Voilà 2 mois que l’Europe est meurtrie par un nouveau conflit symétrique de haute intensité et dont la cinétique est en passe de devenir incontrôlable du fait des obstinations idéologiques occidentales vis à vis de la Russie et de l’aveuglement des populations européennes complétement hypnotisées et asservies par une doxa mondialiste totalitaire.
Loin des imposteurs propagandistes qui, s’enivrant de leurs fantasmes manichéistes jusqu’à y croire, veulent nous persuader que l’armée russe est la meilleure armée du Monde (comme le courtisan Moreau) ou que l’armée ukrainienne est en train de gagner la guerre (comme le collabo Tyleman), je vais jeter ici, et sans prétention aucune, quelques observations réalisées depuis deux mois et qui appartiennent une réflexion insoumise entamée il y a plus de trente ans.
1- La guerre est géopolitique
« L’art de la guerre », ainsi que décrivait le stratège chinois Sun Tsu il y a 25 siècles les conflits militaires tissant l’Histoire humaine, n’est ni une science exacte ni une connaissance théorique mais un domaine exclusivement empirique et complexe, car dépendant du terrain, de la volonté, de la technologie, de la politique, de la psychologie, du courage… et de la chance également.
L’Histoire militaire nous enseigne depuis l’antiquité que toute armée « qui se repose sur ses lauriers », fantasmes, théories et autres propagandes fumeuses, est condamnée à se réveiller dans la douleur de revers et de défaites militaires graves, et que les français se souviennent à ce titre de l’humiliation militaire subie en 1940.
Depuis 2 mois, les populations européennes, hypnotisées par 2000 années d’occidentalisme fantasmé, semblent découvrir sous le choc médiatique ce conflit russo-ukrainien qui pourtant couvait depuis 8 années comme un volcan dont la tectonique en éveil alerte de son éruption prochaine. Pourtant ce séisme militaire n’est pas surprenant sous notre Soleil et pour s’en convaincre il suffit de prendre un peu de recul historique, de hauteur géopolitique et surtout de reconquérir la sagesse des anciens.
Le grec Thucydide, un contemporain européen de Sun Tzu avait défini il y a 25 siècles déjà les principes de la géopolitique universelle qui fait se mouvoir les relations politiques, économiques, culturelles humaines jusqu’à, parfois, leurs paroxysmes militaires. Thucydide dans ses livres, à la fois philosophiques, poétiques et historiques, souligne entre autres concepts toujours d’actualité:
- Les oppositions universelles entre la vision réaliste de l’Être (Métis, la tempérance) et l’idéologie fantasmée de l’Avoir (Hubris, la démesure),
- La dynamique dangereuse des alliances pourtant nécessaires mais qui entraîne les guerres vers leurs extensions mondiales,
- La dérive de la puissance qui, au prétexte de sa protection offerte, impose aux peuples une soumission totale au pouvoir qui la détient,
- La rivalité entre la Mer et la Terre, les thalassocraties marchandes et les royaumes continentaux, entre la force militaro-économique et le droit de la cité…
Et si l’on prolonge la pensée de Thucydide, que bien d’autres penseurs ont repris jusqu’à nos jours comme par exemple le sociologue polonais Zygmunt Bauman dans sa métaphore de l’opposition entre « société liquide » et « société solide » critiquant l’Hubris néo-libéral, on s’aperçoit qu’elle est plus que jamais d’actualité dans cette géopolitique, qui depuis des siècles se cristallise autour de la Mer Noire, ce « pivot stratégique de l’Europe » comme l’appelait justement le néolibéral Zbigniew Brzeziński.
On ne peut comprendre ce conflit russo-ukrainien sans le mettre préalablement en perspective de cette géopolitique universelle qui seule permet d’en définir les véritables enjeux et menaces :
• Washington et son mondialisme ont remplacé son impérialisme mais toujours dans un Hubris marchand et liquide pour lequel les identités « non alignées » et concurrences économiques ne sont que des ilots à submerger. De même Moscou est devenu la nouvelle Sparte, cité continentale défendant ses traditions et ses identités civilisationnelles dans une notion d’Empire solide défini par la réalité de son sanctuaire et son Histoire et opposée à l’idéologie impérialiste fondée sur des fantasmes hors sol.
