L’armée ukrainienne est en très mauvais état

L’armée ukrainienne est en très mauvais état

Par Moon of Alabama – Le 2 mai 2022

L’agence de presse française AFP a publié un reportage de Daphné Rousseau réalisé près de la ligne de front ukrainienne. Il nous permet d’avoir une certaine vision réaliste de l’état des forces armées ukrainiennes.

Des soldats ukrainiens épuisés reviennent du front oriental

Voici une carte actuelle de la ligne de front. Kiev se trouve dans le coin supérieur gauche.

Je vais petit à petit citer l’article de l’AFP et ajouter mes observations :

Chargé de soldats ukrainiens épuisés, les mâchoires serrées, le camion repart à toute vitesse. Les troupes de la 81e brigade viennent de recevoir l’ordre de se retirer du front oriental où avancent les forces russes.

La brigade a marché 12 kilomètres (7,5 miles) samedi, camouflée dans les bois et sous les tirs croisés, jusqu’à leur point de retraite à Sviatoguirsk.

La 81e brigade aéromobile est composée de trois bataillons d’infanterie équipés de véhicules blindés de transport de troupes BTR-70 qui peuvent être chargés dans un avion. Elle dispose également d’un solide groupe d’artillerie composé de trois bataillons de canons et de missiles, ainsi que du bazar habituel pour les unités de soutien.

Comme les troupes ukrainiennes ont dû marcher 12 kilomètres, une question se pose. Où sont leurs véhicules blindés ? Même lorsque l’infanterie est déployée dans des abris et des tranchées, son transport devrait toujours être à proximité (~3 km) pour pouvoir la récupérer rapidement en cas de besoin.

La réponse la plus probable est que ces BTR-70, ainsi que l’artillerie de la brigade, n’existent plus. Extrait de la « liste de matériel » publiée aujourd’hui par le ministère russe de la Défense (c’est nous qui soulignons) :

Au total, 146 avions et 112 hélicoptères, 683 véhicules aériens sans pilote, 281 systèmes de missiles antiaériens, 2 756 chars et autres véhicules de combat blindés, 316 systèmes de roquettes à lancement multiple, 1 234 pièces d’artillerie de campagne et mortiers, ainsi que 2 563 unités de véhicules militaires spéciaux des forces armées ukrainiennes ont été détruits au cours de l’opération.

Ces chiffres sont, comme tous les décomptes de ce type, quelque peu exagérés. Mais ils disent quand même quelque chose.

Sviatoguirsk, l’endroit d’où viennent ces troupes, se trouve à une dizaine de kilomètres au sud-est d’Izium, que les forces russes ont pris il y a quelque temps.

Plus d’informations dans l’article de l’AFP :

Pendant un mois, le 81e bataillon, dont la devise est « toujours le premier », a lutté pour repousser l’avancée russe dans la région orientale du Donbass, en Ukraine, où les troupes de Moscou avancent lentement, prenant les villages un par un.

« Tout le monde comprenait que nous devions garder la ligne de front stable ici, nous ne pouvions pas laisser l’ennemi s’approcher, nous essayions de la tenir de toutes nos forces », explique le lieutenant Yevgen Samoylov, anxieux à l’idée que l’unité puisse être touchée par les tirs russes à tout moment.

« Comme vous pouvez l’entendre, l’ennemi est très, très proche, » dit-il en montrant le ciel. La ligne de chars russes est de l’autre côté d’une colline, à environ sept kilomètres (4,3 miles).

Les troupes ont marché 12 kilomètres et sont maintenant sur des camions. L’ennemi est actuellement à 7 kilomètres. Un simple calcul explique que les forces russes ont gagné 5 kilomètres en profondeur.

A 21 ans, Samoylov, un officier de l’académie militaire d’Odessa, se retrouve à gérer 130 conscrits, souvent deux fois plus âgés que lui.

« C’est ma première guerre. Je devais être diplômé dans quatre mois, mais on m’a envoyé ici », explique cet officier au visage de bébé et à la courte barbe noire.

Quel désastre. 130 conscrits, certains de plus de 40 ans. Ce ne sont pas des guerriers bien entraînés, mais des enseignants, des mécaniciens ou des agriculteurs enrôlés dans la guerre. Avec 130 hommes, l’unité a à peu près la taille d’une compagnie. Les compagnies d’infanterie dans l’armée soviétique/russe/ukrainienne sont relativement grandes :

L’effectif d’une compagnie de chars est de 31-40 personnes, et le nombre de militaires d’une compagnie de fusiliers motorisés est de 150 personnes. Souvent, une compagnie est commandée par un officier ayant le grade de capitaine, et seulement dans certaines unités, ce poste est occupé par un major.

Le jeune lieutenant Samoylov, qui n’a même pas terminé son cours d’officier, dirige une unité qui est habituellement dirigée par un officier de deux ou trois rangs supérieurs au sien. Où sont les officiers supérieurs ?

Plus d’informations de l’AFP :

L’unité est entrée en action le 23 février, un jour avant que la Russie ne lance l’invasion.

