exemple, nous apprendre que notre idée concernant la non-mixité scolaire ne donnera sans doute pas les résultats escomptés — sans rien dire des débats sur les valeurs et les finalités que cette proposition va susciter. Parfois, on apprendra qu’on n’a pas ou très peu de données probantes et on devra s’adapter.
Il y a plus.
Car une fois une fin consensuelle visée par des moyens appuyés par de la recherche crédible, par des données probantes, il pourra arriver, surprise !, que les choses ne se passent pas comme prévu. Pour le savoir, il nous faut une fois de plus des données probantes, celles que nous indique le suivi des effets de ce qui a été accompli par les moyens déployés. Ces nouvelles données probantes sont celles que nous fournit une indispensable gestion axée sur les résultats.
Parent 2.0 : promesses et périls
Compte tenu de ce qui précède, on le sait et je l’ai encore répété dimanche, je soutiens que le Québec doit se livrer à une vaste et sérieuse réflexion collective sur l’éducation, ce que j’ai appelé une Commission Parent 2.0. À elle de nous aider à décider collectivement des fins que nous viserons par l’éducation et des moyens à déployer pour ce faire.
Vous le savez sans doute : le gouvernement n’a pas lancé cette commission et des organismes communautaires, des syndicats et d’autres regroupements de la société civile en ont, eux, lancé une. Suzanne-G. Chartrand et Jean Trudelle, entre autres, sont derrière cet ambitieux projet.
Je pense que deux périls la guettent, deux périls qui par définition guettent toute entreprise de ce genre.
Le premier serait de ne pas parvenir à s’élever à la hauteur du bien commun et à saisir et exprimer ce qu’il souhaite. Parmi les obstacles qui peuvent l’empêcher, on trouvera toutes ces formes de corporatisme et d’intérêts particuliers.
Le deuxième serait d’ignorer, de méconnaître, de ne pas prendre correctement en compte les données probantes, y compris celles que donne une gestion axée sur les résultats.
On verra bien comment s’en tire la vaste et imposante consultation qui se met en marche.
Elle pourrait bousculer bien des choses. Un exemple ? Certaines voix, devant la pénurie d’enseignantes et le massif recours à des gens non légalement qualifiés, mais qu’il faudra bien qualifier, pensent aujourd’hui que les facultés d’éducation ont failli et demandent donc la création d’une sorte d’institut national de formation des maîtres.
Une Commission Parent 2.0 pourrait nous dire si c’est une bonne idée ; comment alors la mettre en place ; et par quels moyens procéder pour, comme il se doit, évaluer sa performance.
Voilà donc certaines des plus chères idées que j’ai voulu avancer dimanche. Ce n’était pas toujours facile et j’en prends la responsabilité.
Au moins, les voici par écrit.
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Source : Lire l'article complet par Le Devoir
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