• Dans cette confrontation entre Moscou et Washington, le contrôle de la mer Noire qui depuis le XVIIIe siècle est l’obsession militaro-commerciale des uns et des autres (à l’époque les empires britannique et russe) est redevenu un enjeu majeur prioritaire, que ce soit pour l’OTAN, qui veut encercler militairement la Russie (« stratégie du Containment »), que pour Moscou qui veut protéger sa zone d’influence sécuritaire qui ici lui est vitale faute de profondeur stratégique occidentale.
• Après l’échec occidental à vouloir récupérer la Crimée et sa base stratégique russe de Sébastopol (objectif majeur du Maïdan), Washington a commandité la guerre contre le Donbass russe puis, l’a entretenu par des violations quotidiennes des accords de Minsk tout en la maintenant dans les tranchées militaires et diplomatiques pour ne pas discréditer outrancièrement la junte ukrainienne et, poursuivre une militarisation atlantiste factuelle du pays qui conduirait inévitablement la Russie à réagir violemment.
Pour résumer, la préemption politique de l’Ukraine par la ploutocratie mondialiste est d’abord et avant tout un enjeu stratégique pour son hégémonie militaro-industrielle autant qu’elle est une menace existentielle pour la Fédération de Russie. Ce que les européens ne devraient pas oublier c’est que lorsqu’il s’agit de sauver sa peau tous les coups son permis, car ils risquent de payer très cher cette stratégie agressive de l’OTAN ordonnée par des faucons de guerre amoraux qui sont aux antipodes du vieux continent.
2- La guerre est empirique
Oui, les forces russes ont rencontré des difficultés tactiques et organisationnelles sensibles, et Non, les forces ukrainiennes ne sont pas en train de gagner ce conflit militaire avec la Russie.
Et pour plusieurs raisons :
D’une part un conflit symétrique et d’une telle intensité ne peut être conclu en quelques semaines et même en quelques mois, sauf capitulation et d’autre part il n’y a pas eu de précédent depuis près de 80 ans et donc des surprises, positives ou négatives, sont inévitables ainsi que la nécessité de réaliser une réévaluation doctrinale en cours d’action pur les 2 belligérants au regard du rapport « coût/bénéfice » de leurs décisions stratégiques et actions tactiques. C’est ainsi dans toutes les guerres (et plus généralement dans toute les actions risquées de l’existence) : rien ne se passe généralement « comme prévu » et l’atteinte des objectifs ne dépend souvent que de la faculté à analyser et s’adapter rapidement aux nouvelles situations. Et paradoxalement l’échec est souvent la meilleure école dès lors que l’obstination ne le conduise pas à la défaite.
Ainsi si on regarde les opérations militaires russes des dernières décennies on constate que ses grandes réformes ont été déclenchées au lendemain de difficultés rencontrées sur le terrain :
- Modernisation des armements suite aux enseignements de la guerre en Afghanistan,
- Modernisation des procédures tactiques après l’échec de la 1ère guerre de Tchétchénie,
- Modernisation de la logistique suite aux problèmes vus lors de la guerre en Géorgie,
- Modernisation de la doctrine du combat urbain suite aux opérations menées en Syrie…
Lorsque l’état-major russe lance ses opérations militaires en Ukraine ce 24 février 2022, pour mettre fin à la guerre dans le Donbass, imposer une neutralité de l’Ukraine et porter un coup d’arrêt à l’extension territoriale de l’OTAN, on peut observer une stratégie d’autant plus ambitieuse que les forces qui lui sont consacrées (env. 150 000 hommes) semblent être relativement faibles par rapport à l’étendue du théâtre d’opérations (2000 kilomètres entre Kiev et Kherson), les forces en présence (260 000 soldats ukrainiens plus 300 000 réservistes rappelés), ainsi que le coefficient du rapport de force « assaillant/défenseur » qui donne toujours un avantage à ce dernier.
Loin de moi l’intention de juger les décisions de l’état-major russe, leurs objectifs politiques, leurs pertinences stratégiques, car d’une part je ne dispose pas de toutes les données qui de plus sont noyées dans le brouillard de guerre des secrets opérationnels autant que des mensonges propagandistes mais de relever des difficultés qui semblent être la conséquence d’évaluations initiales erronées où visiblement des capacités russes ont été surévaluées tandis que des capacités ukrainiennes ont été sous-évaluées.
Y a t-il eu un problème d’évaluation russe ?
Oui et non :
Tout d’abord, il faut rappeler à ceux qui jubilent ou dépriment devant les blindés avions et soldats russes détruits que ce n’est que la dure réalité d’un conflit symétrique de haute intensité qui comme son nom l’indique bien est émaillé de pertes sensibles voire de revers des deux côtés du front jusqu’à les dieux des batailles décident à qui donner les lauriers de la victoire finale.
