Par Ramin Mazaheri – Le 24 avril 2022 – Le Saker Francophone
» Le paysan était bonapartiste parce que la Grande Révolution, avec tous ses avantages pour lui, était, à ses yeux, personnifiée dans Napoléon. » – Karl Marx
(Ceci est le troisième chapitre d’un nouveau livre, Les Gilets jaunes de France : La répression occidentale des meilleures valeurs de l’Occident. Veuillez cliquer ici pour l’article qui annonce ce livre et explique ses objectifs).
Être contre Napoléon Bonaparte au XIXe siècle, c’était rejeter totalement l’opinion française démocratique, et donc être contre la Révolution française elle-même. C’était céder l’opinion de Napoléon Bonaparte à ses ennemis : le snob anglais, un roi autrichien consanguin, un noble italien complice et traître, un aristocrate hongrois, etc.
L’histoire politique moderne de l’Occident n’a tout simplement aucun sens, et elle perd le fil de l’expansion du pouvoir à l’écart du dirigeant absolu, si nous ne considérons pas que Napoléon Bonaparte était un gauchiste, comme l’ont fait ses contemporains citoyens. Faire de Napoléon un démon assoiffé de sang et d’ambition, un militaire fasciste de plus, un réactionnaire secret, etc., ne fait qu’occulter l’importance de 1789 et l’abaisser.
La volonté de perdre le fil de l’histoire progressiste a été particulièrement évidente dans l’horrible reportage a l’occasion du 200e anniversaire de sa mort, en 2021. La couverture médiatique en France a été étonnamment dérisoire et peut être résumée en deux mots : « tyran » et « héritage controversé ». Un point de vue faussement gauchiste, et donc totalement illusoire, a été systématiquement présenté, comme en témoigne l’article du média d’État France24 : « Napoléon : Génie militaire ou autocrate sexiste et esclavagiste ? »
L’écran de fumée anti-Napoléon officiel a été personnifié par le discours du président Emmanuel Macron sur le bicentenaire, qui s’est terminé par : « Je n’ai pas l’intention de dire si Napoléon a réalisé ou au contraire trahi les valeurs révolutionnaires. Je me tiendrai bien sûr à l’écart d’un tel sujet ». Bien sûr qu’il s’en tiendra à l’écart ; les libéraux-démocrates occidentaux le font toujours, parce que ce sont eux qui travaillent à ce que les valeurs révolutionnaires de 1789 ne soient jamais réalisées.
A cette accusation de « tyran », voici la réplique la plus pertinente : Napoléon a été élu Premier consul à vie puis Empereur par des millions de personnes, et son statut d’ »élu » confirme bien qu’il s’agissait d’avancées politiques spectaculairement progressistes à cette époque. Les autres monarques de cette époque n’étaient, avant tout, que des dictateurs non élus. Deuxièmement, ses constitutions ont également été ratifiées par plusieurs millions de personnes, témoignant ainsi d’une autre avancée spectaculaire de la gauche. Ces éléments ne peuvent tout simplement pas être écartés, car il a fallu attendre plus d’un siècle avant qu’ils ne soient imités dans la plupart des pays européens. Le nombre de référendums sur la monarchie dans l’histoire mondiale ne s’élève qu’à quelques dizaines, et presque tous ont eu lieu après 1950.
Ne vous êtes-vous jamais demandé si le roi d’Arabie Saoudite, du Maroc ou les monarques d’Europe se soumettraient un jour à un vote public ? Lorsqu’il s’agit du schisme entre le monde musulman et le monde occidental, le problème le plus important est peut-être que ce dernier oublie totalement la menace violente, l’insulte grossière, le crime perpétuel que constitue la monarchie héréditaire. Parce que l’Occident l’oublie, il se méprend aussi fatalement sur sa propre histoire européenne depuis 1789, et ne voit pas en Napoléon Bonaparte le héros de la gauche, qu’il est vraiment.
Dépeindre Napoléon Bonaparte comme le pire parmi ses pairs monarques absolus est une révision grotesque de l’histoire et exclut totalement la vision politique des classes paysanne et ouvrière.
Gilet jaune : « Nous sommes ici pour protester contre le gouvernement abusif et cette royauté-présidence d’Emmanuel Macron. Les Gilets Jaunes sont là pour promouvoir une vraie vision de la démocratie et pour redistribuer les richesses de notre pays. A chaque élection, il y a de plus en plus d’abstention car les gens ne croient plus à la politique dominante. «
(Note : ce livre contient plus de 100 citations de Gilets jaunes en marche, publiées à l’origine dans des reportages sur PressTV).
Ce qu’une vue objective révèle c’est que : La France révolutionnaire a dû faire face à non pas une mais sept « Guerres de Coalition » pour restaurer la monarchie, les privilèges, le féodalisme, la torture, l’inégalité, le racisme et l’oppression par une élite aristocratique. De 1792 à 1815, l’élite européenne a refusé de faire la paix avec les avancées socio-politiques de la Révolution française, que le peuple français a choisi démocratiquement et avec constance depuis 1789. L’Angleterre, quant à elle, est la seule nation qui a participé à toutes les guerres, en soudoyant à plusieurs reprises d’autres nations pour qu’elles s’y joignent.
La simple réponse à ceux qui qualifient la Révolution française d’ »impérialiste » est la suivante : L’Empire de la Révolution française, à son apogée en 1808, n’était en fait, que le résultat de combats défensifs, gagnés par cette dernière. Une bonne partie du territoire de l’Empire a été acquis en réaction aux agressions contre la France, et aussi grâce au choix des populations rebelles de se ranger du côté de la France, (à la seule exception du Portugal). Les sept Guerres de la Coalition ont été des attaques contre la France, toutes destinées à empêcher la démocratie de se répandre dans l’Europe autocratique.
