par Thierry Meyssan.
La propagande de l’OTAN tente de minimiser la présence des néo-nazis en Ukraine en la comparant avec celle des groupuscules équivalents dans le reste de l’Occident. La vérité est très différente. Les bandéristes ont progressivement pris le pouvoir dans ce pays durant les trente dernières années, récrivant l’histoire, formant la jeunesse et modifiant un à un tous les symboles de l’État. Ils ont endoctriné un tiers de la population et représentent un bon tiers des forces armées. Leur objectif est de détruire la Russie, ce qu’ils tentent de faire avec l’aide des Straussiens.
Dans un article précédent, j’ai montré comment et pourquoi le MI6 et la CIA avaient fait alliance avec les bandéristes ukrainiens durant la Guerre froide. Ces hommes et ces femmes, qui auraient dû être jugés à Nuremberg, étaient devenus pour les vainqueurs des soldats de l’ombre. Ils pouvaient poursuivre leur obsession anti-Russe à leur service.
Suite aux nombreuses réactions de mes lecteurs, je voudrais expliquer ici comment ils ont pris possession de l’Ukraine actuelle, puis ont repris et poursuivi la Seconde Guerre mondiale dans plusieurs pays à leur compte. Surtout, je voudrais montrer qu’en 2000, ces enragés sont passés du statut de supplétifs à celui de troupes de choc US. Ils ont conclu un pacte avec les Straussiens contre la Russie. C’est ce pacte qui a conduit à la guerre actuelle.
Bandéristes de l’intérieur et de l’extérieur
Lorsque l’Union soviétique chancela, les dirigeants bandéristes de l’intérieur sortirent de l’ombre et entrèrent dans la légalité. Certains avaient survécu à la Seconde Guerre mondiale et à la période des troubles qui suivirent (1945-50). Ils avaient été graciés par Nikita Khrouchtchev (un Soviétique ukrainien), en 1954, et avaient été récupérés par le système. Ils étaient entrés dans l’administration communiste. Ils avaient cependant conservé des liens entre eux et avec les bandéristes de l’extérieur, ceux du Bloc anti-bolchévique des nations (ABN) et de la Ligue anti-communiste mondiale (WACL).
Alors que l’URSS chancelait, une poignée d’étudiants, dont certains étaient bandéristes, organisa en octobre 1990 un mouvement sur la place Maïdan (alors nommée « place de la Révolution d’octobre ») contre toute forme d’association avec la Russie. C’est ce que l’on appelle la « Révolution de granit » ; une période de grande confusion intellectuelle. À ce moment-là, de nombreux Ukrainiens ne considéraient pas que les Russes souhaitaient se libérer du régime soviétique comme eux. Beaucoup pensaient que l’URSS était une forme de l’impérialisme russe et que les Russes avaient tenté de détruire leur pays.
Lorsque l’Ukraine proclama son indépendance, le 24 août 1991, les bandéristes en général se montrèrent au grand jour. Ils ne se présentèrent pas comme d’anciens collaborateurs des nazis ayant perpétré des crimes contre l’humanité, mais comme des « nationalistes » et des militants anti-soviétiques. Tenant des postes importants, ils parvinrent à faire signer aux jeunes conscrits un document par lequel ils s’engageaient à combattre la Russie en cas de conflit avec elle. Ils purent aussi organiser, en 1992, une manifestation publique dans les rues de la capitale avec 7 000 personnes célébrant le 70ème anniversaire de l’armée bandériste avec la participation des bandéristes de l’extérieur qui étaient revenus au pays.
La réorganisation des bandéristes (1990-98)
Les bandéristes de l’intérieur (OUN-B) se sont répartis au sein du Parti nationaliste social d’Ukraine (SNPU), puis de Svoboda (Liberté), tandis que les plus aguerris ont créé l’Assemblée nationale ukrainienne et la milice d’Autodéfense du Peuple ukrainien.
Les paramilitaires d’Andriy Biletsky (le « führer blanc ») se séparèrent administrativement de Svoboda pour créer leur propre organisation. Mais Svoboda ne changea pas pour autant. La plate-forme du parti continua à affirmer qu’il entendait « liquider physiquement toute l’intelligentsia russophone et abattre rapidement tous les ukrainophobes sans procès ». Le parti commença a établir des fichiers des pro-Russes, pro-Roumains, pro-Hongrois et pro-Tatars car « ce troupeau devrait être réduit d’environ 5 à 6 millions d’individus ».