De même il est malhonnête de faire un focus uniquement sur des pertes subies par l’un des belligérants et de cacher celles subies par l’autre. Cela relève du crétinisme propagandiste qui à l’heure de l’hypercommunication des réseaux internet est totalement abscons et même contre productif !
Voilà pourquoi, pour ne pas rentrer dans le jeu des masturbations propagandistes je ne donnerai aucun chiffres des pertes ukrainiennes ou russes subies, sachant de surcroit qu’aucun de ceux communiqués n’est réel, brouillard de guerre oblige.
Le fait est qu’après 3 semaines d’opérations militaires globalement réussies sur le plan des destructions occasionnées aux forces ukrainiennes, l’état-major russe a été obligé de réorienter sa stratégie et même de réorganiser ses articulations tactiques :
Vladimir Poutine a nommé cette intervention armée visant à démilitariser l’Ukraine « Opération miliaire Spéciale » ce qui sous entend une doctrine stratégique différente de celle d’une guerre totale menée contre un pays (voir § suivant), laissant notamment la porte ouverte à un retour aux négociations politiques autour des objectifs désignés. Par conséquent l’état-major russe a défini des moyens, des cibles et des procédures mesurées qui veulent rester liées à la politique internationale et sécuritaire de la Russie et dans son espace régional frontalier.
En limitant clairement ses moyens sur le terrain Moscou voulait maintenir sa stratégie :
• À sa zone d’influence sécuritaire frontalière qu’elle veut voir légitimement rester politiquement et militairement neutre face à un impérialisme occidental libéré par l’effondrement soviétique. Rappelons ici que ces revendications russes sont :
– rappelées à chaque expansion de l’OTAN… mais en vain, depuis 1991, date où elles avaient été pourtant actées entre Washington et Moscou à l’occasion des discussions autour de la réunification allemande,
– alertées… mais en vain, depuis 2008, lorsqu’au sommet de Bucarest, l’OTAN annonce sa volonté d’intégrer l’Ukraine et la Géorgie et malgré une première réaction militaire russe en Géorgie),
– martelées… mais en vain, depuis 2014, après le coup d’État du Maïdan commandité par Washington et provoquant la sécession de la Crimée et la guerre du Donbass, pour laquelle les accords de paix n’ont jamais été respectés par Kiev,
– exigées… mais en vain, depuis décembre 2014, par une proposition de traité de sécurité collective, après que l’imminence d’un offensive de Kiev dans le Donbass et la militarisation atlantiste accélérée de l’Ukraine aient été confirmées,
– militarisées finalement depuis le 24 février, suite à un nouvel échec de la diplomatie russe à les faire respecter par Washington (qui pourtant les exige pour son espace) et l’obstination de l’Ukraine russophobe à vouloir entrer dans l’OTAN,
• À des opérations militaires dont les objectifs sont de mettre fin à un conflit local (Donbass) et surtout éviter que ce conflit régional devienne total risquant ainsi d’évoluer vers une guerre mondiale,
• Dans un mode opératoires privilégiant les frappes de précision plu tôt que les bombardements massifs afin de préserver autant que possible les populations civiles prises entre les deux feux (d’où la priorité donné aux corridors humanitaires)
• À une option n’impliquant pas l’engagement radical de la société civile russe dans le conflit (mobilisation générale, économie de guerre…), ce qui impose de mettre entre parenthèse le contrat social de la gouvernance.
Sauf que, 2 mois après le début des opérations militaires russes, force est de constater qu’elles évoluent malgré tout (sauf capitulation improbable de Kiev) vers un conflit régional de haute intensité et de longue durée dont les perspectives mondiales ne sont pas écartées.
Il y a bien sûr un succès évident à ces opérations militaires russes dans leur objectifs de démilitariser l’Ukraine car les frappes russes réalisées au cours du premier mois ont détruit environ 70% de ses ressources stratégiques (dépôts divers, centres de commandement, parc aérien, usines d’armement etc) empêchant ainsi les forces de Kiev, et malgré leur supériorité numérique, d’engager des contre offensives majeures ou simplement de reprendre l’initiative.
Cependant les objectifs russes n’ont pas été tous atteints : le régime de Kiev n’a pas capitulé, l’OTAN n’a pas renoncé (au contraire), et les forces ukrainiennes ont encaissé le choc initial et même engagé un certaine résistance grâce à des combats d’attrition s’appuyant sur une techno-guerrilla antichar et une défense urbaine dans la profondeur, lesquelles n’ont été rendues possibles que grâce aux formations, aux aides logistiques et à l’engagement du renseignement stratégique de l’OTAN qui depuis avril exponentialise quantitativement et qualitativement ses aide, risquant ainsi de provoquer une extension internationale du conflit.