A moins d’obscurantisme délibéré, il semble plus exact de dire que Les “Guerres Napoléoniennes » n’ont absolument aucune raison d’être séparées des “Guerres européennes contre la Révolution française ». Cette période de vingt-trois ans doit être, en fait, considérée dans son ensemble. En effet, peu importe que Napoléon ait été aux commandes ou non, la Révolution aurait été quand même agressée, du fait qu’elle défend les idéaux de la Révolution française. Comme le savent l’Iran, Cuba et l’URSS, vingt-trois années d’intervention militaire par les royalistes ou les libéraux-démocrates occidentaux pour étouffer les systèmes politiques progressistes et anti-élites, sont considérées dans la « normalité ».
Ce chapitre n’est pas un blanchiment de Napoléon Bonaparte, mais plutôt un refus de dire que toute sa carrière révolutionnaire de 1789 à 1815 doit être jugée sur la base des dernières années de sa gouvernance. Le principal échec gauchiste et antirévolutionnaire de Napoléon fut surtout le développement de ses intentions dynastiques, virage a son profit personnel qui n’intervient toutefois qu’en 1810, lorsqu’il épouse Marie-Louise, une princesse de la dynastie des Habsbourg d’Autriche, une monarchie absolue et corrompue qui règne sur la majeure partie du continent. Dans Napoléon : Ou le mythe du sauveur, Jean Tulard, probablement l’historien français le plus éminent de cette époque a écrit : « À Sainte-Hélène, Napoléon, « brutalement réveillé de son rêve de légitimité monarchique », a confié qu’il aurait dû épouser une Française et, surtout, pas une princesse. Il a vu clair, mais trop tard.” L’erreur de Napoléon a été d’oublier qu’il jouissait déjà d’une légitimité de gauche plus importante que celle de n’importe quel monarque, par le simple fait qu’il avait été le premier à être élu. Partout ailleurs, aucun monarque antirévolutionnaire ne l’aurait, sans aucun doute, accepté, car la Révolution française était, avant tout, contre l’autocratie totale et sans restreintes. Parallèlement, placer ses frères à la tête de pays, qui rejoignaient volontairement la France fut une autre erreur, plus conforme aux intentions dynastiques qu’aux idéaux de la gauche. Malgré tout, cette décision n’a pas été vraiment impopulaire, jusqu’à l’imposition de Joseph Bonaparte en 1808, comme roi d’Espagne, en remplacement de la dynastie féodale des Bourbons. Par la suite, Napoléon a, lui-même, déclaré que l’une de ses plus grandes erreurs avait été de réintroduire à la même époque, les rangs de la noblesse. Ces trois critiques formulées ici, quant à la gouvernance de Napoléon sont évidemment toutes liées à la restauration des privilèges des élites et de l’oligarchie héréditaire, cependant il serait inexact et injuste de ne pas souligner que cette tendance s’est manifestée deux décennies après le succès spectaculaire de la carrière révolutionnaire de Napoléon !
La vision de Napoléon de la Révolution française était-elle celle de la gauche de la Révolution, incarnée par Robespierre et les Jacobins ? Non, mais qualifier un soldat révolutionnaire comme Napoléon Bonaparte de « non-révolutionnaire » parce qu’il n’était pas complètement à la gauche du spectre révolutionnaire revient à dire de manière absurde qu’il n’existe pas de « spectre politique révolutionnaire ». C’est dire que le « spectre politique révolutionnaire » est le même que le « spectre politique » typique, non révolutionnaire. Ce qui est totalement erroné, c’est exciser de façon antidémocratique non seulement les points de vue révolutionnaires de ses millions de camarades, mais aussi de la majorité démocratique de son temps. Ce qui est certain, c’est qu’il ne révèle essentiellement aucune expérience de première main d’une quelconque révolution réelle, car une telle vision de la révolution est d’un pur idéalisme.
En déformant l’image de Napoléon, les élites d’aujourd’hui peuvent ainsi maintenir l’enterrement des idéaux de 1789. C’est un peu comme si on ne parlait que du « gros Elvis » à propos d’Elvis Presley et jamais du roi du rock and roll qui a secoué le monde.
Remettre d’actualité la politique initiale de Napoléon est la clé pour maintenir en vie la Révolution française de1789 et continuer à mettre en œuvre ses idéaux les plus progressistes et les plus gauchistes.
Il est tout simplement stupéfiant que la gauche ne trouve pas tant à embrasser dans Napoléon Bonaparte.
Avant la Révolution, Napoléon, issu de la petit noblesse Corse, comptait alors parmi les 2 % les plus riches de France ; bien qu’être petit noble dans la Corse pauvre, c’était plus avoir un titre, et relativement moins de biens, en comparaison avec la noblesse bourguignonne, par exemple. Lorsque la moitié des nobles français s’est exilée à la suite de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Napoléon faisait alors, déjà partie des 1 % les plus aisés. Malgré son rang social, Napoléon Bonaparte, comme Mao, Castro et d’autres, fut, lui aussi, un autre héros de gauche qui a rejeté la vision dominante de sa classe d’élite.
Napoléon a grandi dans le sillage de la répression du mouvement d’indépendance de la Corse. La République corse (1755-69) comprenait alors une constitution libérale et incroyablement progressiste, avec, entre autres, l’introduction du suffrage féminin et s’imposait comme la toute première application pratique et politique des idées modernes d’hommes éclairés comme Voltaire et Rousseau. La France, en prenant le contrôle de l’île, avait déjà marqué une grande amélioration par rapport à Gênes, son prédécesseur. Dès les tous débuts de la Révolution française, Napoléon la considère déjà, comme source d’encore plus de progrès pour la Corse. Napoléon a donc été l’un des tout premiers « étrangers » (il est né peu après la prise de contrôle de l’île par la France, et était donc véritablement français) à chercher à être dominé non pas par la France, mais par les idéaux de la Révolution française.