Au début de la guerre, ils ont passé un mois à défendre Izium, qui est tombé le 1er avril, avant de rejoindre les combats autour du village d’Oleksandrivka.

« Des batailles vraiment difficiles », explique le tranquille Samoylov.

Izium se trouve sur le front nord où les forces russes se pressent vers le sud. Il y a plusieurs villages nommés Oleksandrivka (Alexandrovka) en Ukraine, dont trois dans l’oblast de Donetsk. Il est possible qu’il y en ait d’autres, non officiels portant ce nom. Deux des colonies connues se trouvent au nord-ouest de l’oblast de Donetsk, à environ 20 kilomètres au sud-ouest et au sud-est d’Izium respectivement.

La carte montre Izium au nord, l’Oleksandrivka occidental se trouve en bas à gauche. L’autre Oleksandrivka se trouve à la périphérie ouest de la ville de Kramatorsk, à laquelle elle appartient pratiquement. Elle n’est pas nommée sur la carte.

Aucune des deux villes n’est directement sur la ligne de front actuelle qui passe à environ 10 kilomètres au nord. Sviatoguirsk, le point d’extraction, est beaucoup plus proche du front. C’est là que les troupes se trouvaient probablement avant de se diriger vers les camions.

Le reportage de l’AFP continue :

Dans cette brigade, comme dans les autres, on ne dit pas combien de personnes ont été tuées. Lorsque le sujet est abordé, le regard de Samoylov s’embrase. La douleur est vive. Un silence de mort s’installe dans le camion militaire pendant le trajet vers le bâtiment abandonné où les soldats vont séjourner pendant leur semaine de repos.

Les 130 hommes de Samoylov ne sont probablement pas issus d’une seule et même compagnie. Ils sont probablement tout ce qui reste d’un bataillon qui comptait à l’origine trois compagnies et plus de 400 hommes.

Lorsque le convoi passe devant un camion chargé de missiles à longue portée qui foncent vers le front, les soldats font automatiquement le signe « V » de la victoire avec leurs doigts avant de fixer à nouveau leur regard sur leurs pieds ou l’horizon en silence.

Ces hommes ont-ils encore le moral ou s’agit-il simplement d’un geste de routine ? Je pense que c’est la dernière hypothèse qui est la bonne.

A leur arrivée à la base, les soldats déchargent leurs armes, enlèvent leur paquetage et se rendent immédiatement dans l’une des pièces délabrées et sans électricité où ils subissent l’examen médical habituel de retour du front.

Pour les survivants, « il y a de petites blessures sur le front, ceux qui ont été enterrés sous les décombres lors d’un bombardement ont des fractures et (des blessures) liées aux éclats d’obus », explique Vadym Kyrylov, le médecin de la brigade.

« Mais nous voyons surtout des problèmes somatiques, comme de l’hypertension ou des maladies chroniques qui se sont aggravées », ajoute le jeune homme de 25 ans.

Chaque bataillon de la 81e brigade devrait disposer d’un médecin, dont un plus ancien servirait dans la compagnie du quartier général de la brigade. Le fait qu’un jeune homme de 25 ans occupe le poste de médecin de la brigade met en évidence un manque d’hommes.

– Le « pied de tranchée »

Les hommes souffrent aussi beaucoup du syndrome du « pied de tranchée », causé par une exposition prolongée à l’humidité, aux conditions insalubres ou au froid.

« Pendant un mois, ils n’ont pas pu faire sécher leurs chaussures… il y a donc de nombreuses blessures liées aux pieds, principalement des champignons et des infections », explique le médecin.

Les bottes militaires devraient être étanches. Lorsque j’étais dans l’armée, nous nous sommes entraînés dans des zones très boueuses, mais je n’ai jamais eu les pieds mouillés. Je me demande quelle est la qualité des bottes de l’armée ukrainienne.

Après la visite médicale, ils ont tous le même réflexe : s’isoler et utiliser leur téléphone pour appeler une compagne, un enfant ou un parent.

Les soldats ne peuvent pas utiliser leur téléphone sur le front, et toute application nécessitant une géolocalisation est interdite.

Dans quelle mesure le contrôle de ces politiques est-il strict ? L’expérience montre que si les soldats sont autorisés à avoir des téléphones sur eux, ils les utiliseront inévitablement. C’est pourquoi la Russie interdit à ses soldats d’emporter des téléphones.

Quatre soldats réassemblent les cadres de lit métalliques rouillés et balaient le sol couvert de poussière pour faire un semblant de chambre.

Cela ne ressemble pas à un endroit agréable pour se reposer et se distraire. Y a-t-il même des matelas pour ces cadres métalliques ?

« C’est le moment pour les gars de se détendre, de prendre soin de leurs blessures physiques et psychologiques, de reprendre des forces avant de retourner au combat« , explique Samoylov.

« Ils vont dormir au chaud, manger une nourriture normale et essayer de se remettre plus ou moins sur pied ».

Ces troupes ont passé neuf semaines sur la ligne de front et n’ont maintenant qu’une semaine de repos dans un endroit misérable. Samoylov est un optimiste. Aucune de ces blessures, surtout pas les blessures psychologiques, ne guériront en une semaine. Il faut des années pour surmonter les cruautés de la guerre, parfois même plus d’une vie.