Ceci et cela a donc conduit l’état-major russe à une réévaluation des situations tactiques pour une réorientation de la stratégie.
La première dichotomie observable est le rapport initial entre l’étendue des secteurs militaires traités et la faiblesse des moyens qui leur ont été consacrés, et cette contradiction a été exacerbée par plusieurs difficultés rencontrées par l’état-major russe :
1- Résistance tactique et mentale des forces ukrainiennes qui a été sous évaluée,
2- Captation d’effectifs et de moyens importante autour des villes assiégées,
3- Rigidité verticale et lente d’une coordination éclatée sur 3 districts militaires,
4- Faiblesse persistante de la chaîne logistique russe au delà des 100km,
5- Manque d’infanterie pour des engagements urbains ou forestiers sécurisés,
6- Modernisation inachevée du champ de bataille terrestre (numérisation, guerrélec),
Je pense que les difficultés rencontrées et les pertes subies par les forces russes en Ukraine (il faut être idiot pour raconter comme certains que « tout va bien ») sont logiques et la conséquence de plusieurs paramètres connus :
- C’est la première apparition pratique d’un conflit symétrique de haute intensité et il est normal qu’elle bouscule certaines certitudes et théories échafaudées par les stratèges depuis 80 ans,
- Une sous évaluation des capacités militaires ukrainiennes qui, contrairement au fantasmes pro-russes propagandistes, ont été très nettement améliorées en formation et équipement par l’OTAN,
- Une sous évaluation de la mentalité ukrainienne qui a subi par le lobby consumériste occidental un lavage russophobe de cerveaux, progressif depuis son indépendance et accéléré depuis le Maïdan,
- Une surévaluation des capacités militaires russes qui ont montré la persistance d’un atavisme structurel paralysant dans une rigidité de commandement verticale les initiatives horizontales imposées par la guerre moderne,
- Des contraintes budgétaires (où interviennent peut-être les sanctions) qui ont obligé le Kremlin a modernisé en priorité ses forces stratégiques et de précision (aviation, missiles, forces spéciales) au détriment des forces conventionnelles à la traîne,
- Un manque d’encadrement de terrain, officier et surtout sous-officiers formés à être autonomes dans les évaluations et prises de décisions tactiques (conséquence de la rigidité structurelle verticale évoquées précédemment).
Pour rééquilibrer ce tableau, je pense pour ma part que Moscou a également aussi limité qualitativement son engagement militaire en Ukraine, gardant ses meilleures atouts militaires modernes en réserve pour l’éventualité d’une extension internationale du conflit, scénario que l’état-major russe a certainement envisagé et étudié.
Et aujourd’hui, tant la contraction des opérations militaires dans le Donbass que les renforts russes minimum envoyés en Ukraine (une dizaine de Bataillons Tactiques Interarmes) me font penser que la Russie pour ne pas tomber dans un trou noir ukrainien aspirant ses forces a également engagé une guerre d’attrition, à la fois contre l’armée ukrainienne toujours paralysée par ses frappes stratégiques mais également contre la logistique des forces de l’OTAN dont elle sait, pour certaines aides accordées à Kiev, qu’elles ont été obligées de puiser dans leurs stocks stratégiques (pour le missile antichar « Javelin » par exemple).
Pour illustrer ces quelques remarques, j’évoquerai le secteur d’Izioum (Nord du Donbass) où plusieurs unités russes se sont fait clouer dans des embuscades antichars où dans des frappes de mortiers parce qu’elles arrivaient en colonne aux abords de zones forestières ou urbaines non reconnues. Après plusieurs revers, l’envoi d’unités d’infanterie organisées en petits groupes autonomes et équipés sont parvenues à casser les défenses ukrainiennes en s’adaptant à leur fluidité et dispersion. La rapidité et l’initiative, remplaçant la masse, ont permis aux forces russes de s’emparer de ce secteur clé qui était pourtant très bien défendu. Et la même réflexion peut être faite concernant l’emploi des forces spéciales tchétchènes dans la bataille de Marioupol.