Au fil des années 1790, Napoléon a été manifestement soumis à de multiples contrôles par les principaux acteurs de la Révolution. En 1793, Napoléon est ami avec nul autre qu’Augustin Robespierre, le frère de Maximilien Robespierre »l’Irréprochable », qui n’aurait pas manqué de flairer quelqu’un qui n’était pas attaché aux idéaux de 1789. Lorsque les frères sont exécutés en 1794, marquant la fin de l’ère jacobine de gauche et le début de l’ère du Directoire (1794-99), le Directoire a essayé de faire démissionner Napoléon, en le rétrogradant dans l’infanterie.
Heureusement pour le Directoire, Napoléon refuse de partir. A Paris, le 5 octobre 1795, il allait sauver la Révolution d’une révolte royaliste majeure en utilisant ce qui était le fondement incontestable de son génie militaire : sa connaissance de la nouvelle technologie de l’artillerie.
Napoléon est devenu un héros national, et la Direction le fait espionner afin de s’assurer qu’il n’était pas un danger. Le général, chargé de l’espionnage, répond alors à la Direction : « C’est une erreur de penser qu’il est un homme de parti. Il n’appartient ni aux royalistes, qui le calomnient, ni aux anarchistes, qu’il déteste. Il n’a qu’un seul guide, la Constitution. « Les faits : Robespierre était tout sauf un anarchiste, et être constitutionnaliste en Europe en 1796 faisait de lui, un révolutionnaire. Si l’on fait abstraction de cela, en résulteront inévitablement des perceptions historiques erronées, et des malentendus sur notre époque.
La confiance renouvelée, le Directoire confie à Napoléon le commandement de l’armée des Alpes. Il commence par faire immédiatement passer deux de ses soldats en cour martiale pour avoir crié « Vive le roi ».
Bien sûr, les Italiens et d’autres ont embrassé la révolution, proposée par l’armée paysanne française ! Dans les pays libérés, nous retrouvons les mêmes actions des révolutionnaires français : les droits féodaux et les dîmes sont abolis, les Juifs ne sont pas obligés de porter l’étoile de David et les musulmans ne sont plus des citoyens de seconde classe, les premiers journaux non censurés sont autorisés à ouvrir, l’esclavage est aboli, les premières constitutions sont légalisées. Gardez tout cela à l’esprit la prochaine fois que vous lirez que Napoléon a « asservi l’Europe », de tels retournements de la réalité ne sont utilisés que pour les vrais grands leaders de gauche. Les Français était si populaire que les anciens États pontificaux ont demandé à rejoindre la nouvelle République cisalpine. « Dans les pays annexés, l’enseignement a été autorisé à conserver son identité propre ; le français n’est pas devenu une deuxième langue obligatoire, il n’y a eu aucune tentative de détruire l’âme des provinces conquises », écrit Tulard. La Révolution française, elle-même intensément patriotique, a encouragé le patriotisme ailleurs. C’est ce qu’on appelle le « nationalisme » et c’est, en partie, la raison pour laquelle les Français ont été finalement et ironiquement chassés des pays annexés.
L’individualisme forcené, inhérent à la démocratie libérale occidentale, veut parler du génie militaire de Napoléon dans des choses comme l’émission d’ordres de flancs audacieux. C’est insensé : Nous pouvons choisir soit de créditer le génie militaire de Napoléon pour avoir fait quelque chose sans précédent : prendre un pont d’assaut sous les flammes, soit de créditer l’inspiration révolutionnaire des troupes qui l’ont pris l’assaut. La capacité de Napoléon à inspirer (bien connue, et réelle) n’est pourtant pas la même que le zèle inspiré par les principes révolutionnaires.
Le biographe de Napoléon, Vincent Cronin, écrit dans Napoléon Bonaparte : An Intimate Biography : « En analysant les raisons pour lesquelles Napoléon a gagné des batailles en Italie, on analyse également les raisons pour lesquelles il est toujours, ou presque toujours, sorti victorieux d’un champ de bataille. Sa première qualité était la discipline. Napoléon, avec ses ancêtres juristes, était un grand partisan de la loi et de l’ordre. Il insistait pour que les officiers délivrent un reçu pour toute réquisition, qu’il s’agisse d’une boîte de bougies ou d’un sac de farine. … Dans une lettre après l’autre, il condamnait les pratiques brutales des fournisseurs de l’armée…. Napoléon est impitoyable envers ces hommes et lorsque l’un d’eux lui fait cadeau de chevaux de selle de qualité, espérant que cela lui fera fermer les yeux sur les détournements de fonds, Napoléon s’emporte : ‘Faites-le arrêter. Emprisonnez-le pour six mois. Il nous doit 500.000 écus d’impôts.’ » Nous voyons ici la légitimité morale qui lui a valu des partisans dans l’armée, et cela vaut mieux que de donner des ordres de flancs audacieux.
La campagne d’Égypte: Après avoir examiné et abandonné l’idée d’envahir l’Angleterre, l’invasion de l’Égypte était le meilleur moyen de frapper l’Angleterre toujours antirévolutionnaire, et non un simple aventurisme. Napoléon a lu le Coran sur le chemin de l’Égypte et l’a déclaré « sublime« . Il fut assez inspiré pour dire dans sa première déclaration : « Cadis, cheiks, imams, dites au peuple que nous aussi, nous sommes de vrais musulmans ». La Révolution française était de portée universelle, comme l’Islam, et Napoléon ne croyait pas au trinitarisme du catholicisme romain, tout comme l’Islam. Les muftis trouvaient que Napoléon était sincère en tant que personne, mais qu’il n’était pas réellement disposé à devenir musulman. Ils ont alors proclamé Napoléon comme messager de Dieu et ami du Prophète. Avec ses idéaux et ses actions humanitaires, et l’appui du célèbre corps scientifique, sa campagne diffère radicalement de l’invasion impérialiste de l’Algérie par la France en 1830.