La milice d’Autodéfense du Peuple ukrainien était présidée par un bandériste de l’extérieur, Yuriy Shukhevych, fils d’un tristement célèbre criminel contre l’humanité. Son groupe s’engagea avec la CIA dans des guerres contre les Russes, souvent aux côtés des islamistes. Leur présence a été contestée avec les Géorgiens en Abkhazie (1998), mais attestée avec les Roumains en Transnistrie (1992), avec la légion arabe d’Oussama Ben Laden en Yougoslavie (1992-95) avec les Azéris au Nagorno-Karabagh (jusqu’en 1994) et surtout avec les islamistes lors de la première guerre de Tchétchénie.
Plusieurs combattants ont été identifiés par le parquet russe, dont Igor Mazur, Valeriy Bobrovich, Dmytro Korchynsky, Andriy Tyahni-bok (le frère d’Oleh Tyahnibok), Dmytro Yarosh, Vladimir Ma-malyga et Olexandr Muzychko. Ils se sont caractérisés à la fois par leur valeur au combat et par leur cruauté. Olexandr Muzychko a été élevé au titre d’« héros de la Nation » par l’Émirat islamique d’Itchkérie (Tchétchénie) pour « avoir cassé les doigts des officiers [russes], exorbité leurs yeux, arraché leurs ongles et leurs dents, et en avoir descendu d’autres ». Il devint le chef de la garde personnelle de l’émir Djokhar Doudaïev.
Le Bloc anti-bolchévique des nations (ABN), dont le siège est resté à Munich dans les locaux de la CIA, a ouvert des bureaux à Kiev.
En 1994, la présidente de l’ABN et veuve du Premier ministre nazi Yaroslav Stetsko, Slava Stetsko, se présenta aux élections législatives. Elle fut élue (alors qu’elle n’avait pas la nationalité ukrainienne), puis réélue en 1998 et en 2002. Doyenne de la Verkhovna Rada, elle présida les séances d’ouverture de la session, le 19 mars 1998 et le 14 mai 2002. À ces occasions, elle prononça des discours sous les applaudissements de ses pairs (mais hors de la présence des députés communistes qui quittèrent la salle). Elle fit l’éloge de Stepan Bandera et de Yaroslav Stetsko et conclut par leur cri de ralliement, « Gloire à l’Ukraine ! ». Elle mourut à 82 ans, le 12 mars 2003, à Munich.
L’assassinat de Georgiy Gongadze (2000)
Durant sa présidence, Leonid Kuchma privatisa tout ce qu’il put. Les richesses se concentrèrent dans les mains de treize acteurs, les oligarques, regroupés en trois clans (Donetsk, Dnipropetrovsk et Kiev). Ceux-ci possédèrent bientôt toute le pays et eurent plus de pouvoir que les politiciens. Ce système, qui perdure encore, prive les Ukrainiens de leur souveraineté et brouille les cartes.
En 2000, le journaliste Georgiy Gongadze, qui était allé se battre en Géorgie avec des bandéristes, puis avait enquêté sur la corruption du président Kouchma et de son entourage, disparut. Son corps fut retrouvé ultérieurement, décapité et aspergé de dioxine pour le rendre difficilement identifiable. C’est alors que le président de la Verkhovna Rada divulgua des enregistrements d’une conversation du président Kouchma avec son chef de cabinet et son ministre de l’Intérieur sur la manière de faire taire Georgiy Gongadze. La fin de la présidence Kouchma fut pathétique.
Fin 2000, l’ambassadeur états-unien Lev E. Dobriansky (le leader des bandéristes aux USA) organisa une conférence bipartisane à Washington sur les relations bilatérales USA-Ukraine. 70 discours y furent prononcés et 12 groupes de travail s’y réunirent. La délégation républicaine était conduite par le Straussien Paul Wolfowitz tandis que la délégation démocrate l’était par Zbignew Brzezinki.