Du côté ukrainien, force est de constater que l’OTAN a su engager une réforme très importante des forces de Kiev, sur les enseignements de ses revers subis en 2014-2015 dans le Donbass où leurs groupes blindés ont été écrasés par seulement quelques bataillons. Ces réformes ont bien sûr porté sur des éléments visibles dans les sources ouvertes comme par exemple les livraisons des matériels occidentaux, mais aujourd’hui au vu de la réactivité des unités ukrainiennes on peut déceler les autres réformes structurelles et doctrinales qui ont été engagées depuis 8 ans comme par exemple :
- réforme des organigrammes des petites unités pour plus de mobilité,
- modernisation d’un corps de sous-officiers formé pour développer l’autonomie,
- nouvelles procédures d’emploi des composantes antichars, antiaériennes…
- généralisation de l’emploi des drones d’observation jusqu’au niveau tactique,
- développement de réseaux logistiques alternatifs et camouflés,
- entrainement aux combats en zone urbaine etc.
À ces réformes militaires il faut également souligner les réformes plus psychologiques tel que la communication ouverte, la propagande nationaliste, l’intoxication occidentale (russophobie, « american way of life »…)… qui participent à la motivation du soldat sans laquelle la modernisation du champ de bataille ne sert à rien.
Concernant le secteur de Kiev
Mais cette adaptation n’est possible que dans un maintien d’une stratégie globale et la limitation des moyens qui lui sont dédiés, voilà pourquoi l’état-major russe a préféré quitter le secteur Nord (de Kiev, Tchernigov et Soumy) lequel est militairement secondaire malgré un enjeu politique évident dont les objectifs (capitulation) n’ont pas été atteints. Et plutôt que de se maintenir dans ce secteur Nord au prix de renforts importants l’état-major russe a préféré se réorienter sur la priorité de ses opérations, à savoir la libération totale du Donbass laquelle n’exclut pas ensuite un retour vers Kiev après la prise de Kharkov ou Odessa.
Peut-être aussi assiste t-on avec ce départ du secteur Nord à un bluff stratégique russe visant à dégarnir les défenses de Kiev au profit du front central (ce qui a déjà commencé avec l’envoi d’au moins 5 brigades vers Kharkov et Pavlograd), et à y faire revenir le gouvernement,
Pour faire une précision sur ce retrait russe de Kiev il est complètement débile, comme le prétendent certains propagandistes ukro-atlantistes, de prétendre que ce sont les forces ukrainiennes qui ont repoussé les forces russes, et pire que ces dernières avaient l’intention de capturer Kiev (une mégapole de plus de 800 km2) avec seulement 20 000 hommes.
Vers une réorganisation stratégique et tactique russe
Une fois les forces russes retirées du secteur Nord, on a pu observer des changements structurels dans la conduite des opérations militaires qui sans nul doute ont tenu compte du retour d’expérience des premières semaines du conflit :
Tout d’abord les forces russes, sur le théâtre d’opérations ukrainien sont passées en la personne du Lieutenant-Général Alexandre Dvornikov sous un commandement unifié afin d’améliorer leur coordination à la fois sectorielle mais aussi interarmes.
Cet officier russe de 60 ans se révèle avoir une solide expérience militaire et notamment concernant la guerre urbaine qu’il a pratiqué en Tchétchénie et en Syrie, et qui s’est imposée à nouveau en Ukraine comme le principal champ de bataille des opérations.
Mais surtout il est depuis 2016 le Commandant en chef du district militaire Sud dont dépendent les secteurs Sud et Centre des opérations militaires en cours. Il était donc normal en dehors de toutes les élucubrations entendues à son sujet qu’il soit choisi pour ce poste de général en chef des forces russes en Ukraine.
Concernant les opérations militaires, il est faux de prétendre que le Kremlin a revu à la baisse ses objectifs géopolitiques mais que simplement, ne voulant pas mettre plus de moyens que de raison dans ce théâtre d’opérations ; il a demandé à son état-major :
• De séquencer les objectifs militaires en donnant une priorité à la libération de l’ensemble des territoires du Donbass laquelle peut être longue du fait du nombre de villes industrielles organisées en bastions défensifs (environ une dizaine) et de la présence du corps de bataille ukrainien le plus important, le mieux formé et aguerri ; et dont la destruction constituera une défaite très importante pour Kiev, tant politique que militaire.
• D’intensifier les bombardements de précision visant les ressources stratégiques et militaires ukrainiennes mais aussi de les étendre à l’ensemble du réseau ferroviaire et routier civil qui avait été épargné pour les réfugiés en partance vers l’Ouest mais qui aujourd’hui devient le réseau d’approvisionnement logistique des forces ukrainiennes et notamment celui des aides militaires occidentales qui leur parviennent.