En août 1799, il reçoit les premières nouvelles d’Europe (en raison du blocus britannique) indiquant que la Deuxième Guerre européenne contre la Révolution française a démarré et que les forces françaises sont en train de s’effondrer : Les forces russo-anglaises aux Pays-Bas (qui ont rejoint la Révolution de leur plein gré), les forces austro-russes en Suisse (qui ont également rejoint la Révolution de leur plein gré) et en Italie (qui ont également rejoint la Révolution de leur plein gré), les forces turco-russes à Corfou, en Grèce. Certains disent que Napoléon s’est mêlé de tout cela pour sa gloire personnelle, d’autres moins cyniques, pour sauver la Révolution,
Napoléon a conclu une alliance politique avec nul autre que l’abbé Emmanuel Sieyès, le même « abbé Sieyès » dont le manifeste de 1789 Qu’est-ce que le Tiers-État est devenu le manifeste de la Révolution française et le fondement littéral de l’entrée de la classe inférieure en politique. (Le pamphlet commence, de façon célèbre : « Qu’est-ce que le tiers état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’ici dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? A être quelque chose. »). Toujours pas assez à gauche pour certains, cependant… ?
Le principe indubitablement révolutionnaire du constitutionnalisme sur lequel reposait Napoléon se reflète dans l’affiche apposée après sa participation au coup d’État de 1799 (Coup du 18 Brumaire) et le début de l’ère du Consulat (1799-1804) : » ILS ONT AGI DE TELLE MANIÈRE qu’il n’y a plus de Constitution. »
Le constitutionnalisme était-il la seule revendication de la Révolution française de 1789-1799 ? Non, elle était à la fois révolutionnaire et « médiane ». Napoléon ne s’est jamais rangé du côté des royalistes, ce qui aurait été une trahison indéniable de la Révolution, ni du côté des Jacobins, ni du côté de leurs exécuteurs, les Thermidoriens, moins gauchistes, qui dirigeaient le Directoire à cinq (dont l’un demandait 12 millions de francs pour restaurer les Bourbons). Au lieu de cela, Napoléon s’est placé au-dessus de la politique des partis et aux côtés du concept de constitutionnalisme qui, avec ses défenses militaires répétées de la France et de la Révolution, lui a valu la reconnaissance populaire. Bien entendu, Napoléon adhère à de nombreux autres idéaux politiques fondamentaux de la Révolution : la fin du féodalisme, la fin de la monarchie absolue, le partage des terres communes, l’égalité civile, la suppression des dîmes et des droits seigneuriaux et la nationalisation des biens de l’Église catholique romaine. Ce qu’il est essentiel de reconnaître, c’est que les aspects sociaux de la révolution comme l’éducation gratuite, les soins de santé, l’alimentation, n’ont été que très peu discutés avant 1796, par le héros de la gauche : Gracchus Babeuf, l’héritier de la gauche Robespierriste. Reprocher à Napoléon de ne pas avoir exigé la gratuité de l’enseignement pour les masses, c’est oublier que ces questions sociales n’en étaient qu’aux balbutiements de l’expression politique et qu’elles étaient certainement limitées à l’avant-garde progressiste d’une révolution progressiste sans précédent.
En 1800, son coup d’État et sa constitution ont été, l’un et l’autre, approuvés à une écrasante majorité par des millions de personnes lors d’un vote : un vote totalement inédit en termes d’ampleur, de portée et de progrès politique. Ceux qui choisissent d’ignorer ces votes sont tout simplement en marge de la vérité et partiaux. Le coup d’État s’est également déroulé sans effusion de sang. Napoléon, le prétendu nouveau dictateur, est crédité d’avoir donné à la nouvelle constitution l’idée du suffrage universel masculin, et pas seulement pour les propriétaires immobiliers.
La France a gagné la Deuxième Guerre européenne contre la Révolution française. Enfin, un peu de paix ! Napoléon le général devient Napoléon le fonctionnaire élu. Son énergie administrative est aussi étonnante que son énergie martiale : « Le bœuf a été attelé, maintenant il doit labourer », disait-il.
Napoléon s’est attaché à consolider le meilleur des lois romaines coutumières précédentes et révolutionnaires dans le nouveau Code civil : égalité devant la loi, fin des droits et devoirs féodaux, droit de choisir son travail, inviolabilité de la propriété, droit au divorce et liberté de conscience. Autant d’avancées gauchistes sans précédent.
Le Code civil n’est pas du tout le « Code Napoléon » mais plus exactement le « Code de la Révolution française ». Il fut « un instrument de guerre contre la féodalité« , pour citer Tulard, et son influence est inestimable et mondiale.
Napoléon a mis un frein au brigandage généralisé et pacifié des rébellions qui avaient duré des années. Il ramène la paix en France après une décennie de guerre civile, sans pour autant donner à l’armée une position privilégiée. Il lui interdit même de se mêler des affaires civiles, ce qu’il considère comme une « folie« .
Il a déclaré une amnistie pour les personnes vivant à l’étranger ; ce que tous ceux, qui ont connus personnellement la révolution, savent avoir un effet positif inestimable, avec aussi quelques effets négatifs.