L’armée ukrainienne est manifestement en très mauvais état lorsqu’elle pousse des conscrits à peine formés vers la ligne de front où l’artillerie russe les dévorera. Mais il n’est pas étonnant qu’elle soit dans un tel état.

L’officier suisse du renseignement militaire, Jacques Baud, a travaillé en Ukraine et a écrit sur la guerre actuelle (ici, ici et ici). Il décrit l’état déplorable dans lequel se trouvait l’armée ukrainienne dès le départ :

L’armée ukrainienne était alors dans un état déplorable. En octobre 2018, après quatre ans de guerre, le procureur militaire ukrainien en chef, Anatoly Matios, a déclaré que l’Ukraine avait perdu 2 700 hommes dans le Donbass : 891 de maladies, 318 d’accidents de la route, 177 d’autres accidents, 175 d’empoisonnements (alcool, drogues), 172 par maniement négligent des armes, 101 en violant des règles de sécurité, 228 par meurtres et 615 par suicides.

En fait, l’armée est minée par la corruption de ses cadres et ne bénéficie plus du soutien de la population. Selon un rapport du ministère de l’Intérieur britannique, lors du rappel des réservistes en mars/avril 2014, 70 % ne se sont pas présentés à la première session, 80 % à la deuxième, 90 % à la troisième et 95 % à la quatrième.

En octobre/novembre 2017, 70 % des conscrits ne se sont pas présentés à la campagne de rappel  » automne 2017 « . Sans compter les suicides et les désertions (souvent pour rejoindre les autonomistes), qui ont atteint jusqu’à 30 % des effectifs dans la zone de l’ATO. Les jeunes Ukrainiens ont refusé d’aller se battre dans le Donbass et ont préféré l’émigration, ce qui explique aussi, au moins partiellement, le déficit démographique du pays.

Le ministère ukrainien de la Défense s’est alors tourné vers l’OTAN pour l’aider à rendre ses forces armées plus  » attractives « . Ayant déjà travaillé sur des projets similaires dans le cadre des Nations Unies, j’ai été sollicité par l’OTAN pour participer à un programme de restauration de l’image des forces armées ukrainiennes. Mais il s’agit d’un processus à long terme et les Ukrainiens voulaient aller vite.

Alors, pour pallier le manque de soldats, le gouvernement ukrainien a eu recours à des milices paramilitaires. Elles sont essentiellement composées de mercenaires étrangers, souvent des militants d’extrême droite. En 2020, elles constituaient environ 40 % des forces ukrainiennes et comptaient environ 102 000 hommes, selon Reuters. Ils étaient armés, financés et entraînés par les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la France. Ils étaient de plus de 19 nationalités, dont des Suisses.

L’armée ukrainienne ne gagnera pas cette guerre, pas plus que les milices fascistes. Le pays n’a tout simplement aucune chance.

Les gouvernements « occidentaux » abusent de l’Ukraine et de ses soldats. Ils veulent « affaiblir la Russie » et ne permettent pas à l’Ukraine de demander la paix.

C’est criminel.

Jacques Baud encore :

Malgré la volonté probable du président Zelensky de parvenir à un règlement politique de la crise avec la Russie, Zelensky n’est pas autorisé à le faire. Juste après qu’il ait indiqué qu’il était prêt à discuter avec la Russie, le 25 février, l’Union européenne a décidé deux jours plus tard de fournir 450 millions d’euros d’armes à l’Ukraine. La même chose s’est produite en mars. Dès que Zelensky a indiqué vouloir discuter avec Vladimir Poutine, le 21 mars, l’Union européenne a décidé de doubler son aide militaire pour la porter à 1 milliard d’euros, le 23 mars. Fin mars, Zelensky a fait une offre intéressante qui a été rétractée peu après.

Apparemment, Zelensky tente de naviguer entre la pression occidentale et son extrême droite d’une part, et son souci de trouver une solution d’autre part, et est contraint à un  » oui-et-non «  qui décourage les négociateurs russes. …

Aujourd’hui, Zelensky doit diriger son pays sous une épée de Damoclès, avec la bénédiction des politiciens occidentaux et des médias sans éthique. Son manque d’expérience politique a fait de lui une proie facile pour ceux qui tentent d’exploiter l’Ukraine contre la Russie, et aux mains des mouvements d’extrême droite. Comme il l’a reconnu dans une interview à CNN, il a manifestement été leurré en croyant que l’Ukraine entrerait plus facilement dans l’OTAN après un conflit ouvert avec la Russie, comme l’a confirmé Oleksey Arestovich, son conseiller, en 2019.

L’Ukraine a perdu la guerre. Tous les systèmes d’armes que l’« Ouest » lui impose maintenant ne sont d’aucune utilité, car l’Ukraine n’a manifestement pas les hommes pour les utiliser. Ils seront probablement pillés et, à l’avenir, certains d’entre eux pourraient bien être utilisés contre l’« Occident » lui-même.

Ce sera simplement un sanglant retour de justice.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone

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