Wolfowitz parla en premier. Après avoir salué la liquidation des armes nucléaires, la fermeture de la centrale de Tchernobyl et l’adhésion au Partenariat pour la paix de l’OTAN, il annonça le déblocage d’un prêt du FMI de 2,6 millions de dollars et les pressions de Washington pour que l’UE accepte l’Ukraine parmi ses membres. Surtout il souligna que la Russie était toujours une puissance impérialiste comme le montrait la guerre en Tchétchénie à laquelle participaient les bandéristes. Il fallait donc les soutenir contre la Russie. Brzezinski, quant à lui, compara l’Ukraine à la Russie pour la trouver plus démocratique et moins corrompue. Il plaida longuement pour qu’on ne la considère plus comme un État post soviétique, mais européen et qu’elle puisse entrer dans le club fermé de l’Union européenne.
L’inévitable avait été prononcé : les bandéristes, de supplétifs durant la guerre froide, étaient désormais reconnus comme alliés des États-Unis dans le monde unipolaire en construction.
La révolution orange (2004)
La succession présidentielle ne devait pas modifier l’équilibre entre les clans. Kouchma (clan de Dnipropetrovsk) finit par se rabattre sur la candidature de son Premier ministre Viktor Ianoukovytch (clan de Donestk). L’élection lui fut favorable, mais provoqua une vive contestation entretenue par le clan de Kiev (soutenu par la National Endowment for Democracy – NED). La consultation fut annulée. Lors du second scrutin, Viktor Iouchtchenko l’emporta. C’est ce que l’on appelle la « Révolution orange ».
Cependant la nouvelle équipe se fractura rapidement derrière Viktor Iouchtchenko d’une part et Ioulia Tymochenko d’autre part. Les bandéristes mirent à profit ce clivage interne de l’oligarchie pour avancer un peu plus leurs pions dans les deux camps.
Le 8 mai 2007, à Ternopol, à l’initiative de la CIA, les bandéristes d’Autodéfense du Peuple ukrainien et les islamistes créèrent un « Front anti-impérialiste » anti-Russe sous la présidence conjointe de Dmytro Yarosh et de l’émir d’Itchkérie, Dokka Umarov. Des organisations de Lituanie, de Pologne, d’Ukraine et de Russie y participèrent, dont les séparatistes islamistes de Crimée, d’Adyguée, du Dagestan, d’Ingouchie, du Kabardino-Balkarie, du Karatchaïévo-Tcherkessie, d’Ossétie, de Tchétchénie. Ne pouvant s’y rendre du fait des sanctions internationales, Dokka Umarov, y fit lire sa contribution. Le ministère de l’Orient d’Alfred Rosenberg et l’ABN de Stepan Bandera revivaient sous une autre forme à l’abri de l’État ukrainien.
La division du clan de Kiev profita, en 2010, à l’élection de Viktor Ianoukovytch. Celui-ci substitua sa famille, qu’il plaça aux principaux postes de l’État, au système clanique. Il devenait plus important d’entretenir de bonnes relations avec un de ses proches que de représenter tel ou tel oligarque. Progressivement toute la vie politique et économique fut contrôlée par le président Ianoukovytch via sa formation politique, le Parti des régions. Cinq oligarques furent exclus du système. Ils ne tardèrent pas à s’allier avec les Straussiens et les bandéristes pour reprendre le pouvoir.
Cependant, durant cette période, la propagande continua et les Ukrainiens s’habituèrent à la présence des bandéristes, désormais financés par l’oligarque juif Ihor Kolomoyskyi. En 2011, ils parvinrent à faire passer une loi interdisant de commémorer la fin de la Seconde Guerre mondiale parce qu’elle avait été gagnée par les Soviétiques et perdue par les bandéristes. Mais le président Viktor Ianoukovytch refusa de la promulguer. Furieux les bandéristes attaquèrent le cortège des anciens combattants de l’Armée rouge, passant à tabac des vieillards. Deux ans plus tard, les villes de Lviv et d’Ivano-Frankivsk abolirent les cérémonies de la Victoire et interdirent toute manifestation de joie. Le président Viktor Iouchtchenko, peu avant la fin de son mandat, éleva Stepan Bandera au titre de « héros de la Nation ».
Lorsque le Parti communiste s’étonna de voir un juif financer des néo-nazis, le Comité juif d’Ukraine lui répondit qu’il relayait une nouvelle version de l’affirmation antisémite selon laquelle ce sont les juifs qui ont amené les bolcheviks au pouvoir et que ce sont les juifs qui ont déclenché la Seconde Guerre mondiale.