Napoléon met fin à une nouvelle guerre en 1801, lorsque les églises françaises rouvrent enfin leurs portes après la signature du Concordat. Cet accord autorise la nationalisation des terres de l’Église, dont la vente contribuera très largement à la révolution économique. Il assure aussi la liberté de culte en ne déclarant pas le catholicisme romain religion officielle de l’État ; ce qui va permettre à l’État français de payer les salaires des ecclésiastiques et leur assurer un niveau de vie décent. Enfin, Il fait prêter au clergé un serment d’allégeance à l’État et interdit presque tous les monastères, considérés comme parasitaires et inutiles en France, tout en doublant le nombre d’institutions religieuses d’enseignement, jugées très utiles au pays. Même si le pape récemment en place, se rangera finalement du côté des monarchistes contre la Révolution, il ne fait cependant aucun doute que Napoléon a atteint un des objectifs majeurs de la Révolution : neutraliser le pouvoir de l’Église en France.
Par ailleurs, Napoléon ne s’impliquera qu’à deux reprises dans la gouvernance locale des préfets : l’une d’entre elles étant pour empêcher un préfet de forcer les vaccinations. Je vous laisse faire le rapprochement et tirer vos propres conclusions quant à la gestion de l’épidémie de coronavirus de 2020-22.
Sous sa gouvernance, la monnaie n’a jamais dû être dévaluée et le coût de la vie est devenu stable. Il a dépensé plus pour l’éducation que pour toute autre chose et a construit trois grandes routes, des canaux et des ports. Non seulement il a atteint le plein emploi de la population, des prix stables, une balance commerciale positive et une démographie croissante, mais aussi il a présidé à un changement à 180 degrés de l’esprit public après une décennie de violence civile.
Il était donc bien sûr très populaire, car il faisait appliquer les principes de la Révolution française, qui rompait avec la monarchie absolue qui régnait pratiquement partout ailleurs.
En 1802, Napoléon a commis le crime de rendre la Révolution réalisable, pacifique et, pire que tout, attrayante. Une Troisième Coalition est déclarée ; en France, les royalistes continuent à essayer de l’assassiner.
« C’est ainsi que fut mise en avant la nécessité d’établir le pouvoir monarchique en France pour le bien de la paix permanente. Le mot ‘forme’ était essentiel. L’esprit de la Révolution serait respecté mais les apparences extérieures du pouvoir exécutif devraient être modifiées ; il fallait un titre qui s’harmonise avec ceux des autres pays européens », écrit Tulard.
En 1802, il a été élu Consul à vie par 3,5 millions de personnes (contre 0,008 million d’opposants), un événement incroyablement progressiste pour l’époque. Ignorer cela revient à perdre tout le fil et les principes de la Révolution française ! Il est, en effet, compréhensible de perdre ce fil si l’on ignore les attaques constantes contre une révolution, qui n’a jamais été autorisée à évoluer paisiblement.
« Elle fut en fait précipitée par la reprise du conflit avec l’Angleterre (en 1803). … Il y avait plutôt une tendance à accroître son pouvoir afin d’assurer la défense du pays. Une dictature de la sécurité publique était nécessaire. Comment la confier à un autre que Bonaparte ? C’est à ce moment que les royalistes choisirent inopportunément de renouveler leur complot…. Les révolutionnaires voyaient dans la consolidation du pouvoir du Premier Consul… le seul rempart contre les tentatives de restauration de la monarchie. »
Cette nomination à vie en 1802 a consterné bon nombre de républicains et beaucoup de gauchistes ont décrié la fin de la Révolution. Au lieu de qualifier cette période de » despotisme « , il serait cependant plus juste de parler de » despotisme élu « . C’est un paradoxe, c’est révolutionnaire, c’est provoqué par une agression étrangère, c’est meilleur que partout autour. C’est, bien sûr, un empereur et un empire mais qui, malgré tout, restent toujours dans l’esprit de la gauche ! « Il semblait surtout être le moyen le plus sûr de maintenir un gouvernement stable mettant fin aux intrigues et aux complots. Il ne s’agit en aucun cas de l’acceptation d’une dynastie de type Bourbon. L’Empire est avant tout une dictature de la sécurité publique, destinée à préserver les acquis de la Révolution.” Encore une fois, cette réflexion vient de Tulard qui, bien que pas spécialement pro-Napoléon, comprend réellement l’histoire de son pays.
À ce stade, Napoléon n’a toujours pas trahi sérieusement la révolution ! Dans un geste dument réfléchi et précédé par de nombreuses discussions, il a pris la couronne d’empereur des mains du Pape lors d’un couronnement public (une autre première), montrant que c’est le peuple qui l’a couronné, et personne d’autre. Tout cela est très différent du droit divin et théocratique des rois, sur lequel la Prusse, la Russie, l’Autriche et bien d’autres monarchies continueront d’insister sous une forme totalement autocratique jusqu’en 1914.
Et puis, si l’empereur de la Révolution française avait vraiment été un empereur traditionnel, qui ne posait, de ce fait, aucune menace idéologique, pourquoi aurait-il provoqué l’arrêt des Guerres Européennes à l’encontre de la Révolution française ? La réponse semble évidente, a ceux qui veulent rester objectifs.
En 1806, la Quatrième Coalition voit la Prusse et la Russie attaquer. La France gagne à nouveau, contraignant la Prusse à renoncer enfin au servage.
En 1808, la révolte populaire contre le roi d’Espagne lors du « Tumulte d’Aranjuez », qui est encore célébré aujourd’hui, met fin à la dynastie des Bourbons. Le renversement des Bourbons, et l’accueil des nouveaux idéaux de la Révolution française, ont permis alors à l’Amérique latine de gagner son indépendance. L’esprit de la Révolution française s’étend au Nouveau Monde, suivant d’autres pays, parmi les plus anciens de l’Ancien Monde. Entre autres, rappelons la fondation de l’Egypte moderne en 1805 par Mohammad Ali, après la victoire de la France sur les Mamelouks.