• De réorganiser les Groupes Tactiques InterArmes russes appelés BTG, qui jusqu’ici laissaient les villes de côté dans des encerclements, en les renforçant avec plus d’infanterie et des forces spéciales nécessaires et adapter pour sécuriser les assauts urbains. Un BTG renforcé c’est environ 800 hommes avec de l’artillerie, des blindés, de l’infanterie, du génie combat, des systèmes antiaériens… lui conférant un autonomie.
• De renforcer la chaîne logistique avant de poursuivre les progressions dans la profondeur, et c’est pour cela entre autres raisons que La prise de Marioupol etait un objectif majeur, car désormais elle offre à l’état-major russe un port et un aéroport, une voie directe jusqu’à Rostov sur le Don qui vont augmenter considérablement len vitesse et quantités la logistique pour le front Sud du Donbass.
L’école du terrain
Mais le plus grand changement qui a été opéré depuis deux mois (et cela est valable aussi à moindre mesure pour les forces ukrainiennes) c’est l’expérience du combat acquise par les forces russes engagée dans ces opérations militaires. Mon chef d’escadron me disait qu’une mission opérationnelle en territoire hostile valait souvent une année de formation et souvent la remplaçait en terme d’efficacité opérationnelle acquise.
À Marioupol, les mouvements des soldats sont devenus plus « félins » et leurs regards plus attentifs, les instincts se sont aiguisés, les ordres se sont raréfiés, chacun connaissant maintenant son rôle dans l’action de plus en plus franche.
Si les « RetEx » (retour d’expérience) donnent souvent lieu à des remue méninges dans les états-majors, pour le soldat du terrain ils sont directement distillés dans ses muscles, ses sens et son instinct, et c’est ici que s’opéré sans nul doute la plus importante évolution empirique du combat et qui donne aux soldats restés debout les armes de la Victoire finale !
3- La guerre est cinétique
Lorsque Moscou engage la solution militaire pour résoudre la menace ukrainienne il est bon de rappeler que, dans les jours précédents :
• Du côté de Washington, non seulement la proposition d’un traité de sécurité collective exprimée à plusieurs reprises par le Kremlin (à Washington puis devant l’ONU, l’OTAN, l’OSCE) venait d’être rejetée catégoriquement et sans aucune explication, mais que l’OTAN venait depuis le 17 janvier de mettre en place un pont aérien délivrant quotidiennement aux forces ukrainiennes des dizaines de tonnes d’armes et de munitions.
• Du côté de Kiev, ses forces déployées dans le Donbass venait non seulement d’intensifier leurs bombardements contre les populations de Donetsk et Lougansk depuis le 12 février mais que surtout, par la voix de son président Zelensky, confirmait publiquement que Kiev ne respecterait pas les accords de Paix, maintiendrait sa demande d’intégration dans l’OTAN et, « cerise sur le gâteau », doterait son armée de l’arme nucléaire.
Dès lors, même si la réaction militaire russe peut paraître à certains violente (mais n’est-ce pas finalement la définition d’une action militaire ?), il n’en demeure pas moins qu’elle intervient après 8 années d’échecs diplomatiques russes à vouloir amorcer les accords de Minsk et contre des menaces existentielles pesant sur les populations du Donbass autant que sur les grands centres névralgiques russes occidentaux.
La problématique des actions occidentales
D’un part à cause de leur repli dans les bastions urbains et des aides occidentales continuelles qui compensent et parfois augmentent en qualité les matériels détruits, les forces ukrainiennes disposent encore de capacités antichars et antiaériennes performantes et difficiles à détecter et détruire préventivement car elles s’appuient aujourd’hui sur des moyens portatifs légers dotant l’infanterie comme le missile antiaérien britannique STARStreak (portée 8km, vitesse Mach3) ou le missile antichar « Javelin » (portée 2500m)…
Alors que dans la phase initiale des opérations, la priorité donnée à la vitesse, aux dépens de la prudence, avait donné lieu à des pertes sensibles aux lisières des villes et des forêts, on observe pour la phase suivante démarrée depuis 1 semaine, un net ralentissement volontaire des progressions russes, qui privilégient désormais la sécurité autant que l’efficacité. Ceci est visible par exemple dans les derniers combats pour Marioupol ou les progressions ont été menées lentement et pour les attaques de l’aviation russe les positions d’Avdeevka (Nord de Donetsk) dont les passes des chasseurs Sukhoï sont réalisées à haute vitesse et très basse altitude pour surprendre et jamais doublées pour éviter la riposte antiaérienne alertée.