La révolution de la dignité, dite EuroMaidan (2014)
La révolution de la dignité, en 2014, fut organisée par la Straussienne Victoria Nuland avec l’aide des bandéristes aguerris sur les champs de bataille. Ces événements sont connus de tous, je n’y reviendrai pas. Cette fois, c’est un oligarque, Petro Poroshenko, qui devint président. Les postes officiels furent squattés par les bandéristes. Un tiers des ministres étaient issus de Slovoda ou de la milice d’Autodéfense du Peuple ukrainien. Andriy Parubiy devint secrétaire du Conseil national de Sécurité et de Défense et Dmytro Yarosh son adjoint. Immédiatement le nouveau régime interdit la langue russe pourtant parlée à la maison par plus de 40% de la population.
Refusant ce retour de l’Histoire, la Crimée vota son indépendance et adhéra à la Fédération de Russie, tandis que les oblasts du Donbass (Donetsk et Lougansk) se déclaraient autonomes.
En mars 2014, l’Assemblée nationale ukrainienne et la milice d’Autodéfense du Peuple ukrainien changèrent de nom pour devenir le Secteur Droit sous l’autorité de Dmytro Yarosh et de Andriy Biletskiy.
En avril 2015, la Verkhovna Rada déclara les membres de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) « combattants de l’indépendance ». La loi fut promulguée, en décembre 2018, par le président Prorchenko. Les anciens Waffen SS eurent droit rétrospectivement à la retraite et à toutes sortes d’avantages.
Les programmes scolaires sont modifiés pour que les enfants apprennent la nouvelle histoire : la Seconde Guerre mondiale n’est pas terminée. Elle s’achèvera bientôt par la défaite de la Russie et le triomphe de l’Ukraine.
Les bandéristes imposèrent leur loi un peu partout à la manière des Sections d’assault (SA) nazies des années 30. Ils entrèrent dans les tribunaux pour menacer les juges, dans les administrations pour contraindre les maires et les gouverneurs. leur exaction la plus célèbre est l’incendie de la maison des syndicats à Odessa.
L’élection de Volodymyr Zelensky (2019-)
L’oligarque juif et sponsor des bandéristes, Ihor Kolomoyskyi, lança l’humoriste Volodymyr Zelensky en politique. Il diffusa sa série de télévision Serviteur du Peuple, puis lui organisa un parti politique et enfin le présenta à l’élection présidentielle.
Le programme de Zelenski tient en six points :
- Décentraliser le pouvoir conformément aux normes européennes ;
- Transformer les administrations publiques en préfectures de type européen ;
- Élever le niveau de vie des Ukrainiens à un niveau supérieur à la moyenne européenne ;
- Adopter les lois nécessaires à la mise en œuvre d’un accord d’association entre l’Ukraine et l’UE ;
- Développer la coopération avec l’UE et l’Otan ;
- Réformer les forces armées conformément aux normes de l’Otan.
Les Ukrainiens qui appréciant la croisade de ce jeune artiste contre la corruption, furent séduits par son rêve européen et ne comprirent pas ce que signifiait son admiration pour l’OTAN. Ils l’élisent à 73% des voix, le 21 avril 2019.
En mars 2021, la ville de Ternopol, puis l’oblast de Lviv renomment leurs stades en l’honneur du général Roman Shukhevych (le père du fondateur de la milice d’Autodéfense du Peuple ukrainien) et de Stepan Bandera.
Le 1er juillet 2021, le président Volodymyr Zelenski promulgue la loi sur les peuples autochtones d’Ukraine. Par défaut, les citoyens d’origine russe ne peuvent plus invoquer les droits de l’homme devant les tribunaux
Le 2 novembre 2021, Dmitryo Yarosh devient conseiller du commandant en chef des armées ukrainiennes, le général Valerii Zaluzhnyi. Toutes les organisations paramilitaires bandéristes, soit 102 000 hommes sont incorporées dans les Forces armées ukrainiennes. Un plan d’attaque de la Crimée et du Donbass est élaboré. L’OTAN, qui a déjà des instructeurs militaires sur place, achemine des armes.
Le 24 février 2022, le président russe Vladimir Poutine,prend de court les bandéristes. Il attaque l’Ukraine pour « dénazifier le pays ».
source : Réseau Voltaire
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