C’est là que les choses commencent à mal tourner : l’Espagne de 1808 n’en est toujours pas au point de la France de 1789. La preuve en est : qu’après 1815, l’Espagne est le seul endroit où le féodalisme sera réellement restauré. Les guérillas espagnoles qui s’abat sur la France (1897-14), même si la France avait été soutenue par les progressistes espagnols, abolit l’Inquisition et met fin aux droits féodaux en Espagne.
La guerre en Espagne coïncide avec le moment où Napoléon commence à laisser son statut d’empereur lui monter à la tête et à penser davantage au maintien de sa dynastie qu’à la Révolution. La France reste néanmoins au cœur de ses pensées et il est conscient que le blocus continental contre l’Angleterre aurait ruiné la France…alors que celle-ci combattait sur d’autres fronts en Espagne et en Russie. Il faut aussi se souvenir que La Révolution française était toujours attaquée de toutes parts par les autocrates, et que cela a conditionné grandement les choix possibles. Après quelques années, le Blocus continental se transforme en impérialisme économique pro-français. La campagne d’Espagne, le blocus continental et le maintien de sa propre dynastie : voici les trois principales erreurs commises par Napoléon. Cependant, celles-ci ne lui font pas mériter cette caricature permanente d’ »Ogre », car deux d’entre elles sont, avant tout, de réelles luttes contre l’autocratie.
Cinquième Coalition de 1809 a vu le dernier combat des détestables Habsbourg, l’arrivée d’énormes guerres d’usure modernes, des armées conscrites et la croissance des mouvements nationalistes que la France révolutionnaire avait expressément encouragés.
Le tsar Alexandre refusant de permettre à Napoléon de se marier avec la famille royale, il se marie donc avec les Habsbourg à la place. Le mariage ne cimente cependant pas une alliance pour la paix, pourtant l’objectif initial, car la royauté autrichienne, tout comme l’odieux Metternich, est non seulement raciste et teutonne, mais aussi parfaitement consciente que la France représente un changement révolutionnaire, incompatible avec l’autocratie. C’est à Metternich (qui a pris le relais du Français Talleyrand en tant que politicien le plus épouvantable et le plus éhonté de sa génération), que l’on doit le thème de propagande « Napoléon, l’ambition personnelle personnifiée ».
La France envahit la Russie parce que Moscou refuse de mettre fin à ses menaces à l’encontre de la révolution ; Ce sera d’abord la Russie, puis l’Angleterre, puis la paix, enfin, tel est le plan.
Pourquoi donc la Révolution française n’a-t-elle pas libéré les serfs ? Il est certain que les gauchistes d’aujourd’hui auraient davantage acclamé Napoléon. Lui reprocher c’est, cependant, oublier que si l’objectif de l’invasion française en Russie était de forcer le tsar à accepter la paix en vue de la Révolution française, il savait qu’il n’y aurait jamais eu de paix, si les serfs avaient été libérés. Napoléon a lui-même dit qu’ »Ils voulaient que je libère les serfs. J’ai refusé. Ils auraient massacré tout le monde ; cela aurait été épouvantable. J’ai fait la guerre au tsar Alexandre selon les règles ; qui aurait cru qu’ils brûleraient le Moscou ?” La France essayait déjà d’administrer les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse et d’autres endroits ; comment pouvait-elle raisonnablement envisager d’administrer l’immense Russie, en plus ?
En effet, qui aurait pu deviner qu’afin de combattre Napoléon, le tsar s’en prendrait à ses propres peuples et les réduirait en cendres avec la tactique de la terre brûlée, quand bien même « elle n’était appliquée qu’accidentellement par les quartiers généraux»(selon Clausewitz). Clamer que les monarques esclavagistes ont vaincu Napoléon, c’est aussi se moquer des serfs russes, en sous entendant que leurs sacrifices étaient justes et acceptés de plein gré, sans manipulation extérieure. En réaction à ce mépris de leurs souffrances, les serfs russes prendront leur revanche sur ces gestionnaires malavisés et brutaux, un siècle plus tard.
Rappelons qu’à cette époque, Napoléon gardait 250 000 soldats aguerris en Espagne. Il a dit aussi que ses deux principales erreurs tactiques avaient été de ne pas passer l’hiver à Vitebsk, en Biélorussie, et d’aller plutôt en Pologne. Il ne tient pas compte de l’option initiale : rester à Moscou, qui disposait d’une grande quantité de fournitures abandonnées par les nobles. La seconde était d’essayer d’obtenir la paix des monarchistes russes, qui n’ont jamais voulu la paix, comme tous les monarchistes. « Je pensais que je devais pouvoir faire la paix, et que les Russes en étaient impatients. J’ai été trompé et je me suis trompé moi-même. “
Après la désastreuse retraite, les monarques d’Europe se sont jetés immédiatement sur la France révolutionnaire en 1813 avec la Sixième Coalition, premier coup dur pour la Révolution française après vingt ans d’efforts. Non loin de Paris, Napoléon décide de mourir au combat pour transmettre le trône à son fils. Cependant, il ne sera pas tué, bien jeté corps et âme au cœur de la bataille, là où le feu était le plus dense et que son uniforme ait été déchiré par les balles.
La chute de Paris a été choquante : Paris, qui n’avait pas vu d’envahisseur étranger depuis Jeanne d’Arc 400 ans plus tôt, est tombé de façon spectaculaire sans même une journée entière de combat. Les nobles re-propétrés avaient répandu le défaitisme, payé pour la subversion et s’étaient entendus pour faire reculer la Révolution française, qu’ils haïssaient bien sûr toujours. N’oublions pas que le royalisme jouera encore un rôle majeur dans la politique française pendant 65 ans.