Mais ces aides occidentales, dans leurs croissances quantitative et qualitative, risquent de devenir à terme un nouveau problème devant lequel les forces russes devront s’adapter, notamment lorsqu’arriveront sur le champ de bataille les chasseurs MIG 29 polonais, les chars de combat roumains, les obusiers français les drones étasuniens, les véhicules de combat d’infanterie allemands ou les systèmes antiaériens britanniques pour ne citer que quelques exemples des « cadeaux » fournis par 35 pays de l’OTAN et du G7. Il faudra pour l’état-major russe intensifier, diversifier et étendre ses attaques aériennes jusqu’aux frontières de la Pologne et de la Roumanie, et probablement, si un jour prochain un missile de croisière livré par le Pentagone frappe une ville russe, attaquer directement les ressources de l’OTAN qui auront été impliquées ((bases et dépôts logistiques en Pologne ou satellites militaires par exemple).
Il y a un mois je ne serais pas permis ce scénario, mais aujourd’hui devant la démesure des aides occidentales qui ne cherchent – comme de coutume – qu’à provoquer une riposte russe inévitable, je commence à le croire plausible.
Vers une internationalisation territoriale du conflit
Dans la doctrine stratégique russe il existe 3 types de conflits militaires : local, régional et mondial les deux premiers pouvant évoluer facilement vers le suivant, notamment si viennent s’y greffer sous forme de conflits asymétriques, des proxys manipulés de l’extérieur dans une mécanique d’alliances militaires internationales.
Ainsi le conflit local du Donbass, devenu régional depuis deux mois continue sa progression vers une guerre mondiale par la seule servilité politique de Kiev aux intérêts de Washington et renforcée par sa dépendance économique totale au système économique mondialiste. Ett on peut observer que cette attitude est partagée par la grande majorité des pays occidentaux qui forment l’ossature de l’OTAN et du G7.
Lorsque la guerre était « le prolongement de la politique par d’autres moyens » il était encore possible de revenir à la table des négociations assez facilement, mais dès lors que la guerre n’est plus que le prolongement de l’économie par d’autres moyens, l’intérêt financier qui par définition est amoral a remplacé définitivement la raison politique, surtout depuis que la propagande de guerre, en diabolisant l’adversaire, le rend systématiquement et totalement infréquentable comme le serait n’importe quel chef terroriste international. et je fais le pari qu’à partir de cette guerre russo-ukrainienne une « reductio ad Putinum » deviendra l’ultima ration de la bien pensance en lieu et place de la « reductio ad hitlerum » qui est d’autant plus inappropriée que cette doxa dominante soutient désormais une résurgence du nazisme en Europe.
Ce 25 avril, Sergeï Lavrov, le chef de la Diplomatie russe a alerté l’opinion internationale sur cette escalade militaire exacerbée par les aides militaires occidentales exponentielles à l’Ukraine, soulignant que « le risque de Troisième guerre mondiale est réel ».
Pendant les 20 dernières années, tandis que l’OTAN poursuivait inexorablement sa reptation vers elle, la Russie a tout fait pour combler les trous dans sa raquette défensive qui étaient la conséquence de plus de 10 ans de délabrement politique moscovite d’abandon militaire et de corruption monstrueuse, Washington a vu les progrès impressionnants des armements russes qui permettent depuis 2008 des réactions également de plus en plus fortes du Kremlin face à l’hégémonie de l’OTAN. Voilà pourquoi les faucons de Washington pressés par leur propre effondrement économique, ont décidé de jouer le tout pour le tout et d’ouvrir en 2014 un conflit purulent sur le flanc occidental de la Russie en ordonnant à leurs auxiliaires de Kiev d’y jeter du sel pour que jamais ne s’accomplissent les accords de paix signés à Minsk…
Aujourd’hui, après cette première étape impérialiste géopolitique au cours de laquelle le conflit local et asymétrique du Donbass a été joué, l’Hubris occidental est entré une deuxième étape militaire, cette fois régionale et symétrique et où apparait déjà une dimension internationale avec une OTAN déjà engagée contre la Russie sur le plan de la logistique et du renseignement militaires.
Mais en cherchant à rééquilibrer le rapport des forces technologiques actuellement défavorable à l’Ukraine par un rééquipement énorme dans des types de matériels détruits (artillerie aviation…) et jusqu’à vouloir saturer le champ de bataille avec certaines armes comme par exemple les missiles antichars et antiaériens modernes, les occidentaux basculent sciemment vers une mondialisation du conflit. Et ce n’est pas Poutine qui l’a dit en premier mais Biden lui-même qui, commentant l’idée de la Pologne de livrer ses Mig 29 à Kiev, avait refusé arguant du fait que « cela serait considéré comme un « casus belli » par Moscou » (et les Mig 29 avaient même été rapatriés sur la base de Ramstein en Allemagne).
Ne nous y trompons pas: toutes ces perfusions logistiques hallucinantes envoyées aux forces armées ukrainiennes par Washington et ses laquais ne cherchent pas à sauver le régime de Kiev ou je ne sais quel fantasme démocratique hypocritement agité au dessus des troupeaux occidentaux. Le fait est que Biden n’en a strictement rien à faire des pertes ukrainiennes (et même européennes), tant que leur sacrifice est utile au business étasunien de l’armement et des énergies et sert la stratégie d’affaiblissement économique et militaire de la Russie.
Voilà pourquoi la troisième étape de cette spirale infernale sera l’engagement direct et progressif des forces de l’OTAN dans le conflit, engagement qui peut-être considéré comme déjà amorcé avec ce soutien du renseignement stratégique occidental au profit des forces ukrainiennes au combat et augmenté cette semaine de 7 avions de recherche électronique supplémentaires. D’ailleurs il est aujourd’hui plus que probable qu’un avion de reconnaissance de l’US Air Force P8 « Poséidon » qui était en mission aux mêmes moment et secteur ait joué un rôle dans l’attaque contre le croiseur-amiral Moskva ce 13 avril 2022 au large d’Odessa.
À noter également dans le menu des provocations russophobes organisées les incidents actuels en Transnisstrie (pro-russe) et Moldavie (pro-UE) qui risquent de voir une première internationalisation du conflit du fait de la présence d’un groupe opérationnel russe à Tiraspol (1500 hommes) et de la politique atlantiste de Chișinău
Comme d’habitude Washington flirte avec la ligne rouge, agit par procuration ou faux drapeau, pour provoquer étape par étape la Russie qui, devant le chaos organisé à ses frontières n’a pas d’autre choix (quitte à endosser le masque médiatique du méchant) que de frapper haut et fort appliquant l’enseignement de Machiavel :
« On ne doit jamais laisser se produire un désordre pour éviter une guerre ; car on ne l’évite jamais, mais on la retarde à son désavantage ». (« Le Prince »)
En conclusion
Comme le rappelait le Docteur Adam Leong Kok Wey il y a un mois, faisant référence lui aussi au bien aimé Thucydide, les opérations militaires russes en Ukraine ont été motivées par « la Peur, l’Intérêt, et l’Honneur » cette trilogie qui opposa dans le Péloponnèse Sparte à Athènes et leurs alliés… il y a 25 siècles.
- La peur de voir l’OTAN atteindre ses frontières occidentales, plaçant ainsi Moscou à moins de 5 minutes des missiles stratégiques de Washington,
- L’intérêt de conserver sa position stratégique et économique en Mer Noire et même de la renforcer par un cordon littoral jusqu’à Odessa,
- L’Honneur pour la Russie de défendre sa place et sa vision du Monde laquelle est largement plébiscité par les peuples de la Fédération,
On peut appliquer la même trilogie pour motiver la stratégie étasunienne sauf que cette dernière est dans une dynamique hégémonique tandis que la stratégie russe (malgré la réalité des des opérations militaires) est bien dans une position défensive existentielle, voilà pourquoi elle ne peut que gagner cette nouvelle guerre, et une fois encore dans l’Histoire, européenne ensanglantée, quel qu’en soit le prix !
À l’heure d’aujourd’hui, il devrait y avoir des millions d’européens manifestant chaque jour dans les rues en faveur de la Paix, mais il n’en est rien comme depuis ces 8 dernières années de bombardements dans le Donbass. Et leur veulerie, leur insouciance, leur apathie, leur servilité, leur idiotie… que sais-je encore, sont de facto un blanc seing donné aux fous furieux qui dirigent l’Occident. Pire que cela, lorsque des voix s’élèvent dans les théâtres politico-occidentaux, c’est pour hurler contre Poutine et glorifier les fanatiques nazis du régiment Azov.
La fin du cycle occidental est décidément bien pathétique mais il reste à espérer que l’Europe renaisse un jour lointain des cendres de l’Occident !
source : Alawata Rebellion
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