Après des décennies de combat, non seulement ses maréchaux étaient vieux et usés, mais la génération révolutionnaire originale l’était aussi. Ce dont Napoléon avait besoin c’était d’une révolution culturelle pour rafraîchir les idéaux de la Révolution française, mais une telle chose n’avait pas encore été inventée. Une telle idée de gauche aurait conduit à une nouvelle guerre civile, alors que la France n’avait réussi à mettre fin à sa guerre civile qu’avec le modéré Napoléon, adoptant de nombreuses formes de monarchisme.
En 1815 Napoleon, déporté à l’île d’Elbe, en revient célèbre. Lorsque les Français réalisent que les Bourbons veulent ramener l’horloge à 1788, cela a l’effet immédiat d’une révolution culturelle, ravivant la vitalité des idéaux de la Révolution française. Napoléon débarque et en bon patriote anti-guerre civile, défie le peuple de tirer sur lui et sur lui seul, Il est ensuite littéralement porté jusqu’à Paris par les paysans et le prolétariat urbain (l’armée ne se ralliera à lui que plus tard) et est acclamé comme un héros. Grace a lui, et a la seule vue de son fameux pardessus et de son chapeau bicorne, le bain de sang est finalement évité pour laisser place a cet évènement incroyable et pacifique, que seul un gauchiste, un homme du peuple, était en mesure de provoquer !.
Les Bourbons se sont enfuis, bien sûr. L’ »Acte additionnel » est ajouté à la Constitution, qui ajoute des freins au pouvoir de Napoléon, accorde une liberté d’expression totale, un collège électoral élargi (Napoléon supervise à nouveau un élargissement de la démocratie), le droit d’élire des maires dans les villes de moins de 5 000 habitants et le jugement par jury. Tout ceci est approuvé par 1,6 million d’électeurs. Il faudra attendre 1867 pour que le corps électoral de la Grande-Bretagne atteigne ce niveau d’approbation.
La France avait surtout besoin d’une période de paix pour consolider ces changements ; l’aura de Napoléon n’était plus la même, les idées libérales s’enracinaient davantage et la France avait pris conscience du fait que sa révolution était puissante mais pas invincible. Ils ont presque réussi : Wellington déclare que Waterloo est « la chose la plus proche que vous ayez jamais vue dans votre vie« , mais au lieu d’anéantir Wellington le lendemain, Napoléon passe la matinée à visiter les blessés – Napoléon le rapide est devenu un vieux soldat sentimental. La Coalition refuse de faire la paix, bien sûr. Au lieu de dissoudre l’Assemblée nationale, comme l’aurait fait un dictateur, il lui fait confiance et demande les pleins pouvoirs : ils disent à Napoléon d’abdiquer ou d’être déposé.
Le vote rend furieux les autocrates royalistes de tout le continent, qui décident une fois de plus, de renverser immédiatement la volonté démocratique progressive de la France, Dans ce but, Metternich se met alors à répandre insidieusement la propagande que Napoléon est « l’ambition personnifiée », rejetant la paix à tout prix.
Maintenant, la Révolution française est vraiment terminée. Il faudra attendre 33 ans pour qu’il y ait un autre vote pour le pouvoir exécutif.
Comme Napoléon et les Français l’avaient prévenu depuis des décennies, l’horloge a été remontée en arrière dans toute l’Europe : La Pologne est rayée de la carte par la Russie et la Prusse, les Habsbourg en Italie du Nord, les Bourbons à Naples et en Espagne. Le pape Pie VII rétablit l’Inquisition et les ghettos juifs, et l’Angleterre répond aux appels à la réforme parlementaire avec le massacre de Peterloo. Partout sévit une contre-révolution vicieuse. La censure imposée par Metternich est totale, avec des espions partout. L’Europe est redevenue un véritable État policier au profit des monarques et des aristocrates… comme auparavant. La Révolution française est vraiment terminée parce qu’une oligarchie monarchique a conspiré pour l’arrêter.
En 1821, Détenu odieusement par la Grande-Bretagne sur l’île de Sainte-Hélène, Napoléon meurt d’un cancer de l’estomac, comme son père, à l’âge de 51 ans. Ses derniers mots : « France, Armée, Chef de l’armée, Joséphine« .
Ils (Qui ? Quoi ?) agissent comme si Napoléon faisait la guerre aux peuples d’Europe, plutôt qu’aux autocrates d’Europe ?
Ils agissent comme s’il avait gagné sa royauté par la naissance, le mariage ou la violence, plutôt que par le vote ?
Ils agissent comme si son administration était marquée par la corruption plutôt que par des idées révolutionnaires, le progrès et l’unité nationale ?
Bah… les détracteurs de Napoléon – que peut-on faire ?
Dénigrer Napoléon Bonaparte, c’est aussi dénigrer la Révolution française et c’est pourquoi il mérite le plus long chapitre de ce livre. Les deux ne sont pas synonymes, comme Napoléon l’a prétendu un jour – mais maintenant, je pense, vous savez ce qu’il voulait dire.
En 1823, ses mémoires, The Memorial of Saint Helena, deviendront le livre le plus vendu du XIXe siècle, façonnant la vision du monde de plusieurs générations.
Il est vraiment étonnant de constater le peu de choses, qui portent le nom de Napoléon en France. Cependant, son étonnant tombeau aux Invalides n’est pas, et heureusement, un sanctuaire militaire, mais un monument dédié à ses dix plus grandes réalisations, en tant que politicien révolutionnaire national. Il est, d’ailleurs, vraiment étonnant de comparer la vision négative que beaucoup ont de Napoléon avec les dix avancées politiques progressistes, gravées dans le marbre aux Invalides.
La critique gauchiste courante selon laquelle Napoléon Bonaparte a utilisé la guerre étrangère pour liquider la révolution, le conflit intérieur et la lutte des classes, ignore complètement le fait que les sept Guerres européennes contre la Révolution française n’ont pas été initiées par la France.
La critique qui met sur un pied d’égalité Bonaparte et Bourbon, les qualifiant de deux systèmes absolutistes, ignore les votes historiques du premier, les constitutions et la qualité de la gouvernance. Elle ignore aussi totalement les acquis des paysans issus de la fin du féodalisme par la Révolution française.
L’affirmation selon laquelle la Révolution française était « impérialiste » ignore totalement le fait que la Révolution française n’était même pas seulement « française » :L’Italie, les Pays-Bas, la Suisse, la Belgique – ce ne sont que les pays où les gens ont pu rejoindre la Révolution, et certainement beaucoup d’autres ont voulu le faire.
Toutes les grandes révolutions sont toujours externalisées : les idées ne connaissent pas de frontières nationales. La révolution iranienne de 1979, par exemple, s’est à la fois répandue et a fait partie d’une idée qui s’est propagée ailleurs. En 1978, la révolution Saur en Afghanistan a créé le parti socialiste démocratique populaire d’Afghanistan. Puis en 1979, la Grande Mosquée de La Mecque a été assiégée pendant deux mois pour s’opposer à la monarchie de la Maison des Saoud. En 1982, Saddam Hussein a commis le massacre du parti islamique Dawa, crime pour lequel il sera finalement condamné à mort. Quel est l’impact de la révolution iranienne de 1979 dans tout cela, et qui peut le dire avec une totale précision ? Quant à la France, Haïti, la République cisalpine, la République Batavienne (Pays-Bas 1795-1806), voire les États-Unis et la Ligue des Iroquois ; où donc se situe la France de 1789, précisément ? Ce qui différencie la France et l’Iran, c’est que leurs révolutions ont réussi et duré, et qu’il faut donc les célébrer et en tirer les leçons.
Dans une citation de Trotsky, Napoléon Bonaparte représentait la « jeunesse impétueuse de la bourgeoisie« . Bien que « bourgeoise »,nous devons donc considérer la victoire de la « jeunesse impétueuse de Bonaparte, aussi comme une victoire pour le peuple, parce qu’elle était la seule possible et durable durant cette terrible ère autocratique – les droits libéraux pour lesquels 1789 s’est battu étaient des avancées ; les droits bourgeois étaient des avancées ; les paysans, et non les nobles, obtenant des terres ne devraient pas être tournés en dérision comme une « révolution bourgeoise » mais étaient des avancées. C’est l’aveuglement total de l’Occident concernant le mal social de la monarchie, qui est le seul critère de comparaison précis auquel Napoléon et la Révolution française peuvent être comparés : leurs pairs – qui les aveugle à la vérité historique évidente.
On peut s’attendre à ce que la droite dépeigne mal Napoléon, mais ce que la gauche semble ignorer et que tous les historiens finissent par admettre : c’est que la masse du peuple, représentée par les paysans et la classe ouvrière, a voulu, élu et réélu Napoléon Bonaparte comme chef de la Révolution française. Cela fait de Napoléon Bonaparte un pair de Lénine, Staline, Mao, Castro, Khomeini, etc.
Du fait qu’il était réellement un vrai gauchiste bien-aimé du peuple, nous saisissons mieux maintenant le pourquoi de la campagne libérale-démocrate occidentale de dénigrement de l’héritage de Napoléon. Napoléon doit vraiment être réintégré à sa place, parmi les grandes figures de la gauche. Nous ne pouvons pas permettre aux réactionnaires de dire que Napoléon, le personnage dominant de cette époque de 26 ans, ne l’a pas incarné, mais a plutôt incarné sa négation. Quelle absurdité !
Peut-être que le but de ce chapitre, et en particulier pour les camarades gauchistes, est de prouver qu’On peut admirer Robespierre, Danton, Marat et Babeuf, tout en admirant Napoléon. Napoléon doit certainement être réclamé à la bourgeoisie aristocratique d’aujourd’hui – ce chapitre devrait faire comprendre pourquoi ils ne voudront jamais d’un gauchiste comme lui.
Plus que tout autre facteur, gagner la confiance de la masse démocratique explique, comment Napoléon a pu conduire la France à la stabilité en 1799 et au-delà. Les libéraux démocrates occidentaux n’ont jamais été capables, ni de gagner la confiance des masses ni de leur assurer la stabilité. Comme l’a observé de Tocqueville :
« En arrivant au pouvoir, Bonaparte a imposé 25 centimes d’impôt supplémentaires et rien n’est dit. Le peuple ne se retourne pas contre lui ; dans l’ensemble, ce qu’il a fait est populaire. Le Gouvernement provisoire va prendre les mêmes mesures en 1848 et on le maudit aussitôt. Le premier faisait une révolution très désirée, le second en faisait une non désirée. «
Ce qui est indésirable dans toute l’Europe de 1848, c’est le succès des contre-révolutions, refusant de mettre en œuvre les idéaux de 1789. En revanche, ce qui a été rapidement indésirable en France à l’époque, c’est la première mise en œuvre de la démocratie libérale occidentale.
Gardez à l’esprit que ce que je publie maintenant gratuitement est totalement nouveau. Dans le livre actuel, une grande partie du contenu de 2018 jusqu’à l’élection de 2022 sera incluse afin de constituer un dossier historique des Gilets jaunes aussi complet que possible en anglais ou en français. Quelle valeur ! Date du publication: 1 juin, 2022.
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Ramin Mazaheri est le correspondant en chef à Paris pour PressTV et vit en France depuis 2009. Il a été journaliste dans un quotidien aux États-Unis et a effectué des reportages en Iran, à Cuba, en Égypte, en Tunisie, en Corée du Sud et ailleurs. Il est l’auteur de ‘Socialism’s Ignored Success: Iranian Islamic Socialism’ ainsi que de ‘I’ll Ruin Everything You Are: Ending Western Propaganda on Red Chinaqui est également disponible en simplified et traditional en chinois.
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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